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Le Pays N° 5273 du 9/1/2013

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Printemps Arabe : Espoir déçu en Tunisie
Publié le mercredi 9 janvier 2013   |  Le Pays




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La Tunisie célébrait, le 17 décembre, le deuxième anniversaire de la mort de Mohamed Bouazizi. Ce vendeur ambulant s’était immolé par le feu à Sidi Bouzid après avoir été giflé par une policière qui lui confisquait sa marchandise. Cette étincelle avait entraîné la révolution de Jasmin, renversant l’inamovible régime Ben Ali. Elle avait aussi donné le coup d’envoi des Printemps arabes dans toute la région. Printemps qui n’a pas toujours tenu ses promesses… Aujourd’hui, les Tunisiens voudraient goûter aux fruits de leur révolution. Ce lundi, ils ont d’ailleurs à nouveau scandé leur slogan, « Dégage », mais cette fois contre le président Moncef Marzouki, qui n’a pas été accueilli avec un tapis rouge mais avec sifflets et jets de pierre. En marge de ces cérémonies, reportage dans ce lieu symbolique.

Le Printemps arabe n’a pas tenu ses promesses en Tunisie. C’est en tout cas le sentiment général à Sidi Bouzid, à 260 kms au sud de Tunis. « En deux ans, rien n’a changé », se désole Rochdi Horchani, agriculteur et cousin de Mohamed Bouazizi, le vendeur ambulant qui s’était immolé par le feu le 17 décembre 2010. De nombreux habitants ont boudé les cérémonies de commémoration auxquelles ont participé les responsables de la Troïka au pouvoir. Dix organisateurs ont d’ailleurs démissionné pour dénoncer « la mainmise du parti islamiste Ennahda », grand vainqueur des élections du 23 octobre 2011, sur le comité en charge de ces Célébrations de la révolution de Jasmin.

Au ban des accusés, « l’homme tunisien »

« On vit dans les mêmes conditions, on a toujours autant de chômeurs, peut-être même plus. On a les mêmes diplômés sans travail, la même pauvreté. Les causes qui ont amené Mohamed Bouazizi à faire ce geste sont toujours là. C’est peut-être même pire qu’avant. Avec l’instabilité et la hausse des prix, les gens sont davantage en difficulté qu’en 2010, poursuit Rochdi qui ajoute : On a simplement gagné la liberté d’expression. Mais la parole, ça ne suffit pas pour vivre ! ». Youssef Jellali, porte-parole des démissionnaires, s’explique : « On a essayé de trouver un compromis. Nous voulions que tous les courants politiques de Sidi Bouzid soient impliqués dans l’organisation de la commémoration, en premier lieu ceux qui ont activement participé à la révolution. Mais nous sommes déçus. Le directeur du festival est proche d’Ennahda, qui veut s’emparer de tout, alors qu’il n’a pas participé à la révolution ! ». De son côté, le parti Ennahda affirme être à l’écoute des régions déshéritées de la Tunisie de l’intérieur. Il assure avoir rompu avec la politique de Zine el-Abidine Ben Ali qui avait concentré les investissements sur les régions côtières, vitrines de la Tunisie. Un demi-milliard d’euros a été débloqué pour résorber les disparités régionales, soutient Ferjani Doghmane, membre du parti Ennahda et président de la commission des Finances de l’Assemblée constituante. Selon lui, le gouvernement n’est pas responsable du retard pris par la mise en œuvre des programmes de développement. Au ban des accusés, l’homme tunisien qui n’est pas assez rentré dans le monde du travail. « Les chantiers ont été entravés par des sit-in et des grèves. Le gouvernement souhaite relever le défi du développement, mais ses projets sont bloqués. Le blocage provient certainement du Tunisien, car la valeur travail n’a pas sa place dans le comportement du Tunisien. Il faut regarder les choses en face. Il y a des gens qui réclament une indemnité mensuelle sans travailler, c’est la politique de l’assistanat ! ».

Une administration sous la coupe d’Ennahda

Ces explications ne devraient pas apaiser les tensions qui ont secoué ces derniers mois Kasserine, Gafsa, Siliana et Le Kef. Dans ces villes déshéritées, les mécontents réclament d’urgence des investissements publics et de meilleures infrastructures. Les tensions se cristallisent souvent aussi autour de la personnalité de certains gouverneurs, souvent proches d’Ennahda. C’était le cas à Sidi Bouzid et à Siliana, où les habitants sont descendus dans la rue durant une semaine au début de ce mois. Les rassemblements ont été réprimés dans le sang. Selon Mahmoud Ben Romdhane, économiste et proche du parti d’opposition Nida Tunes, les administrations locales sous la coupe d’Ennahda sont responsables de l’échec des projets de développement. « Ce qui intéresse le parti, c’est de se partager le butin, se partager la Tunisie, accuse Mahmoud Ben Romdhane. Le nouveau gouvernement, poursuit-il, a nommé des gouverneurs qui lui sont dévoués. Les administrations locales ont été décapitées. Les responsables précédents, qui étaient compétents, ont été renvoyés. Ils ont été remplacés par des hommes au service du gouvernement qui sont des incompétents notoires. Résultat, la capacité de mise en œuvre de la nouvelle administration s’est détériorée, de sorte que même les projets publics accusent d’importants retards ». Les agences de notation ont récemment dégradé la note de la Tunisie en raison de l’instabilité dans le pays qui souffre d’une mauvaise réputation du fait des débordements de groupes salafistes violents. Surtout, le processus de transition est en panne. Or pour nombre d’experts, il est essentiel que le pays se dote d’institutions solides pour que les investisseurs et les touristes reviennent en masse en Tunisie.

Nicolas Champeaux (MFI)

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