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«La SONABHY est solidaire de la baisse de 25 FCFA du prix à la pompe»
Publié le mercredi 21 janvier 2015  |  Sidwaya
Hydrocarbures
© Autre presse par DR
Hydrocarbures : La SONABHY s’octroie 10% du capital d’Octogone au Bénin




Baisse du prix à la pompe de 25 F ; dette colossale de 100 milliards ; subvention de l’Etat ; pénurie de gaz ; chute du cours du baril de pétrole, le nouveau directeur général de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (SONABHY) avoue une situation stressante. S’il défend l’impérieuse nécessité d’assurer l’approvisionnement du Burkina Faso en produits pétroliers, Gambetta Aboucar Nacro n’en est pas moins solidaire de la décision gouvernementale. Entretien.

Sidwaya (S.) : Cela fait quelques semaines que vous avez pris fonction à la tête de la SONABHY. Comment vous sentez-vous dans vos nouvelles fonctions ?


Gambetta Aboubacar Nacro (G.A.N.) : Bien, quoique parfois un peu stressé par les exigences légitimes des consommateurs et face à la nécessité de communiquer de manière à rétablir la confiance des consommateurs que nous semblions avoir perdu.


S. : Dans quelle situation financière vous a-t-on légué la société ?


G.A.N. : La SONABHY est rentable, il y a de fortes chances qu’au bilan 2014, la SONABHY sorte avec un résultat net positif. Mais, elle n’a pas de liquidités dans ses caisses. Car elle peut vendre et ne pas récupérer tout de suite l’argent qu’on lui doit. Par exemple, lorsqu’elle vend sur quelques mois des produits à la SONABEL pour 40 milliards F CFA environ, c’est un produit mais celui-ci n’a pas été encaissé. Ce montant impacte le résultat sans être du cash pour la société. Alors que «le cash est roi», c’est lui qui permet de faire des achats. Mais en même temps, la SONABHY n’est pas à sec, elle est juste endettée. Comme l’Etat et la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL) doivent à la SONABHY, elle, de son côté, continue de s’endetter auprès des banques notamment. Elle paie des frais de l’ordre de 5 milliards F CFA. Ces frais auraient pu être investis dans des œuvres sociales au bénéfice de l’ensemble de la nation.


S. : Selon vous, comment la société peut-elle sortir de ce cercle vicieux de l’endettement ?

G.A.N. : Nous avions pensé à court terme que le maintien des prix pendant quelques mois aurait permis d’atténuer les pertes et donner plus de trésorerie pour que la SONABHY puisse fonctionner aisément. Mais l’Etat a concédé une baisse de 25 F CFA sur le litre des produits tels que le super, le gasoil. L’alternative pour la SONABHY est d’insister auprès de l’Etat à lui reverser la subvention (plus de 50 milliards de F CFA). Si rien n’est fait, la situation financière va se dégrader. A défaut, nous pouvons nous tourner vers les banques jusqu’à ce que celles-ci ne puissent plus nous accompagner.


S. : Au regard de la baisse du cours du baril, l’opinion publique réclamait la baisse finalement consentie des prix à la pompe alors que dans le même temps la SONABHY plaidait pour leur maintien à 732 F CFA. Pourquoi ?


G.A.N. : En tant que consommateurs, nous souhaitons bien voir les prix à la pompe bas. Cependant, la SONABHY en tant que personne morale a voulu être en phase avec elle-même du fait de ses soucis de trésorerie. Quand une entreprise d’Etat comme la SONABHY manque de liquidités et comprend que l’Etat peut avoir des difficultés dans le court terme pour payer ses dettes, je pense qu'il est légitime que la société puisse souhaiter que les prix à la pompe restent stables un certain moment pour limiter les pertes enregistrées en 2014. Nous avons formulé ce souhait afin que la SONABHY demeure capable d’assurer la régularité de l’approvisionnement du Burkina Faso. Nous avions précisé que nous n’étions pas les décideurs et donc que nous nous adapterons à la décision qui sera prise. Ce qui est certain, c’est que nous prenons simplement acte de ce qui est décidé et nous sommes totalement solidaires avec ce qu’il a plu au gouvernement de décider. Nous allons continuer à développer des initiatives dans les limites de nos intelligences et compétences pour assurer l’approvisionnement du pays.


S. : La pénurie de gaz fait actuellement des gorges chaudes. Comment expliquez-vous cette situation ?


G.A.N. : Nous n’avons pas de problème de pénurie de gaz dans nos sphères et au niveau de nos dépôts côtiers. En fin 2014, nous avions par contre évoqué des difficultés pour charger les bouteilles telles que le marché le demandait. Nous avons donc pris des mesures en recrutant rapidement du personnel, en faisant en sorte que nos ouvriers puissent travailler 7jours /7 et 24h/24 et obtenant l’autorisation de la douane pour ravitailler nos distributeurs en dehors des heures de service et durant le week-end. Toutes ces mesures ont porté des fruits au niveau de certains réseaux. C’est avec tristesse que nous avons constaté également qu’au niveau d’autres postes de distribution, nous avons encore de longues files d’attente. En principe, les mesures suscitées devaient entraîner un changement notable sur le marché. Dans la situation actuelle ; nous soupçonnons fortement une rétention des bouteilles que nous chargeons à des fins de spéculation. Il n’est pas non plus exclu que des bouteilles de gaz chargées au Burkina Faso et subventionnées par le gouvernement soient revendues dans les pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Mali, le Bénin. Dans ces pays, la bouteille coûte une fois et demie plus cher. Nous espérons que les contrôles entrepris par les services de l’Etat pourront certainement permettre d’apporter des preuves à ces suspicions. En tout cas, je tiens à rassurer les consommateurs que la SONABHY est attentive à la pénurie, qu’elle a fait le maximum pour en venir à bout. Du reste, elle continue de réfléchir à des alternatives pour que cette tension de gaz butane qui fatigue tout le monde puisse prendre fin le plus vite possible.


S. : Justement, quelles sont les alternatives pour régler une fois pour toute cette question de pénurie de gaz ?


G.A.N. : Nous pensons que la présence des services de contrôle de l’Etat sur le terrain va faire baisser la spéculation. Nous allons maintenir l’effort que nous faisons déjà (plusieurs équipes d’emplissage des bouteilles travaillant tous les jours et 24h/24). Si tout ceci n’arrive pas à faire changer la configuration du marché dans les jours et semaines à venir, la SONABHY est très favorable à ce que le privé puisse s’impliquer dans la chaîne d’emplissage de bouteilles, le temps que le deuxième centre emplisseur de Bingo soit fonctionnel dans 6 à 8 mois. Sur ce point, nous insistons qu’il faut que l’Etat puisse bien encadrer le secteur pour bien protéger les consommateurs. Je répète que du côté de l’approvisionnement en gaz butane, nous avons la maîtrise totale du circuit, nous avons diversifié nos fournisseurs et nos dépôts de transit.


S. : il y a aussi l’idée qu’il faut faire des réformes pour sécuriser l’approvisionnement du pays en gaz, notamment avec la fin du monopole de la SONABHY. Qu’en pensez-vous ?


G.A.N. : Je pense que le monopole de l’approvisionnement du gaz butane à la SONABHY est une bonne chose. Il permet à la SONABHY d’avoir la maîtrise et un rendement d’échelle du fait de l’achat de l’ensemble des besoins du Burkina Faso. L’expérience de ces dernières années (forte hausse de la demande) a pu montrer que la société a pu réagir très vite. En effet, la société possède à ce jour 5 dépôts de transit dans les pays côtiers contre un seul au début. Je pense également que le segment d’emplissage des bouteilles pourrait être privatisé et délocalisé dans les différentes régions pour booster la consommation de gaz butane, pour peu que l’Etat ait la maîtrise de la sécurité des quantités qu’il faut pour les consommateurs. Une fois de plus, la SONABHY en tant que société d’Etat émet simplement des avis, et respectera la décision qu’il plaira à l’autorité.


S. : Pour de nombreux consommateurs, la fin du monopole de la SONABHY sur les produits pétroliers, pourrait permettre de bénéficier de prix avantageux comme dans certains pays tels que le Mali et le Niger. Partagez-vous une telle opinion ?


G.A.N. : Cela est inexact. Aujourd’hui, au Mali, le litre de super coûte 742 F CFA et celui de gasoil 664 F CFA contre 732 FCFA et 656 F CFA respectivement au Burkina Faso. Vous voyez bien que la pensée populaire n’est pas vraie. Ensuite, même si d’aventure le Mali avait des prix plus bas que le Burkina Faso, comme cela est arrivé quelquefois dans l’histoire des prix des produits pétroliers, il faudrait noter qu’il se pose un problème de sécurité pour les personnes et d’approvisionnement chez le voisin malien. Ce pays n’a pas de société qui garantit l’approvisionnement et le blocage des prix et ainsi supporter les différentes pertes. A ma connaissance, aucune institution internationale ne recommande le système d’approvisionnement malien, alors que celui du Burkina Faso est cité en exemple. Déjà il est suivi par des pays comme le Togo. Au Niger il existe une structure nationale comme la SONABHY, mais il faut se rappeler que les prix au Niger sont ceux d’un pays producteur de produits pétroliers, ce qui n’est pas le cas du Burkina Faso. Je pense personnellement que ceux qui pensent que la libéralisation du secteur des produits pétroliers pour casser le monopole de la SONABHY permet d’avoir des prix plus bas à la pompe se trompent. Aucune entreprise privée rationnelle ne peut accepter de vendre à perte comme le fait la SONABHY. En 2014, les pertes de la société étaient estimées à 20 milliards F CFA. Ces pertes sont dues au blocage des prix quand les prix réels sont supérieurs à ceux affichés à la pompe. Elles sont le prix de la paix sociale et le prix pour maintenir le pouvoir d’achat des Burkinabè. Les prix à la pompe sont assez chers par rapport aux salaires que nous avons au Burkina Faso et nous comprenons que l’Etat puisse sacrifier la SONABHY de manière conjoncturelle au nom du pouvoir d’achat et de la paix sociale. Il s’agit là d’ailleurs de notre mission et nous l’acceptons. Cependant, nous lançons une alerte, si l’Etat ne nous accompagne pas, nous serons mis en difficulté. La SONABHY peut continuer à approvisionner le pays parce qu’elle va vers les banques. Cela engendre des frais bancaires de l’ordre de 5 milliards par an. N’y a-t-il pas d’autres options ? Si la société avait de la liquidité, elle ne s’endetterait pas tant au niveau des banques et ferait un peu plus de résultats, lesquels vont entièrement au niveau des caisses de l’Etat, pour qu’il puisse relever ses défis au profit de tous les Burkinabè.


S. : Au regard de cess les difficultés de la société, la société est-elle en mesure de poursuivre ses projets d’investissement comme la construction du centre emplisseur de Peni, ou même celui de Bingo ?


G.A.N. : C’est justement pour cela que nous avions pris le risque de négocier pour que les prix restent stables pendant quelques mois, le temps de refaire la trésorerie de la SONABHY. Ce message a été très mal accepté par les consommateurs. La baisse des prix à la pompe compromet les investissements qui sont nécessaires. Face à cette situation, nous sommes obligés de développer des initiatives, notamment en sollicitant le système bancaire. L’option entraîne de nombreux frais mais c’est un impératif si on veut continuer à assurer l’approvisionnement du pays.


S. : Dans ce contexte de turbulences, quelles sont vos priorités à la tête de la SONABHY ?


G.A.N. : Au plan interne, notre premier défi est la «rémotivation» des ressources humaines autour des missions de l’entreprise. Le second est l’enracinement de la démarche qualité dans toutes les procédures de la société. La relève de ces challenges va permettre à la société d’être à la hauteur de ses missions pour la satisfaction des consommateurs. Au plan externe, nous devons travailler à ce que le système bancaire continue de nous faire confiance et soit toujours disponible pour nous accompagner. Nous allons aussi nous atteler à rassurer nos fournisseurs qui ont besoin de savoir si nous sommes capables de payer à bonne date leurs livraisons. Nous pensons que si nous arrivons à gérer ces défis internes et externes, nous pourrons être à mesure d’assurer sans trop de difficultés les missions qui nous sont confiées.


Interview réalisée par
N. Saturnin Coulibaly
Nadège YE
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