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Vœux de Michel Kafando à la nation: «Entre fausse clémence et vraies menaces contre la démocratie»
Publié le dimanche 4 janvier 2015  |  FasoZine
Nouvel
© aOuaga.com par A.O
Nouvel an : les corps constitués présentent leurs voeux au chef de l`Etat
Mardi 30 décembre 2014.Ouagadougou. Palais présidentiel de Kosyam.Les corps constitués de l`Etat ont présenté leurs vœux de nouvel an au Président du Faso, Michel Kafando, et à son épouse, Marie Kafando




Par cette contribution au débat démocratique, voici la lecture que fait Latif B. Kongo, du message de vœux adressé à la nation, le mercredi 31 décembre 2014, par Michel Kafando, le président de la transition au Burkina Faso.

«A l’occasion de ses vœux à la Nation, le Président de la Transition burkinabè, Michel Kafando, vient d’annoncer la levée de la mesure de suspension prise, le mois dernier, à l’encontre des partis les plus représentatifs de l’ancienne majorité: le CDP et l’ADF/RDA. La même mesure bénéficie également à l’association FEDAP-BC dont la vocation, sous l’ancien régime, était de soutenir les actions du Président Blaise Compaoré.

Dans le principe, on ne peut qu’approuver cette décision, qui met fin à une violation grossière des règles de la démocratie et de l’esprit d’inclusion dont se réclament les dirigeants de transition. Mais on peut déplorer que le Président Kafando ait cru bon d’expliquer ce rétablissement des conditions minimales de la démocratie par une volonté de « clémence ». Cette incongruité est d’autant plus déplacée et suspecte qu’il a assorti sa soi-disant clémence d’une mise en garde contre les partis concernés, dans l’éventualité où ceux-ci feraient preuve d’un « activisme débordant » dans le futur.

Cette idée de clémence est incongrue parce que ni le CDP, ni l’ADF/RDA n’ont manifesté, depuis l’insurrection des 30 et 31 Octobre, un activisme de nature à troubler l’ordre public. Au contraire, ces deux formations se sont astreintes à observer un profil bas, dans le but de favoriser l’apaisement des tensions nées de la crise politique. Elles ont vécu dans une semi clandestinité, plus soucieuses de préserver la sécurité de leurs dirigeants que de fomenter des projets séditieux. Par conséquent, la décision qui a été prise par le Gouvernement de les suspendre était purement arbitraire et vindicative.

On se souvient des explications tortueuses que le Secrétaire Général du Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et de Sécurité a données à ce sujet, sans convaincre grand monde. Puisque, mis à part quelques politiciens en mal d’assise, qui comptent sur l’élimination du CDP et de l’ADF/RDA pour se faire une place au soleil, l’essentiel de la classe politique s’est désolidarisé de cette mesure foncièrement anti démocratique.

En réalité, la décision de suspension comportait, dans le fond, comme dans la forme, tellement de vices qu’elle n’aurait tenu devant aucune juridiction sérieuse. Donc il n’y a dans cette affaire aucune matière à « clémence ». En rapportant cette mesure, le Président de la Transition a simplement réparé ce que l’on peut considérer, en étant indulgent, comme une « bourde » qui, à juste titre, a conduit l’opinion nationale et la communauté internationale à s’interroger sur les desseins politiques réels des nouvelles autorités.

Que dire des menaces que le Président Kafando a cru bon de proférer contre les victimes ( on peut difficilement parler de bénéficiaires dans une telle situation) de son geste de clémence. Elles sont tout autant incongrues que son idée même de clémence. Prenant un air de sévérité théâtrale, il a proclamé qu’il sévira si ces partis font preuve à l’avenir d’un « activisme débordant » susceptible de causer un trouble à l’ordre public.

Tout d’abord, ces partis n’ont aucune tradition de violence. Même lorsqu’ils participaient au pouvoir, ils n’ont jamais été connus pour exercer un activisme mettant en cause l’ordre public et la liberté de leurs adversaires, encore moins celle des autres citoyens. Depuis le renversement du régime, ils ne se sont signalé par aucune activité, ni aucune déclaration contraire aux lois en vigueur, à la différence de bien d’autres formations et acteurs politiques. Il n’y a donc aucune raison de les suspecter à l’avance de quelque menée activiste susceptible de porter un trouble à l’ordre public.

Sauf à considérer que la simple présence de ces formations sur la scène politique burkinabè est, en soi, attentatoire à l’ordre public. Il n’est pas exclu, en effet, que la seule présence de l’ancienne majorité dans la compétition électorale suscite de vives réactions orchestrées, à dessein, par divers mouvements extrémistes, avec la connivence de certains partis, dont le but manifeste est de profiter de la confusion engendrée par l’insurrection pour instaurer à leur profit une nouvelle forme de totalitarisme, excluant les forces politiques réellement représentatives.

Les élections qui sont annoncées pour octobre 2015 seront sans doute parmi les plus ouvertes et les plus disputées de l’histoire politique post coloniale de notre pays. Tous les partis, comme c’est leur vocation, feront preuve du plus grand « activisme » pour remporter ces scrutins. Il reviendra à l’Etat de veiller à ce que cette lutte politique s’exerce dans le cadre de la loi. C’est la règle du jeu politique. Dès lors, le CDP, l’ADF/RDA et les autres partis de l’ancienne majorité bénéficieront-ils de la même liberté d’action que toutes les formations engagées dans cette compétition électorale, ou bien le régime de la transition va-t-il multiplier les entraves à leur fonctionnement, en vue d’influencer le choix des électeurs?

C’est la question que l’on peut se poser après les déclarations du Président de la Transition. Peut-être s’agit-il, encore une fois, d’une nouvelle maladresse de communication d’un homme qui peine à convaincre qu’il tient, en co-pilote averti, la barre de ce bateau ivre que semble être devenue la transition burkinabè.

Dernière menace et pas des moindres: la tentative de museler le vote des Burkinabè de l’étranger pour les élections présidentielles. A l’occasion de sa déclaration, le Président de la Transition a indiqué que cette question serait soumise à de nouvelles consultations avec la CENI, laissant supposer que le vote des Burkinabè de l’étranger pourrait être remis en question. Il se trouve que le Président de la CENI a déjà réaffirmé à plusieurs reprises que toutes les dispositions avaient déjà été prises pour rendre ce vote possible à l’occasion du prochain scrutin présidentiel, conformément à la Constitution.

Décider autrement aujourd’hui, sur la base de prétextes fallacieux, constituerait à la fois une violation de la Constitution, un recul de la démocratie et une manipulation politique destinée à fausser ce scrutin majeur qu’est l’élection présidentielle.

En ce début d’année, les organes de la transition burkinabè se trouvent face à un choix décisif. Choisiront-ils de stabiliser le fonctionnement de l’Etat et de préparer le retour du pays à une vie constitutionnelle régulière, en posant les bases d’un processus électoral libre, démocratique et transparent, ou bien s’engageront-ils dans la voie hasardeuse de machinations politiques destinées à assouvir un besoin de revanche ou à satisfaire des ambitions personnelles hétéroclites? Les déclarations inutilement péremptoires et souvent démagogiques des deux chefs de l’exécutif, comme les décisions erratiques du Gouvernement, rendent peu lisibles les objectifs réels de ce régime de transition.»

Latif B. Kongo
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