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Sidwaya N° 7321 du 21/12/2012

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Noël 2012 : Monseigneur Anselme Titianma Sanon, archevêque émérite de Bobo-Dioulasso : « Noël, c’est la naissance du soleil victorieux »
Publié le lundi 24 decembre 2012   |  Sidwaya




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A l’occasion de la fête de la Nativité, l’archevêque émérite de Bobo-Dioulasso, Monseigneur Anselme Titianma Sanou a ouvert à Sidwaya les portes de sa résidence de retraite sise au Centre culturel Père René Fourrier au secteur 21. Dans un entretien à cœur ouvert avec l’équipe du journal, le théologien évoque dans l’interview dont nous vous proposons la première partie, quelques idées reçues sur Noël et son adaptation aux âges et aux traditions des peuples.

Sidwaya (S.) : Pâques, semble-t-il, est la première fête chrétienne, et Noël, alors ?

Monseigneur Anselme Titianma Sanon (A.T.S.) : Votre question vient vraiment à propos. Cela signifie que vous-même ou bien ceux qui ont proposé le questionnaire sont bien avertis. Il faut le dire, même si parfois dans l’Eglise catholique, on l’oublie : les premiers chrétiens en l’an 33 ou 34 jusqu’aux chrétiens catholiques et orthodoxes d’aujourd’hui, savent que nous n’avons qu’une seule fête, la fête de Pâques, c’est-à-dire l’événement de la Passion, la mort et la résurrection du Christ. C’est l’unique fête. Et cette fête, on la re-célèbre tous les dimanches. C’est pourquoi dimanche signifie « jour du Seigneur ». Quand les premiers chrétiens disaient « Seigneur », c’est Jésus ressuscité. Pour ainsi dire, c’est cela la plateforme de la foi chrétienne, catholique, orthodoxe. Mais les premières communautés étaient en milieu juif de tradition juive. En milieu « païen », on disait les gentils, c’est-à-dire les Grecs, les Romains eux-mêmes et ainsi de suite. C’etait la religion du soleil et cette tradition fait que les mouvements du soleil ont toujours été suivis avec beaucoup d’attention par les humains. Et quand « le soleil se cache », on dit qu’il faut faire du bruit, du tintamarre pour le retenir. Dans l’hémisphère Nord, c’est-à-dire en Occident, on a été très attentif aux mouvements du soleil qui sont finalement les mouvements de la lune et de la terre. Le solstice d’hiver au Nord correspond au moment où le soleil a le moins de diamètre visible. Alors les gens sont effrayés, tandis que solstice d’été le 21 juin, est celui où il a le plus grand diamètre. J’insiste là-dessus, parce qu’on peut le constater encore aujourd’hui si le 21 juin, vous êtes en Norvège à Oslo, vous voyez le soleil donner l’impression d’aller se coucher ; Vous restez cinq minutes après, il est là. C’est à cette période qu’il a le plus gros diamètre visible. Et cette tradition du soleil, en solstice d’hiver et en solstice d’été, a été célébrée par les païens, Romains et l’Egypte comprise, les Arabes aussi. Celui du 21 juin était célébré aussi. On dit que c’est la grande fête. Alors les chrétiens, quand ils ont eu droit de cité et qu’ils se sont sentis forts, ils ont voulu remplacer les célébrations ancestrales qui avaient moins de monde, par la célébration du Soleil de Justice et de paix qu’est le Christ. C’est au 4e siècle après Jésus-Christ qu’ils ont commencé à célébrer Noël, la naissance du Soleil Levant. Et de la même manière, le 21 juin, on célèbrait les feux de la Saint Jean. Là, c’est la grande joie. En plus pour célébrer Noël, ils ont tenu compte plutôt de la date où les païens célébraient le Soleil victorieux entre le 21 et le 25 décembre. Ils en ont même fait une célébration de minuit. Alors actuellement, l’Eglise catholique célèbre les 24 et 25 décembre, les Eglises, catholique, orthodoxe célèbrent le 6 janvier. C’était au départ la même fête. Finalement Noël, c’est la naissance du Christ, Noël ce sont également les païens qui viennent là où se trouve Jésus à Bethléem, Noël ce sont les anges qui chantent « Gloire à Dieu », Noël, ce sont bergers qui viennent. Et jusqu’à présent, c’est ce que Noël veut célébrer, soit le 25 décembre ou le 6 janvier, même si en cours de route, les choses se sont précisées. Noël reste la fête de la naissance de Jésus, Noël vient de « Natal » et « Nativitas ». La contraction des deux mots est devenue Noël. Et puis, le 6 janvier pour nous c’est l’Epiphanie et la manifestation de Jésus et le 13 janvier, c’est le baptême de Jésus. Nos frères orthodoxes célèbrent le 6 et le 13 janvier.

S. : Que représente Noël pour l’Eglise catholique quand on sait que d’autres obédiences ne la reconnaissent tout simplement pas comme une fête chrétienne ?

(A.T.S.) : Ceux qui sont avertis de l’histoire diraient que c’est une fête païenne qu’on a baptisée. Par contre, Pâques et les dimanches qui rappellent Pâques, est typiquement chrétienne et cela nous a aidé à fixer le calendrier de la semaine. Alors que, aussi bien chez les Romains que chez les Grecs, comme chez nous, c’était la semaine de 6 jours. Ainsi, la semaine a été fixée à 7 jours et les premiers chrétiens disaient le 8e jour. Si effectivement dans l’ensemble de ceux qui se disent disciples de Jésus de Nazareth, certains disent que c’est une fête païenne qui n’a rien de chrétien, les formes culturelles et religieuses voyagent. Qu’est-ce que chacun y met ? C’est cela qui est important. Et c’est la célébration, le rite qui va dire ce que chacun y met. L’Eglise catholique, l’Eglise orthodoxe disent, nous, nous y mettons la naissance du Christ, Jésus de Nazareth, sa reconnaissance par d’autres peuples et son baptême. Les formes culturelles ou religieuses peuvent être venues des anciens Romains ou bien des anciens Grecs ou Arabes, mais voilà le contenu que nous y mettons.

S. : Ont-ils raison, les chrétiens qui ne célèbrent pas Noël ?

(ATS) : Pendant quatre siècles, l’Eglise ne le célébrait pas. Nous l’avons emprunté à des traditions païennes, donc qui ne sont pas chrétiennes. Mais en anthropologie religieuse, quand tu vois deux hommes faire la même chose, ce n’est pas forcément la même chose parce qu’il faut voir pourquoi ils le font. C’est là que le rite vient dire ce que nous mettons maintenant dans la célébration du 21, 25 décembre. Au solstice d’hiver, la naissance du soleil vainqueur. Effectivement les gens tremblent, parce que le soleil apparaît à peine. En Norvège, au Nord, j’ai rencontré des gens qui disaient qu’à un moment donné, ils passaient six mois sans voir le soleil. Si bien qu’à partir du 21 décembre, on sait que le soleil ne descendra plus bas, sa déclinaison est au minimum. Après il va partir jusqu’à ce qu’on voit le soleil pendant 6 mois et cela jusqu’au 21 juin. C’est donc la célébration du soleil victorieux. C’est ainsi que les premiers chrétiens s’inspirant de la Bible qui parle du Christ, soleil de justice qui viendra, « voilà, c’est le soleil de justice qui naît et qui va nous amener au sommet, c’est-à-dire à Pâques ».

S. : Il y a quelque chose que nous aimerions comprendre. Si c’est vrai que la naissance de Jésus marque le début de l’ère chrétienne et le début de l’An I, pourquoi alors commémorer cette naissance le 25 décembre ?

(A.T.S.) : En fait, les deux sont assez liés. Cela va fâcher de très bons catholiques. D’abord Jésus n’est pas né en l’an I ni un 25 décembre et peut-être à minuit. L’Evangile de Luc dit seulement que « des bergers qui veillaient sur leurs troupeaux, la nuit ». D’ailleurs la question s’est posée cruellement à la guerre de Noël ( NDRL : Conflit frontalier entre le Burkina Faso et le Mali entre le 14 et le 30 décembre 1985). Le couvre-feu étant a 10 h, on devait célébrer la messe de minuit à 18 h ; les gens me demandaient : « Alors comment on va faire, ils ne veulent même pas qu’on célèbre la messe de minuit ». Alors j’ai dit non, on a 2 heures pour célébrer la messe de Noël, ce n’est pas la messe de minuit. C’est très tard que la messe de minuit est rentrée dans la tradition de l’Eglise. Au cours de mes voyages, j’ai célébré parfois la messe de minuit à 16 h chez les populations chrétiennes qui n’avaient pas tout l’espace de liberté que nous avons. Cela dit, les premières communautés chrétiennes, partant de la naissance de Jésus sauveur, ont compté leur calendrier à partir de ce point historique. C’est comme quand on nous parle de ce 21 décembre comme fin du monde, vous voyez, ce sont des coïncidences mais ce n’est pas pour rien parce que les Amérindiens ont des calendriers basés sur le système solaire et beaucoup plus précis que le calendrier romain ou moderne que nous utilisons. Si vous prenez pour nos frères de la communauté musulmane, ils sont partis de la date de l’Hégire pour compter, ce qui fait qu’il y a un décalage entre les années musulmanes et les années modernes qui, pour le moment, coïncident avec les années de l’ère chrétienne. C’est au 6e siècle qu’un grand savant a pris les données que nous avons dans nos livres sacrés. Et il a analysé en tenant compte de la fondation de l’Empire romain jusqu’à ce qu’il dise que Jésus est né, peut-être vers l’an 5 et 6 avant Jésus Christ. Vous savez, les questions de calendriers et de comput (calcul et fixation de la date d’une fête mobile) sont très complexes et c’est des points qui fâchent. Le 25 décembre est retenu parce qu’on a pris le comput du calendrier de la tradition égyptienne et gréco-romaine. Par contre, la date de Pâques l’a été avec beaucoup plus de précision.

S. : On constate que Noël est célébré à deux vitesses dans nos contrées. Sapin, dinde… pour les plus nantis, obligation de sobriété pour les pauvres. Où est l’essentiel dans tout cela ?

(A.T.S.) : Rien que sur le calendrier, on célèbre Noël à beaucoup de vitesses. A Rome ça commence le 13 décembre et les Romains célèbrent Noël du 13 décembre au 13 janvier. Là aussi, il y a ceux qui peuvent être dans une atmosphère de richesse et il reste toujours des pauvres. Jésus a dit « les pauvres vous en aurez toujours parmi vous ». Ce qui fait que l’effort pastoral tel que je le vois, ce que les prêtres doivent faire pour préparer le Noël, c’est d’annoncer la joie, le partage ou la solidarité et puis la famille. En France, la dinde de Noël, ce n’est pas pour aller ripailler quelque part, c’est pour réunir la famille. Ici au Burkina, on a pensé que c’est la fête des enfants. C’est piégé. Ce n’est pas cela tout à fait. En Italie, j’espère qu’ils continuent, à Noël, les enfants sont au centre. Donc Noël est la fête des enfants non pas parce qu’on leur donne des bonbons, le père Noël… mais parce que l’enfant est au centre. Et Noël célèbre la naissance de cet enfant. Enfant des hommes, né à Bethléem alors que ses parents étaient en voyage. Ce sont les enfants qui non seulement portent l’avenir mais c’est eux qui sont le plus à l’image et à la ressemblance de celui qui a créé l’homme. Et j’insistais quant j’étais de service là-dessus. Je disais, il ne faut pas rater le coach. Il faut se retrouver à la maison avec les enfants pour les entourer d’attention.

S. : Au gré des rencontres de l’Evangile avec les traditions, que reste-il encore de chrétien dans Noël pour ne pas prononcer le mot que vous n’aimez pas beaucoup, inculturation ?

(A.T.S.) : Quand je présentais l’historique de Noël, j’ai dit les peuples gréco-romains et j’ai dit arabe notamment d’Egypte, mais je n’ai pas prononcé le peuple juif ou hébreu, parce que ce n’était pas dans leur tradition. C’est au 4e siècle je crois, même en l’an 354 que les chrétiens gréco-romains se sentant forts ont voulu substituer cette fête païenne par une fête chrétienne. Et là encore c’est le Pape Paul VI qui me permet de le dire, quand on parle d’inculturation, de rencontre des cultures, ce n’est pas par des vernis ; je l’ai déjà mentionné, les costumes voyagent, ça c’est les formes culturelles. Ce n’est pas par les formes culturelles qu’on fait l’adaptation, qu’on fait l’inculturation. L’inculturation se fait quand le cœur d’une tradition rencontre le cœur de la tradition de l’Evangile. Et alors je dis, en ce moment, le pasteur, le catéchiste, le prêtre, l’évêque ou le théologien jouent le rôle de Jean-Baptiste. Parce qu’aucune tradition culturelle humaine n’est à la hauteur de ce que Dieu attend d’elle. Et certaines cultures rampent souvent et il faut fouiller pour trouver le minimum exigible qui reste. Quand on dit par exemple que l’enfant doit obéir, c’est l’application qu’on a fait. Pour certaines traditions, l’enfant tant qu’il n’a pas atteint ceci ou cela, c’est comme un objet. Et Jean-Baptiste, je cite : « il ramènera les cœurs des pères vers leurs enfants ». Alors qu’auparavant, c’était entendu qu’il faut amener les cœurs des enfants vers leurs parents. Vous voyez alors le changement de contenu mental qui se fait. Et donc en toute inculturation, il faut que la tradition culturelle humaine se reconnaisse humaine ; ça vaut aussi pour le social. Il faut dire, toute forme sociale qu’on a trouvée est humaine, mortelle donc peut avoir une limite. C’est pourquoi j’emploie toujours le terme enracinement qui a été retenu en 1985 à Rome pour décrire l’inculturation. C’est comme un arbre qui est planté quelque part. Le manguier n’est pas d’Afrique, mais quand il est arrivé, il s’est adapté. Et puis nous avons continué à le travailler. Ce qui fait que vous avez presque 27 variétés de mangues, rien qu’au Burkina.

S. : A l’occasion de Noël 2012, quel est votre message à l’endroit des chrétiens du Burkina et des Burkinabè en général ?

(A.T.S.) : Je pense qu’à ce niveau, c’est un message pour tout le monde. Je dis souvent, Noël a eu plus d’écho dans nos traditions, dans nos sociétés que Pâques. Un enfant qui naît, ça fait la joie, non seulement de ses parents, mais de tout le village. Et puis, la paix n’est ni noire ni blanche ni d’un continent ni de l’autre. C’est un besoin de toute société humaine et même de tout cœur humain d’avoir cette paix. Elle nous est nécessaire, mais elle n’est pas à notre portée. Chrétiens, catholiques, comme non-chrétiens, venez pour qu’on entoure cet enfant, qu’on félicite ses parents comme les heureux parents des quintuplés à Ouagadougou. Que ce jour là, ça soit la paix en famille et dans nos quartiers. Mes camarades musulmans m’ont toujours accompagné dans les fêtes chrétiennes. On était là lorsqu’il y a aussi des fêtes musulmanes sans savoir ce qui se passe. L’enfant permet de vivre ce que Jésus a apporté : l’attention aux faibles, aux petits, l’espérance et cette capacité de paix, comme on le dit, le sourire de l’enfant qui désarme. Il y a des traditions oû ce jour-là, on va à la maternité pour voir l’enfant qui va naître à Noël. Voilà c’est l’enfant de Noël, la mairie ou l’action sociale peut faire quelque chose pour cet enfant. Il ne faut pas aller faire de grands dîners comme chez Hérode on faisait bombance quand on est venu leur demander si c’est chez eux qu’un grand messie est né. Ils ont pris leurs papiers pour dire « ah c’est vrai, c’est à Bethléem en Judée. Allez-y. Si vous le trouvez, venez nous le dire ». Une société, une famille qui néglige ou qui oublie les faibles, les petits, les handicapés mentaux, les malades, les vieillards, les enfants sans leur porter un minimum d’attention se condamne pratiquement à disparaître. Je souhaite à tout votre public, une bonne et heureuse fête de Noël et de Nouvel an proche, je me fais la voix qui souhaite la paix de Noël à tous les hommes de bonne volonté.


Interview réalisée par Mahamadi TIEGNA &

Abroulaye Sidibé

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