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L’Observateur N° 8279 du 21/12/2012

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Prenez et buvez : Ce sang du Christ qui nous vient d’Espagne
Publié le lundi 24 decembre 2012   |  L’Observateur


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© L’Observateur par DR
La célébration de l’eucharistie dans l’Eglise catholique


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Après nous être intéressé l’an dernier à la production des hosties dans le cadre de notre dossier Spécial Noël (cf. notre édition du 23 décembre 2011), cette année zoom sur le vin de messe, histoire de boucler la boucle sur ces deux saintes espèces sans lesquelles aucune messe, selon le rite catholique, ne peut être célébrée.

- Qu’est-ce que le vin liturgique ?

- D’où vient provient-il ?

- Quelles sont ses caractéristiques ?

- Qui peut en boire, etc. ?

Voici autant de questions que nous avons posées à monsieur l’abbé Jacob Yoda, Chancelier et Vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Ouagadougou.

Le Jeudi Saint Jésus a partagé son dernier repas terrestre avec ses apôtres. A la différence des autres repas, celui-là a eu un caractère particulier ; pas seulement parce qu’il était le dernier et que le Fils de l’Homme y avait lavé les pieds des Douze, mais parce qu’à l’occasion, le Christ a eu des gestes et des paroles qui sortent de l’ordinaire. En effet, les évangélistes ont rapporté que lors de ce banquet pascal, Jésus a pris du pain, a rendu grâce à Dieu, l’a rompu et l’a donné à ses disciples en disant : «Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous». Puis ce fut au tour du vin : «Prenez et buvez, ceci est mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi».

Par ces gestes et ses paroles, Jésus venait ainsi d’instituer l’Eucharistie. Depuis, cette sainte Cène est considérée comme la toute première des messes. Et dans l’Eglise catholique, l’eucharistie est quotidiennement célébrée pour commémorer le sacrifice de Jésus-Christ. A chaque célébration en effet, le prêtre prononce ces mêmes paroles.

En allant à l’église, les catholiques communient, confessent-ils, au corps et au sang du Christ. Dans notre édition du 23 décembre 2011, les Sœurs de l’Immaculée conception (SIC), productrices d’hosties dans l’archidiocèse de Ouagadougou ont fait la lumière sur cette première sainte espèce (hostie). Cette année, pour boucler la boucle, il fallait en faire autant sur la deuxième (vin de messe) surtout qu’il s’agit de deux substances liturgiquement inséparables dans l’Eglise catholique.

Le Burkina Faso n’étant pas un pays viticole, il est clair que ce vin liturgique est importé pour les célébrations eucharistiques. Inutile donc de chercher sur place à visiter une unité de production de ce précieux liquide, «fruit de la vigne et du travail des hommes». Il ne nous reste plus qu’à savoir ce qui fait la différence de ce vin d’avec les autres breuvages de même nature ? C’est l’abbé Jacob Yoda, Chancelier et Vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Ouagadougou (cf. encadré) qui s’est chargé d’étancher notre soif d’en savoir davantage sur cette sainte espèce.

Il est important de connaître ce qui fait la spécificité du vin liturgique surtout qu’aujourd’hui, il n’y a qu’à faire un tour dans les alimentations, les caves et autres restaurants pour que les sommeliers vous sortent une grande variété de vin.

Alors question : tout jus de raisin fermenté peut-il faire l’affaire d’une célébration eucharistique ? Réponse de l’abbé Jacob citant le paragraphe 3 du Canon 924 : tout vin de messe doit être «naturel et non corrompu».

Naturel parce qu’il provient du fruit du raisin. Non corrompu parce qu’il doit être de bonne qualité. Cela veut dire que ce breuvage doit «fermenter naturellement» et ne faire objet d’ajout d’aucun produit : «sucre, substance aromatique ou chimique, alcool, conservateur, colorant» nous a précisé monsieur l’abbé.

Même traçabilité en amont, c’est-à-dire d’ailleurs, la culture de la vigne doit se faire selon le respect de certaines normes car tout doit être naturel. En somme une viticulture bio. Mais comment alors s’assurer que tout est naturel par ces temps où les marchands du temple sont partout ? A cette question, l’abbé Yoda répond qu’en général, producteurs et fournisseurs de vin de messe doivent être «assermentés». Avec de telles définitions, le jus de raisin non fermenté ne peut servir à la messe.

Une boisson qui a fermenté se rapproche des spiritueux. Mais quid alors de la proportion d’éthanol autorisée ? Selon notre interlocuteur, «la teneur en alcool n’est pas précisée».

Si le taux d’alcool est flottant, en est-il de même de la couleur dudit vin surtout quand on sait qu’il représente le sang du Christ ? Cette question est importante parce que nous avons le vin rouge et le vin blanc. Selon le Chancelier de l’archidiocèse de Ouagadougou, «aucune recommandation n’existe sur la couleur du vin». Cependant, dit-il, «beaucoup de prêtres ont une préférence pour le vin blanc». Pas qu’il soit forcément meilleur mais «parce qu’il salit moins le linge d’autel notamment le purificatoire (petit linge qui sert à nettoyer l’intérieur du calice)».

Autre question, d’où nous vient ce vin à nous autres catholique burkinabè quand on sait qu’aujourd’hui, à travers le monde, il y a beaucoup de fournisseurs ? Pour ce qui est de l’archidiocèse de Ouagadougou, le précieux liquide vient provient d’Espagne. Et selon quel conditionnement ? Réponse de l’abbé Jacob Yoda : «ce vin vient par conteneurs dans des bidons de 30 litres chacun. Par commande ce sont près de 1 500 bidons qui sont livrés. Le produit est entreposé à l’Economat de l’archidiocèse et de là, les gens (prêtres et paroisses) viennent s’approvisionner». Foi de notre interlocuteur, cette quantité commandée (45 000 litres) permet de couvrir les besoins en vin de messe sur «pratiquement deux ans» soit 22 500 litres par an.

Ce vin ne sert pas seulement Ouagadougou puisque certains diocèses viennent s’approvisionner à l’Economat de l’archevêché de la capitale. Dans le principe chaque diocèse est libre de trouver son fournisseur. Mais il est clair qu’ici comme dans la presse et l’imprimerie, si les 15 diocèses du Burkina (cf. encadré) centralisaient leurs besoins chez un seul et même livreur, le vin liturgique leur reviendrait à un prix d’échelle, c’est-à-dire moins cher.

Le vin est entreposé et en vente à l’Economat. Mais il ne s’agit pas d’une boutique ordinaire où tout individu qui a de l’argent peut venir faire son marché. Les acheteurs sont presqu’exclusivement les hommes d’église, les communautés religieuses et les paroisses. Si quelqu’un se présente sans une autorisation en bonne et due forme, il ne lui sera vendu aucune goutte. Cette précaution s’explique par le fait que «ce vin n’est pas pour une consommation ordinaire mais seulement pour le culte car c’est un vin liturgique qui ne doit donc être utilisé que dans le cadre de l’Eglise. On ne vend pas ce vin pour faire du profit», a précisé le vicaire judiciaire de l’archidiocèse de Ouagadougou.

On le voit, tout le monde n’a pas accès à ce vin ; alors qui peut en boire ? Tant qu’il n’est pas consacré, tout le monde peut en boire. Mais dès qu’il l’a été, il devient un breuvage qui sort de l’ordinaire et donc ne peut être bu par n’importe qui. En effet, selon la foi de l’Eglise catholique, après la consécration à l’autel, «le pain (hostie) n’est plus le pain mais le corps du Christ ; le vin n’est plus le vin car il change et devient le sang du Christ. C’est la transsubstantiation». Une fois que ce changement a lieu, seul le prêtre (sacrificateur) peut en boire et les fidèles qui remplissent certaines conditions (baptisés ayant fait la première communion).

A la messe «on peut communier en buvant directement à la coupe ou par intinction (le fait de tremper l’hostie dans le vin)». Il faut dire que dans l’histoire, jusqu’au 12e voire le 13e siècle, tous les fidèles qui étaient présents à une messe buvaient le vin. Même de nos jours, dans le cadre de célébrations eucharistiques dans de toutes petites communautés, souvent, tous les chrétiens remplissant les conditions requises peuvent en boire.

Mais en vérité, c’est à cause du nombre de chrétiens et pour des «raisons économiques, pratique et même d’hygiène», que le vin (sang du Christ) n’est pas partagé à tous les fidèles. Cependant l’abbé Jacob Yoda a tenu à préciser que «toute personne qui communie à la messe, communie en réalité aux deux saintes espèces (corps et sang du Christ)». Mais l’Eglise a tout de même conservé l’habitude de donner le sang du Christ aux mariés le jour de leur mariage et aux premiers communiants le jour de leur première communion, etc.

Justement sur ce point de communier aux deux saintes espèces, certains personnes n’hésitent pas, soit par taquinerie soit par raillerie, à accuser les chrétiens de cannibalisme. Réponse du Chancelier de l’archidiocèse de Ouagadougou : «la transsubstantiation est un mystère. Ce n’est pas une transformation chimique. C’est notre foi qui nous le dit. Nous nous nourrissons du Christ. Si c’est ça être cannibale, alors nous le sommes».

S’il y a une question qu’on ne pouvait pas ne pas poser à notre interlocuteur, c’est celle portant sur l’utilisation de produits locaux comme substitut de l’hostie et du vin. En effet, pourquoi ne pas utiliser, dans l’esprit de l’inculturation si cher à l’Eglise depuis le concile Vatican II, le dolo, le bangui, les galettes selon les régions ? Réponse de monsieur l’abbé : «le fait est là, Jésus n’est pas né en Afrique». Mieux, pour l’homme d’Eglise, «les éléments de la foi n’ont pas une valeur folklorique au point où on dira que chaque peuple utilise ce qu’il a ; que chaque peuple dispose selon sa culture. Le Christ est né dans un contexte culturel et c’est le pain et le vin qu’il a utilisé. C’est vrai que dans l’Eglise on a certains théologiens qui prônent une certaine inculturation en disant qu’on pourrait utiliser certains produits de chez nous». De plus, Jacob Yoda estime qu’il y a la question de la conservation qui se pose cruellement. On peut conserver les hosties des années mais ce n’est pas évident avec les galettes ou même le dolo.

En attendant, il faut retenir qu’aucune messe ne peut être dite sans les hosties et sans le vin sinon ce ne sera plus une célébration eucharistique. L’abbé explique que «l’Eglise dit de ne jamais consacrer l’un sans l’autre». C’est dire que ces deux saintes espèces vont de pair. Et s’il arrive qu’il ait rupture par exemple de vin ? L’abbé Yoda rassure : «Non, il n’y a jamais eu de rupture même si parfois il y a eu des périodes de tension».

Comme l’a déclaré l’abbé Jacob Yoda, les hosties et le vin de messe sont des objets de foi. Il a rappelé que le vin de messe n’a rien à voir avec le vin de table. Pour finir, il a invité les fidèles à «offrir vin et hosties à leurs paroisses» car ailleurs, «on dit que le pain et le vin sont apportés par les fidèles». Voilà une bonne habitude que l’abbé aimerait voir ancré dans les gestes courants des chrétiens.

San Evariste Barro

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