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Art et Culture

Fermeture des salles de cinéma : la grande braderie !
Publié le lundi 22 decembre 2014  |  Sidwaya
Le
© Autre presse par DR
Le bâtiment du Fespaco ( Festival Pana­fricain du Cinéma et de la Télé­vision de Ouagadougou )
Ouagadougou




En 1990, il y avait 53 salles de cinéma au Burkina. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 18 qui fonctionnent à Ouagadougou et 9 seulement dans toutes les provinces du pays. Certaines salles appartenaient à l’Etat, d’autres à des promoteurs immobiliers privés comme le ciné Oubri qui est la propriété de Nana Boureima. La mauvaise gérance du ciné Oubri par la Société nationale de distribution et d’exploitation cinématographique du Burkina (SONACIB) et les créances laissées par le FESPACO ont poussé l’opérateur économique à transformer la salle en boutiques. La «liquidation » controversée de la SONACIB a été un prétexte pour l’Etat qui a bradé de nombreuses salles de ciné dont les principales sont aujourd’hui fermées.


Huit salles de cinéma seulement ont été retenues en 2007, lors de la 20e édition du Festival panafricain du cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO). En 2009 et 2011 (21e et 22e éditions), les films ont été projetés dans 13 salles. A la 23e édition du FESPACO tenue en 2013, les salles de cinéma sont retombées à seulement 7. Dans un exposé de l’ancien ministre de la Culture et du Tourisme, Baba Hama, en mai 2013 devant les députés, il ressort que les salles du ciné Burkina et du ciné Neerwaya coûtent 16.000.000 F.CFA pour 10 jours de location. Quand les salles de cinéma ne sont pas abandonnées par l’Etat au regard de leur état de délabrement crasseux et pitoyable, elles sont purement et simplement « bradées » à des opérateurs économiques qui n’ont pas la culture dans l’âme. Le terrain et les bâtiments du ciné Oubri (situé à proximité du commissariat central de police) ont été vendus à Nana Boureima en 1987 par la famille Nader. Le ciné Oubri est donc une propriété privée de Nana Boureima. Pour l’exploitation commerciale de la salle, le Groupe Nana Boureima avait passé un contrat de location-gérance avec la Société nationale de Distribution et d’exploitation cinématographique du Burkina (SONACIB). Après la liquidation administrative de la SONACIB en 2007, l’homme d’affaires dit avoir réhabilité à sa charge le ciné Oubri (réfection de l’écran, pose de nouvelle peinture et des bancs…) afin de permettre au FESPACO d’y projeter ses films. Malheureusement, et selon Nana Boureima, interviewé le 18 juin 2013 dans ses bureaux de la zone industrielle de Kossodo, non seulement de tierces personnes se sont fondues dans la nature en lui laissant des factures d’électricité impayées mais aussi le FESPACO n’a pas payé ses dettes dues aux séances cinématographiques. «Aucun opérateur économique, se plaint-il, ne va mettre 100 francs dans une affaire pour récolter 50 francs ». Et d’ajouter comme pour rassurer : « je suis prêt à construire une salle de cinéma si le gouvernement consent à m’accompagner ». A cause de ces créances, l’opérateur économique a avoué n’être plus disposé à céder ses locaux au FESPACO. « Le premier visage du cinéma africain, c’est la salle du ciné Oubri», a-t-il grommelé. Aujourd’hui, le ciné Oubri a été transformé en boutiques et magasins. Et pourtant l’homme d’affaires lui-même a reconnu que le cahier des charges fixant les clauses du bail concernant les maisons en zone commerciale, en centre-ville fait obligation non seulement de la conservation et la modernisation de la salle du ciné Oubri mais aussi de l’érection de l’édifice en hauteur. «Le cinéma est aujourd’hui à la fois un art, une technique et une industrie. Comme le Groupe Nana Boureima n’a pas forcément vocation à s’investir dans le domaine de l’exploitation et de la distribution cinématographique, il appartient à l’administration et aux professionnels du cinéma et de l’audiovisuel de s’approcher du Groupe Nana Boureima pour déterminer le type de collaboration à mettre en place pour continuer l’exploitation de la salle mais surtout de convaincre les opérateurs économiques qu’il y a aussi de l’argent à gagner en investissant dans le cinéma », a relevé le 19 juin 2013 l’ex-directeur de la Cinématographie nationale, Ardiouma Soma, nommé Délégué général du FESPACO seulement le 10 décembre 2014. En tous les cas, interrogé à l’époque sur la rétrocession du bâtiment à son propriétaire, Ardiouma Soma a confirmé que l’administration n’avait pas été saisie quant à la transformation du ciné Oubri en commerce. A Bobo Dioulasso, le ciné Houët a été aussi transformé en échoppes et magasins divers par le Groupe Nana Boureima.


Les salles de ciné se ferment les unes après les autres


Quant au ciné Rialé (l’ancien ciné Simon situé en face de la station Shell), la parcelle et les installations étaient le patrimoine de l’Etat. Prenant prétexte que la SONACIB est moribonde et criblée de dettes, l’Etat en a profité pour vendre la propriété à l’opérateur économique Amadé Bangrin Ouédraogo pour rembourser les créances de la société. Ainsi donc, Amadé Bangrin Ouédraogo a racheté le ciné Rialé et l’a totalement démoli pour y ériger un immeuble qui fait la rallonge avec un autre immeuble dont il serait le propriétaire. D’ailleurs non seulement, on ignore les termes de la transaction immobilière entre l’Etat et monsieur Ouédraogo mais surtout on ne sait pas à combien ont été vendus le terrain, le bâtiment et les installations techniques ! Contacté au téléphone le 18 juin 2013 pour qu’il éclaire notre lanterne sur cette passation de marché, l’homme d’affaires a répondu sèchement qu’il n’a rien à nous dire. « Je ne vous connais pas. D’ailleurs allez voir le liquidateur (NDLR : l’Etat), c’est lui qui m’a vendu le terrain », a-t-il assené. Selon l’ancien Administrateur de la SONACIB (1993 à 2003), Justin Koudougou Kagambega, l’Etat a bel et bien exigé à Amadé Bangrin Ouédraogo la construction d’une salle de cinéma dans le cadre du rachat de la parcelle mais l’opérateur économique aurait fulminé qu’il ne veut pas d’un cinéma sur son terrain.
« Je n’ai pas connaissance de ce dossier donc je ne peux pas me prononcer», s’est contenté d’affirmer l’ex-directeur de la Cinématographie nationale, Ardiouma Soma. Cette zone d’ombre est d’autant opportune à lever puisque l’esprit du cahier des charges d’alors qui s’appuie juridiquement sur les dispositions du 5 janvier 1970 portant nationalisation des activités cinématographiques au Burkina stipule que "Tout acquéreur des salles des ciné Oubri et Rialé doit non seulement sauvegarder le patrimoine cinématographique mais aussi élever les bâtiments en hauteur." Certes, la SONACIB a été liquidée mais à notre connaissance, aucune autre disposition contraire n’est venue abroger cette législation. Le producteur et réalisateur de cinéma, Adama Rouamba a soutenu : « J’ai pu constater que les salles de cinéma sont en train de fermer. C’est dommage et révoltant de noter que la capitale du cinéma africain n’a plus de maisons. Perdre progressivement nos salles, c’est perdre l’âme du cinéma burkinabè et africain, c’est surtout encourir le risque d’atténuer l’engouement des cinéphiles quand on sait déjà que le cinéma burkinabè va très mal ». En tous les cas, la réalité est là : le ciné Sanyon à Bobo-Dioulasso et le ciné Burkina à Ouagadougou sont rétrocédés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) en collaboration avec un autre opérateur économique, Franck Alain Kaboré ; le ciné Kadiogo à Ouagadougou est confié à Mathias Echa Kolombo, également homme d’affaires; le ciné Yadéga à Ouahigouya est géré par Franck Alain Kaboré…Quelles sont les clauses qui fondent la rétrocession des salles aux
privés?


La liquidation de la SONACIB a accéleré la fermeture des salles


Pour ce qui est de la rétrocession de la salle de ciné Oubri à son propriétaire (Nana Boureima) et la vente du ciné Rialé à Amadé Bangrin Ouédraogo, soit l’Etat a manqué de fermeté dans le contrat, soit les opérateurs économiques ont fait preuve de mauvaise foi. Pour cause ? La Société nationale d’exploitation et de distribution cinématographique voltaïque (SONAVOCI, l’ancêtre de la SONACIB) créée le 5 janvier 1970 sous la forme d’établissement public par ordonnance présidentielle insiste bien sur la nationalisation des activités cinématographiques au Burkina Faso. Le 27 avril 1976, une autre ordonnance présidentielle est venue compléter cette disposition juridique. Mieux encore, l’ordonnance No 84/057/PRES du 15 août 1984 rappelle et renforce ce « protectionnisme » de l’industrie cinématographique burkinabè. En clair, cet environnement juridique veut dire que, non seulement les salles de ciné dans la zone commerciale, ne doivent point être transformées en boutiques et magasins mais surtout elles doivent être conservées, et mieux, modernisées. Et cette vérité, Nana Boureima le sait, puisqu’il a avoué qu’il n’était plus astreint à cette clause immobilière dès lors que la Révolution d’août « est tombée». Deuxièmement, assommé de dettes, l’Etat s’est empressé en 2007 de liquider la SONACIB sans édicter en amont une nouvelle conditionnalité dans la rétrocession et l’exploitation des salles de cinéma. Ce «laxisme » a ouvert une brèche idéale pour les opérateurs économiques dont certains ont profité pour fermer les salles alors sous contrat et d’autres, pour racheter le patrimoine culturel de l’Etat devenu impuissant ! Alors qu’on ignore la somme allouée tous les deux ans pour la mise à niveau des salles aux normes de qualité, dans le même temps, le FESPACO se plaint de ce que ces réhabilitations occasionnelles des salles grèvent son budget. Contacté à lépoque par téléphone sur la question des sommes allouées pour la refection des salles à chaque FESPACO, le Délégué général d'alors avait fait la promesse de nous rappeler. Nous avons attendu en vain !


Idrissa NOGO
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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