Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article
Économie

"Le secteur minier doit être géré de manière transparente"
Publié le lundi 1 decembre 2014  |  Sidwaya
Gouvernement
© aOuaga.com par G.S
Gouvernement de transition : premier Conseil des ministres de prise de contact
Lundi 24 novembre 2014. Ouagadougou. Palais présidentiel de Kosyam. Les membres du gouvernement de transition se sont retrouvés, au lendemain de leur nomination, pour le premier Conseil des ministres de prise de contact. Photo : Yacouba Isaac Zida, Premier ministre et ministre de la Défense Nationale et des Anciens Combattants




Le Premier ministre, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida a réservé sa première grande interview à la presse nationale, le jeudi 27 novembre 2014. Dans la salle d’audience du Premier ministère, il a répondu pendant 1 heure 45 minutes aux questions des journalistes de 6 organes de presse : les Editions Sidwaya, la Télévision du Burkina, Radio Burkina, L’Observateur Paalga, la Télévision BF1, la Radio Oméga. Le chef du gouvernement a répondu sans détours aux questions que se posent les Burkinabè, notamment sur les circonstances de son accession aux commandes de l’Etat, ses relations avec l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré, l’ex-chef d’état-major particulier de la présidence du Faso, le général de brigade Gilbert Diendéré, la dissolution du Régiment de sécurité présidentiel (RSP), etc.


Sidwaya (S). : Monsieur le Premier ministre, comment doit-on vous appeler ? Le Lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida ou monsieur le Premier Ministre tout court?

Premier ministre : (P.M.) Monsieur le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida.

S. : Chef de l’Etat depuis la démission du président Blaise Compaoré, et aujourd’hui Premier ministre de monsieur Michel Kafando, président de la Transition, tout cela en moins d’un mois. Comment vivez- vous cela ?

P.M. : J’ai vécu donc ces événements comme chacun d’entre vous, comme chacun des Burkinabè, avec beaucoup d’émotions, beaucoup d’inquiétudes dès le départ, beaucoup d’appréhensions. Mais à partir d’un certain moment, j’ai retrouvé bon espoir parce que vous avez vu que tous les acteurs de la vie nationale se sont mis ensemble pour regarder vers l’avenir, poser les jalons qui ont été consacrés dans la Charte de la Transition. Et aujourd’hui, nous sommes rassurés par la marche, et la direction que le Burkina Faso a prises. Et je peux vous dire que j'éprouve des sentiments de satisfaction, à l’heure actuelle.

S. : Après avoir été chef de l’Etat, président du Faso, vous-vous retrouvez au poste de Premier ministre, ça surprend. Est-ce qu’il y a eu deal entre le Premier ministre et l’actuel président du Faso, Michel Kafando quand on sait que celui-ci était un des candidats proposés par l’armée pour la désignation au poste de président de la Transition ?

P.M. : Il n’y a pas eu deal. Je peux dire que nous avons fait confiance à un homme que nous connaissons depuis longtemps, et nous l’avons proposé pour être président de la Transition. En tout cas, le comité de désignation l’a retenu au regard de ses compétences, de son expérience et de la qualité intrinsèque de l’homme. Dès qu’il a été donc désigné, il nous a fait confiance, peut-être sur la base de ce que nous avons pu accomplir dans un laps de temps. Il n’y a pas eu de deal. Nous, voyons cela comme une mission, une confiance et nous allons tâcher de la mériter.

S. : D’aucuns voient cela comme une formule à la Poutine.

P.M. : Non ! Pas une formule à la Poutine parce que Poutine a été président, il a épuisé ses mandats et il est devenu Premier ministre pour M. Mevede, avant de revenir. Dans notre situation, il ne s'agit pas du même scénario. Nous sommes là pour une mission. Pour l’instant, nous n’y pensons pas véritablement parce que nous sommes concentrés à réussir la transition. Mais il n’est pas dit que nous sommes intéressés par le prochain poste de président. Je ne crois pas.

S. : Votre gouvernement a été constitué, il y a quelques jours; et à peine constitué qu’il est contesté. Au jour d’aujourd’hui est-ce que vous avez un ministre en charge de la culture ?

P.M. : Non. Je dois vous dire que nous avons été véritablement surpris parce que lorsque nous avons été nommé Premier ministre, notre objectif était de former un gouvernement de consensus. Ce que nous recherchons pour les Burkinabè, c’est qu’il y ait consensus autour de la gestion de la transition. Nous avons désigné des personnes, d’abord sur la base de leurs compétences, sur la base aussi de leur appartenance aux partis politiques, à la société civile ou à l’armée. Nous avons aussi tenu compte des considérations géopolitiques parce que quand vous regardez la composition du gouvernement, nous sommes allés puiser dans toutes les régions du Burkina Faso. Par la suite, nous avons pris le soin de faire diligenter des enquêtes par la gendarmerie nationale. Nos ministres ont fait l’objet d’enquêtes de moralité. Si vous vous souvenez, je vous avais promis le gouvernement pour le samedi soir, (NDLR : le 22 septembre 2014). A cette date, j'avais mon gouvernement et j’avais déjà remis une copie au président de la Transition. Mais, je lui ai demandé 24 heures supplémentaires, le temps que la gendarmerie me fasse un travail. Donc, c’est en toute bonne foi que j’ai désigné et j’ai nommé ces ministres. Maintenant une contestation s’en est suivie concernant le ministre de la Culture. Nous avons été nous-mêmes surpris mais nous disons que le peuple est souverain, sa volonté doit être respectée. Du reste, le ministre de la Culture lui-même a tiré les conséquences et il a rendu sa démission que nous avons acceptée. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore de ministre de la Culture, mais au sein du ministère, un secrétaire général fait déjà très bien le travail. Nous allons prendre le temps qu’il faut, pour trouver un homme véritablement consensuel, accepté par le monde de la culture afin que ces hommes et ces femmes de la culture puissent l’aider à réussir la mission qui sera la sienne.

S. : Vous dites qu’il y a des informations qui ont été vérifiées par la gendarmerie sur les personnes proposées pour siéger à votre gouvernement. Le passé de M. Sagnon en tant qu'ancien procureur n'est-il pas réapparu dans les enquêtes ?

P.M. : Vous savez, pour une enquête de gendarmerie, de police, on part sur la base des faits, alors que ce qui est reproché à M. Sagnon, à ma connaissance, est fondé sur des soupçons. On le suspecte d’avoir été de connivence avec le régime précédent dans l’affaire Norbert Zongo. Je pense que, peut-être, la gendarmerie n’a pas eu le temps d’aller en profondeur sur ces questions-là. Celà peut ne pas les avoir échappé, mais réaliser une enquête de moralité de plus d’une vingtaine de ministres en 24 heures, n'est pas aisé. Je pense qu’il fallait qu’il y ait des faits graves avérés pour que nous puissions remettre sa désignation en cause. Il ne nous a pas été signalé de faits graves avérés avec preuves à l’appui. Donc, nous avons estimé qu’il pouvait faire partie du gouvernement. Maintenant s’il y a contestation, nous avons pris acte et comme je l’ai dit, le peuple est écouté, nous allons toujours l’écouter, sa volonté sera toujours respectée. Là-dessus, il n’y a pas de problème.

S. : Justement, vous dites que le peuple sera écouté, le cas Adama Sagnon fait jurisprudence, il est maintenant question d’autre contestation de ministres, en l’occurrence celui des Transport et celle en charge du Budget. Qu’est-ce vous ferez pour gérer ces cas ?

P.M. : J’ai confiance au peuple burkinabè et je crois qu’il sait ce qu’il veut. Le cas Sagnon n'est pas similaire au cas que vous avez cité.

S. : Il est reproché au ministre en charge des Transports Moumouni Guiguemdé d'être responsable des cadres du parti de l’ADF-RDA.

P.M. : Je ne sais pas s’il a eu à gérer un contentieux, mais je crois que les faits qui lui sont reprochés, s’il y a véritablement les preuves, nous allons en tenir compte. Pour l’instant, nous avons une équipe à laquelle nous avons demandé de se mettre à la tâche. Je crois que les ministres ont commencé à travailler maintenant. Ceux qui ont des griefs contre Moumouni Guiguemdé, nous sommes disposés à les recevoir et à les écouter. Si effectivement il y a des faits avec des preuves, nous en tirerons les conséquences. Mais ce que je veux dire aux Burkinabè, parce que ça me rappelle un peu cette anecdote du passager qui portait sa charge au bord de la route qui fait un auto stop et un automobiliste l’embarque. Il entre dans le véhicule et porte toujours sa charge sur la tête. Je pense que les Burkinabè doivent se dire que nous avons tourné la page du régime Compaoré. Il y a des dossiers que nous allons examiner, mais notre mission n’est pas que d’examiner les dossiers du régime Compaoré. Nous devons poser les bases, les fondements, d’une nouvelle gouvernance pour le Burkina Faso. Si notre mission va consister à regarder ce qui s’est passé au cours du régime Compaoré, je pense que nous ferons du surplace. J’en appelle à tout le peuple pour qu’on se mette à la tâche et que l’on commence véritablement les gros chantiers qui se profilent pour que l’avenir soit plus radieux. Il y a l’école, la santé, beaucoup d'autres choses sur lesquelles il faut se pencher dès maintenant.

S. : Certaines voix se sont levées au sein la société civile pour dire que comme le Burkina Faso n’a pas connu une période de conférence nationale souveraine pour épurer les problèmes de l’indépendance à 1990, cette période de transition pourrait être une occasion pour solder un certain nombre de contentieux qui se posent à la nation. Que répondez-vous ?

P.M. : Je suis d’accord. Le cadre existe parce qu’il y a une commission de réconciliation et de réformes qui va faire un travail et toutes les recommandations, bien sûr, seront prises en compte. Je pense que de tout ce qui est advenu au cours du régime Compaoré, rien ne sera occulté. Les dossiers pendants en Justice seront rouverts, donc il n’y a pas de raison que les uns et les autres s’inquiètent.

S. : Y compris certains soupçons qui pèsent sur certains hauts cadres qui dirigent l’Etat ?

P.M. : Bien sûr ! Si la justice estime qu’un haut cadre, moi-même qui vous parle, si mon nom est cité dans une affaire en justice, je vais démissionner et puis aller répondre. Personne n’est au-dessus de la loi.

S. : Pour beaucoup d’observateurs de la scène politique burkinabè, toutes ces contestations émanant du peuple sont en réalité la source de la remise en cause de l’autorité de l’Etat. Jusqu’à quand cela va -il durer ?

P.M. : Nous avons un programme dans ce sens au plan de la gouvernance administrative. Nous allons travailler à restaurer l’autorité de l’Etat. Mais cela doit se faire avec chacun des Burkinabè, parce qu’il ne s’agit pas de mettre les forces de l’ordre derrière chaque Burkinabè pour qu'il suivre. Il faut que chaque Burkinabè, d’abord à son niveau, décide d’adopter un comportement citoyen. En ce moment, nous pourrons passer à la répression contre les quelques récalicitrants. Parce qu’il y a plusieurs phases, il faut que nous sensibilisions, il faut que nous invitions les uns et les autres à changer de comportement et ensuite, il y aura la répression et si c’est nécessaire.

S. : Je voudrais qu’on revienne un peu sur la constitution même du gouvernement. Comment la composition s’est faite ? Parce que dans le premier jet de la Charte de la transition, il était prévu que les membres du gouvernement soient proposés par les partis politiques, la société civile et l’armée ?

P.M. : Effectivement cela a été respecté; les partis politiques ont proposé des candidats, la société civile a proposé des candidats, l’armée a proposé également des candidats. Mais il faut reconnaître qu'au-delà de ces propositions, nous avons dû faire appel à des compétences qui étaient en dehors de ces propositions faites par les trois parties prenantes. Sinon, effectivement, chaque partie a fait une proposition.

S. : Et l'appréciation était laissée à la discrétion du Premier ministre ?

P.M. : Oui, le Premier ministre choisit parce qu’il est entièrement responsable de la formation du gouvernement.

S. : Monsieur Adama Sagnon fait-il partie de ces appels à proposition?

P.M. : Monsieur Adama Sagnon a été un choix personnel du Premier ministre, parce nous connaissons l’homme. Nous avons regardé dans le département de la Culture et nous avions trouvé quelqu’un qui était directeur général du Bureau burkinabè des droits d’auteur et qui y est depuis un certain nombre d’années, et en tout cas, il n’ y a pas eu de contestations sur sa manière de gérer les droits des artistes. Nous avons estimé qu’il faisait du bon travail au niveau de la culture, donc le désigner comme ministre, nous estimions qu’il allait encore faire mieux. Jusque-là, nous ne sommes pas convaincu qu’il n’allait pas faire mieux. Il n’a pas eu le temps de travailler. En tous cas, je reste convaincu qu’il aurait pu être un bon ministre de la Culture.

S. : Vous reconnaissez avoir fait une erreur de casting ?

P.M. : J’ai fait un choix que j’ai estimé bon, mais je peux me tromper. Et je dis, le peuple est souverain, je ne peux pas imposer au peuple un ministre. Lorsque j’ai été nommé, si le peuple disait qu’il ne voulait pas d’un militaire, j’allais rendre ma démission sans problème.

S. : Vous avez douze mois chrono pour réaliser sous l’autorité du chef de l’Etat, le président Michel Kafando, les objectifs de la Transition. C’est à la fois beaucoup mais c’est aussi peu. Avez-vous une feuille de route ?

P.M. : Nous avons des objectifs à atteindre, nous savons que nous devons les atteindre dans un délai qui nous est imparti à savoir au plus tard une année. Cela doit se terminer par les élections générales en fin 2015. Nous avons une feuille de route et nous sommes en train de nous inspirer de cela pour définir à chaque ministre donc sa lettre de missions et nous devons nous y accrocher, travailler en tenant compte du fait que le temps est relativement court. Nous n’avons pas un gros projet de développement qu’il faut réaliser dans cette année. Nous allons nous focaliser sur les priorités.

S. : Certains ministres n’ont attendu certainement pas ces lettres de missions. Dans leurs déclarations, on sent qu’ils ont envie d’aller vite. Le ministre de l’Administration territoriale par exemple, celui des Mines et l’Energie.

P.M. : Bien sûr qu’ils ont déjà les orientations. Même lorsque nous les avons reçus, nous leurs avons dit exactement ce que nous attendons de chaque ministre. Ils savent exactement ce qu’il faut faire dans ce laps de temps.

S. : Le plus grand défi pour vous, c’est d’organiser des élections en fin novembre 2015. C’est un défi de dialogue pour s’entendre sur les règles du jeu, les règles d’orientation et d’organisation. Comment comptez -vous aborder cette question?

P.M. : Pour les élections, nous allons faire un calendrier électoral en concertation avec les partis politiques et la CENI. Nous pensons que nous devons pouvoir respecter ce délai de novembre 2015. Du reste, nous avons déjà échangé avec le président de la CENI qui nous a donné des assurances. Mais il y a certains à régler. Il y a d’abord les réinscriptions à faire sur la liste électorale parce vous savez que le fichier électoral que nous avons aujourd’hui est incomplet. Il y a beaucoup de Burkinabè qui ne s’inscrivaient pas sur les listes électorales en disant que ce n’est pas la peine parce qu’on sait que c’est Blaise Compaoré qui gagnera toujours. Comme qui dira, on ne regarde pas le football parce que c’est le Barça qui gagne toujours.

S. : Il y a aussi le vote des Burkinabè de l’étranger. Sera-t-il effectif ?
P.M. : C’est une autre équation. Nous avons dit, depuis la rédaction de la Charte qu’il faut que les Burkinabè de l’étranger puissent voter en 2015. Et donc il va falloir organiser le recensement et mettre tout le dispositif en place pour permettre aux Burkinabè de l’étranger de pouvoir voter pour choisir le président du Faso.

S. : Vous avez également dissous les conseils municipaux et régionaux. Pourquoi fallait-il prendre une telle mesure ?

P.M. : Vous savez que la plupart des mairies étaient dirigées par les militants de l’ex-parti au pouvoir, le CDP qui est fortement contesté. Lors des évènements des 30 et 31 octobre, beaucoup de maires avaient fui leurs localités. Imaginez une commune où le maire et son premier adjoint sont tous contestés parce qu'appartenant au CDP; il était impossible à ces conseils municipaux de continuer d’exercer. Pour ne pas créer des conflits au sein de nos communautés, nous avons estimé qu’il était bon de dissoudre les conseils municipaux et que l’administration publique, qui est neutre, puisse assurer la gestion par des délégations spéciales, en attendant les élections générales de fin 2015.

S. : Est-ce qu’il y aura des audits sur la gestion des communes, pendant la transition ?

P.M. : Nous y pensons, mais il y a tellement d’audits à faire au sein des ministères, des sociétés d’Etat, des collectivités, qu'il nous sera difficile de prendre en compte toutes les mairies. Certaines mairies peuvent être ciblées pour qu’il y ait des audits.

S. : En faisant un retour sur les événements des 30 et 31 octobre derniers, certains disent que vous êtes de ceux-là, en l’occurrence l’armée, qui ont permis d’éviter un bain de sang. Qu’avez-vous fait exactement ?

P.M. : Si c'est ce qui a été dit, c'est que certainement ceux qui ont dit cela ont suivi les évènements. Pour ma part, j’estime qu’à un moment donné de notre histoire, il fallait choisir : soit obéir à des ordres, et avoir contre soi le peuple ou alors se ranger du côté du peuple, bien sûr, après avoir désobéi à des ordres. Je pense que nous avons fait un choix et nous ne regrettons pas ce choix-là.

S. : Aux toutes premières heures de la prise de pouvoir par l’armée, on a assisté à une sorte de cacophonie avec d’abord le général Honoré Nabéré Traoré qui se déclare chef de l’Etat, et ensuite c’est vous. Qu’est- ce qui a été dit au général Nabéré Honoré Traoré pour qu'il abdique ?

P.M. : Je voudrais d’abord vous dire que le général Honoré Nabéré Traoré qui est le chef d’état-major général des armées (NDRL : au moment des faits et de l'interview, il vient d'être nommé Conseiller spécial du président de la Transition) est un officier digne et responsable. Il a fait une déclaration dans le souci d’éviter qu’il y ait un bain de sang, aussi. Parce que s’il a anticipé, c'est qu'il avait compris qu’il était possible qu’une partie de l’armée soit utilisée contre le peuple. Malheuresement, 24 heures après sa déclaration, il n’y avait pas encore eu une évolution, la situation d’ailleurs empirait et nous avons estimé qu’il fallait que nous prenions les devants, compte tenu du fait que nous avions l'avantage d’être avec les hommes. Nous sommes sur le terrain avec les hommes, notre prise de position peut encourager les militaires à prendre définitivement parti pour le peuple. Et c’est ce que nous avons fait. Lorsque nous avons fait notre déclaration, le général Honoré Nabéré Traoré, en toute responsabilité, je le répète, a invité toute la hiérarchie militaire dans son bureau à l’état-major général et il nous confié la charge de la transition. Il s'est également dit disponible pour nous accompagner par les conseils et tout ce qu’il pouvait faire pour que cette transition réussisse, surtout nous inviter à maintenir la cohésion au sein de l’armée. Il s’agissait du peuple burkinabè, il ne s’agissait d’individus en fait. En tout cas ce qui était important, c’était que l’armée se range du côté du peuple pour éviter qu’il y ait le chaos au Burkina.
S. : L’ancien président, Blaise Compaoré, depuis son exil à Yamoussoukro a parlé de complot contre lui. Est-ce votre analyse de ce qui est arrivé ?

P.M. : Je n’avais pas connaissance d’un quelconque complot. Les choses sont arrivées très vite et il a fallu décider en l’espace de quelques instants. On n’a pas eu le temps d’ourdir des complots. J’étais de la sécurité du président Compaoré, si c’était une histoire de complot, pourquoi attendre les 30 et 31 octobre pour le faire ?

S. : Quelles relations vous, personnellement, entreteniez avec la famille Compaoré, parce d’aucuns pensent que vous ne pouvez pas être le n° 2 de la Garde de sécurité présidentielle et « trahir » le président du Faso ?

P.M. : Je n’avais pas de relations personnelles,, parce que pour moi, le président Compaoré représentait une institution de la République et en tant que militaire, j’avais une mission d’assurer la sécurité de cette institution. Ça s’arrêtait là.

S. : Vous avez un supérieur, le général Gilbert Diendéré; quel a été son rôle dans l’action qui vous a conduit à la tête de l’Etat, au lendemain des évènements de fin octobre dernier ?

P.M. : J’étais moi-même tellement occupé à jouer mon propre rôle que je n’ai pas véritablement pu suivre ce que les uns et les autres ont fait. Je pense que le général Gibert Diendéré sera certainement disposé à répondre à votre question.

S. : Et quels sont vos rapports avec lui ? Est-ce des rapports professionnels ou familiaux ?

P.M. : Ce sont des rapports professionnels.

S. : Lors de la passation des charges avec le président de la Transition, il a été question de transformer le monument aux héros nationaux en panthéon des martyrs de la Révolution d’octobre 2014; comment cela va-t-il se traduire ?

P.M. : Il y a une commission qui a été créée au sein du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, et qui est en train de réfléchir pour faire des propositions. Nous avons déjà reçu certaines propositions, nous avons donné des orientations, mais nous attendons le rapport final. Parce que la volonté du chef de l’Etat a été exprimée, nous avons compris ce qu’il veut et donc nous avons confié à des spécialistes pour travailler afin de rendre concrète cette volonté du chef de l’Etat.

S. : Les corps des victimes seront-ils inhumés dans ce panthéon aux martyrs ?

P.M. : Non. Je pense que le panthéon n’est pas nécessairement un cimetière. Du reste, nous avons déjà pris les dispositions pour l’inhumation des 7 derniers corps au cimetière militaire de Gounghin. Cette inhumation va se tenir le mardi 2 décembre 2014. Donc au niveau du panthéon, il y aura certainement quelque chose, un mémorial avec l’inscription des noms.

S. : Y aura-t-il le deuil national souhaité par beaucoup ?

P.M. : Oui, il y aura une journée nationale d’hommage et de deuil qui est prévue, jusqu’à présent, pour le 4 décembre 2014. Mais comme il y a tellement d’évolutions, nous attendons de confirmer cette date avant de la rendre officielle.

S. : La date du 21 novembre était le délai fixé pour le dépôt des listes par les différentes composantes de leurs membres au sein du Conseil national de transition (CNT). Toutes étaient-elles au rendez-vous ?
P.M. : Toutes les composantes avaient transmis leurs listes mais il y a une liste, notamment celle de la société civile qui a été contestée parce que la désignation des représentants n’avait pas respecté un mode de désignation consensuelle et transparent. Donc, la société civile a souhaité reprendre en confiant la désignation à un collège de désignation plus consensuel, accepté et crédible. Cela a été fait et aujourd’hui, elle a transmis une liste sur laquelle tout le monde est d’accord. Tous les membres du Conseil national de transition sont désignés.

S. : Est-ce que cette bataille de chiffonniers qui a eu lieu autour de la désignation de certains membres n’entame pas la crédibilité et la légitimité du Conseil national de transition ?

P.M. : Non, nous ne le pensons pas. Au contraire, quand il y a des discussions, des contestations, cela veut dire que l’opinion de tout un chacun est prise en considération. Lorsque l'on accepte sans rien dire, peut-être qu’on est victime d’une certaine dictature, d’un clan sur l’autre. Mais nous avons été heureux de savoir que tout le monde au sein de la société civile pouvait s’exprimer et que son point de vue était pris en considération. Aujourd’hui, la liste que nous avons est consensuelle et nous nous réjouissons pour cela.

S. : Au niveau de la société civile, il y a un certain nombre d’individus qui sont mis en cause. On leur reproche leur appartenance à des partis ou formations politiques ?

P.M. : Mais cette question ne peut pas être tranchée par le gouvernement. Nous allons soumettre la liste au Conseil constitutionnel qui pourra valider ou invalider certaines candidatures.

S. : Est-ce que la liste a été déjà soumise au Conseil constitutionnel puisse que la première session du CNT a eu lieu ce jour, 27 novembre 2014 ?

P.M. : La liste n’a pas encore été soumise parce nous n’avons pas une plainte qui a été portée à notre connaissance. Nous entendons comme vous qu’il y ait des contestations, mais de façon officielle, nous n’avons pas été saisis pour dénoncer certains noms. Lorsque nous serons saisis officiellement, nous pourrons déposer cette lettre au niveau du Conseil constitutionnel.

S. : La première session a déjà eu lieu à l’hôtel du député à Baoghin. Doit-on comprendre que c’est là que va siéger le CNT ?

P.M. : Bien sûr, le CNT et même l’Assemblée nationale qui sera élue en 2015, parce que vous savez que a l’hémicycle que été complètement brûlé. Nous allons entreprendre certainement une reconstruction, mais cela ne peut pas se faire avant la mise en place de l’Assemblée nationale.

S. : Quelles sont vos attentes d’une manière générale de ce CNT ?

P.M. : Le CNT doit légiférer sur des questions préoccupantes de l’heure. Il y a déjà la question de l’article 37 de la Constitution. Il faut que le CNT se penche très rapidement là-dessus pour limiter définitivement, verrouiller de manière ferme l’article 37 de notre Constitution. Au niveau du gouvernement, nous pensons déjà introduire des projets de lois sur la lutte contre la corruption, un certain nombre de sujets au CNT. Mais à son propre niveau, il doit par exemple réviser le code électoral. Il y a des questions qui sont d’actualité et je pense que le CNT ne va pas chômer.

S. : Comment va se faire la prise en charge des membres du CNT ?

P.M. : Nous allons demander au ministre des Finances de faire des propositions. Nous pouvons reconduire le budget alloué à l'Assemblée passée ou même une allocation spéciale afin que le CNT puisse fonctionner dans des bonnes conditions.

S. : Etes vous de ceux qui pensent justement que comme c’est une situation exceptionnelle, les membres du CNT ne doivent pas bénéficier des émoluments et des avantages qu’avaient les députés de la précédente législature?

P.M. : Certainement qu’ils n’auront pas les avantages des précédents députés, mais ils auront une allocation qui leur permettra de travailler dans de bonnes conditions.

S. : Mais comment va se faire de manière générale l’attelage Présidence de la Transition, gouvernement et Conseil national de transition ?

P.M. : Au niveau du gouvernement, nous avons un ministère notamment celui de la Communication qui est chargé aussi des relations avec le Conseil national de la Transition. Nous pensons qu’à ce niveau il y aura une bonne coordination des actions pour qu’il n’y ait pas de blocage.

S. : Des Burkinabè demandent la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle en vue d'assurer l'homogénéité de l'Armée. Etes-vous de cet avis ?

P.M. : Nous allons effectivement nous attaquer à certaines reformes au sein de l’armée. Ces reformes étaient appelées depuis longtemps par un certain nombre de personnels des forces armées nationales et aujourd’hui par l’ensemble du peuple. Nous le comprenons. Nous allons certainement revoir quelles missions confier au Régiment de sécurité présidentielle parce que nous n’entendons pas avoir un RSP qui soit là en train de sécuriser un individu. Quelle est la menace pour le Burkina Faso et ses institutions ? La menace se trouve au niveau du terrorisme, du grand banditisme, le chômage. Ce sont les menaces véritables pour le peuple burkinabè. Donc, l’armée qui fait partie du peuple, doit avoir ses missions qui lui sont désignées au regard de ces menaces. Nous pensons que le RSP qui dispose d’énormes moyens avec des personnels très bien formés, peut se voir confier des missions sur toute l’étendue du territoire national, allant dans le sens de le lutte contre le terrorisme et le grand banditisme, pour sécuriser les personnes et les biens et bien sûr, au regard de ces missions, le nom va changer. En ce qui concerne la sécurité du président, vous pouvez déjà voir ce que nous avons pu faire chez le président Kafando, où vous allez retrouver des forces de police, de gendarmerie et des militaires.

S. : Comme ce qui avait été dit dans la Constitution et aussi par le Collège des sages, il y a une dizaine d’années ?

P.M. : Tout à fait. Moi-même je suis gardé par des militaires et des gendarmes et chez le président du Conseil nationale de transition, cela va être la même chose. Il n’y aura plus une seule unité qui aura la mission de sécuriter un homme et sa famille.

S. : Et comment éviter la confusion du genre dans les tenues militaires quand on a celles estampillées « PF » et d’autres avec le Drapeau burkinabè ?

P.M. : Aujourd’hui, tous les militaires ont le même uniforme. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, au RSP actuellement, tout le monde porte la tenue ‘’terre du Burkina’’ comme tous les militaire du Burkina. L’ancienne tenue a été déclassée depuis les premières heures de notre arrivée.

S. : En dehors du deuil national qu’est-ce qui sera fait pour les martyrs ou leurs familles ?

P.M. : Déjà, la commission que nous avons créée au sein du ministère de l’administration territoriale a réfléchi sur le cérémonial d’inhumation. Dans un second temps, nous avons la commission de la réconciliation nationale qui va certainement faire des propositions allant dans le sens de comment réconcilier les Burkinabè entre eux et comment indemniser les familles des victimes. Nous attendons d’abord que cette commission soit mise en place, qu’elle réfléchisse et qu’elle nous fasse des propositions concrètes. Mais nous pensons qu’il est juste et bon, dans l’esprit de la réconciliation, que nous puissions avoir un regard vers ces familles qui ont été endeuillées, privées des leurs. La nation doit pouvoir faire quelque chose allant dans le sens de les indemniser

S. : Le bilan des dégâts de l’insurrection populaire a révélé que des biens publics et privés ont été détruits. Est-ce que quelque chose sera également fait, pour ces personnes particulières qui ont été touchées ?

P.M. : Effectivement, nous sommes en train de travailler à remobiliser des ressources pas seulement pour cela mais de façon générale pour injecter dans des secteurs cruciaux, dans les secteurs sociaux afin de reconstituer les stocks alimentaires parce que vous savez que les stocks de riz des élèves ont été pillés et leurs reconstitution est une priorité pour nous. Nous avons des partenaires qui se sont engagés pour nous accompagner. Pour ce qui concerne spécifiquement l’indemnisation des personnes qui ont connu des pertes matérielles, nous allons les soutenir. Nous ne pouvons pas payer au centime près, mais il faut que nous travaillions à faire en sorte que ces personnes ne tombent pas totalement en faillite parce lorsqu’une usine ferme, ce n’est pas seulement le propriétaire de l’usine qui est perdant, mais il y a aussi tous ses employés qui vont aller au chômage et des familles qui vont souffrir. Ces enfants qui n’auront plus leurs scolarités, donc nous pensons qu’il faut maintenir ces outils de production dans l’intérêt de la nation. Donc, nous allons travailler à ce qu’il y ait une indemnisation matérielle des personnes qui ont perdu des biens au cours des événements.

S. : Certaines personnes privées qui ont eu les biens détruits auraient des accointances avec le régime déchu. Aller dans le sens d’indemniser tout le monde, est-ce que vous n’allez pas faire des frustrés ?
P.M. : C’est une autre paire de manches. La justice va faire son travail parce qu’il y a des dossiers de crimes économiques qui seront ouverts. Si à l’issue des enquêtes, l’on se rend compte que l’usine que nous avons indemnisée appartient à quelqu’un qui avait soutiré l’argent du peuple, on trouvera des moyens de le récupérer pour qu’elle revienne à l’Etat.

S. : Allez-vous nationaliser des usines ?

P.M. : S’il le faut, nous allons nationaliser des entreprises, parce que ce qui a été construit avec l’argent du peuple doit revenir au peuple.

S. : Est-ce qu’il y a de l’argent pour indemniser tout le monde ?

P.M. : Il peut y avoir de l’argent si nous allons le chercher là où il se trouve.

S. : Le président de la transition a évoqué au cours de son discours de passation de charges, le dossier Thomas Sankara. Concrètement, à quoi doit s’attendre le peuple burkinabè ?

P.M. : Le président a déjà pris la décision que la tombe du capitaine Thomas Sankara soit ouverte afin que l’on puisse prouver par des tests ADN que c’est lui qui y a été inhumé. La poursuite des présumés coupables va être entreprise. Le dossier sera entièrement reouvert et la justice sera rendue.

S. : Et le dossier Norbert Zongo et autres ?

P.M. : Ce sera le même processus, aucun dossier pendant ne restera endormi.

S. : Le Syndicat des magistrats du Burkina demande la réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature, de telle sorte que son président soit un magistrat en lieu et place du président du Faso. Est-ce que vous allez satisfaire à cette requête des magistrats ?

P.M. : Nous pensons que lorsqu’on parle de séparation des pouvoirs, il faut qu’elle se traduise dans la réalité. Le président du Faso relève de l’exécutif. S’il est le président en même temps du Conseil supérieur de la magistrature qui relève du pouvoir judiciaire, je pense qu’il y a une collusion qui n’est pas pour servir forcément la démocratie.

S. : Pour un délestage que vous avez qualifié de sabotage, le directeur général de la SONABEL a été limogé et serait détenu à la MACO. Sera-t-il jugé ?

P.M. : Non, il ne sera pas jugé sur ce délestage. Les grandes sociétés d’Etat y compris la SONABEL vont être l’objet d’audit. Si dans la gestion de la SONABEL, il y a des choses qui lui sont reprochées, il va devoir répondre devant la justice.`

S. : Et le cas de l’ancien directeur général des douanes, Ousmane Guiro ?

P.M. : Guiro a déjà un dossier en justice. Nous allons donner un coup de fouet à ce dossier pour qu’il avance vite.

S. : D’aucuns pensent qu’il est retourné en prison. Est-ce que vous confirmez cela ?

P.M. : Oui, nous avons pris des dispositions pour qu’il ne s’échappe pas du territoire.

S. : Mais, est-ce qu’il est en prison ?

P.M. : J’ai dit que nous avons pris des dispositions pour qu’il ne quitte pas le territoire national. Il y a des spécialistes pour cela. Nous avons donné des instructions pour que Guiro soit sur le territoire jusqu’au moment où le dossier sera enrolé.

S. : Vous ne répondez pas à la question M. le Premier ministre. Si aujourd’hui un journaliste veut du fact checking, la vérification des faits, il va à la MACO, est-ce qu’il va y trouver Guiro ?

P.M. : Il s’adresse d’abord à la gendarmerie qui pourra lui donner de plus amples informations.

S. : Que ferez-vous des différents rapports de l’ASCE et de la Cour des comptes qui attendent dans les tiroirs ?

P.M. : Il y a des noms qui ont été cités dans ces différents rapports. Il faut que la justice se saisisse de cela. Nous pensons qu’aujourd’hui il, faut qu’on ressorte tous ces rapports et que les personnes dont les noms ont été cités, soient appelées à s’expliquer. Nous pensons que la justice va avoir beaucoup de travail. Elle a un rôle fondamental à jouer dans cette transition. Nous pensons que même si nous n’arrivons pas à achever le travail, nous allons travailler à ce qu’une bonne partie des dossiers qui ont été ouverts soient jugés pendant la transition.

S. : Et l’ancien président Blaise Compaoré qui est au Maroc avec sa famille ? Est-ce qu’ils feront l’objet de poursuites judiciaires ?

P.M. : Si, au niveau de la justice, il y a une plainte qui est déposée contre le président Compaoré, je pense que nous allons demander au Maroc, bien qu’il n’y ait pas d’accord d’extradition entre les deux pays, de mettre le président Compaoré à la disposition de la justice burkinabè.

S. : Il y a une partie de la société civile qui a déjà lancé l’idée d’arrêter le président Compaoré et de le traduire en justice. Quel commentaire faites-vous ?

P.M. : Il faut qu’il y ait un juge qui se saisisse de ce dossier-là. Ce n’est pas nous qui devons gérer cela.

S. : Est-ce qu’on ne peut pas qualifier cela de justice de vainqueurs ? Juger presque tout le monde?

P.M. : Non. Vous étiez au Burkina Faso et vous avez vu comment la justice a été instrumentalisée pendant des années. Lorsqu’un dossier arrivait en justice, il n’y avait pas bon espoir qu'il aboutisse.
Et cela a contribué à créer un climat de méfiance et de manque de confiance entre les administrés et l’administration. Nous pensons que la justice, doit juger les dossiers pendants afin que les Burkinabè regagnent confiance en elle.
Nous ne pouvons pas décider qu’à partir de maintenant, nous allons lutter contre l’impunité, mais nous n’allons plus permettre qu’un Burkinabè se comporte en hors-la-loi si nous ne jugeons pas les dossiers pendants. C’est notre façon de voir les choses.

S. : Nous allons revenir au cas du général Gilbert Diendéré. D’aucuns disent qu’il est venu vous prêter allégeance. Concrètement, qu’en est-il ?

P.M. : Il ne s’était pas prononcé contre nous. Nous ne le regardions pas en ennemi. Si lorsque nous sommes arrivés, il avait pris la décision de s’opposer à nous, là, on pourrait parler de revenir prêter allégeance. Mais dès le départ, à aucun moment à notre connaissance, il n’a eu un acte qui menaçait donc ce que nous essayions de faire pour le Burkina.

S. : Après l’euphorie du changement, il y a le doute qui commence à s’installer, notamment sur la situation économique. La question que tout le monde se pose aujourd’hui est celle-ci : les salaires seront-ils garantis toute l’année ?

P.M. : Effectivement, les salaires seront garantis toute l’année. Il n’y a pas de doute à cela. Que les Burkinabè ne s’inquiètent pas parce que la santé financière de notre pays est assez bonne.

S. : Beaucoup de compatriotes vous attendent sur les chantiers de la vie chère. Est-ce que vous prévoyez des mesures fortes dans les mois à venir ?

P.M. : Nous avons prévu, au plan social, un certain nombre de mesures. Nous allons d’abord travailler à ce que les denrées de première nécessité soient disponibles; qu’il n’y ait pas de rupture de stocks et que les prix soient à la portée de l’ensemble des Burkinabè, notamment les couches les plus défavorisées. Nous allons travailler également à ce que les soins médicaux soient accessibles à tous les Burkinabè. Les médicaments essentiels génériques de la CAMEG doivent être à la portée de tous. Il faut aussi améliorer les plateaux techniques des centres hospitaliers universitaires et régionaux pour que l’ensemble des Burkinabè puissent bénéficier des soins de qualité.
Au niveau de l’éducation, nous allons prendre urgemment des mesures d’accompagnement pour le continuum. On ne peut pas prendre une mesure aussi importante sans veiller à ce qu’il y ait suffisamment d’infrastructures et d’enseignants. Nous allons travailler rapidement à ce qu’il y ait des mesures d’accompagnement.
Au plan social, nous allons travailler à ce que les Burkinabè, dans leur grande majorité, aient un standard de vie acceptable. Il ne faut pas qu’il y ait trop de différences entre les Burkinabè. Une partie ne doit pas vivre dans un nuage tandis que la majorité croupit dans une certaine misère. Nous allons donc réduire cette fracture au sein de la société burkinabè.

S. : L’ex-président du Faso rêvait d’émergence pour le Burkina avec de grands chantiers comme l’autoroute Ouaga-Yamoussoukro, la boucle ferroviaire. Allez-vous poursuivre les grands chantiers ?

P.M. : Nous allons voir à quel niveau se trouvent ces chantiers. Nous allons bien nous informer parce que ces chantiers ont une importance stratégique pour le développement du Burkina Faso. Nous sommes là pour une année, nous n’allons pas les interrompre. Je me dis que ce n’est pas notre priorité. Nous allons les encourager, nous allons continuer de discuter avec les partenaires, avec lesquels nous avons des engagements pour la réalisation de ces projets. Mais cette année, le budget de l’Etat ira dans d’autres secteurs, que nous pensons prioritaires pour le peuple burkinabè.

S. : Le 11-Décembre à Dédougou, c’est pour bientôt. Allez-vous garder la formule de départ ou allez-vous revoir les choses à la baisse?

P.M. : Nous pensons que c’est une bonne initiative de faire tourner cette célébration du 11-Décembre, parce que cela permet aux différentes régions d’avoir des infrastructures. Quand il y a le 11-Décembre, non seulement le chef-lieu de la région a une cité, la cité des forces vives, mais il y a beaucoup d'autres d’infrastructures, et même dans les autres provinces de la région. C’est une bonne initiative financée par le budget de l’Etat. Ce serait bien de poursuivre cela, ensemble avec toutes les autres composantes de la nation. Nous allons dresser le bilan de ce qui a été fait jusqu’à présent et décider ensemble s’il faut continuer ou s’il faut reformuler cela.

S. : Pour le cas de Dédougou, quelles sont les garanties que vous donnez aux populations de la Boucle du Mouhoun que la fête sera belle et non une fête au rabais ?

P.M. : Le chef de l’Etat sera bien à Dédougou pour célébrer le 11-Décembre. Le défilé aura bel et bien lieu à Dédougou. Je pense que rien ne sera fait au rabais à Dédougou. Les populations de la Boucle du Mouhoun peuvent être certaines que nous allons célébrer la fête de l’indépendance d'autant plus que c’est la première fête d’après-révolution. Nous allons mettre tous les moyens nécessaires afin que cette fête soit véritablement belle.

S. : Des conseils régionaux et municipaux ont été dissous. Comment comptez-vous relancer l’élan amorcé par de nombreuses collectivités qui se trouvent aujourd’hui freinées par la mesure?

P.M. : Après les élections de novembre 2015, il y aura de nouvelles collectivités, de nouveaux conseils communaux. Je pense que normalement, tout ce qui a été freiné par la dissolution pourra être repris. Que ce soit les partenariats qu’ils avaient avec des institutions ou avec d’autres collectivités, ils pourront les reprendre. Mais il faut de nouveaux conseils parce que ceux qui étaient en place ne répondaient pas véritablement aux attentes des populations. Même si ces conseils ont été élus, nous savons dans quelles conditions ils l'ont été. Nous avons préféré tout remettre à plat. De façon transparente, démocratique et libre, les populations pourront désigner des hommes et des femmes qu’elles pensent être soucieuses de leur intérêt premier.

S. : Des acteurs économiques réclament également la dissolution des Chambres consulaires. En tant que Premier ministre du Burkina Faso, quelle suite réservez-vous à cette requête ?

P.M. : Nous avons déjà reçu les opérateurs économiques, le conseil du patronat et nous avons échangé. Nous savons très bien aujourd’hui que la plupart des opérateurs économiques souhaitent que le bureau de la Chambre du commerce soit purement et simplement dissous, parce qu’il avait été installé dans des conditions qui ne respectaient pas l’orthodoxie en la matière. Je pense que certains candidats avaient été simplement imposés par certains ténors du régime passé. Nous pensons qu’avec le ministre du Commerce qui est leur ministre de tutelle et avec les autres acteurs, nous allons discuter et leur donner une chance d’avoir un bureau véritablement démocratiquement élu.

S. : Dans la même veine, il y a la gestion des mines. Comment donner assurance aux investisseurs ?

P.M. : C’est l’un des secteurs où nous allons demander à ce qu’un audit soit fait. Nous avons entendu qu’il y avait des passe-droits. Dans ces conditions d’opacité totale, nous ne pouvons pas continuer et espérer que le secteur minier, qui est un pilier de notre économie, puisse véritablement profiter à tous les Burkinabè. Nous allons regarder de près pour voir s’il faille revoir des contrats, annuler des licences ou des concessions et les redistribuer dans des conditions transparentes.

S. : Il est question de la mise sous-scellé des bureaux des DAF des ministères. Quels sont les objectifs que visent la mesure ?

P.M. : Nous avons tantôt parlé d’audit. Pour que cela soit bien mené, il fallait donc sceller les bureaux pour qu’il n’y ait pas des jeux d’écriture pendant ce laps de temps. Le gouvernement a traîné avant d’être mis en place, nous avons mis un mois. Il était indiqué qu’au niveau des DAF, les bureaux soient mis sous-scellé pour permettre aux nouveaux ministres qui vont venir et aux enquêteurs d’avoir accès aux documents. Nous avons entendu des choses. Il y avait certaines fausses écritures qui se faisaient, de faux cachets qui étaient fabriqués. Nous avons pris des dispositions, et c’est maintenant que le travail va véritablement commencer.

S. : Est-ce que des dispositions sont prises également pour que cette mesure ne retarde pas quelque peu le démarrage de l’activité gouvernementale ?

P.M. : Je pense que le gouvernement est déjà en train de travailler, les ministres ont été installés et les scellés ont été levés. Normalement, il n’y a plus de problème de fonctionnement au niveau des ministères.

S. : Est-ce que limoger sans exposer les faits n’est pas de nature à créer la psychose dans le management des sociétés d’Etat et de l’administration publique fortement politisées aujourd’hui?

P.M. : Nous pensons que lorsqu’on a nommé quelqu’un à un aussi grand poste de responsabilité, il y a des devoirs. Et manquer à ces devoirs, c’est s’exposer du même coup à des mesures disciplinaires. Si on accepte d’accomplir une mission, on doit y aller avec le plus grand sérieux, mais surtout avoir en tête l’intérêt général. Je sais que vous faites allusion au directeur général de la SONABEL.

S. : Et au directeur général de la SONABHY dont les raisons de limogeage n’ont pas été expliquées. Pour le cas de la SONABEL, on parle plutôt de sabotage?

P.M. : Au niveau de la SONABEL, nous avions une cérémonie que nous avons estimée d’intérêt national. Et il n’était pas opportun que le DG de la SONABEL se permette de se payer des vacances en campagne hors de Ouagadougou et laisser une coupure d’électricité intervenir pendant la cérémonie. Nous avons estimé que c’était du sabotage.

S. : Il aurait été là, le problème pouvait aussi survenir .

P.M. : Dans tous les cas, il l’aurait payé aussi, parce que c’est lui le chef. Pour ce qui concerne la SONABHY, nous avons eu des renseignements sur ses accointances. Il a été nommé le même jour que celui de la SONABEL, on ne peut pas nous prouver qu’ils n’étaient pas liés à la même personne. Selon les renseignements que nous avons eus, il y avait un certain nombre de transferts qui se faisaient. Nous avons estimé que ce n’était pas bien. J’ai reçu dès les premiers moments les directeurs généraux des sociétés d’Etat pour leur dire d’éviter un certain type de gestion. Il fallait qu’ils respectent absolument l’orthodoxie financière pour éviter que les ministres qui vont venir, lorsque le gouvernement sera formé, ne se retrouvent confrontés à certaines difficultés. Lorsqu’on a donné des consignes, lorsqu’on a fait une circulaire adressée aux secrétaires généraux des ministères pour interdire les différents paiements afin qu’il n’y ait pas de manipulations, j'avais dit que tout paiement devait être soumis à autorisation. Mais cela n’a pas été respecté. Que voulez-vous que je fasse ? Je ne peux pas admettre cela parce que, il le fait sans être sanctionné, vous imaginez la suite ?

S. : Ces décisions sont-elles prises après des enquêtes approfondies ou bien c’est sur la base de soupçons uniquement ?

P.M. : Vous savez que quand on fait des transferts, il y a des preuves. On n’a pas besoin de soupçons. Je pense que nous sommes des professionnels. Sur ce plan, vous pouvez être sûrs que nous n’avons pas organisé une chasse aux sorcières, comme d’aucuns pourraient penser. Mais c’est simplement parce que l’acte qui était posé était répréhensible.

S. : Est-ce que ce sont des mesures dissuasives, quand on sait que peut-être dans d’autres sociétés d’Etat, en attendant que les audits ne le prouvent, il y a des faits répréhensibles ?

P.M. : C’est d’abord des mesures de coercition envers ces personnes, mais dissuasives aussi à l’endroit de quiconque serait tenté de dilapider les biens publics.

S. : Vous arrivez à la tête du gouvernement au moment où le phénomène de la corruption ressemble à ce qu’on pourrait appeler des serpents de mer. Quelle est la solution que vous préconisez dans le sens de la lutte contre ce phénomène-là ?

P.M. : Je le disais tantôt au niveau du Conseil national de la transition, il faut qu’une loi anti-corruption soit votée pour permettre aux juridictions qui sont là de pouvoir poursuivre clairement tout ce qui entre dans le cadre de cette corruption. Parce que la notion de corruption est très large. Je pense que dans cette loi, on pourra avoir matière à poursuivre tous ceux qui s’adonnent à cette pratique.

S. : En la matière, des dispositions légales existent au Burkina. Estimez-vous que ce ne sont pas dispositions à même d’atteindre les objectifs escomptés ?

P.M. : Il y a des dispositions légales qui existent et dont le code pénal. Une loi anti-corruption va aller beaucoup plus en profondeur.
S. : Vous pensez par exemple au délit d’apparence ?

P.M. : Oui ! Par exemple. Je ne connais pas tout le contenu de cette loi, mais je sais que selon les dires de certains, les partenaires techniques et financiers avaient exigé que cette loi soit adoptée. La loi a été soumise à l’Assemblée nationale et elle a été retirée. Vous voyez bien que cette gymnastique, c’était pour favoriser certaines pratiques. Nous allons la réintroduire. Nous allons d’abord l’amender et le Conseil national de la transition va l’adopter le plus tôt possible.

S. : Au-delà de l’adoption de cette loi, est-ce qu’il y aura des actions concrètes à envisager sur le terrain ? Par exemple le REN-LAC qui demande des comptes aux dignitaires du régime Compaoré, d'autres réclament le gel des avoirs des anciens dignitaires ?

P.M. : C’est une mesure que nous avons prise dès les premières heures. Nous avons écrit à toutes les institutions financières de geler leurs comptes. Ce ne sont pas des mesures qui pouvaient attendre qu’une commission soit mise en place pour être prises, sinon, ils auraient eu le temps de tout ramasser.

S. : La corruption concerne pratiquement beaucoup de milieux. Et il y en a qui sont cités en exemple. Y aura-t-il des actions concrètes sur le terrain ?

P.M. : La justice va travailler avec la police et la gendarmerie pour traquer les corrompus. Vous allez vous rendre compte sur le terrain. Sur la base de dénonciations aussi parce que nous pensons que la majorité des citoyens condamnent ces pratiques. Si sur la base de dénonciations, nous avons des noms qui sont cités, la police et la justice iront à leurs trousses.

S. : En nommant le Pr Luc Marius Ibriga à la tête de l’Autorité supérieure de Contrôle d’Etat (ASCE), que voulez-vous donner comme message ?

P.M. : Luc Marius Ibriga est quelqu’un que nous connaissons très bien. C’est quelqu’un d’intègre dont la probité est irréprochable. Je pense que c’est cela qui a fait consensus. Nous avons estimé que le nommer à la tête de l’Autorité supérieure de Contrôle d’Etat, va nous permettre d’avancer. Non seulement dans les inspections que l'Autorité va conduire, mais aussi dans les dossiers que les inspecteurs avaient déjà eus à conduire et qui avaient été étouffés à un certain moment. C’est une responsabilité que nous lui avons confiée et nous pensons qu’il pourra nous aider à avancer dans le sens que les Burkinabè souhaitent.

S. : Vous avez évoqué des dispositions légales à prendre pour essayer de sévir. On sait également que certains milieux, notamment celui de la douane qui est souvent citée en exemple en matière de corruption. Est-ce qu’en durcissant le ton dans la lutte contre la corruption, on ne risque pas de réduire les recettes de l’Etat et l’élan de fonctionnement de certaines administrations?

P.M. : Non, pas du tout ! Je crois que les gens se comportent en fonction de celui qu’ils ont à leur tête. Comme on le dit, le poisson pourrit par la tête. Lorsque ceux qui sont à la tête du pays sont des personnes corrompues, vous ne pouvez pas dire à ceux qui sont avec vous de ne pas pratiquer la corruption. Je suis sûr que lorsqu’on va assainir au niveau des pratiques même du gouvernement et de certains responsables de l’Etat, ce sera automatique au niveau de la base. C’est mon point de vue. Mais s’il y a quelqu’un qui veut défier l’autorité, on prendra les mesures qui s’imposent.

S. : Il y a un certain nombre de rapports, ceux du REN-LAC, dans lesquels il y a des cas avérés de corruption. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que ces rapports reviennent sur la table ?

P.M. : Obligatoirement, il faut que ces rapports reviennent sur la table, puisqu’il y a des noms qui ont été cités. La justice doit se saisir de cela. Il faut appeler les intéressés et leur demander des comptes.

S. : Dans le milieu des affaires, le fait qui revient le plus souvent est que certains opérateurs échappent au fisc au regard certainement de ces faits de corruption. Comment comptez-vous vous attaquer à ce phénomène-là?

P.M. : Tous les opérateurs économiques doivent se préparer à payer les impôts. Personne ne va échapper à cela. On ne peut pas permettre que certains engrangent de l’argent sans payer les impôts, alors qu’on se rabat tous les jours sur les petits commerçants pour collecter les impôts afin de nous payer les salaires.
Cela n’est pas normal. Tout le monde doit payer les impôts. Tout le monde doit être mis sur un pied d’égalité. Lorsque vous menez votre activité, vous devez payer les impôts. On ne demande pas l’avis des salariés pour retenir les impôts (IUTS) dont ils doivent s’acquitter. Il n’y a pas de raison que quelqu’un refuse de payer les impôts au Burkina Faso.

S. : Vous avez abordé un autre aspect, le secteur minier où il y a des actes peu recommandables en matière de paiement. Est-ce qu’on ne court pas le risque de chasser certains investisseurs ou encore celui de ne pas paraître transparent vis-à-vis de certains marchés internationaux ?

P.M. : Je pense que cela est même une exigence des partenaires techniques et financiers.
Le secteur minier doit être géré de manière transparente. Et c’est ce que nous allons faire. Nous allons voir si les contrats qui sont déjà passés ont respecté les normes. S’il y a eu des contrats qui ont été passés de manière frauduleuse, en favorisant certaines personnes parce qu’elles ont donné de l’argent à côté, il faut qu’on dénonce ces contrats. Nous allons les inviter à repasser normalement les contrats et que ce qu’ils doivent payer à l’Etat burkinabè lui revienne. Même s’ils avaient donné de l’argent à quelqu’un, cela n’engage qu’eux. Nous pensons qu’il faille revisiter tous ces contrats, parce que les mines appartiennent à tous les Burkinabè et non à une partie de Burkinabè. Il faut que les bénéfices reviennent à tous les Burkinabè.

S. : Que doit faire désormais le petit agent burkinabè qui se trouve quelque part en province devant un cas avéré de corruption ?

P.M. : Nous lui demandons de signaler ce fait à la police ou à la gendarmerie, parce que ce sont les auxiliaires de justice qui sont à leur portée. C’est dans les grands centres que les gens sont invités à se déporter jusqu’au parquet pour dénoncer les faits de corruption. Nous pensons qu’il faille que les Burkinabè, là où ils se trouvent, qui qu’ils soient, puissent dénoncer la corruption. C’est la corruption qui gangrène tout le système. Ceux qui travaillent ne bénéficient de rien et ceux qui ne travaillent pas, parce qu’ils ont adopté cette pratique-là, ont tous les moyens du pays. Nous invitons tout le monde à se tenir prêt pour dénoncer la corruption. Nous nous engageons à ce que ces dénonciations connaissent une suite.

S. : Le Fonds monétaire international (FMI) et le Canada ont suspendu leur aide en faveur du Burkina Faso. Est-ce Avez-vous espoir d’une reprise de leur intervention financière au profit du pays avec la mise en place des institutions de la transition ?

P.M. : Non seulement, j’ai espoir, mais je peux vous garantir que ce sera fait. Le chef de l’Etat sera au Sommet de la Francophonie à Dakar. Il va y rencontrer le Premier Ministre canadien, ils vont discuter de cette question-là et j’ai bon espoir que l’aide directe au développement sera reconduite pour le Burkina Faso.

S. : Quel est le message que vous adressez aux organisations internationales et aux pays occidentaux qui réclament la remise du pouvoir aux civils ?

P.M. : Le pouvoir a été remis aux civils. Je pense qu’aujourd’hui nous avons respecté nos engagements. Il leur appartient également de respecter les leurs. Le train est déjà en marche parce que le directeur régional de la Banque mondiale était là hier (NDLR : le mercredi 26 novembre 2014). Il a pris acte. Et déjà, les procédures de décaissement ont commencé. A ce niveau, il n’y a vraiment pas de problème.

S. : ll y a eu des casses et des pillages , toute chose qui pourrait inquiéter certains investisseurs qui s’intéressaient à la destination Burkina. Quelle garantie leur donnez-vous, qu’en investissant au Burkina, ils n’en seront pas victimes un jour ?

P.M. : Nous allons travailler à les rassurer. Nous allons rencontrer les investisseurs. Le risque zéro n’existe pas. Lorsqu’ils viennent investir dans un pays, il faut qu’ils fassent des rapports. Nous, nous pouvons leur garantir que le risque ne sera pas élevé. Nous allons travailler à ce que leurs investissements soient en sécurité. Nous allons travailler à ce que les gros investissements comme les mines soient protégés par tous les moyens. Les investisseurs même seront protégés. Les Burkinabè se disent que s’il y a un problème, que l’on puisse s’asseoir et que l’on discute et non aller casser des mines pour ramasser des minerais des personnes qui sont venues d’ailleurs pour chercher de l’argent. Nous pensons qu’il est possible de travailler à donner confiance aux investisseurs. Ils viennent pour chercher de l’argent, ils ne viennent pas pour perdre. Nous allons leur parler, les mettre en confiance et nous sommes sûrs qu’ils vont nous accompagner, non seulement pour eux, mais aussi pour le Burkina Faso.

S. : Nous sommes également sur les antennes de la RTB. qui a également connu des destructions pendant l'insurrection. Comment redonner à la maison radio et télévision leur lustre d’antan ?

P.M. : J’ai visité la TNB, j’ai pu toucher du doigt les dégâts qui ont été causés. Nous avons immédiatement pris des dispositions. Nous avons donné des instructions au directeur pour qu’il approche certains de nos amis, notamment l’ambassadeur de Chine qui était disposé à injecter près d’un milliard 900 millions pour remettre tous les équipements de la télévision à l’état neuf. Je pense que pour la TNB, tout est fait ou est en train d’être fait. En ce qui concerne la radio, l’évaluation est faite et nous sommes en train de voir, même si c’est au titre du budget de l’Etat, nous allons faire un décaissement spécial pour que la radio puisse fonctionner sans problème.
Je voudrais profiter tirer mon chapeau à ces femmes et hommes qui travaillent à la RTB, malgré les dégâts qu’ils ont connus, à aucun moment ils n’ont arrêté le travail. Nous n’avons pas annoncé notre visite à la télévision, et nous avons trouvé des hommes et des femmes qui étaient en train de lutter avec des câbles pour essayer de souder ou de changer les objectifs de certaines caméras qui avaient été jetés à terre. Je voudrais leur rendre hommage, leur dire que c’est un acte hautement citoyen. Chaque Burkinabè, là où il se trouve, doit se dire qu’il doit travailler, quelles que soient les conditions, pour le devenir de cette nation. Il faut que nous puissions donner aussi l’exemple à nos enfants.

S. : Et par rapport aux attentes des populations sur une télévision de service public ?

P.M. : Est-ce que la télévision actuellement n’est pas de service public ? Vous voulez dire qu’elle fonctionne comme une télévision privée ?

S. : Dans un certain passé récent, il a été reproché à la RTB d’être au service d’un gouvernement, mais pas forcément du public

P.M. : Nous pensons effectivement qu’au titre des médias publics de façon générale, nous allons travailler à ce que l’information soit donnée de manière impartiale, mais surtout responsable. Il n’est pas question que l’information serve à un individu ou à un clan. Il faut que les journalistes qui doivent être professionnels, puissent donner l’information en toute liberté et en toute confiance, en se disant qu’ils travaillent pour le peuple, pour le Burkina. Ils doivent être au service de la nation. Nous allons travailler dans ce sens et nous pensons qu’aussi bien la presse privée que les médias publics doivent s’accorder.
Il ne devrait pas y avoir de problème de médias. C’est d’abord le service du Burkina, ce n’est pas le service d’un individu.
Je dis merci à l’ensemble de la presse nationale pour le rôle qu’elle a joué durant cette phase de crise. Je loue ses efforts qui nous permettent de donner une autre visibilité de notre pays sur la scène internationale.


Propos transcrits par Beyon Romain NEBIE
et Karim BADOLO
Commentaires

Titrologie



Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment