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Site d’orpaillage de Mankarga dans le Ganzourgou : des orpailleurs violemment déguerpis par les forces de l’ordre
Publié le samedi 29 novembre 2014  |  Le Quotidien
L`orpaillage
© Autre presse par DR
L`orpaillage




L’insurrection populaire qui a conduit à la démission de Blaise Compaoré a donné lieu à des pillages de biens privés et publics. Si dans les grandes villes, les populations ont pris d’assaut les magasins de vivres pour se servir, ce fut un autre scénario sous d’autres cieux, notamment sur les sites miniers. C’est ainsi que des populations ont envahi, depuis le 31 octobre dernier, le site d’exploration de Tanluka Sarl, dans le Ganzourgou. Après plusieurs tentatives de médiation entreprises par les autorités communales, provinciales, du syndicat des orpailleurs, sans résultats, ils ont été déguerpis manu militari. Des rumeurs font état de pertes en vies humaines. Notre équipe, qui était de passage sur le site, le 26 novembre 2014, n’a pas pu vérifier cette information, Cependant, on enregistre de nombreux dégâts matériels.

A peine descendus à Zempassogo pour rejoindre Mankarga où ont intervenu les forces de défense et de sécurité pour déloger des orpailleurs, nous apprenons qu’il y a eu de nombreuses pertes, surtout en vies humaines. Difficile pour nous de vérifier l’authenticité de ces dires sans nous y rendre. Nous mettons donc le cap sur le site où ont eu lieu les évènements. Sur la route, nous croisons des tricycles avec du matériel. Après renseignements, nous apprenons qu’après l’intervention des forces de sécurité, les orpailleurs ont été sommés de ramasser leur matériel de travail. Sur les visages, se lisait la tristesse. A Pousguin, un des villages voisins du site, chacun vaque à ses occupations habituelles. En petits groupes, les habitants s’adonnent à des commentaires.

Vent favorable

L’insurrection populaire qui a contraint Blaise Comaporé à la démission a donné lieu à de nombreux pillages. Ayant appris qu’à Ouagadougou les populations se sont adonnées à des actes de vandalisme, celles des autres localités ont emboité le pas. C’est le cas des populations environnantes du site d’orpaillage de Mankarga qui ont envahi le site d’exploration appartenant à Tanluka Sarl. C’est ainsi que dès les premières heures de l’annonce de la nouvelle de la démission, une foule immense, venue de nulle part, a envahi le site. Avec pour intention de profiter de la situation. Pourtant, tous savaient pertinemment que le gisement appartenait à une société. « Effectivement, ils ont profité de l’insurrection populaire à Ouagadougou. Ils ont entendu dire qu’à Ouagadougou, les gens pillent. Ils savaient que toutes les forces de sécurité étaient mobilisées aussi bien à Ouagadougou que dans les grandes villes et que donc on ne pourrait pas envoyer du renfort rapidement pour nous aider à sécuriser le gisement. Ils étaient plus de 300 au début face à 12 CRS que nous avions là-bas. On m’a appelé pour demander la conduite à tenir et j’ai dit de dire aux CRS de retourner dans le camp. 12 CRS contre 300 personnes ? Nous n’allions pas leur dire d’utiliser leurs fusils. C’est ainsi que les CRS sont repartis. Bien entendu qu’ils sont repartis mais avec le besoin de personnes en sécurité, le lendemain, on leur a dit de venir à Fada, parce qu’on avait besoin d’eux. C’est à peu près une semaine après, comme la situation s’est normalisée, et après aussi que l’autorité de transition s’est rendue compte que les saccages qui étaient faits sur les mines allaient compromettre l’avenir économique du pays, que le lieutenant-colonel a sorti le communiqué n°7 qui dénonce ce comportement des orpailleurs sauvages sur les sites de production ou d’exploration minière », a témoigné Pierre Joseph Emmanuel Tapsoba, directeur national de Tanluka Sarl que nous avons rencontré le 27 novembre 2014, à Ouagadougou.
La même information est soutenue dans les villages voisins du site. C’est d’ailleurs ce que nous a attesté Moumouni Compaoré dit Bayo, du syndicat des orpailleurs, rencontré le 26 novembre dernier à Tallé, un autre village environnant du site. « Les gens étaient partis, mais avec les événements des 30 et 31 octobre, ils sont revenus malgré l’interdiction. Nous sommes allés informer la mairie et ils ont demandé de l’aide. Quand nous sommes revenus de la mairie, nous avons tenu une rencontre et nous sommes allés voir le chef de Nédego pour qu’il nous aide à chasser les gens qui sont sur le site, parce qu’on leur avait donné un ultimatum de partir. Nous leur avons dit de partir, car s’ils restent, ils seront responsables de ce qui va leur arriver », a-t-il renchéri.

Dialogue

Plusieurs tentatives de dialogue ont été entreprises par la direction de la société pour raisonner les orpailleurs. Mais ceux-ci, en quête de leurs butins, sont restés campés sur leur position. Ils n’ont rien voulu comprendre, avons-nous appris de sources concordantes. La direction de la mine est rentrée en contact avec eux pour qu’ils libèrent les lieux. Le plan de déguerpissement comprenait deux étapes. La première a consisté à les informer et à les sensibiliser. La deuxième avait trait à l’usage de la force pour qu’ils quittent les lieux.
« Les orpailleurs sont venus nombreux et les CRS ne pouvaient pas les attaquer. Ils ont donc reculé vers leur base. Petit à petit, ils sont devenus nombreux. On nous a dit que comme on n’a pas reçu l’ordre de travailler là-bas, ce n’est plus la peine d’y aller. Nous aussi, on s’est retiré et nous avons laissé les étrangers. Maintenant, la première des choses, dans trois ou quatre jours, le syndicat est venu de Ouagadougou. Il a rassemblé les gens et leur a donné trois jours pour que chacun fasse son possible pour ramasser ses affaires. Ils ne veulent pas partir », foi de Issa Kologho, natif de Pousguin qui ajoute : « Après cela, les CRS sont retournés sur le terrain et les orpailleurs voulaient les chasser à coup de cailloux. D’ailleurs même, ils se regroupent là-bas et viennent sur leur base pour les insulter. Mais, ils les regardent sans mot dire. Après cela, on nous a convoqués à Boudri pour dire qu’à partir d’aujourd’hui, chacun doit libérer le terrain ».
« Avant d’intervenir, nous avons eu une réunion à la chambre des mines avec l’office de sécurisation des sites miniers. Il a été arrêté que puisque les orpailleurs ont un syndicat, on va d’abord les rencontrer. C’est le syndicat même qui s’est proposé. Il a envoyé une délégation du bureau pour sensibiliser les gens illégaux qui étaient là-bas et leur donner un délai pour partir. Ces gens sont partis effectivement. Ils sont partis assez rapidement, je crois que c’était le 9 et ils ont discuté avec les orpailleurs qui ont dit qu’ils ont compris et on leur a donné trois jours pour quitter les lieux. Au bout des trois jours, il n’y avait aucun changement. Le vice-président du bureau du syndicat des orpailleurs qui était de la délégation m’a appelé et a dit que monsieur le directeur, les orpailleurs nous ont insultés. Je dis comment ça ? Ils ont pris l’engagement de quitter, ils ne sont donc pas partis et ils ont désobéi à l’autorité du bureau du syndicat des orpailleurs. Donc, il m’a dit que nous pouvons enclencher la deuxième procédure qui consiste à envoyer les forces de sécurité pour les déloger. Donc, on a commencé à préparer ce processus. On a d’abord envoyé les CRS qui sont partis environ au nombre de 33. Arrivés, les orpailleurs les ont assaillis. Ils voulaient les lapider. Le responsable a donc replié avec ses éléments au camp. Pendant qu’ils étaient au camp, les orpailleurs défilaient en leur disant : « vous croyez quoi, nous on a chassé Blaise à Ouagadougou. Et vous croyez que vous allez nous empêcher de travailler ici. On a chassé Blaise à Ouagadougou. Ici aussi, on travaillera, personne ne pourra s’opposer à nous », a informé Pierre Joseph Emmanuel Tapsoba.

Partir sans délai

Après 72 heures, les orpailleurs n’avaient plus droit de cité sur le site. Mais ils y sont restés environ deux semaines. « Donc, le haut-commissaire qui est l’autorité représentante de l’administration locale et qui suivait l’affaire de près, ne pouvait pas laisser les gens détruire le gisement. Parce qu’un minerai par exemple qui contient par tonne 10 grammes, si les orpailleurs prennent ce minerai-là, ils vont prendre 5 grammes et le reste, c’est perdu. Alors que nous, industriellement, sur les 10 grammes, nous prenons plus de 9 grammes. Vous voyez la différence pour le développement d’un pays. Donc le haut-commissaire a quand même tenu une dernière réunion. C’était exactement le jeudi passé au chef-lieu de la commune d’où relève le gisement. Il y avait le préfet, le commandant de gendarmerie, le commissaire de police, les responsables coutumiers des villages environnants du site et des représentants des orpailleurs et bien sûr ceux de la société. Le haut-commissaire a été clair. Il leur a dit : « J’ai reçu l’ordre du gouvernement de vous dire de partir. Parce que ce que vous faites est illégal. Ce que vous faites ne profite pas au pays. Donc, il faut partir ». Ils ont dit de leur donner un délai et le haut-commissaire a dit non », a affirmé Pierre Joseph Emmanuel Tapsoba.
Après tous ces tiraillements, les représentants des orpailleurs avaient demandé un autre délai. Chose que l’autorité a refusé. « Donc, le haut-commissaire a dit que nous considérons qu’il n’y a plus de délai. Allez informer les gens de quitter les lieux des travaux. Le haut-commissaire a dit : « Vous savez qu’il y a plus de 5 000 orpailleurs. Vous croyez qu’on peut trier et savoir que celui-ci est bon et celui-là n’est pas bon. Non, le mieux est que vous quittiez le lieu de travail. En tout cas, les ordres sont venus et on nous a dit de vous faire dégager quitte à ce qu’on vous dise plus tard ; comme vous dites que vous connaissez la société, qu’elle travaillait avec vous et vous avait donné des endroits, plus tard dans quelques semaines vous revenez. Si c’est vrai que la société travaillait avec vous, elle peut encore vous ré-autoriser à travailler. Voilà comment ça s’est passé », a confié Pierre Joseph Emmanuel Tapsoba.

Dégâts

Des rumeurs font état de nombreuses pertes en vies humaines lors de l’intervention des forces de l’ordre. Nous avons pu accéder au site d’orpaillage mais les prises de vue nous ont été formellement interdites. Nous n’avons donc pas aperçu un corps sans vie. Nous avons cependant trouvé une moto calciné dans une cour aux côtés d’un jeune. Ce dernier, avec tristesse, nous a affirmé qu’une femme enceinte a péri dans les affrontements. « Il y a eu des morts d’hommes. Ce sont des gens qui parlent de ça. Mais les gens n’ont pas enterré surtout ceux qui sont tombés dans les trous », a affirmé Moumouni Dipama qui dit ne rien avoir vu. « Même si vous passez à côté vous n’allez rien voir parce que les gens sont dans les trous », a-t-il soutenu.
Pour ne pas polémiquer sur cette situation, la chambre des mines, à travers l’office national de sécurisation des mines, a diligenté une enquête pour situer l’opinion. « Avant-hier, j’étais sur le terrain et personne n’a été en mesure de présenter un cadavre », a laissé entendre Pierre Joseph Emmanuel Tapsoba, directeur national de Tanluka Sarl. « Au départ, ils nous ont dit qu’il y a un enfant qui a été brûlé. Après la maman a retrouvé son enfant. Donc, il y a tellement d’affabulations », a-t-il ajouté. « Je n’ai pas appris que quelqu’un est mort sur le site et personne ne m’a informé aussi d’un cas de mort », dira en substance Moumouni Compaoré dit Bayo du syndicat des orpailleurs.

Victimes collatérales

Le marché du site d’orpaillage a pris feu après l’intervention des forces de l’ordre. C’est d’ailleurs ce que les commerçants ne comprennent pas. Si la chasse aux sorcières était dirigée contre les orpailleurs, les vendeurs se demandent pourquoi ils ont été victimes. C’est le cas de Moumouni Dipama, vendeur de pièces détachées qui dit avoir perdu ses marchandises. Dans sa boutique située au bord du site d’orpaillage, il y vendait de l’huile, de l’essence, du gazole, de l’huile 42 temps et des pièces détachées. Il estime ses pertes à
1 200 000 F CFA. « S’ils nous avaient dit, on allait ramasser nos marchandises et laisser leur site. Les orpailleurs sont des nomades alors que nous sommes des autochtones, nous sommes nés ici. C’est notre village ici. Nous allons fuir pour aller où ? », s’est-il interrogé. « Ils sont en train de frapper les gens là-bas. Avant, les CRS étaient dans les trous, et cette fois-ci, ce sont les militaires qui sont venus chasser les gens et rentrer dans le marché. S’ils avaient affirmé qu’ils allaient rentrer dans le marché, les commerçants, nous allions ramasser nos affaires et partir. Nous sommes des Burkinabè. On a été à l’école. Nos parents n’ont pas les moyens pour payer les frais de scolarité. C’est pour cela qu’on a abandonné l’école pour faire le commerce. Et puis ils sont venus nous chasser dans notre propre village », a-t-il ajouté. Selon Amado Ouangraoua, l’incendie du marché est dû au gaz lacrymogène. Le site, lui est gardé par des CRS, des gendarmes et des militaires.

Par Aziz Koalga
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