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Aristide Ongone OBAME : «La diversification est nécessaire pour l’atteinte de la sécurité alimentaire»
Publié le vendredi 7 novembre 2014  |  Sidwaya
Ebola:
© Autre presse par DR
Ebola: aide alimentaire fournie par le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM)




Depuis fin février 2014, la représentation de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Burkina Faso est dirigée par le Gabonais Aristide Ongone Obam. Cet ingénieur agronome spécialisé en zootechnique, fortifié de plus de 10 ans d’expériences avec l’agence onusienne, entend apporter sa touche à la coopération «déjà fructueuse» avec le «Pays des Hommes intègres». Dans cette interview, M. Ongone Obame analyse la campagne agricole finissante, évoque les défis de résilience des populations vulnérables et les risques d’insécurité alimentaire avec l’épidémie de la fièvre à virus Ebola.

La FAO travaille avec le Burkina Faso depuis 1961. Que faites-vous concrètement ?


Le Burkina Faso est effectivement membre de l’organisation depuis 1961. Il a fallu attendre quelques années, soit en 1978, pour que la FAO s’implante physiquement au Burkina Faso. Et aujourd’hui, on peut dire que la FAO est bien connue et positivement appréciée ici. Nous accompagnons le gouvernement burkinabè dans tous ses efforts pour stabiliser la sécurité alimentaire, lutter contre la faim et l’extrême pauvreté en milieu rural. C’est une coopération dynamique qui a évolué dans le temps, mais que l’on doit renforcer, en ce sens que rien n’est totalement jamais bien fait. Je tiens à préciser que la FAO n’est pas une institution financière qui donne des crédits. Nous ne sommes ni une banque, ni un fonds comme certains peuvent le penser. La FAO, c’est Food and Agriculture Organisation (en anglais) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (en français).


Quelles appréciations faites-vous de la politique agricole actuelle du Burkina Faso, par rapport à l’objectif d’atteindre la sécurité alimentaire ?


Le Burkina Faso, dans son approche pour la sécurité, est un exemple dans le Sahel. La première chose que je puisse dire pour étayer mes propos, c’est que le pays s’illustre comme le seul actuellement qui a pu honorer ses engagements conformément à la déclaration de Maputo de consacrer au moins 10% du budget national pour le développement du secteur de l’Agriculture en général. Le Burkina Faso a fait mieux que ce seuil (ndlr : 15%). Pour nous, c’est le signe d’une volonté politique manifeste que nous apprécions à sa juste valeur.


D’aucuns estiment que les 15% ne sont pas utilisés de façon efficace, si bien que très peu de ce montant parvient aux producteurs. Quelle en est votre analyse ?


J’admets que ce n’est pas parce qu’on y met 15% du budget que tous les problèmes du monde paysan sont résolus. Mais, c’est sur la base de cette volonté politique que nous sommes appelés à bâtir l’avenir. Par rapport aux échéances, le Burkina Faso doit faire face à des défis importants. En cette année 2014, les citoyens en situation d’insécurité alimentaire sont estimés à plus de 1 300 000 personnes. C’est une situation peu rose qu’il faut avoir le courage de regarder en face. En dehors de l’aide qui va directement aux productions traditionnelles, parce qu’il faut retenir que le Burkina Faso est producteur de céréales à près de 88%, qu'il faut diversifier. La diversification est nécessaire pour permettre au pays d’atteindre la sécurité alimentaire, en renforçant sa résilience. Face aux chocs climatiques, la grande production céréalière peut être mise en mal. Dans ce contexte, vous vous retrouvez pratiquement en insécurité totale, dans une situation de vulnérabilité qui fait en sorte que vous avez besoin de l’extérieur pour vous accompagner. Pour que les gens puissent se prendre en charge, il faut qu’il y ait d’autres possibilités de résister aux chocs au lieu de se contenter de la seule production céréalière.


Quel rôle joue l’agriculture familiale dans l’atteinte de la sécurité alimentaire ?


L’agriculture familiale est la base de l’alimentation au Burkina Faso. Et elle est pratiquée sur de petites superficies, rarement au-delà de 6 ha. Ses acteurs ont besoin d’appuis multiformes. Mais l’appui principal, à mon sens, c’est qu’il faut les former, mettre à leur disposition des techniques culturales, des semences améliorées, des fertilisants et renforcer leurs capacités de gestion de l’eau. L’eau est fondamentale au Sahel. Si l’on arrive à prendre en compte ces aspects, l’on peut véritablement et progressivement s’acheminer vers une sécurité alimentaire stable.


Cette forme d’agriculture peut–elle faire bon ménage avec l’installation des pôles agricoles ?


Absolument. Les pays qui, de nos jours, sont réputés avoir une agriculture moderne et très développée, sont partis de petites exploitations familiales. L’installation des pôles agricoles au Burkina Faso ne signifie pas la disparition de l’agriculture familiale qui, au demeurant, reste essentielle et va continuer d’exister. Les petites exploitations ont leur valeur ajoutée qu’on ne peut pas négliger. Néanmoins, il faut reconnaître que les grands pôles de production ont l’avantage de produire en masse, là où il y a des chocs climatiques. Ces pôles drainent aussi des technologies qui sont mal maîtrisées par l’agriculture familiale. Par conséquent, on peut avoir une association, une interaction entre ces grands pôles et les exploitations familiales. Ces dernières pourraient bénéficier de la formation des nouvelles techniques culturales des pôles, des intrants beaucoup plus adaptés aux conditions actuelles, et en retour, l’agriculture familiale pourrait contribuer à renforcer ces grands pôles par l’approvisionnement de leur chaîne de transformation. Et cette interaction entre les grands pôles et l’agriculture familiale est à encourager. Les deux sont complémentaires et vont de pair. Il n’y a pas de développement si la technologie moderne ne vient pas appuyer les efforts des petits producteurs.


La notion de résilience du monde rural est sur presque toutes les lèvres. Avec quoi rime-t-elle et quelles sont les actions posées par la FAO dans ce sens ?


La résilience est une disposition qui fait en sorte qu’une population ou un producteur, face aux catastrophes ou aux crises qui peuvent être diverses, comme les changements climatiques, avec des sécheresses prolongées, des inondations, ou du fait de l’homme, arrive à résister. En cas de catastrophes, si vous n’avez qu’une seule production, vous perdez complètement. Cela veut dire que vous n’êtes pas résilient, c’est-à-dire que vous n’avez pas les capacités et possibilités de tenir tête aux catastrophes et crises diverses. Une population résiliente sait supporter les chocs climatiques. Pour renforcer la résilience des populations face aux catastrophes, nous essayons de les appuyer dans la diversification, dans la mise en place d’autres activités : le petit élevage de volaille, par exemple. Cela leur permet non seulement de diversifier leur alimentation, en y incluant de la viande de volaille et des œufs, mais également de pouvoir commercialiser les produits de cet élevage, afin de générer des ressources en vue de se prendre en charge, en cas de choc. Nous encourageons d’autres ménages dans la transformation des produits forestiers non ligneux : le baobab, le moringa, entre autres, participent à la sécurité alimentaire. Nous avons également créé, au profit des producteurs, des boutiques d’intrants. Ces petites activités que nous développons aident les populations à être plus résilientes.


Depuis 2007, votre organisation a mis en place des projets d’urgence et de réhabilitation. Quel bilan retenir de ces différentes interventions?


En matière de programme d’urgence, nous intervenons pendant la crise ou le choc, et travaillons également à réhabiliter les populations, une fois l’urgence passée. Pour l’année en cours, nous avons comme cible 430 000 personnes que nous avons identifiées comme personnes vulnérables dans un certain nombre de provinces. Nous avons au total 10 projets d’urgence et de réhabilitation pour un montant total de plus de 29 millions de dollars US (plus de 14 milliards de F CFA) et nous appuyons directement des ménages. Je précise que les activités de la FAO sont financées de deux manières : des fonds extrabudgétaires, c’est-à-dire que des bailleurs accompagnent le gouvernement burkinabè, à travers l’expertise de la FAO ; ou des fonds propres de la FAO, dans le cadre des programmes de coopération technique. Les 29 millions de dollars proviennent des fonds extrabudgétaires, notamment avec des bailleurs comme l’Union européenne, la Coopération suisse, la Coopération suédoise, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Finlande, etc. Les fonds propres de la FAO proviennent principalement de la contribution des Etats. Il y a d’autres programmes en préparation. Les projets ne sont pas totalement approuvés par les bailleurs, mais nous attendons environ 4 millions de dollars (environ 2 milliards de F CFA). Nous avons aussi un projet qui vient d’être approuvé par les Nations unies, un programme de 9 mois, toujours en matière d’urgence. Dans l’ensemble, nous tirons un bilan positif.

Entre 1995 et 2007, il a été mis en œuvre un Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA). Quel lien peut-on faire avec les programmes d’urgence en cours d’exécution dans le pays ?

C’est un programme important pour la FAO et les Etats. Son mérite, c’est surtout d’avoir lancé une nouvelle manière de faire les choses, sans durer dans le temps. Les gouvernements devaient s’approprier les techniques promues dans le cadre du programme et les étendre sur l’ensemble de leur territoire. Aujourd’hui, ce que nous faisons pour renforcer la résilience des populations est fondé sur les acquis du programme spécial. Ce programme devait également aboutir à un autre, plus grand, dans les différents Etats : un programme national de sécurité alimentaire ou autre appellation, selon les pays. Au Burkina Faso, nous avons obtenu des résultats probants. Récemment, avec le séjour de l’ambassadeur des Etats-Unis auprès des agences des Nations unies basées à Rome, notamment la FAO, le PAM et le FIDA, nous avons visité, entre autres, un programme qui a fait de l’élevage de la volaille un outil de renforcement de la résilience à Godin, un village de la région du Nord. Les producteurs eux-mêmes se sont exprimés et ont affirmé qu’ils sont sortis de la vulnérabilité.

Comment se fait le choix des zones devant bénéficier de ces projets ?

Nous suivons avec le gouvernement les campagnes agricoles et aussi l’état d’insécurité alimentaire dans les différentes provinces. C’est ce qui nous guide dans nos interventions. Actuellement, nous intervenons beaucoup plus dans le Nord, le Centre-Nord et le Sahel, là où il y a des populations vulnérables.

Au vu de la présente campagne agricole, y a-t-il des raisons d’espérer ou de s’inquiéter ?

Permettez-moi de rappeler la campagne précédente qui a été globalement satisfaisante. Nous étions à un peu plus de 4 800 000 tonnes de céréales. Toutefois, il y a eu des disparités. En 2014, en attendant les chiffres, on peut retenir qu’il s’est passé deux choses. La première, c’est l’arrivée précoce de la saison des pluies. Vers la fin du mois d’avril déjà, les pluies ont commencé. Cela a donné l’impression à des producteurs que la saison s’était installée. Et une certaine quantité de semences disponibles a été mise en terre. Malheureusement, les pluies se sont brusquement arrêtées. Nous avons eu comme une poche de sécheresse jusqu’au mois de juillet où la véritable saison des pluies s’est installée. Dans ce laps de temps sans pluie, les semences ont eu le temps de pourrir en terre. Il a fallu redistribuer les semences à ceux qui les avaient déjà perdues, puis aider les autres qui n’avaient pas encore planté. Nous avons eu ces difficultés à cause de l’irrégularité de l’installation de la saison des pluies. Ce qui fait que nous avons craint le pire à un moment donné. Mais depuis le mois de juillet, il a plu assez correctement et par la suite, les pluies se sont faites beaucoup plus denses. Cela a permis de rattraper à certains endroits les cultures. Nous ne nous attendons pas à des résultats magnifiques, mais des résultats acceptables, étant entendu que nous aurons toujours des poches d’insécurité alimentaire.


La question des pluies pose le problème de la maîtrise de l’eau dans l’agriculture. Ce défi est-il pris en compte dans vos interventions ?


La gestion de l’eau est essentielle en matière d’agriculture au Sahel. C’est pour cela que, dans certains de nos programmes, il y a des aspects qui concernent la maîtrise de l’eau. Dans ce sens, nous mettons en œuvre un certain nombre d’infrastructures et d’outils en milieu rural. Il s’agit des forages, des puits, des boulis (sorte de mare) maraîchers ou pour le bétail, etc. Et nous travaillons toujours de concert avec les services des ministères chargés du monde rural. Nous sommes en train de formuler un nouveau programme pour voir comment mettre en route de petites techniques de récupération des eaux de ruissellement. Ces techniques ont déjà fait leur preuve en Tunisie. Nous prenons à cœur d’introduire toujours une dimension de la maîtrise de l’eau dans pratiquement tous nos programmes d’appui aux populations vulnérables.

La FAO et le Burkina Faso ont signé le 12 septembre 2013 un Cadre de programmation-Pays pour la période 2013-2015. Pourquoi un tel document ?

C’est un document que la FAO développe dans les Etats où elle intervient. Nous nous accordons avec les gouvernements, les organisations paysannes, etc. des pays sur les priorités du moment, généralement, sur une période de trois ans. Mais ces priorités sont susceptibles d’évoluer avant le terme du cadre de programmation. Au Burkina Faso, sur la période 2013-2015, nous avons identifié trois domaines prioritaires. Le premier concerne la résilience ; on voudrait améliorer la résilience des populations vulnérables du Burkina Faso. La plus grande partie de nos interventions iront dans ce sens. Le deuxième domaine prioritaire, c’est de travailler à améliorer les revenus des populations afin de leur permettre de se prendre en charge, de bien se nourrir, de bien se soigner et de pouvoir mettre leurs enfants à l’école. Le troisième domaine prioritaire porte sur la gouvernance de la sécurité alimentaire ; il s’agit d’aider tous les ministères concernés par ce concept, à mettre en place non seulement des textes, mais aussi la structuration de leur cadre et le renforcement des capacités de leurs cadres pour mieux comprendre et mieux conduire la sécurité alimentaire. Toutefois, nous pouvons intervenir en cas de crise, en dehors du cadre de programmation.

Toutes ces initiatives visent la sécurité alimentaire.
A quoi renvoie cette notion ?

La sécurité alimentaire renvoie d’abord à la notion de disponibilité. Aussi, l’aliment doit être accessible, c’est-à-dire que les populations doivent pouvoir s’approvisionner d’une manière légale. Egalement, la quantité et la qualité entrent en jeu. Il ne suffit pas seulement de manger, encore faut-il manger ce qui vous assure la santé sur le long terme. La notion de la nutrition est par ailleurs à prendre en compte, incluant une alimentation variée et saine. C’est pourquoi, nous pensons que la campagne agricole doit pouvoir aller au-delà des céréales pour intégrer d’autres denrées qui entrent dans l’alimentation des Burkinabè.


Certains pays de l’Afrique de l’Ouest sont victimes d'une épidémie d’Ebola. Quel impact cela peut-il avoir sur la production agricole ?


L’impact est déjà là. On observe actuellement des impacts directs dans les pays touchés par Ebola. Les déplacements des populations ont été restreints, sinon supprimés. Comme les gens ne peuvent plus se déplacer aisément, même ceux qui ne sont pas touchés par la maladie, il devient difficile pour eux de mener une activité agricole. Aussi, des pays voisins ont fermé leurs frontières, des compagnies aériennes refusent de desservir ces pays touchés, pourtant importateurs de céréales… C’est dire que les pays concernés par l’épidémie ne peuvent plus produire ni importer. Il est clair que les quantités de céréales disponibles avant la survenue de l’épidémie ont diminué, parce que ces pays ne sont plus approvisionnés. Le peu qui reste, il y a une flambée des prix. Ce qui fait que même si la denrée peut être disponible, une grande partie de la population n’y aura pas accès. Donc actuellement, dans ces pays, il y a un grave problème de disponibilité alimentaire. Le PAM a pris le relais pour fournir l’aliment de manière directe. Nous, à la FAO, nous intervenons pour voir comment on peut aider ces populations à reprendre le chemin de la production alimentaire. Le problème de cette épidémie n’est pas que médicale. Les populations doivent pouvoir continuer à s’alimenter. Actuellement, notre bureau de l’intervention humanitaire de Dakar a formulé un plan de réponse. Nous sommes à la recherche de financements. Nous prévoyons deux types d’intervention : dans les pays touchés et dans les pays voisins.

Interview réalisée
par Koumia Alassane KARAMA
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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