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Le « sommet de Ouagadougou » permettra-t-il de trouver une porte de sortie à la crise malienne ?
Publié le jeudi 13 decembre 2012   |  Autre presse


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© Autre presse par DR
Fin de la Session Extraordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEDEAO
Dimanche 11 Novembre 2012. Abuja. Photo : Le président nigérian, Goodluck Jonathan.


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Nous aurons vécu, en Afrique de l’Ouest, tout au long de cette année 2012, un nouveau type de crise « africaine » à travers ce que subit le Mali. Rien à voir avec ce « printemps arabe » qui a transfiguré l’Afrique du Nord, en Tunisie et en Egypte. Rien à voir avec la « guerre en Libye » qui a, d’abord, changé le mode de production diplomatico-militaire de l’OTAN et des Nations unies sur la rive Sud de la Méditerranée avant de changer la donne sécuritaire dans le « corridor sahélo-saharien ».

Rien à voir non plus avec « la crise ivoiro-ivoirienne » qui, après dix années d’exacerbation, s’est achevée dans le chaos d’une élection présidentielle contestée par le perdant. Ce qui s’est passé au Mali d’abord (la revendication par les armes de l’indépendance de l’Azawad), à Bamako ensuite (le coup d’Etat militaire contre Amadou Toumani Touré) puis dans le Nord-Mali (la victoire des « islamistes radicaux » et l’instauration de la charia) ne ressemble en rien aux situations que nous avons connues, ces dernières années, en Afrique. Mais nul ne peut nier que la crise malienne résulte de tout cela et qu’elle a rapidement cessé d’être une crise « malienne » pour devenir une crise « africaine ». Depuis, la tentation est forte, de la part des uns et des autres, d’en faire une crise internationale.

L’internationalisation de la crise malienne, c’est le recours à des voies et moyens qui ne soient pas africains. C’est, d’abord, sa militarisation. Et, en la matière, on sait quand on met le doigt sur la gâchette ; jamais quand on va l’en retirer. La Côte d’Ivoire en fait l’expérience, contrainte qu’elle est de subir la présence de troupes étrangères sur son territoire depuis plus de dix ans maintenant ! Beaucoup de leaders politiques de la région (à commencer par le premier ministre du Mali : Cheick Modibo Diarra) ont appelé à une militarisation-internationalisation de la crise. Paris a d’ailleurs laissé penser, trop rapidement, que la France pourrait être partie prenante de cette opération. François Hollande venait d’être élu à la présidence de la République et chacun sait que, dans ce moment d’extase profonde pour le chef de l’Etat, les ministres et l’appareil gouvernemental, on s’emballe quelque peu. Et la tentation de jouer au « petit soldat » est toujours forte en France : Nicolas Sarkozy n’y a pas résisté en Libye.

Au début de l’été 2012, c’était donc la mobilisation générale. Au début de l’automne, le camp des « va-t-en guerre » pouvait penser l’avoir emporté sur celui de la « médiation sans frontières ». On allait voir ce qu’on allait voir. Il y a eu de la complaisance à l’égard de ces pourfendeurs des « islamistes radicaux » du côté de la « communauté internationale ». On se souvient de ces propos de « l’entourage du ministre français de la Défense » (cf. LDD Mali 049/Mercredi 3 octobre 2012) : « On est 460 millions d’Européens et en face, il y a 1.000 gars vraiment dangereux, on ne va tout de même pas rester les bras croisés ! ». Dans le même temps, on fustigera le comportement d’Alger, peu enclin à s’engager dans une déstabilisation accrue du Sud-Algérien alors que le pays est dans l’attente d’une succession annoncée. Et on répétait à l’envi que les Burkinabè, malgré leurs prétentions, avaient échoué dans la médiation que leur avait confiée la Cédéao. Certains n’hésitaient pas à s’en réjouir.

C’était oublier les mots de Chateaubriand dans ses « Mémoires d’Outre-Tombe », voici tout juste deux siècles et un an (31 décembre 1811) : « Les événements effacent les événements ; inscriptions gravées sur d’autres inscriptions, ils font des pages de l’histoire des palimpsestes ».

Depuis le 17 janvier 2012, la crise malienne n’a cessé de faire la « une ». Dans un contexte régional exceptionnel. Au-delà de Bamako, plusieurs capitales : Abidjan, Conakry, Dakar, Niamey, avaient connu, elles aussi, des « alternances ». Et donc des impatiences ; les discours des nouveaux venus (parfois même des parvenus) au pouvoir n’ont pas toujours eu la retenue politique nécessaire ; on se pense indispensable, on s’estime important, on est tout plein de suffisance et plus encore d’insuffisance. Pour se faire entendre et, pense-t-on, estimer, on appelle à la guerre (que l’on couvre du doux nom « d’intervention militaire ») contre « les terroristes et les mafieux » que l’on a laissé proliférer non sans complaisance mais en tirant un trait sur la dimension politique et sociale de cette affaire. L’Afrique, étonnamment, tient un langage « occidental », faisant abstraction de toute considération politico-culturelle qui lui permettrait d’exprimer une approche différenciée de la situation qui prévaut au Nord-Mali et dans « le corridor sahélo-saharien ».

« Bamako demeure une tour de Babel où on parle plusieurs langues sans se mettre d’accord » écrivait ce matin (lundi 3 décembre 2012) Boulkindi Couldiati dans Le Pays, quotidien privé burkinabè. Ce qui est vrai à Bamako est vrai partout ailleurs où la question malienne est une question préoccupante compte tenu de ses « effets collatéraux » ; ou des retombées diplomatico-politiques qu’on en espère. D’où, bien évidemment, ce sentiment de lassitude que l’on ressent aujourd’hui alors que l’affaire a débuté le 17 janvier 2012 et que, depuis, l’impression prédomine du « caractère immobiliste de la médiation » (Le Pays – cf. supra) tandis que d’autres rappellent « qu’il est toujours bon de chercher des solutions pacifiques mais [que] lorsque cela s’avère impossible, il vaut mieux changer son fusil d’épaule » (Dabadi Zoumbara - Le Pays du 30 novembre 2012). On le voit, c’est aussi au « pays des hommes intègres » que le débat est lancé. Ce qui ne saurait étonner : le président du Faso est le médiateur désigné et c’est demain, à Ouagadougou, que se jouera une nouvelle phase de cette médiation avec l’organisation à Ouaga 2000, au sein du complexe présidentiel, d’un sommet qui réunira non seulement les médiateurs burkinabè mais les représentants du gouvernement de Bamako et ceux de certains des groupes armés qui, actuellement, occupent le Nord-Mali.

17 janvier 2012/4 décembre 2012. On comprend les impatiences. C’est que « les événements effacent les événements ». Qui pouvait penser que l’action armée menée par le MNLA contre le gouvernement malien le 17 janvier 2012, à la veille d’une présidentielle qui aurait été, nécessairement, une alternance, conduirait à l’effondrement du régime d’ATT deux mois plus tard et qu’une junte militaire qui fondait son action sur la reconquête du Nord du pays allait créer un chaos politico-militaire indescriptible. Dans le même temps, alors que chacun était à la recherche d’interlocuteurs crédibles, au Nord, le MNLA allait rapidement succomber à la pression militaire et sociale exercée par les groupes « islamistes radicaux » dont on entendait parler, pourtant, pour la première fois. Le pire était à craindre. La désintégration totale de la République du Mali. Ce pays devenant, du même coup, une zone grise en Afrique de l’Ouest. Il a fallu la détermination et le savoir-faire des responsables politiques burkinabè pour éviter le pire et, pas à pas, jour après jour, recomposer une République du Mali en miettes. Sans que l’ex-chef de l’Etat malien, ni la classe politique malienne, ni même ses élites et ses intellectuels ne donnent l’impression de s’investir, avec toute l’énergie souhaitable, dans ce combat. 22 mars 2012/6 avril 2012. Fin de partie pour la junte.

Le tandem qui, finalement, sera mis en place : Dioncounda Traoré/Cheick Modibo Diarra, ne sera pas l’attelage le plus performant pour sortir le Mali de l’ornière mais sauvera les apparences permettant pendant ce temps à la médiation burkinabè de multiplier les contacts, les discussions, les négociations… Il était évident, pour Ouaga, que rien de durable ne pourrait se faire au Nord du Mali tant que le Sud n’était pas politiquement stabilisé. Cette médiation, dont j’ai dit qu’elle était « structurante » (cf. LDD Burkina Faso 0310/Vendredi 10 août 2012), va aboutir à la mise en place d’un gouvernement « d’union nationale » au sein duquel Tiéman Coulibaly sera en charge du portefeuille des affaires étrangères. Une page se tourne.

Jean-Pierre BEJOT

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