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Héma Djaffar Ouattara, prêcheur à Bobo-Dioulasso : « Dans notre Constitution, aucune présidence à vie n’est prévue »
Publié le jeudi 9 octobre 2014  |  Le Quotidien
Ouattara
© Aujourd`hui au Faso par DR
Ouattara Djafarma Héma dit Djaffar, chef spirituel musulman




Lui, c’est Héma Djaffar Ouattara. D’autres l’appellent affectueusement, Djaffarma. Il a suivi sa formation de maitre coranique au Mali jusqu’en 1971. De retour au pays, il s’est installé à Bobo-Dioulasso, la capitale économique du Burkina Faso. En 1992, Djaffarma crée le Comité culturel de la génération des trois Testaments(CCGT). Pour ses propos tranchants et durs, il a fait la prison et a été expulsé du pays. A son retour d’exil, il a continué ses activités de prédication et de maitre coranique. Aujourd’hui, il dispose d’une école coranique de plus de 600 élèves. Nous lui avons tendu le micro, pour en savoir davantage sur sa vie et avoir sa lecture de la vie sociopolitique du pays.

Le Quotidien : Pouvez-vous nous parler de vous?

Héma Djaffar Ouattara : Je suis né en 1944 à Gouindougouba, dans la province de la Comoé. L’école coranique, je l’ai commencée à Bondokuy. Ensuite je suis allé au Mali à Djenné et à Tombouctou, puis au Sénégal et dans bien d’autres pays. J’ai commencé le prêche et ensuite, j’ai créé le Comité culturel de la génération des trois Testaments (CCGT). Nous avons donné ce nom à notre association, mais nous ne détenons pas la paternité véritable. C’est en conformité avec ce que le prophète Mohamed (saw) a dit et avec l’appui des versets du Coran. En effet Dieu dit : « O vous les gens du Livre, vous ne vous appuyez sur rien à part l’Evangile, la Torah et tout ce qui a été révélé par votre Seigneur, le Coran ». Pour un vrai musulman, le seigneur a cité trois livres. C’est la raison pour laquelle on ne peut parler d’une vraie religion hors de ces trois livres.

On sait qu’au Burkina et même hors des frontières du pays, vous êtes bien connu. Comment avez-vous gagné cette notoriété ?

Lors de nos prêches, nous ne disons que la vérité et le Seigneur ne soutient que ce qui est vrai. Cette vérité, quoi qu’il en soit, va parcourir toute la terre. Nous, du CCGT, prêchons avec les trois livres. Avec les chrétiens et les juifs, nous avons de très bonnes relations. Mais lorsque ces derniers déroutent du chemin d’Allah, nous ne tardons pas à leur dire la vérité. Les religions chrétienne, juive et musulmane sont frères et sœurs. C’est pourquoi nous ne manquons pas de réagir lorsqu’il y a un manquement. Nous sommes aimés de par le monde à cause de notre bonne lecture des livres révélés.

A vous entendre parler, on voit que vous maitrisez le trio de livres révélés. Pouvez-vous nous en dire un peu?
D : Vous savez, Dieu fait des dons à ses créatures. J’ai d’abord appris le Coran. Ensuite, je suis allé vers les autres livres. Mes connaissances des jurisprudences et autres, c’est une grâce de la part du Créateur.

Quelle est votre lecture de la charia?

Quand on dit charia, ce n’est pas pour les musulmans seulement. Même dans la Bible, elle est mentionnée. C’est un peu la justice théocratique. Le fait de voler et qu’on te coupe la main, le fait de tuer et être tué en retour, ainsi que la lapidation due à l’adultère tout ceci est inscrit dans la Bible. Il faut reconnaitre que cette pratique de la charia n’a pas commencé avec Mahomet. C’est depuis le commencement. Vous entendez parler de charia ; il s’agit de lois qu’il faut apprendre pour pouvoir les appliquer. Il ne faut pas aller trouver quelqu’un, l’attraper et lui couper la main. Il faut d’abord savoir ce qui a été volé, où, quand, comment et pourquoi? Il ne faut pas aller jeter une bombe dans un marché et croire que c’est cela le djihad. Non, le djihad n’a jamais été appliqué de cette manière. Pour faire le djihad, il faut aller prêcher voir la sourate « Al Maida » dans le Coran, la Bible et la Torah, dire la vérité cachée aux hommes, les sensibiliser sur la portée de la religion, leur parler de la jurisprudence. Sans oublier de leur indiquer les impacts des manquements aux lois divines. C’est tout un processus qu’il faut impérativement faire avant d’appliquer la charia.

Chez les musulmans, il n’y a qu’un seul livre le Coran ; mais au sein de la religion il y a beaucoup de divergences ; pourquoi cela ?

Ces divergences sont dues aux Hadiths (les paroles du prophète). Sinon, ce n’est ni le Coran ni la Bible. C’est pourquoi Dieu, nous l’a dit dans la sourate« la Table Servie : « O vous les gens du Livre, vous ne vous appuierez sur rien tant que vous n’avez pas la Torah, la Bible et le Coran ». Dieu nous a cité ces trois livres. En dehors de ces trois documents, le reste n’est que du banditisme.

Quelles relations existe- t-il entre les religions révélées et celles dites traditionnelles ?

Je pense que c’est du relativisme, car Jésus, autant que Mahomet sont venus après ces religions. Chacun a son chemin, adorez ce que vous voulez, c‘est un choix. Vous n’adorez pas ce que j’adore et à moi aussi de faire pareil. Chacun a son chemin confessionnel. C’est une révélation de Dieu au prophète de l’islam. Je vais vous dire ceci. Avant l’arrivée de ces religions révélées en Afrique, les gens avaient déjà leur idée de Dieu. Quand tu volais la femme d’autrui, ou quand tu commettais un acte de vol, il y avait une loi. L’erreur est qu’ils veulent comparer leur document au Coran. Excepté ce côté, ceux qui croient en ces religions ont leurs raisons.

Êtes-vous membre de la fédération musulmane ?

Je suis fondateur d’une association. Pour moi, aucune association n’est plus vieille que la Bible. Et l’idée de l’association est révélée dans les autres livres saints. Donc mon association se veut être internationale et universelle. Celui qui veut peut me suivre et celui qui ne veut pas continue son chemin. Quant à moi, je continuerai avec mes trois livres.

Quelle analyse faites-vous de l’organisation du hadj au Burkina ?

Organiser le hadj pour faire quoi ? Non, l’idée ne m’est pas encore venue. Les gens partent en Amérique, en France, est-ce que ces voyages sont organisés ? Donc ne pensez- vous pas que derrière tout cela se cache une escroquerie qui ne dit pas son nom ? Sinon, c’est possible que chacun parte de lui-même avec seulement la supervision de juste quelques personnes de la part des autorités. On doit aider les gens à aller à la maison de Dieu et non les escroquer. Ceux-là qui font ces genres d’activités sont plus que des démons.
Aujourd’hui, dans la société africaine, on remarque que l’Education souffre à tous les niveaux ; selon vous qu’est-ce qui a occasionné cela ?

Je lie la baisse du niveau de l’Education du fait qu’il n’y a pas de respect entre parents et enfants et aussi entre maitres et élèves. J’en déduis que si on ne s’en tient qu’à ces deux points seulement, le Burkina par exemple est « foutu ». Il faut voir comment les enseignants souffrent dans les écoles. Ils n’ont pas le droit de corriger un élève à cause des règlements. Si l’enseignant s’entête à le faire, il ira répondre à la justice. Imaginez comment sera une société ou ce sont les droits de l’enfant qui priment sur ceux des parents. Quel genre d’avenir préparons-nous pour ces enfants ? Je me le demande. Un enseignant qui est menacé parce qu’il a corrigé un enfant, pensez-vous qu’il va se mettre au sérieux pour encadrer ce dernier ? J’en doute fort. Dans cette optique, je pense qu’il n’y a plus d’Education. Et c’est le gouvernement qui encourage cela avec ses lois. Pourtant leurs enfants sont dans d’autres pays. Sont-ils éduquer de cette façon dans ces pays ? Je vous dis que non. Vous savez, il faut reconnaitre que de nos jours, si l’Education va mal, c’est parce que le Burkina n’aime pas ses enfants. Dans la Bible, Dieu dit : «Celui qui n’éduque pas ses enfants, Je vais l’éduquer en enfer ».

Combien de talibés avez-vous dans votre école ?

J’ai environ 600 élèves.

Que vous pensez-vous des talibés ?

Relativement à cette question qui a fait et qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive, je me suis maintes fois posé cette question : est-ce réellement ceux qui prennent une boite de tomate qui sont talibés? Vous savez, nombreux sont ceux-là qui ontpris la boite juste pour le nom ou pour en faire un métier. Etre talibé veut dire « celui qui cherche la connaissance ». Le talibé, c’est l’équivalent de l’étudiant dans la culture occidentale. Tous ceux qui sont dans la rue ne sont pas forcément des talibés. Quand vous êtes venus chez moi, vous avez vu des enfants en train de faire la lecture coranique. Par contre à cette heure, il y a d’autres enfants qui se promènent en ville à la recherche de quoi manger. Les gens dramatisent le concept de talibé juste pour gâter le nom de la religion musulmane. Ils disent que c’est eux qui sont les petits bandits, braqueurs et autres, mais en réalité, c’est difficile qu’un talibé dans le vrai sens du terme, puisse détenir une arme blanche, à cause de la formation qu’il reçoit. Car c’est une formation qui prône la paix, la tolérance et combat l’injustice à tous les niveaux. Il y a des enfants qui sont dans la rue parce que leurs familles n’ont pas pu les scolariser ; ces derniers ne sont pas des talibés. Les enfants qui sont avec moi, par exemple, mendient. Cette pratique n’a pas commencé par eux. Lorsque le prophète Moise quittait l’Egypte, Dieu lui a dit : « Comme tu n’as rien Moise, dis à tes femmes d’aller mendier auprès des femmes du Pharaon. Elles te donneront à manger ». Quand tu n’as rien, il est mieux que tu ailles quémander que de prendre un couteau et dépouiller quelqu’un. Etre talibé, ce n’est pas un travail, c’est juste une nécessité temporaire.

Vous dites ne pas envoyer les enfants dans la rue pour des raisons financières ; alors comment se fait-il que soyez nanti ?

(Rires) Bonne question. Sachez que hormis le fait d’être prêcheur et maitre coranique, je fais aussi de la pharmacopée traditionnelle. Depuis mon retour du Mali en 1971, je cultive. J’ai plus de trois grands champs aujourd’hui d’environ 60 ha.

Lors de vos prêches, vous ne vous dérangez pas pour critiquer un problème, qu’il soit social ou politique ; pourquoi cela ?

Je vous ai dit au début que si aujourd’hui, je prêche ce n’est pas grâce aux hommes, mais plutôt grâce à Dieu. Je parle pour que les gens changent de comportements, pour que la société change, mais positivement. Les gens pensent que j’insulte, alors que ce n’est pas le cas. J’ai juste une façon à moi, d’apporter ma pierre à l’édification de ma société. Je le fais pour tout le monde. Le président Blaise Compaoré est aussi mon président comme tous les Burkinabè. Il est le premier responsable de ce pays. Si c’est de lui que vous voulez parler, donc je pense que s’il y a des choses qui ne vont pas bien au Burkina, il est le premier concerné aussi. C’est la raison pour laquelle je prends la peine de le lui dire. N’ayez pas d’arrière-pensée car autant que vous, le président est aussi mon frère. J’ai l’impression que les gens me comprennent autrement. Pourquoi voulez-vous que j’appelle l’âne par un autre nom alors que c’est son nom? Vous comprenez que cela est une chose difficile à faire.

On rencontre vos cassettes aujourd’hui de par le monde ; est ce que cela voudrait dire que vous bénéficiez d’un droit d’auteur ?

Non et je n’ai pas besoin de vendre mes cassettes pour vivre. Ma récompense, c’est Dieu qui me la rendra.

Quelle est votre lecture de la vie sociopolitique actuelle au Burkina?

Ici au Burkina, chacun fait ce qu’il veut et pense comme il le veut. Je pense que les choses se passent pour le moment bien, vu que nous sommes sous un régime dit démocratique. De Maurice Yaméogo jusqu’à Sankara , les élections se faisaient avec des armes, mais aujourd’hui c’est dans les urnes que l’on choisit son dirigeant. Aussi, je souligne qu’en démocratie, chacun est libre de dire ce qu’il veut et sans pour autant outrepasser ses limites.

Quels conseils pouvez-vous donner à nos autorités ?

La clé de la paix est entre les mains de Blaise Compaoré. S’il accepte son départ en 2015, cela consolidera la paix et la démocratie. Je pense que le tour serait gagné. Mais si le contraire venait à arriver, alors le pays risque de sombrer dans un chaos total. Dans un pays, il y a des lois pour le bon fonctionnement de la Nation. Il est dans l’obligation de tout le monde de les respecter. Dans notre Constitution, aucune présidence à vie n’est prévue. Dans la démocratie, il faut que le pouvoir passe d’une main à une autre. Sinon, quand le pays sera fracturé, je pense que la danse risque de prendre fin. Il faut que Blaise Compaoré reconnaisse qu’il n’a pas travaillé plus que les autres présidents et qu’il est temps pour lui de rendre le flambeau. Je dis que tous ceux-là qui sont autour de lui, sont des larrons. En réalité, ils ne l’aiment pas. Ils sont là pour leurs intérêts.

Pour sortir avec plus d’honneur, qu’est-ce que vous proposez à Blaise Compaoré ?

La solution est avec lui. Aujourd’hui, nul ne peut lui apprendre comment il faut diriger une Nation. Dites-moi, y a-t-il un président qui soit parti dignement sans qu’il n’y ait les armes ? Je n’en vois pas, à part le cas ghanéen. A mon humble avis, un ancien président a plus d’honneur et de pouvoir qu’un nouveau, s’il accepte de respecter les lois fondamentales de la Nation. Car il devient le pilote de la Nation dans sa maison de repos. Blaise Compaoré a travaillé et tout le monde le reconnait. Cependant, je pense qu’il n’est pas le seul fils de ce pays. La seule façon pour que les gens reconnaissent la grandeur de sa personne, c’est de ne pas chercher à briguer un autre mandat après 2015.

Votre lecture de la crise israélo-palestinienne ?

C’est une longue histoire. Cette histoire ne finira jamais parce qu’il y a deux vérités. La première vérité est que la Maison sacrée se trouvant à Jérusalem, elle est pour les Israéliens. Cela est même mentionné dans la Bible et le Coran et non pour les Arabes. Si les musulmans acceptent cette vérité et laissent la Maison aux Israéliens, on ne parlera plus de crises. Et la seconde vérité est que les Israéliens acceptent que les Arabes soient leurs frères et la Terre Promise soit aussi la leur.

Propos recueillis par Ibrahima ZALLE (stagiaire)
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