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Référendum sur l’article 37:« Nous osons croire que la sagesse prendra le dessus »
Publié le mercredi 24 septembre 2014  |  Le Pays




La polémique sur une éventuelle modification de l’article 37 de la Constitution par voie référendaire n’en finit pas. Les uns pensent qu’il faut aller au référendum tandis que d’autres soutiennent le contraire. Pour l’auteur du point de vue ci-dessous, il y a plus à perdre qu’à gagner en organisant un référendum dans le contexte actuel. Lisez !

Pour cerner les véritables enjeux de cette consultation, il faut analyser la configuration des deux camps qui s’opposent à son sujet, et considérer en dernier ressort le cas qu’ils font du bien commun et de l’intérêt général. Autrement dit, qui sont ceux qui sont pour, et ceux qui sont contre le référendum, et finalement, ce que gagne le peuple dans cette bagarre politicienne?

On voit bien que ceux qui veulent le référendum sont issus des milieux proches du pouvoir : membres du parti au pouvoir, du gouvernement, opérateurs économiques, tous des gens qui ont fait fortune dans la politique, les crimes économiques (corruptions, détournements, trafics divers, blanchissements d’argent) et de sang…etc. Ceux-ci ne veulent pas le changement qui pourrait se confondre à la perte de leurs avantages et des fortunes mal acquises.
Par contre, ceux qui s’y opposent sont regroupés au sein de l’Opposition politique qui comprend des hommes qui luttent depuis longtemps contre la mal gouvernance et pour l’alternance politique, et qui ont été rejoints cette année par les dissidents du parti au pouvoir. Ceux-là veulent le changement.
Que représente alors le référendum pour les uns et les autres ?
Un arbitrage du peuple. C’est ce que disent ses partisans, mais aussi ce que pensent certains citoyens de bonne foi qui pensent que si l’opposition se sent forte, elle peut aller au référendum et voter NON pour verrouiller l’article 37 qui est l’objet de tant de manipulations.
Cependant, à y voir de près, on s’aperçoit que ce sera la plus grave des erreurs politiques à ne pas commettre, quand on sait le contexte actuel de l’électorat burkinabè et la mainmise du pouvoir sur le scrutin et la machine électorale. En tant qu’ultime chance de rester au pouvoir, c’est la consultation à ne pas perdre pour le CDP. Il fera tout et tout pour la gagner, et l’opposition n’aura que ses yeux pour pleurer et les recours devant les tribunaux pour se plaindre. Ce qui ne donnera rien. Si bien que le plus grand danger de cette consultation réside dans sa crédibilité et le doute sur sa transparence. Qu’y a-t-il alors à gagner dans le référendum.
C’est d’abord une œuvre de manipulation du peuple plutôt qu’une volonté sincère de lui donner la parole. En réalité, ceux qui nous gouvernent n’ont jamais écouté la voix du peuple ou la voix des sans voix ; il n’y a qu’à considérer les lois qui sont votées par l’Assemblée nationale et les manifestations contre la vie chère pour le comprendre. Ensuite le référendum ouvre la voie à un autre mandat du président, et on ne saurait dire si c’est le dernier, puisque si le verrou de la limitation des mandats est sauté, il peut prétendre enfin au pouvoir à vie. Le référendum permettra enfin à la minorité des hommes d’affaires agglutinée autour du président et qui s’accapare toutes les richesses du pays de continuer à narguer la majorité du peuple qui continuera de s’appauvrir. On entrevoit ainsi ce qu’on perd dans cette consultation.
Quand on pense à la situation économique difficile de l’Etat burkinabè malgré le boom minier, et qu’on s’imagine que le référendum va coûter des milliards aux contribuables, on ne peut manquer de signaler qu’il s’agit d’une perte énorme d’argent qu’on aurait pu mettre dans la santé ou l’éducation de nos enfants. On peut aussi convenir que la démocratie à un coût, mais le rapport coûts/avantages plaide contre son organisation. Mais au-delà de la perte matérielle, cette consultation entraînera une régression politique et morale.
Sur le plan politique, elle consacrera le recul de la démocratie par une négation flagrante des recommandations du Collège des sages, convoqués pour sauver la république aux lendemains de l’incendie de Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune. Elle va surtout révéler à l’opinion nationale et internationale la supercherie qui se trouve derrière les discours sur le renforcement de la démocratie, en montrant à tous que nous sommes dans un régime monarchique enrobé d’une façade démocratique. Nous comprendrons alors que la nature réelle du régime actuel (régime militaire) ne peut pas s’accommoder des exigences d’un Etat de droit démocratique. Comme disent les mossé, « barse toog vin’ngda koassid yam. », c’est-à-dire qu’à trop marchander, on éveille l’esprit du vendeur.
Moralement, le référendum va consacrer la victoire de la force et de la ruse sur le droit et les libertés démocratiques chèrement acquises. Il sera aussi une occasion d’exprimer et d’étaler le pouvoir de l’argent sur la conscience et la dignité humaine.
Quelles leçons de démocratie donnerons-nous aux jeunes élèves et étudiants ? Quel exemple d’hommes, et quelle idée de la politique laisserons-nous à la jeunesse et à la postérité ?
Nous devons reconnaitre que, dans la situation actuelle d’une fin de mandat qu’on voudrait éviter en jouant les prolongations, il s’agit bel et bien d’une violation de la lettre et de l’esprit de la loi par les plus hautes autorités du pays. Ce qui n’est ni plus ni moins que de l’incivisme au sommet de l’Etat, et la confirmation du coup d’Etat permanent que nous vivons constitutionnellement depuis si longtemps, à travers les révisions politiciennes de la constitution pour la conformer aux ambitions personnelles du chef de l’Etat.
En effet, si l’actuel président est élu pour un cinquième mandat, après deux de sept ans et deux de cinq ans, au mépris et en violation de la loi, il s’offre du même coup le pouvoir à vie, et le luxe de mourir au pouvoir comme dans une monarchie ou un royaume, tout en confirmant et en célébrant son pouvoir personnel. Ce qui est contraire à la disposition de l’article 165 de la constitution sur la nature et la forme républicaine de l’Etat, et une violation flagrante de l’article 168 qui stipule que : « le peuple burkinabè proscrit toute idée de pouvoir personnel. Il proscrit également toute oppression d’une fraction du peuple par une autre. »
Finalement, si cette consultation a lieu, elle sera la preuve que la démocratie est un luxe pour l’Afrique, même si certains pays africains sont cités en exemples de bonne démocratie : le Sénégal, et le Bénin où la Cours constitutionnelle vient de montrer qu’on ne joue pas avec la limitation du mandat présidentiel.
Face à la menace que font peser les partisans d’un référendum pour modifier l’article 37 sur la paix sociale, malgré le refus manifeste et catégorique du peuple, et les conséquences d’une telle consultation sur l’économie et la démocratie du Burkina Faso, nous osons croire que la sagesse prendra le dessus sur les passions et les ambitions personnelles. Le renforcement de la démocratie et la consolidation de la paix sociale résident donc dans le respect de la souveraineté populaire et de la volonté générale, plutôt que dans l’instrumentalisation et la manipulation du peuple à travers une consultation illégale et illégitime. A tous ceux qui pensent qu’il faut des hommes forts pour bâtir des institutions fortes, nous rappelons que l’histoire politique contemporaine de l’Afrique regorge de grands noms comme Moboutou, Eyadéma, Idi Amine Dada, Bokassa, mais qui n’ont jamais été des grands hommes ou des exemples qui inspirent la jeunesse africaine aujourd’hui, à l’image de Patrice Lumumba ou de Thomas Sankara, tous assassinés par des hommes forts.
Au regard donc des risques graves d’explosion sociale que peut engendrer la convocation d’un référendum dans des circonstances troubles de conditions non réunies et sans respect de la procédure, on voit bien qu’il y a plus à perdre qu’à gagner dans l’organisation de cette consultation électorale qui sonne plutôt comme le rejet et la négation de la souveraineté populaire.

SEGDA Ablassé.
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