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Violente manifestation des jeunes à Djibo
Publié le lundi 8 septembre 2014  |  Le Quotidien




-Des biens publics et privés détruits
-Une bléssée grave et des arrestations
Djibo, chef lieu de la province du Soum, était en ébullition, le 4 septembre 2014. Les jeunes ayant bloqué les différents accès de la ville pour exiger le bitumage de la route nationale N°22 reliant Djibo à Kongoussi, ont été délogés manu militari et ont été poursuivis jusque dans les domiciles par les forces de sécurité. Bilan, une blessée grave, des destructions de biens publics et privés plus d’une quarantaine de personnes arrêtées puis remises en liberté.
Le 4 septembre dernier, en plus de la chaleur engendrée par la poche de sécheresse qui sévissait, la ville de Djibo était plongée dans une canicule occasionnée par une intervention musclée des forces de sécurité pour lever un blocus érigé par les jeunes de la ville afin d’obtenir hic et nunc la construction de la route Kongoussi Djibo, objet d’une promesse gouvernementale, depuis 2011. L’assaut donné par les forces de sécurité, le 4 septembre à 5h 55 mn contre les teneurs du blocus érigé, au niveau de la maison des jeunes de Djibo, a contraint les manifestants à battre en retraite emportés, par une furie qu’ils ont déversée sur des biens publics tels les panneaux de stop. La résidence du président du Conseil régional n’a pas été épargnée par la foule en furie qui a démoli une motocyclette et arraché le portail de la cour. Les forces de sécurités se sont alors lancées dans l’acte de leur intervention à savoir faire cesser les casses de biens publics par la poursuite de leurs auteurs. Les moyens sont sans commune mesure. Un déluge de gaz lacrymogène s’abattra sur toute la ville enfumée. Jusque dans les chambres, certains manifestants seront poursuivis et l’usage des lacrymogène fait, sans aucun égard pour le principe de la discrimination des cibles. La quasi-totalité des concessions du quartier Basnéré, des secteurs 1 et 4 en ont eu pour leur dose. De mémoire des Djibolais, la ville n’avait jamais connu auparavent une répression d’une telle ampleur. Ce que l’Emir de Djibo a confirmé en laissant entendre qu’un événement que l’on pourrait rapprocher à cette situation, remontre à 1985, quand des militaires et des CDR se sont affrontés.

Le déclic de l’intervention musclée des forces de sécurité

C’est depuis le mardi 3 septembre, veille du marché à bétail de Djibo que, répondant au mot d’ordre du M 26 regroupant les étudiants, les élèves et les fonctionnaires, les jeunes de la ville ont érigé le blocus sur la Nationale 22 près de leur quartier général installé à la maison des jeunes. Selon un membre du mouvement acéphale M26, Mamadou Ba, l’objectif était d’empêcher l’accès à la ville, le jour du marché, c’est à dire le mercredi, afin de susciter plus de sévérité du gouvernement dans le bitumage de la route. A en croire le Haut-commissaire de la province du Soum, Mohamed Dah, les autorités provinciales ont urgemment tenter de négocier la libération de la route pour permettre à la quarantaine de véhicules formant déjà une file d’attente de passer. « Avec le directeur régionale des Infrastructures, nous sommes allés vers les jeunes pour leur donner toutes les informations relatives à la construction de la route. Mais les jeunes sont restés sceptiques », a-t-il laissé entendre. Informé de la situation, le gouverneur a effectué le déplacement de Djibo pour tenter de désamorcer l’intransigeance des jeunes qui tenaient à obtenir une réponse plus rassurante. A en croire le Haut commissaire, le gouverneur a invité les jeunes à venir dialoguer. Une proposition que le M26 a refusé, conformément à son principe qui est que c’est à l’autorité de venir vers eux. « Nous avions dit au début que nous n’allons pas nous retrouver dans une maison pour discuter avec qui que ce soit. Celui qui veut dialoguer qu’il nous rejoigne sur notre site », a déclaré Mamadou Ba, membre du M26. Le gouverneur s’est refusé à aller rencontrer les manifestants sur le site de manifestation et s’est contenté d’une émission radiodiffusée sur les ondes de la radio La voix du Soum (LVS) où il a donné des informations relatives à la construction de la route. Après l’émission, certains jeunes ont érigé des barricades sur l’axe Djibo- Dori, pour l’empêcher de pouvoir rentrer. Les tentatives de négociations des autorités se sont heurtés à la condition des manifestants qui exigeaient la présence physique du ministre des Infrastructures, car, disent-t-ils ils ne font plus confiance au même refrain des autorités. Même l’appel de l’Emir de Djibo , sollicité par le gouverneur pour appeler les jeunes à la retenue ne fut pas entendu. C’est ainsi que appel sera fait à la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) qui a sans ménage dispersé les manifestants, le 4 septembre à 5h 55 mn et les a poursuivis jusqu’à leurs retranchements. Selon certains témoignages, même au CMA de Djibo, les forces de sécurité sont rentrées les chercher. Le passage des forces de sécurité dans les ménages pour interpeler les manifestants en fuite ne s’est pas bien passé dans plusieurs concessions. Sur les cas de perquisition à domicile, des témoignages foisonnent comme ce premier témoignage qui a ému toute la ville et suscité des indignations, quand il été diffusé sur les ondes de la radio la voix du Soum. « J’étais chez moi, lorsqu’ils (ndlr : les forces de sécurité) sont arrivés. Ils sont arrivés avec une telle brutalité et se sont engouffrés dans le salon. Je leur ai répété qu’il n’y avait pas de manifestants chez moi mais un malade couché sur une natte. En dépit de ce que je leur ai dit, ils s’y sont introduits de force et ont tiré du gaz au salon. Le malade s’est mis à tousser. Ce n’est pas humain », a témoigné cette dame du quartier Basnéré qui a requis l’anonymat. Les gaz lacrymogènes déversés dans la ville ont fait des nuisances sanitaires dont un cas grave. Hourèta Tamboura, toujours plongée dans le coma, pendant que nous rédigions ces lignes, a été évacuée à Ouahigouya puis référée à l’hôpital Blaise Compaoré. Selon son père, elle souffrait d’un trouble mental. A l’en croire, quand les forces de sécurités sont rentrées dans la cour, elle s’est paniquée et s’est enfermée hermétiquement dans l’atelier où elle faisait de la couture. Les éléments de force de sécurité auraient selon son témoignage, lancé des bombonnes de gaz dans l’atelier. Elle serait restée cloitrée dans l’atelier gazé de 9h à 14 h selon le père de le la jeune dame mère d’un enfant. Bonbonnes de gaz en main, Adama Bokoum a expliqué comment la boite à gaz s’est explosée dans sa cour alors que sa femme faisait la cuisine. Certains manifestants ont témoigné avoir été molestés par des éléments des forces de sécurité. Selon Amidoun Kabirou, membre du M 26, les éléments de sécurité ont investis leur quartier général et ont démoli des motocyclettes, jeté des nattes et les consommables que les manifestants avaient stockés à la Maison de la Femme et frappé des enfants. Un de leurs camarades, Ismaël Zongo, a reçu aussi des coups violents des forces de sécurité. Avant de raconter sa mésaventure avec les forces de sécurité, Amadou Tamboura a affirmé que des gaz ont été lancés dans les mosquées et dans un lieu de funérailles au secteur 1 où, a l’en croire, des gens ont été mis à genou et même les vielles personnes ont subi des brimades. Toujours, selon lui, au niveau d’une réserve au secteur 1 où s’abritent les dilobés, des gaz ont occasionné une perte de connaissance chez deux vieilles femmes. « J’ai été encerclé par 4 éléments. Quand ils ont commencé à m’asséné de coups, j’ai voulu répliqué mais je me faisais mal lorsque j’essayais de leur porté des coups. Il m’ont alors passé à tabac à tel point que je ne pouvais plus faire le moindre mouvement » a laissé entendre Amadou Tamboura.

Pourquoi, le domicile du président du Conseil régional a été
pris à partie ?

Dans sa retraite furieuse, la foule en manifestation ont investi le domicile du président du conseil régional. Là, elle a défoncé le portail et a démoli une motocyclette de marque SIRIUS qui appartiendrait à l’épouse du président du Conseil régional. Selon plusieurs sources, le président du Conseil régional aurait lancé aux manifestants, quelque temps avant l’intervention, des forces de sécurité cette phrase : « si c’est la force, c’est nous qui l’avons ». Certains manifestants n’hésitent pas à dire qu’il fait partie, sans doute, de ceux qui ont sollicité l’intervention des forces de sécurité. Sur cette question, l’Emir explique que les manifestants n’avaient pas l’intention de se livrer à des casses. C’est l’attitude provocante du président du Conseil régional qui a attiré donc la foudre des manifestants selon les informations reçues.

Quand le M 26 perd le contrôle de sa mobilisation

Selon, Amadou Ba, membre du M26 les actes de vandalisme, à savoir les casses et les pneus brûlés ne sont pas l’œuvre du M26 qui entreprend des actions pacifiques. Pourtant contrairement à la Coordination des associations de jeunesse du Soum (COPAJES) qui a tenu un meeting pacifique, le 30 août dernier, l’action du M 26 a été plus violente. Acculé par nos questions, Amadou Ba, a fini par reconnaitre que le M 26 n’a pas pu maîtriser la mobilisation. « Il y a des gens qui ont bloqué l’axe Djibo-Dori pour empêcher le gouverneur de rentrer. Nous avons désapprouvé cela et avons envoyé des éléments aller lever ce blocus, mais nous n’avons pas pu », a-t-il avoué.

La résolvance de l’Emir
de Djibo, sollicitée

Depuis le mercredi, les sages de Djibo, avec à leur tête l’Emir, sont sollicités pour apaiser la situation. L’acte un de la recherche de l’apaisement a consisté selon l’Emir, a la libération des personnes interpelées et détenues. Une délégation des sages conduite par El Hadj Djibrill Tamboura et envoyée par l’Emir de Djibo est allée négocier la libération des jeunes chez le Haut commissaire qui a entrepris des démarches réussies en ce sens. Cependant, celui-ci a déploré le fait que les sages n’aient pas pu empêcher les jeunes de défier l’autorité publique au départ. L’Emir a relevé le caractère disproportionné de l’intervention des forces de sécurité qui, selon lui, ont plus paniqué les vieilles personnes et suscité l’indignation des populations. A l’en croire, la population comptait se soulever mais, il a pu les en dissuader. « Disperser les jeunes, c’est bien, mais ce qui est à déplorer c’est que les CRS sont allées un peu loin. Il y a des vieux qu’ils ont dérangés. Imaginez un vieux de près de 100 ans qu’on vient extraire parce qu’il y a un jeune là-bas. C’est exagéré et tout le monde est écœuré », a-t-il déclaré. A l’en croire, même les ressortissants sont révoltés. Certains, selon une de nos sources, avaient envisagé une descente à Djibo pour une action de grande envergure. Mais pour l’Emir, il faut faire table rase du passé. « C’est arrivé, on n’y peut rien. On pouvait se soulever. Les gens voulaient se soulever mais je leur ai dit que cela ne sert à rien de casser. C’est mieux de se calmer et d’attendre de voir, parce que les autorités ont promis que d’ici la fin de l’année on verra quelque chose », a-t-il laissé entendre. Plus écouté par les jeunes, l’Emir est sans doute, celui qui peut ramener un climat de confiance entre la jouvence et les autorités. Juste avant la libération des personnes interpellées, l’Emir a rencontré une centaine de jeune auxquels il a fait comprendre qu’il est impossible que le gouvernement puisse construire la route en un seul jour. « J’ai dit aux jeunes, ce que nous pouvons faire si les autorités n’agissent pas, c’est de rappeler qu’il y a notre route. Je salue la sagesse de la population et des jeunes en particulier qui ont accepté venir écouter mes conseils. Je remercie aussi le Haut commissaire et le gouverneur qui ont accepté libérer les jeunes que j’appelle à la retenue », a-t-il déclaré. Au lendemain de la chaude journée, une grande pluie s’est abattue sur Djibo, baissant d’un cran la grande chaleur. Les activités qui étaient paralysées pendant deux jours ont repris. Pour le Haut- commissaire du Soum, Mohamed Dah qui attend le rapport de l’intervention de la police, c’est la renaissance. Mais le mal est fait. Le marché de bétail du mercredi est raté. Pourtant le marché de bétail de Djibo est le deuxième plus grand, après celui de Dori selon nos sources1.


Par Roger Melchisédech KABRE
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