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Agriculture en Afrique et changements climatiques
Publié le jeudi 4 septembre 2014  |  Sidwaya
John
© Autre presse par DR
John Kufuor,l’ex-président du Ghana.




L’Afrique s’expose plus que les autres continents aux variations climatiques, en raison de son faible niveau de résilience. Des chercheurs africains, intervenant le mardi 2 septembre 2014 à Addis-Abeba, au 4e forum sur la révolution verte en Afrique, redoutent de voir des saisons sans récoltes et donnent des pistes de solution. L’Afrique de l’Ouest est concernée.

Des chercheurs, commis pour établir un rapport sur l’état de l’agriculture africaine, en relation avec les variations climatiques, ont déclaré qu’il y a des risques pour les producteurs africains de connaître des «saisons ratées». Présents le 2 septembre à Addis-Abeba, dans le cadre du 4e forum sur la révolution verte en Afrique, plusieurs d’entre eux ont donné des éclaircissements aux participants.
C’est l’ex-président du Ghana, John Kufuor, qui a procédé au lancement officiel du rapport sur la situation. Il a aussitôt demandé un «soutien exhaustif et inclusif» pour le petit producteur africain à qui il a conseillé aussi de songer à abandonner «l’agriculture conservatrice».
Le rapport a été commandité par l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA), qui souhaite limiter l’impact des changements climatiques pour réussir son objectif de révolutionner l’agriculture africaine. Le document met l’accent sur les changements de politiques et de mécanismes institutionnels et financiers à opérer pour réussir la transition de l’agriculture léguée par nos ancêtres, vers une agriculture contemporaine. Dans cette transition, les petits exploitants agricoles africains doivent s’adapter rapidement aux aléas climatiques au risque d’être frappés de plein fouet par des hausses brusques de températures et des précipitations irrégulières et imprévisibles, a expliqué Dr Braimoh Ademola, un spécialiste de la gestion des ressources naturelles. Le rapport indique en effet que les changements climatiques impacteront la durée moyenne de la saison pluvieuse et la variabilité des précipitations. Les variations pluviométriques pourraient dépasser 25%, selon Dr Ademola, par ailleurs, cadre de la Banque mondiale.
De l’avis des rapporteurs, certains signes des changements sont en train de se produire. En Angola, par exemple, il y a des zones qui ne sont plus arables après trois années de faibles précipitations et de sécheresse. De nouvelles études citées dans le rapport, pointent les régions susceptibles de subir des «saisons ratées» en raison des précipitations en dents de scie.
Les pays d’Afrique australe seront rudement touchés. Le Soudan du Sud et la bande agricole allant de la Côte d’Ivoire au Nigéria en passant par le Ghana, est aussi menacée à l’avenir. Autant dire que toute l’Afrique de l’Ouest est menacée, car les zones concernées font partie des plus pluvieuses et des plus fertiles de la région.

Des conséquences sur la santé de millions d’âmes

Les conséquences vont être nombreuses et désastreuses, préviennent les chercheurs. L’altération des conditions de croissance pourrait aussi faire baisser les rendements et, dans certaines régions, freiner la culture de productions alimentaires de base.
Par exemple, précisent-ils, en Afrique de l’Est et du Centre, les zones propices à la culture du «haricot commun», soit environ 7 millions d’hectares, pourraient diminuer de 25 à 80%. Les terres adaptées à la culture de la banane pourraient aussi se réduire de 25% dans le Sahel, et de 8% pour l’ensemble de notre région ouest-africaine.
L’aggravation de l’assèchement et des sécheresses aura aussi des conséquences sur le bétail, comme dans les années 1980 et 1990 où une longue sécheresse avait décimé des troupeaux au Burkina Faso, au Niger, au Botswana, en Ethiopie...
Pire, le rapport révèle que sur les 35 prochaines années, les caprices pluviométriques vont accentuer l’insécurité alimentaire en augmentant le nombre de personnes sous-alimentées de près de 40% en Afrique sub-saharienne. A cette allure, 355 millions de personnes seront frappées de sous-alimentation en 2050, contre 223 millions aujourd’hui.
L’intérêt du rapport n’étant pas d’alarmer, mais plutôt de préparer conséquemment le continent à la révolution verte, les chercheurs ont accordé une partie importante de leur rapport aux solutions face aux changements climatiques.
Une panoplie de pistes ont été dégagées. Elles vont de l’utilisation des semences adaptées et leur accessibilité, à la gestion intégrée des sols (fertilisation des sols par des engrais organiques et chimiques, pratique des cultures rotatives, etc.). La maîtrise de l’eau, la réduction des pertes post-récoltes, l’organisation des filières, l’accès aux crédits et aux marchés sont aussi évoqués. Il faut agir sur la chaîne sol-sémence-intrant, indique le rapport.

De la «météo agricole» pour réussir le grand saut

Selon Ephraïm Nkonya, l’un des rapporteurs, la gestion intégrée des sols permettra aux producteurs d’avoir 36 dollars sur chaque dollar investi, contre 15 dollars, s’il emploie exclusivement de l’engrais minéral ou organique.
On retiendra toutefois que les rapporteurs ont proposé aux décideurs d’étendre la météorologie aux besoins de l’agriculture et de ses acteurs. «Il est de plus en plus nécessaire pour nos agricultures de disposer d’informations climatiques. Les agriculteurs ont besoin de savoir quand commence la pluie et quand elle prend fin», a fait remarquer Dr James Kinyangi, spécialiste des changements climatiques en lien avec l’agriculture et la sécurité alimentaire.
Il a proposé aux gouvernants de multiplier les stations d’enregistrement météorologiques et de recycler les agents du domaine pour les rendre plus performants. «Nos services météos ont des données pour la navigation et pour l’armée et même pour le secteur minier. Mais ils manquent de compétences pour traduire ces données pour des applications agricoles», a-t-il regretté.
La protection des produits par des micro-assurances sur les récoltes et sur le bétail est aussi évoquée.
Les stratégies d’adaptation incluent également le renforcement des droits fonciers, en particulier pour les femmes, la conservation de la biodiversité, la mécanisation de l’agriculture, le renforcement des systèmes d’information relatifs aux marchés et à la météorologie, l’investissement dans la recherche agricole et l’éducation, l’intégration de systèmes de connaissance formelle et informelle, et la construction d’infrastructures agricoles comme les routes rurales et l’irrigation.
Pour Evelyn Namubiru-Mwaura, chargée du programme politique et partenariat à AGRA, la propriété foncière encouragera les producteurs à s’investir davantage sans crainte. Les besoins de la recherche n’ont pas été occultés. Sur ce point, les rapporteurs ont préconisé aux chercheurs, pour éviter les lacunes dans les recherches, de «Co-apprendre» avec les paysans. Ils ont reconnu que certains paysans auraient des capacités à reconnaître des signes climatiques avant-coureurs, à travers l’état des arbres ou le comportement des oiseaux. En plus, les paysans ont souvent des méthodes et techniques à eux, comme le zaï, pour s’adapter aux variations du climat.

Au-delà des changements climatiques

De nombreuses autres propositions sont contenues dans le document et visent à renforcer la résilience des petits producteurs. «Aider aujourd’hui les petits exploitants à relever le défi climatique, leur permettra de se préparer pour des défis encore plus importants», a estimé Dr David Sarfo Ameyaw, rédacteur en chef du rapport et directeur de la gestion et de l’évaluation de la stratégie à l’AGRA. «Malgré les changements climatiques, la croissance agricole induite par les petits exploitants a un immense potentiel. Mais il y a un besoin urgent d’augmenter les investissements pour étendre l’agriculture intelligente face au climat en Afrique subsaharienne», a-t-il dit.
Au-delà du besoin urgent à s’adapter aux changements climatiques, le rapport a attiré l’attention sur d’autres données qui influenceront sur la sécurité alimentaire et la production agricole. Il souligne par exemple les conséquences de la croissance démographique rapide, de l’urbanisation galopante, de la mauvaise exploitation et l’accaparement des terres. Il invite les politiques à ne pas perdre de vue ces tendances qui jouent négativement sur les revenus des ménages, la santé de la population, les conflits fonciers et l’épuisement même des ressources naturelles.
«Une agriculture plus productive, plus résiliente et faiblement émettrice de carbone, nécessite un changement majeur dans notre façon de gérer les terres, l’eau, les nutriments et les ressources génétiques», a conclu Dr Ademola Braimoh.
Réagissant à chaud, les participants ont douté sur les chiffres de l’émission des gaz à effets de serre produits par le secteur agricole en Afrique, qui sera équivalent à ceux produits en Europe. Ils ont insisté également sur l’accaparement des terres. Qu’à cela ne tienne, dans le domaine agricole et dans bien d’autres domaines, rien ne sera plus comme avant. Les parties les plus pluvieuses du Burkina, à l’instar de la province du Noumbiel, connaissent une pluviométrie des plus inquiétantes cette saison. Il est donc temps de passer à une façon de pratiquer l’agriculture, celle dite intelligente, qui n’est ni plus ni moins que ce qu’on peut encore faire, à ce niveau de la déréglementation climatique.


Aimé Mouor KAMBIRE
Depuis Addis-Abeba
mouorkambire@yahoo.fr
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