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Bédouma Alain Yoda, président du Groupe parlementaire du CDP : «Il y a un temps pour les négociations et un temps pour les décisions»
Publié le vendredi 29 aout 2014  |  L'Opinion
Bédouma
© Autre presse par DR
Bédouma Alain YODA, président du Groupe parlementaire du CDP.




Face à la montée d’adrénaline autour de la mise en place du Sénat, de la tenue d’un référendum sur la révision de la Constitution, de la naissance du Front républicain ou de l’affaire NEBIE, le président du Groupe parlementaire, Bédouma Alain YODA donne sa lecture de la situation à travers cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder.

Bédouma Alain YODA, président du Groupe parlementaire du CDPComment appréciez-vous la première session ordinaire parlementaire de l’année 2014 qui s’est achevée ?
Bédouma Alain YODA (B.A.Y): La première session parlementaire a été très intense en examen et en adoption de lois très importantes telles que la loi de Règlement du Budget gestion 2012, diverses lois de protections des enfants, une loi d’orientation sur le développement durable au Burkina Faso, des lois créant des tribunaux de grande instance, une loi portant sur l´interdiction de l’importation et de production de sachets non biodégradables, et plusieurs autorisations de ratifications pour ne citer que celles là.
De plus, le Gouvernement a été interpellé sur des questions d’actualité ainsi que sur des questions orales avec ou sans débats sans compter les questions écrites. Bien entendu, le Groupe Parlementaire CDP a joué parfaitement sa partition dans tout ce travail parlementaire.

Un des faits marquants de la présente législature est l’adoption de la loi sur l’institution du Sénat, le 21 mai 2013. Mais le constat est que le Sénat n’est pas mis en place. Quel commentaire faites-vous de cette situation ?
B.A.Y : Comme vous le savez, malgré le fait que le Sénat soit introduit dans la Constitution en 2012 par l’Assemblée nationale de la précédente législature, certains continuent de prétendre que cette disposition constitutionnelle ne doit pas être mise en œuvre, alors qu’ils demandent, par ailleurs, que l’on respecte ladite Constitution. C’est pourquoi après avoir requis une évaluation de la mise en œuvre des propositions consensuelles issues des assises du CCRP, le Président du Faso a non seulement entériné les nouvelles propositions de réaménagement du Comité de Suivi sur un nouveau format de ce Sénat , mais l’Assemblée nationale de la présente législature a procédé au vote de la proposition de loi issue de ce nouveau consensus. Mais comme les adeptes du NON perpétuel continuaient à récuser cette disposition constitutionnelle, le Président du Faso a, de nouveau, demandé de continuer les concertations afin de parvenir à un consensus éventuel entre les partis républicains qui respectent la volonté du peuple à travers ses représentants.
C’est ainsi qu’aussi bien, le CDP, parti majoritaire, que cinquante autres partis et formations politiques de la majorité comme de l’opposition ont fait des offres de concertation à ceux-là qui disent parler au nom du peuple pour trouver des formules permettant de mettre en œuvre cette Institution constitutionnelle. Nous notons que jusqu’à présent cette offre tarde à trouver preneur du côté de l’opposition ayant fait allégeance au CFOP (NDLR : Chef de file de l’opposition).
Il est certain qu’il y a un temps pour les négociations et un temps pour les décisions. Dans tous les cas, le Président du Faso, garant du respect de la Constitution a affirmé que cette disposition constitutionnelle sera mise en œuvre et, en tant que parti respectant notre Loi fondamentale, le CDP sera partie prenante de l’opérationnalisation de cette Institution constitutionnelle avec les formations politiques qui le souhaitent.

N’est-ce pas aussi un échec pour votre groupe parlementaire qui avait pris à bras-le-corps cette loi ?
B.A.Y : Non, au contraire c’est un succès d’avoir réussi à faire voter cette nouvelle loi à une très large majorité. En tant que Groupe Parlementaire, nous avons fait notre part du travail. Si les acteurs politiques représentés à l’Assemblée nationale et hors de l’Assemblée n’arrivent pas à trouver un compromis, force doit rester à la loi.

L’opposition considère la non opérationnalisation du Sénat comme étant une victoire d’étape et promet également de faire échouer une éventuelle révision de l’article 37 de la Constitution limitant les mandats présidentiels comme le souhaite le CDP. Votre commentaire ?
B.A.Y : Quelqu’un a dit qu’il y a une catégorie de personnes qui refusent de reconnaître l’évidence et notre opposition radicale fait certainement partie de cette catégorie. Demander qu’il y ait des concertations pour trouver un éventuel consensus pour l’opérationnalisation du Sénat n’équivaut pas à la décision de ne pas mettre en place le Sénat. Celui qui a la légitimité et la responsabilité de faire respecter la Constitution a dit, de manière sans équivoque, que le Sénat sera mis en place. Penser que le temps imparti pour une recherche d’un éventuel compromis est un renoncement à la mise en place de cette Institution législative est une erreur d’appréciation à laquelle cette partie de l’opposition nous a, du reste, accoutumés.
Quant à faire échec à la consultation du peuple sur une disposition constitutionnelle non verrouillée, le peuple appréciera que des personnalités qui disent parler en son nom, sans souvent la légitimité requise, refusent que lui, souverain suprême, se prononce sur un texte dont il est l’auteur.

Le CDP s’est coalisé avec d’autres partis politiques, dont certains de l’opposition pour créer le Front républicain. Un tel regroupement était-il réellement nécessaire et quel bilan tirez-vous de ses activités ?
B.A.Y : D’abord, le Front républicain n’est pas une coalition en ce sens qu’il ne vise pas les objectifs habituels d’une coalition politique. Le Front républicain est, par contre, un regroupement de partis, chacun gardant sa liberté d’action, pour constituer un cadre de concertation comme l’ont, du reste, recommandé les Assises du CCRP. Sa mission c’est l’approfondissement de la démocratie et la défense des Institutions de la République. À ce titre, le Front républicain fait des meetings, des sorties sur le terrain, des conférences de presse, des visites à des personnalités de la Société civile pour faire passer des messages de paix et de cohésion nationale. C’est, si vous voulez, la volonté de partis tant de la majorité que de l’opposition de faire comprendre que l’on peut ne pas être du même avis mais pouvoir s’asseoir ensemble pour discuter de l’avenir du Burkina Faso. C’est par conséquent un regroupement de partis républicains, soucieux de l’avenir de ce pays et de l’importance de la paix pour un développement partagé. Le Front républicain prône le dialogue et se fait, quand il le faut, le devoir de porter des demandes sociales afin d’amener le Gouvernement à proposer des offres sociales appropriées.
Vous voyez, par conséquent, la nécessité et l’importance d’un tel regroupement en vue de contribuer à créer une cohésion dans la différence. Quant au bilan, en tant qu’observateur avisé de la scène politique nationale, vous avez assisté certainement à son gigantesque meeting de Bobo, à ses conférences de presse, aux tournées dans le pays profond avec des appels au dialogue, à ses visites aux personnalités de la Société civile, etc.

Le Front républicain a affiché sa volonté de soumettre la question de la révision de l’article 37 de la Constitution à l’arbitrage des Burkinabè à travers l’organisation d’un référendum. Etes-vous confiants pour cette option ?
Bédouma Alain YODA, président du Groupe parlementaire du CDPB.A.Y : Si les acteurs politiques ne s’entendent pas et si certains en arrivent à refuser toute concertation, il ne restera que l’arbitrage du Peuple à travers un Référendum. Tout parti républicain ne peut qu’aller dans ce sens s’il est vraiment un parti qui fait confiance à la démocratie et veut le bien du pays. Évidemment, je suis confiant pour cette option.

Les tentatives de médiations ont toutes échoué et certains annoncent des orages sur la paix sociale ; ne craignez-vous pas effectivement des violences éventuelles et peut-on s’attendre à des solutions de dernières minutes ?
B.A.Y : Je ne suis pas sûr que toutes les tentatives de médiations aient toutes échoué. Mais évidemment, pour qu’il y ait des solutions de dernière heure, il faudrait que les uns et les autres acceptent de se parler.

Le Front républicain pendant sa caravane dans le Sud-Ouest a fait un appel au dialogue à l’opposition. Pourquoi cet appel ? Est-ce à dire qu’il pourrait renoncer à certaines de ses ambitions notamment la tenue du referendum et ou la révision de l’article 37 ?
B.A.Y : Comme je vous l’ai indiqué, personne ne peut présager de ce qui sortirait d’un dialogue, puisque cela dépendra de la volonté des uns et des autres à rechercher un compromis.

Ne craignez-vous pas d’être pris dans le piège des délais dans le processus d’organisation d’un éventuel référendum ? Autrement dit, à quand le référendum ?
B.A.Y : Le CDP a tranché la question de la révision de l’article 37 à son congrès de 2009 alors que la direction actuelle n’était pas aux commandes du parti. Aucun autre congrès n’a pris une décision contraire.
Quant aux délais, soyez sans crainte: il n’y aura pas forclusion. Si nos contempteurs ne sont pas prêts au dialogue républicain, la procédure de lancement du Référendum sera engagée conformément aux dispositions constitutionnelles.
Concernant la date du Référendum et celle de la convocation du corps électoral, nos Ioi et règlements ont réglé les procédures y relatives.

Comment se porte le CDP un peu plus de 6 mois après la défection de certains ténors et militants ?
(B.A.Y): Je suis heureux de vous dire, à la suite du Secrétaire exécutif national du CDP, que notre parti se porte très bien : toutes nos instances et nos organes se réunissent et fonctionnent normalement, nous avons achevé le renouvellement de nos structures géographiques, nos secteurs structurés et nos unions se renouvellent dans la cohésion, certains de nos militants qui avaient été abusés à grand renfort de promesses fallacieuses reviennent en grand nombre et se bousculent pour leur réintégration, nos mots d’ordre pour les grands rassemblements sont scrupuleusement suivis, nos personnes ressources sont déterminées plus que jamais à nous accompagner, les débats lors de nos instances sont libres et positifs; bref, notre cohésion me semble plus forte et la détermination des militants plus affirmée. Toutefois, comme nous sommes un grand parti, il serait illusoire de dire que nous n’avons aucun problème. Toutefois, les bagarres de clans et les intrigues qui gouvernaient le CDP n’ont plus cours et nous nous en réjouissons.

Dans ce qui est en train de devenir l’affaire NEBIE, le pouvoir est indexé au motif que celui-ci aurait été assassiné parce qu’il aurait quitté votre parti pour vos «traitres» et aurait déclaré qu’il était contre vos projets de référendum et de révision de l’article 37. Quel est votre sentiment sur cette affaire et que répondez-vous à vos accusateurs ?
(B.A.Y): Il y a, hélas, des politiciens qui veulent faire feu de tout bois et c’est vraiment dommage. J’ignore totalement les rumeurs que l’on fait circuler et qui seraient du regretté. NEBIE était un ami et au cours du dernier déjeuner que nous avons partagé cette année je n’ai perçu aucun signe de ce que vous dites. Mon souhait le plus ardent est que l’on laisse la justice faire sereinement son travail et que la famille puisse être située sur les causes de sa tragique disparition.

Certains, pour ne pas dire les mêmes, voient aussi dans l’explosion de Larlé un attentat manqué contre le Larlé Naba, un des démissionnaires. Que dites-vous de ces accusations ?
(B.A.Y): Si ma mémoire est bonne, il semble que l’on ait identifié celui à qui appartenaient les explosifs. Il est donc fort aisé de savoir ce qui s’est passé. On essaie, à mon avis, de se saisir de tout fait émotionnel ou de tout accident pour y voir des attentats. Il ne serait pas surprenant que l’on voit la main du Pouvoir dans le décès de quelqu’un de l’opposition fut- il mort du cancer de la prostate ou du sein et même de quelqu’un qui viendrait à se fouler le pied dans sa cour...

Quels sentiments suscitent en vous toutes ces accusations à n’en pas finir ?
(B.A.Y): Venant de politiciens en perte de repère éthique ou de notoriété, je dirais qu’ils s’accrochent à n’importe quoi comme le naufragé au serpent. Malheureusement, il y a des gens de bonne foi qui se laissent abuser et c’est ce qui est bien dommage.

Comment entrevoyez-vous l’avenir du Burkina Faso ?
(B.A.Y): L’avenir du Burkina dépend de ses fils et filles auxquels incombent sa construction. Ce qui est sûr, c’est que sans stabilité et sans paix, cet avenir sera difficile car, des pays plus nantis par la nature qui se sont retrouvés dans de telles situations ont mis des décennies à s’en relever.

Pour terminer, le Président Blaise COMPAORE vient de connaître un véritable triomphe au Sommet Etats-Unis-Afrique. Cela vous ragaillardit sans aucun doute ?
(B.A.Y): Ce triomphe n’étonne que ceux qui ne connaissent pas assez comment fonctionne le monde. Notre parti et les gens honnêtes savent quelle est l’envergure du Président COMPAORE. Il n’est certainement pas le seul en Afrique...mais il est parmi les meilleurs.

«Pas d’institutions fortes, sans hommes forts et une construction dans la durée», a dit le Président du Faso comme en réponse au Président OBAMA, qui, lui, a déclaré que «l’Afrique a besoin d’institutions fortes, pas d’hommes forts». Quels commentaires cela vous inspire-t-il?
(B.A.Y): Ceux qui pensent que ces propos étaient une réponse au Président OBAMA se trompent entièrement. Le Président COMPAORE répondait à une question orientée de journaliste. Personne ne peut douter que le Président OBAMA connaît à fond les États-Unis, ses Institutions et ses hommes... Il me semble aussi que le Président COMPAORE connaît très bien l’Afrique et plus encore le Burkina Faso. On ne peut interdire à un leader de s’exprimer sur des questions qui concernent son continent. Le Président américain a dit son sentiment sur l’Afrique. En tant que démocrate, il sait bien que d’autres acteurs politiques ou non politiques peuvent avoir des avis différents et les exprimer n’est pas lui faire offense.

Entretien réalisé par Drissa TRAORE
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