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Luc Marius Ibriga, président du FOCAL: « La démocratie, par nature, proscrit les hommes forts »
Publié le mercredi 27 aout 2014  |  Le Pays
Luc
© Autre presse par DR
Luc Marius Ibriga, président du Forum de citoyennes et citoyens de l’alternance (FOCAL)




Le mouvement « Le Balai citoyen » a organisé le lundi 25 août 2014 à Ouagadougou, une conférence publique sur la problématique des hommes forts et des institutions en Afrique. Cette conférence a été animée par un spécialiste du droit, Luc Marius Ibriga, et le journaliste Newton Ahmed Barry.

« Les hommes forts face aux institutions : quel bilan moral et politique pour l’Afrique ? » Tel est le thème principal sur lequel se sont focalisés les échanges, lors de la conférence publique le 25 août dernier. Ce thème est inspiré de l’actualité nationale, notamment les débats suscités par les déclarations du président du Faso à Washington, en marge du Sommet Etats-Unis/Afrique. « Il n’y a pas d’institutions fortes sans hommes forts » avait soutenu Blaise Compaoré, en réponse à son homologue américain Barak Hussein Obama pour qui « l’Afrique a besoin d’institutions fortes, pas d’hommes forts ». Selon Luc Marius Ibriga qui a co-animé la conférence, l’Etat proscrit par essence les hommes forts. Et la démocratie, par nature, prohibe les hommes forts. Mais au fait, qu’est-ce qu’un homme fort ? Quand on parle d’homme fort, a relevé Luc Ibriga, il faut le placer dans le contexte du pouvoir. « L’homme fort est lié à la notion du pouvoir personnel qui est le pouvoir appartenant à un individu et qui est la forme la plus avancée de la patrimonialisation du pouvoir. Or l’Etat, c’est le pouvoir institutionnalisé, à savoir que dans l’Etat, ce sont les institutions qui priment les hommes. C’est parce que le pouvoir personnel et les hommes forts ont tendance à être arbitraires que les hommes ont évolué vers le pouvoir institutionnalisé, en créant une personne fictive, l’Etat, qui serait le détenteur du pouvoir et qui se distinguerait de ceux qui exercent le pouvoir », a-t-il expliqué. Et de préciser : « Dans un Etat, normalement, il n’y a pas d’hommes forts, dans la mesure où ce sont les institutions qui priment les hommes. Et c’est ça qui permet la continuité de l’Etat». Même point de vue développé par l’autre conférencier, le journaliste, rédacteur en chef du journal « l’Evènement », Newton Ahmed Barry : « La notion d’hommes forts résulte elle-même d’une construction sociale au-delà de toute autre définition. Est-ce que les hommes forts ont construit dans la durée des institutions fortes ? », s’est-il interrogé. Quand la démocratie est revenue en Afrique avec la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule, a rappelé Newton Barry, tous les régimes qui étaient très forts dans les pays où ils se sont installés des années durant, c’est là où les désordres ont été les plus grands. Par contre, « partout où les peuples n’ont pas été soumis au parti unique ou pas totalement, certains Etats ont traversé cette période avec beaucoup d’harmonie. Tout le reste, là où il y a eu des hommes forts patentés, les régimes se sont écroulés parce qu’un régime fort par essence ne construit pas d’institution. Parce que l’institution, c’est le chef, c’est le culte du chef, c’est le chef qui est la mesure de tout. Il n’y a pas de compatibilité entre hommes forts et institutions fortes ». Cette position a été partagée par Marius Ibriga. « L’Etat, c’est le pouvoir institutionnalisé à savoir qu’il y a une différenciation entre le détenteur du pouvoir et celui qui l’exerce. Ce qui fait que dans un Etat, on ne peut pas parler d’hommes forts. Parler d’hommes forts, c’est revenir à un stade antérieur. C’est régresser et revenir au pouvoir personnel.» Dans un Etat démocratique, nul n’est au- dessus des règles, a relevé Luc Ibriga. Ainsi, « on doit agir conformément à la règle de droit. A ce moment, il n’y a pas d’hommes forts dans une démocratie, dans la mesure où c’est le bien commun qui doit être poursuivi. C’est pour cela qu’il y a limitation des pouvoirs, séparation des pouvoirs, pluralisme politique, indépendance des magistrats du siège, alternance. Tout cela, c’est pour asseoir le fait que les institutions soient celles qui déterminent le sort des populations ». Pour le conférencier, le bilan moral et politique de l’exercice au pouvoir par les hommes forts est négatif, car tous ceux que l’on a appelés les hommes forts, quand ils sont partis du pouvoir, ils ont laissé le chaos dans leur pays. « Cela veut dire que quand des individus sont là et que le pouvoir dépend d’eux et de leur volonté, il est certain que l’on ne peut pas construire une relève. Et la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui au Burkina Faso est cela. C’est-à-dire que l’on n’a pas pensé que le pouvoir appartient à l’Etat et qu’on doit partir et le laisser. On a pensé que le pouvoir appartient à celui qui le gère. Et donc, toute personne qui veut s’approcher du pouvoir est un ennemi potentiel qu’il faut écarter. Ce qui fait que le président a fait un vide autour de lui, et aujourd’hui, il se retrouve dans une situation de rechange. Parce que la solution de rechange peut être fatale à son parti. Parce qu’ils n’ont pas permis la naissance d’hommes d’Etat qui puissent s’imposer devant le peuple », a martelé Luc Marius Ibriga, à la fin de la conférence publique organisée par le mouvement « Le Balai citoyen », dans le cadre des activités commémoratives de son 1er anniversaire.

Saïdou ZOROME
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