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Démonstration de force de l’opposition :Que fera maintenant « l’homme fort » du Burkina ?
Publié le lundi 25 aout 2014  |  Le Pays




Pari réussi pour l’opposition politique du Burkina Faso. En effet, elle vient de réussir une mobilisation jusque-là sans précedent, dans la lutte contre un éventuel référendum visant à faire sauter le verrou constitutionnel limitatif du nombre de mandats présidentiels. En plus de l’importance du cortège des manifestants, on note la discipline dont ils ont su faire preuve, dans leur démonstration de force et de détermination.
Cette mobilisation a d’autant plus réussi qu’elle intervient malgré les nombreuses manœuvres de démobilisation d’éléments du Front républicain et surtout du bourgmestre de la capitale, Marin Casimir Ilboudo. Ainsi, refus d’itinéraire et autres actions de démobilisation des partisans de tout poil du chef de l’Etat burkinabè, n’y auront rien fait.

La situation risque de devenir plus explosive

On peut même penser que ces manœuvres ont eu un effet dopant sur les Burkinabè qui sont opposés à la tenue du référendum projeté par les inconditionnels de Blaise Compaoré. Cette marche aura mobilisé des personnes de tous âges. Les plus jeunes disant refuser une prise en otage de leur avenir par le camp du président Compaoré, et les plus âgés déclarant leur souci de prévenir et préserver les générations futures d’une « monarchisation » du pays. En tout cas, force est de constater que les opposants à la révision de l’article 37 sont de plus en plus galvanisés et que comparativement aux manifestations passées, leur nombre va crescendo. Ce qui est loin d’être anodin.
Avec la rentrée des classes qui s’annonce, point n’est besoin d’être clerc pour comprendre que la situation risque de devenir plus explosive, en tout cas, si les manifestations de rue devaient continuer de la sorte. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de débordement comme les autres fois d’ailleurs. Cela est à mettre à l’actif de l’opposition qui démontre, une fois de plus, sa maturité. C’est tout à son honneur. Mais il est évident qu’on n’est pas loin du niveau de saturation. Et sans jouer les oiseaux de mauvais augure, il faut bien convenir que si jamais et par malheur la situation venait à dégénérer et qu’un manifestant venait à être fauché par une balle, ce sera la fin du régime ou à tout le moins, le début du chaos tant redouté. Car, il est évident que les opposants au régime Compaoré, instruits probablement par le passé, le camp présidentiel ayant la fâcheuse tradition de remettre en cause ses propres engagements chaque fois l’orage passé, ne sont pas prêts à faire de concession au pouvoir.
Ce qui est dommage, c’est que tout ce remue-ménage est lié à un seul homme. La modification projetée de l’article 37 vise, in fine, à contenter un seul homme : le président Compaoré. Et c’est en cela que les regards se tournent vers Blaise Compaoré. Que va faire maintenant « l’homme fort » du Burkina ? Va-t-il déconstruire ce qu’il aura mis tout ce temps à construire ? L’avenir nous le dira. Mais, on ne le répétera jamais assez : le plus grand héritage qu’un grand dirigeant puisse laisser à son pays, c’est de le passer à d’autres mains, dans la paix. Et parlant de paix, il faudra que le pouvoir et ses alliés se remettent en cause. Car, le schéma caricatural qui voudrait que l’opposition soit le bouc émissaire d’une éventuelle dégradation du climat social, est cousu de fil blanc. Au contraire, c’est bel et bien le pouvoir et le Front républicain qui devraient être tenus pour responsables et auteurs de toute crise qui viendrait à éclater au pays des Hommes intègres, par rapport à une candidature de Blaise Compaoré à la présidentielle de 2015. En voulant faire plaisir à un seul homme et à son camp, ils mettent tout un pays en danger. C’est cela la vérité et ces acteurs vont devoir faire face à toutes les conséquences et effets historiques mais aussi judiciaires de leurs attitudes, paroles et actes, si les choses devaient empirer.
En tout cas, il leur appartient de se convaincre ou de se rappeler que ce qui est essentiel dans une démocratie, c’est le respect du pacte social établi, des règles du jeu préétablies par tous les acteurs. On ne peut pas, de façon raisonnable, placer les intérêts d’un camp, fût-il présidentiel, encore moins ceux d’un individu, au-dessus de l’intérêt du peuple. Devant l’intérêt de l’ensemble, l’individu ou le groupe doit avoir l’humilité de s’effacer. Ceux qui, comme Laurent Gbagbo, n’auront pas eu suffisamment le courage d’écouter les sons de cloche contraires, de transcender leur ego ou les chants de sirène de leur propre camp, finissent là où on sait. Blaise Compaoré ferait mieux, si c’est lui-même qui est l’instigateur de l’agitation de son propre camp, de se résoudre à ne pas négliger le risque qu’il court. Car comme il le sait et pour paraphraser leur propre slogan quand ses malheureux camarades et lui ont pris le pouvoir en 1983, « lorsque le peuple se met debout, les « hommes forts » tremblent ».

Les longs règnes sont porteurs de lendemains incertains


L’actuel locataire de Kosyam doit surtout éviter de se leurrer, en pensant que ça n’arrive qu’aux autres. Car ceux qui comme Ben Ali, Moubarak, Gbagbo ou Mobutu sont tombés piteusement, croyaient aussi dur comme fer qu’ils étaient indéboulonnables, jusqu’à la seconde de la désillusion. A l’exemple de l’ex-président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui a su au moins prendre de court ses propres partisans qui souhaitaient qu’il manipulât les résultats de la présidentielle pour contester la victoire de Macky Sall et rester au pouvoir, Blaise Compaoré serait bien inspiré de siffler la fin de la récréation chez ses propres partisans qui, par leurs agissements, sont en réalité le vrai danger pour lui, pour ne pas dire ses vrais ennemis et ceux du pays qu’il dit aimer beaucoup. Il lui serait fatal de se laisser berner par des partisans dont l’aveuglément est tel qu’ils pensent qu’il est de taille à engager une épreuve de force avec le président du pays le plus puissant du monde, Barack Obama. Car, et il faut bien en convenir, il est indécent pour des dirigeants burkinabè, de dire que le Burkina n’a pas de leçon à recevoir, en termes de gouvernance, de la part des Etats-Unis d’Amérique, quand au même moment ce même Burkina ne se gêne pas de recevoir les dollars américains. Le président américain peut bien donner des leçons au Burkina, ne serait-ce qu’au regard des énormes efforts du peuple américain pour aider le peuple burkinabè à sortir la tête de l’eau, en ce qui concerne les laborieux chantiers du développement. Au demeurant, il appartient aux dirigeants burkinabè, en premier lieu au chef de l’Etat, de ne pas donner d’arguments à quelque donneur de leçons que ce soit, en permettant au pays de faire l’économie de la crise politique qui se profile.
En tout état de cause, on ne peut pas, en bon démocrate, reprocher à l’opposition de vouloir de l’alternance qui, au regard des balbutiements actuels de notre démocratie, est tributaire des clauses limitatives du nombre de mandats consécutifs. C’est, du reste, conscients de cette réalité que les membres du Collège de sages avaient demandé et obtenu que cette clause limitative soit réinscrite dans la loi fondamentale du Burkina, suite à la crise née de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998. Il est du reste scandaleux, dans tous les sens du terme, que des Burkinabè dignes de ce nom, disent aujourd’hui que sans Blaise Compaoré, ce sera le chaos, la fin du pays. Si ce n’est pas un aveu d’irresponsabilité, ça y ressemble fort. Et les Burkinabè ne méritent pas une telle injure. Certes, les longs règnes sont porteurs de lendemains incertains. Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut refuser d’en sortir. Au contraire, c’est une raison de plus pour abréger les choses. Le pouvoir burkinabè ferait bien de réinstaurer un dialogue franc avec l’Opposition, en vue de sauver l’essentiel en toute honnêteté. C’est à ce prix qu’il saura desserrer l’étau et prouvera surtout son amour tant chanté pour ce pays dont la préservation des acquis, de la paix notamment, est dans une large mesure entre ses mains.

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