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Avortement et abandon de bébés: les victimes de l’ignorance
Publié le vendredi 22 aout 2014  |  Sidwaya




L’avortement et l’abandon de bébés sont des pratiques qui mettent en péril des vies au Burkina Faso. Chaque année, l’on enregistre, selon une étude de l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP), 105 000 avortements. En six ans d’existence, l’Hôtel maternel, une pouponnière de l’Etat, a accueilli 234 bébés abandonnés. Les grossesses non-désirées en sont la principale cause. Pourtant, l’utilisation des méthodes contraceptives pourrait réduire considérablement le phénomène.

Raketa K. porte une grossesse non-désirée de 4 mois. Agée de 17 ans, cette jeune fille est originaire de la région du Centre-Est. Cela fait maintenant deux ans qu’elle a déposé ses pénates à Ouagadougou, où elle travaille comme fille de ménage. Un proche de la famille de sa patronne fréquentait de temps à autre le domicile où elle travaillait.

Un jour, le monsieur l’a emmenée chez lui. «Une fois, une deuxième puis une troisième fois», Raketa est tombée enceinte. L’auteur présumé de la grossesse, travaille dans un hôtel de la place. Il refuse de la reconnaître. C’est le début d’un calvaire. Raketa devait rejoindre ses parents au village. Ayant appris que leur fille a une grossesse non reconnue, sa famille lui a interdit l’accès au village sous le prétexte des coutumes.

Elle trouve refuge à l’Hôtel maternel du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, sise à la Patte-oie à Ouagadougou, où elle est prise en charge en attendant des tests ADN avec le présumé auteur. «C’est au centre ici que j’ai entendu dans les causeries-débats qu’il existe des méthodes de contraception. Je ne savais pas qu’il y avait des comprimés pour empêcher une grossesse. Je regrette de n’avoir pas connu cela auparavant. Je suis bien suivie par les tanties du centre et mon souhait, c’est accoucher en bonne santé. Je ne pense pas que durant toute ma vie, je tomberai enceinte sans le vouloir», s’exprime la jeune fille bannie par les siens.

Les grossesses non-désirées et le refus des auteurs de les reconnaître, peuvent conduire dans le pire des cas, à des avortements clandestins, à des abandons de bébés ou à la mort. Et dans ce genre de situation, tous les moyens sont bons pour se débarrasser du fœtus ou du bébé à sa naissance.

Usage de bâton pour perforer l’utérus

Selon George Guella et Idrissa Kaboré, chercheurs à l’ISSP, deux des auteurs de l’étude «Grossesse non-désirée et avortement provoqué au Burkina Faso», on dénombre plusieurs acteurs aux pratiques différentes par rapport à l’avortement.

Très souvent, la pratique se fait en cachette dans les formations sanitaires ou dans les domiciles de certains agents de santé. Aussi, des tradipraticiens ou des amis s’en mêlent avec d’autres procédés. Puis il y a la personne, qui elle-même , se débat pour se tirer d’affaire. Pour les tradipraticiens et autres amis, la «thérapie» consiste souvent à l’usage de décoctions et absorption de produits à posologie douteuse.

Des boissons telles que Coca-Cola, des excitants comme le Nescafé, des bouteilles écrasées et même l’usage de bâton pour perforer l’utérus, sont des pratiques de certaines femmes pour se débarrasser de leur «fardeau». «Elles n’ont pas peur. Par exemple, elles mettent l’eau de javel qui est corrosive dans le vagin. Quand vous la mettez sur votre peau, déjà ça fait très mal ; imaginez ce que ça peut être à l’intérieur d’un vagin», a déploré M. Kaboré.

D’autres optent simplement d’abandonner le bébé dès les premiers instants de la delivrance. C’est le cas de Balkissa T., résidant au secteur n°27 de Ouagadougou. Les faits se sont passés en début juin 2014. Cette jeune mère de 23 ans a été victime d’une grossesse non-désirée. Le présumé auteur lui aurait suggéré dans un premier temps l’avortement. Elle refusa. Ensuite, le monsieur a nié les faits. A terme, elle a accouché d’elle-même sans être assistée. Le bébé a été jeté avec le placenta. Après investigation, les riverains l’ont identifiée. Elle fut transportée au Centre de santé et de promotion sociale pour des soins. Le bébé après une prise en charge par les agents de santé, a été récupéré par l’orphelinat Home Kisito, la mère n’en voulant plus.

«L’auteur de la grossesse a nié en bloc. Avant de s’éclipser, il m’a suggéré l’avortement. J’ai décidé de garder la grossesse. Mais au terme des 9 mois, je n’avais pas les moyens pour prendre en charge un nourrisson. Mon père aussi me disait de rejoindre l’auteur», a-t-elle expliqué. En cinq ans d’existence, l’Hôtel maternel de Ouagadougou a accueilli 234 bébés abandonnés.

«Au niveau de la province du Kadiogo, chaque jour que Dieu fait, il y a toujours un abandon d’enfant quelque part», affirme le directeur provincial en charge de l’Action sociale, Tindaogo Kiemdé dit Gabriel. Et d’indiquer qu’au bout d’un an de recherche de paternité infructueuse, le procureur est saisi pour attester. C’est ensuite que l’enfant peut être soumis à l'adoption.

Pour Mme Yolande Tanliré, responsable des filles en difficulté de l’Hôtel maternel, certaines de leurs pensionnaires ne connaissent autres contraceptions que le préservatif masculin. Et là, si l’homme refuse de se préserver, la fille est exposée. « Par ignorance ou par manque de moyens, les filles ne fréquentent pas les centres de santé. Elles ne savent pas comment se protéger contre les grossesses non-désirées. Nous organisons au sein du centre, des causeries-débats sur la sexualité et la santé de la reproduction afin qu’à la sortie, les filles puissent mieux gérer leur vie», estime Mme Tanliré. Présentement, huit filles sont à l’Hôtel maternel : trois en grossesse, trois autres sont des filles-mères et deux en détresse.

Faible utilisation de la contraception

L’étude sus-mentionnée est parvenue à la conclusion que le faible niveau d’utilisation de la contraception est la principale raison du taux élevé des grossesses non-désirées au Burkina. « Les besoins non satisfaits en contraception sont élevés. Ils l’ont été sur les dix dernières années. 26% des femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, ne désiraient pas d’enfants dans un futur proche ou dans l’absolu et n’utilisaient aucune méthode de contraception. Les besoins non satisfaits chez les femmes célibataires, mais sexuellement actives sont encore très élevés, 38% en 2010 », a révélé l’étude.

Les jeunes femmes célibataires ont rarement accès à l’information sur la santé sexuelle et la procréation. Au Burkina Faso, comme dans beaucoup de pays d’Afrique sub-saharienne, la plupart des jeunes femmes ne sont pas scolarisées, et celles qui débutent une activité sexuelle pré-maritale, font face à une forte désapprobation sociale. Conséquence, ces femmes n’ont pas accès à une éducation sexuelle adéquate et aux services de contraception.

Une autre étude nationale portant sur les adolescentes (la santé sexuelle et reproductive des adolescents au Burkina Faso : résultats d’une enquête nationale en 2004), a révélé que seulement environ une jeune femme entre 12 et 19 ans sur huit, avait reçu une éducation sexuelle à l’école. Un peu plus de la moitié de ces filles ne savaient pas où elles pouvaient se procurer des contraceptifs. «Les obstacles à l’accès à la contraception les plus importants étaient liés à la peur et à la gène. La plupart des adolescents n’avaient jamais parlé de sujets liés au sexe avec leurs parents ou leurs tuteurs ou même reçu des informations sur les méthodes contraceptives. En outre, moins d’une fille de 12 à 14 ans sur 10, avait reçu des informations : comment survient une grossesse, comment la prévenir et comment refuser une relation sexuelle», a demontré l’étude.

L’utilisation des méthodes de contraception peut éviter les grossesses non-désirées, l’abandon de bébés, l’abandon scolaire et tout simplement la mort. C’est en ce sens que le point focal de Partenariat de Ouagadougou (voir encadré) agissant au titre de la société civile, par ailleurs coordonnateur du Conseil burkinabè des organisations du développement communautaire (BURCASO), Ousmane Ouédraogo, travaille à créer la demande de contraception auprès des femmes, surtout chez les adolescentes. «Nous avons beaucoup de personnes-ressources dont les animateurs et agents communautaires pour créer la demande de service de planification familiale», précise M. Ouédraogo. Et d’ajouter qu’il intervient dans un projet où la cible est la jeune fille mariée, dont les besoins ne sont pas suffisamment pris en compte dans le système de santé. Dans ce projet, Ousmane Ouédraogo et son équipe travaillent pour permettre à la jeune fille mariée de participer à la prise de décision au sein de la famille. «On a des initiatives où nous regroupons les jeunes femmes mariées et nous les sensibilisons pour qu’elles maîtrisent au mieux les méthodes et décident elles-mêmes, quand elles veulent avoir des enfants», dit-il.

Combien de personnes font le constat dans leur quartier que chez le voisin, la petite fille est tombée enceinte ou a avorté ? Comme disait le journaliste Norbert Zongo, "le problème n’est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens biens". La question des grossesses non-désirées, des avortements, (…) aux conséquences fâcheuses, mérite d’être posée au plus haut niveau.

Boureima SANGA
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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