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François Hollande rappelle, opportunément, que le Japon est la troisième économique mondiale !
Publié le samedi 1 septembre 2012   |  La Dépêche DIplomatique


François
© Getty Images
François Hollande, président de la republique française


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Dans les années 1960, le Japon était encore un univers à découvrir. Y compris par les économistes. Rien de ce qui fera sa réputation industrielle et technologique (auto, moto, photo, vidéo…) dans les décennies suivantes n’était encore disponible sur le marché européen.

Et quand, en 1969, Robert Guillain, un des meilleurs spécialistes français du Japon (il était en Chine lors de la conquête japonaise et sera au Japon lors de Pearl Harbour et tout le temps de la Deuxième guerre mondiale !) publiera « Japon. Troisième grand », André Fontaine, rédacteur en chef du quotidien Le Monde après en avoir dirigé, pendant dix-huit ans, le service étranger, s’exclamera : « Des réalisations du Japon, Guillain donne des aperçus, descriptifs ou chiffrés, qui donnent le vertige ».

Pourtant, à la fin de la décennie 1960, le revenu par tête d’habitant du Japon atteignait seulement celui que l’Italie connaissait dix ans auparavant. Une Italie qui, à l’instar du Japon, était dans le camp des pays ayant perdu la Deuxième guerre mondiale et qui figurait alors parmi les pays pauvres (obligé « d’exporter » sa population) d’Europe. Au début de la décennie 1980, le Japon sera considéré par Ezra F. Vogel, professeur à Harvard, comme un modèle de croissance économique pour l’Amérique et l’Europe alors que les marques japonaises n’étaient pas encore mondiales. On connaît la suite ; on a oublié le début. 1912-2012.

Il y a tout juste un siècle mourait l’empereur Mutsuhito. Qui restera dans l’Histoire du Japon (et l’Histoire du monde moderne) comme l’homme d’Etat qui a « inventé » le Japon. Son nom posthume – Meiji - a été donné à l’ère qui symbolise l’émergence de son pays sur la scène politique (suppression du shogunat et du régime féodal, rédaction d’une Constitution), diplomatique (guerres sino-japonaise et russo-japonaise, annexion de la Corée) et économique (la première ligne de chemin de fer au Japon a été inaugurée voici tout juste 140 ans : le 12 septembre 1872 ; 57 minutes pour parcourir la trentaine de kilomètres entre Tokyo et le port de Yokohama !).

Depuis que la Chine s’est « éveillée », le Japon ne fait plus recette. Et si, sous Jacques Chirac (passionné par le Japon et sa culture), Paris était proche de Tokyo, au temps de Nicolas Sarkozy il n’y a que Pékin qui avait de l’importance*. Il est vrai que le Japon était traversé par une crise politique quasi permanente, les premiers ministres se succédant à un rythme soutenu (six pendant le quinquennat de Sarkozy) ; et que les crises financière et économique de ce début du XXIème siècle avaient rendu le Japon moins performant.

Alors que les tensions nationalistes entre Pékin (membre permanent du Conseil de sécurité) et Tokyo (qui aspire à le devenir) s’exacerbent - pour des raisons de souveraineté qui sont liées à des questions d’accès aux ressources en pétrole et en gaz offshore - en mer de Chine et autour de l’île de Senkaku (revendiquée également par Taipei et qui permet au Japon d’étendre très au Sud sa ZEE, zone économique exclusive), alors que Tokyo prépare activement son grand raout avec l’Afrique (TICAD V se tiendra du 1er au 3 juin 2013**), François Hollande, lors de son discours à l’occasion de la XXème Conférence des ambassadeurs (Palais de l’Elysée – lundi 27 août 2012), s’est fait remarquer en déclarant : « Je considère que le Japon, troisième puissance économique du monde, grand partenaire de la France, n’a pas reçu toute l’attention qu’il méritait ces dernières années et je m’emploierai personnellement à corriger cette situation ».

Les premiers entretiens entre Hollande et le premier ministre du Japon, Yoshihiko Noda, se sont déroulés en marge du Sommet du G8 à Camp David le samedi 19 mai 2012. Tokyo est circonspect quant à la politique économique de la France, notamment en ce qui concerne la réduction de la dette mais le Japon joue le jeu de la solidarité « occidentale », notamment en participant au Fonds européen de stabilité financière. Tokyo souhaite d’ailleurs la conclusion d’un Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne afin de booster ses échanges (un souhait qui n’emballe pas les industriels français et encore moins les socialistes qui, par le passé, ont été protectionnistes à l’égard des produits « Made in Japan »).

Sur les dossiers « Chine » et « Corée du Nord », les positions sont voisines sur la problèmatique générale (notamment en ce qui concerne le respect des règles de la « communauté internationale ») ; sur le dossier « Iran » (le Japon est acheteur de pétrole iranien alors que le reste de la communauté occidentale s’est engagée dans une politique d’embargo) chacun se veut « compréhensif » sur le comportement de l’autre. Moins de deux mois plus tard, le 8 juillet 2012, Noda a reçu Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères. Paris a confirmé sa volonté de « faire progresser davantage » les relations entre les deux pays (partenariats dans les domaines de l’environnement, de l’énergie, du tourisme mais aussi de la défense). Tokyo reste ancré sur ses deux préoccupations : la dette européenne et l’APE avec Bruxelles.

Reste que la situation politique et économique du Japon est toujours précaire. Noda a été censuré par la chambre haute du Parlement hier soir (mercredi 29 août 2012) et se trouve contraint d’organiser des élections anticipées dans quelques mois (octobre ou novembre). Il y aura donc un 7ème Premier ministre en six ans ! C’est que le Japon est le pays le plus endetté de l’OCDE avec une dette publique qui dépasse 230 % du PIB (« seulement » 165 % pour la Grèce) du fait, notamment, d’un vieillissement de la population (plus de 40 % des Japonais ont plus de 65 ans) qui pèse sur les dépenses sociales dans un contexte de croissance économique quasi nulle. Il faut cependant nuancer les chiffres : quand les pays européens empruntent sur le marché international, le Japon, lui, emprunte auprès des acteurs économiques « domestiques » (ménages et compagnies industrielles, commerciales et financières) dont l’épargne est considérable faute, notamment, de programmes d’investissement.

Pour Paris, qui entend promouvoir une « diplomatie économique », le Japon, « troisième puissance économique du monde », doit être prise en compte à ce titre. Et c’est dans cette perspective qu’a été confiée à Louis Schweitzer, ancien patron de Renault et ex-président du MEDEF International, la charge de dynamiser les relations économiques et commerciales entre les deux pays (Jean-Pierre Raffarin, ex-Premier ministre, se voit confier une mission similaire en Algérie, et Martine Aubry, première secrétaire du PS pour peu de temps encore, s’occupera de la Chine).

On notera par ailleurs que le premier diplomate a avoir été fait ambassadeur de France par les « socialistes » est Philippe Faure, ancien secrétaire général du Quai d’Orsay, ambassadeur à Tokyo de 2007 à 2011, fils de l’ancien ministre radical-socialiste Maurice Faure et frère de Patrick Faure qui a été directeur adjoint de Renault et président de Renault Sport lorsque la firme automobile française était très engagée dans les Grands Prix de formule 1. A noter que Philippe Faure est l’archétype du diplomate qui a, aussi, mené une carrière dans le secteur privé (1990-2000), une démarche qui avait été soutenue par Hubert Védrine qui souhaitait que les cadres du Quai d’Orsay « s’aèrent » en découvrant d’autres horizons.

* Nicolas Sarkozy, au cours de son quinquennat, ne s’est rendu qu’à deux occasions au Japon. Dans un cadre multilatéral d’abord (Sommet du G8 à Hokkaido en 2008), humanitaire ensuite (visite de quelques heures au lendemain de la catastrophe de Fukushima du 11 mars 2011).

** La TICAD est la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique. La réunion des experts, préparatoire au Sommet de Yokohama (1er-3 juin 2013), va se tenir à Ouagadougou, du 15 au 17 novembre 2012, les relations entre le Japon et le Burkina Faso étant « excellentes » (Djibrill Y. Bassolé, le ministre burkinabè des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, a séjourné à Tokyo du 26 au 28 août 2012, à l’invitation de son homologue, Koichiro Gemba). Blaise Compaoré est le seul chef d’Etat qui ait participé à toutes les TICAD ! Le Japon a un ambassadeur résident au Burkina Faso depuis 2009.

Jean-Pierre BEJOT

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