Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article


  Sondage

 Autres articles


Comment

Politique

Paramanga Ernest Yonli, président du Conseil économique et social du Burkina : « Le CES n’est ni budgétivore ni inutile »
Publié le vendredi 31 aout 2012   |  Le Stratege


Paramanga
© Autre presse
Paramanga Ernest Yonli
Ancien Premier ministre,Burkinabè et actuel président du Conseil économique et social du Burkina.


 Vos outils




Ancien Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli est de ceux qui ont compté et continuent de l’être dans le landernau politique burkinabè. Au sein du parti présidentiel, il fait certainement partie de ceux que l’on pourrait appeler « Les Eléphants » du CDP ou les « gardiens du temple ». Après une expérience d’ambassadeur du Burkina Faso auprès des Etats-Unis d’Amérique, Yonli est depuis le Conseil des ministres du 18 avril 2012, président du Conseil économique et social (CES). Sous la IVè république, il détient jusque-là le record de longévité à la primature (Novembre 2000 à juin 2007). Ses différentes hautes fonctions présentes et passées font manifestement de lui un personnage majeur de la vie publique burkinabè de la dernière décennie. Mais, que pense t-il des réformes politiques adoptées à l’issue des travaux du conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) ? Le jeu politique national est-il verrouillé ?

RÉAGISSEZ (0)

Y a-t-il de la place pour une alternance politique au Burkina Faso ? Quelle lecture fait-il des changements à la direction de son parti ? Ces mutations ont-elles eu un impact sur la cohésion du CDP ? Comment apprécie t-il les opérations d’enrôlement biométrique ? Sera-t-il candidat aux prochaines législatives. Quel bilan dresse t-il de sa mission à Washington comme ambassadeur ? Quid de ses ambitions à la tête du CES ? Ce sont là autant de préoccupations abordées par le natif de Tansarga dans l’interview qu’il a conjointement accordée au Faso.net et au Stratège. Dans le nouveau et spacieux bâtiment de son institution où il nous a reçus le 24 août 2012, cet homme politique nous a paru très combatif.

Tantôt sous les traits du militant engagé du CDP, tantôt dans la posture du président du Conseil économique et social, Paramanga parle, défend les options du pouvoir, critique certaines attitudes de l’opposition et se félicite des acquis démocratiques enregistrés dans le pays. Grande interview exclusive.

LEFASO.NET- LE STRATEGE : Comment trouvez-vous le CES que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’institution budgétivore, voire inutile ?

Paramanga Ernest YONLI : Je voudrais commencer par dire que le CES est une institution républicaine assez ancienne au Burkina Faso. Le CES a été crée en 1959. Donc, pratiquement à la même année que la proclamation de la république dans notre pays. Si on regarde l’histoire de l’institution de 1959 à nos jours, nous pouvons constater qu’elle a connu des hauts et des bas comme toute structure vivante, tantôt sous l’effet de facteurs internes, tantôt du fait de facteurs externes au CES. Ceci étant, on doit reconnaitre objectivement que pour avoir traversé toutes ces situations, le CES est toujours là. Cela veut dire que tous les gouvernements et tous les régimes politiques qui se sont succédé au Burkina Faso ont reconnu la nécessité du CES. C’est cela qui est essentiel. C’est ce qu’il faut retenir.

Votre prédécesseur Thomas SANOU a dirigé le CES pendant près de 10 ans. Dans quel état avez-vous trouvé la maison ?

La maison, je l’ai trouvée là où mon prédécesseur là effectivement laissée. Je constate que le CES bénéficie aujourd’hui d’un nouveau siège dans lequel nous nous trouvons. Cela est une très bonne chose car les performances au travail dépendent du cadre de travail, de l’esprit au travail et de l’engagement de ceux qui y travaillent. C’est important pour nous et nous sommes heureux d’avoir un bâtiment flambant neuf. Au niveau des sessions qui se sont également écoulées pendant les 10 ans, le président Thomas Sanou et les conseillers qui se sont succédé ont fait le travail qu’ils pouvaient faire. Je travaillerai à consolider ces acquis, à les améliorer et à faire plus dans l’intérêt du Burkina Faso.

De quels acquis parlez-vous ?

Je viens de vous donner l’exemple du bâtiment.

Au delà des infrastructures, quels sont les retombées des actions du CES pour la vie de la nation ?

Le CES a deux missions essentielles. La première, c’est de conseiller et d’éclairer le Gouvernement et éventuellement le Président du Faso sur la formulation et la mise en œuvre des politiques économiques et sociales. La deuxième attribution, c’est de pouvoir créer les conditions favorables au dialogue entre les acteurs nationaux pour la paix et la sérénité des populations afin que chacun puisse vaquer à ses occupations. Maintenant, la question est de savoir comment le CES se déploie, comment il s’organise, comment il agit pour exécuter ces 02 missions ?

Il faut savoir qu’il existe trois modes de saisine du CES. Nous pouvons être saisi par le Président du Faso qui peut demander au CES de se prononcer sur un sujet, un dossier, un thème ou un phénomène important de la nation. Le CES peut également être saisi par le Gouvernement à travers le Chef du Gouvernement sur un dossier que celui-ci estime stratégique à un moment donné de la vie de la nation. Enfin, le CES lui-même peut s’auto-saisir sur des sujets qu’il juge importants. Chaque année, le CES organise au moins 02 sessions ordinaires. Pendant les 10 dernières années, il y a eu au moins 20 sessions. Même si je n’ai pas en tête les différents dossiers examinés au cours de ces sessions, je pense que le travail a été fait de façon satisfaisante puisque je n’ai jamais entendu le Gouvernement se plaindre d’une session pendant ces 10 ans.

Une chose est de produire régulièrement des rapports, l’autre c’est de mettre les recommandations qui y sont contenues en pratique. Les rapports que vous produisez ont-ils réellement un impact sur la vie politique et institutionnelle ? Avez-vous le sentiment d’être suivis ?

C’est exactement de cela qu’il s’agit et c’est ce à quoi je vais personnellement m’atteler. Pendant que je serai président ici, on ne va pas travailler pour travailler. Si on travaille, ça doit avoir un but, un sens, atteindre un objectif. Vous pouvez compter sur moi pour qu’au prochain conseil, les 90 conseillers que j’aurai l’honneur de diriger, s’investissent dans des dossiers importants pour la vie de la nation ; des dossiers pour lesquels, aussi bien le Gouvernement que le CES lui-même s’accordent à dire qu’il est important de réfléchir, d’étudier et de mettre à la disposition des décideurs un éclairage qui leur permette d’agir en connaissance de cause pour produire des effets et résoudre les problèmes sur lesquels nous nous prononçons.

Vue la pléthore des institutions au Burkina Faso, pléthore qui peut avoir des incidences sur les ressources financières de l’Etat, avait-on véritablement besoin de 90 conseillers pour un tel travail au CES ?

Il faut savoir que le CES est constitué des délégués, des mandataires, des différentes composantes de la nation. Je vous laisse donc deviner. Nous avons les jeunes, les femmes, les enfants, les anciens, les structures professionnelles, tous les métiers de notre pays représentés dans le cadre de la chambre de commerce ou pas. Nous avons tout ce monde là. Nous avons le monde paysan, les syndicats, la société civile, les communautés religieuses, les ONG… Je vous laisse deviner. Quand on sait qu’il y’a 7000 à 10 000 associations au Burkina Faso, si on voulait représenter la réalité, vous convenez avec nous que ça ne serait pas 90 mais peut-être 2000 ou 3000. Avec 90 conseillers, nous avons travaillé selon les principes de la rationalité voulus par les décideurs qui trouvent que le CES est un concentré de la nation.

A mon avis, le nombre 90 n’est pas excessif. Nous avons effectivement entendu parler d’institution budgétivore. C’est un langage très courant ici au Burkina Faso. A toutes les personnes qui le pensent, je réponds que l’Etat est conscient de ses ressources, conscient de ses limites. Aucun régime n’a intérêt à prendre les ressources pour les dilapider alors que les populations ont besoin que l’Etat les encadre, les encourage, et s’investisse pour leur émancipation à travers des projets et programmes porteurs. Je trouve dommage que cette perception existe dans notre pays parce que je crois que nous nous investissons depuis de nombreuses années pour faire du Burkina Faso un pays qui gagne, un pays qui avance, un pays qui se développe. Au delà du CES, l’Assemblée, c’est le symbole par exemple de la démocratie. Peut-on parler de démocratie sans les représentants de la population élus et mandatés par les populations ? Peut-on dire que l’Assemblée est budgétivore dans ces conditions ? Depuis 50 ans, aucun régime au Burkina Faso n’a renié l’existence du CES. L’institution n’est ni budgétivore, ni inutile. Bien au contraire !

Quel est le budget de fonctionnement du CES ?

Nous avons un budget de misère mais je pense que les choses vont s’améliorer car il suffit de convaincre les décideurs, ceux qui mettent les ressources publiques à la disposition de l’institution, que nous avons besoin d’argent en argumentant que nous avons des activités qui nécessitent qu’on mette des ressources à notre disposition.

On imagine que gérer une telle institution avec autant de sensibilités ne doit pas être chose aisée. Quelles sont vos principales difficultés au niveau du CES ?

Je ne parlerai pas de difficultés en tant que telle mais plutôt de hiatus. Il s’agit de la méconnaissance de l’institution. Pour moi, c’est vraiment dommage qu’une institution aussi vieille, une institution aussi utile soit mal connue. Nous devons donc faire en sorte que la population, les différentes couches de notre société qui sont représentées au CES sachent pourquoi ils envoient des représentants au CES. Il nous faut donc aller vers les populations pour leur expliquer le rôle du CES, des conseillers… Dans ce sens- là, nous avons besoin de moyens logistiques notamment de transport pour nous déplacer vers les populations.

Le parc actuel ne permet pas un tel travail. Une autre difficulté, c’est que le CES a insuffisamment de relations avec les ministères, les institutions, les organisations internationales et les missions diplomatiques présentes au Burkina Faso. C’est une faille que nous devons corriger rapidement. Une institution nécessaire et utile comme je viens de la décrire et comme je veux qu’elle soit a nécessairement besoin d’un partenariat fort et dynamique au niveau institutionnel avec tout ce qui constitue l’armature organisationnelle du Burkina Faso.

La CENI vient d’achever le processus d’enrôlement biométrique en vue des élections couplées du 02 décembre 2012. Quel est votre point de vue sur la biométrie et sur le déroulement global des opérations d’enrôlement ?

C’est une très bonne chose. Je salue la décision de la classe politique, du Gouvernement mais surtout du Président du Faso qui a voulu aller à la biométrie. Même si les élections n’ont jamais été contestées dans notre pays de manière violente comme cela se passe ailleurs, il faut reconnaître qu’à chaque élection, il ya des opposants ou des personnes indépendantes pour dire que le scrutin n’a pas été transparent. Pour ce qui me concerne et mon parti le CDP, nous sommes toujours allés aux élections de façon transparente et démocratique. Nous pensons que nos victoires sont des victoires justes. Il fallait trouver une solution. En consultant la classe politique, tout le monde a donné son accord pour la biométrie.

Parfait ! Depuis le retour à la démocratie, c’est la première fois que nous avons un consensus national sur quelque chose en politique. Je dis que c’est super. C’est formidable ! Nous sommes allés à la biométrie. Je dis bravo ! J’en suis content. Je pense que la biométrie va apporter beaucoup plus de transparence et beaucoup plus d’amélioration à notre démocratie pour qu’elle ne soit pas une démocratie décriée. A travers la biométrie, les gens verront que la démocratie burkinabè n’est pas une démocratie au rabais. C’est important et la biométrie va apporter ce bonus dont nous avons besoin. Je suis vraiment content et je salue l’engouement des électeurs.

Dans les provinces que j’ai parcourues, les électeurs étaient très enthousiastes, malgré les difficultés d’ordre technique, matériel, technologiques, ou même de compétences quelquefois pour les manipulations. C’est une première expérience. Ce n’est pas bien grave. C’est humain. L’essentiel, c’est ce que j’ai dis. C’est un pas de plus pour améliorer le processus électoral dans notre pays, pour mettre les électeurs et la classe politique en confiance. Tout cela va renforcer la cohésion nationale, condition sine quanone pour notre développement.

Justement, au regard des difficultés que vous avez évoquées, certains demandent déjà une prorogation du délai de l’enrôlement pour permettre de prendre en compte le maximum d’électeurs qui n’auraient pas pu se faire enrôler pendant les premières phases… Souscrivez-vous à une telle idée ?

Non. Je pense que les gens doivent se regarder dans la glace. Je vois effectivement que certains partis de l’opposition demandent à coup de publicités médiatiques qu’on recommence. Pourquoi ? Toute la classe politique a eu un temps avant, pendant pour appeler les électeurs à se faire enrôler. Tout n’a pas été fait le même jour. Il y ‘a eu un calendrier. La constitution dit que l’information et la formation des populations relèvent des attributions des partis politiques. On a un consensus national sur un nouveau mode électoral. Personne n’en parle. Ils attendent qu’on finisse pour dire qu’il faut davantage de temps. De mon point de vue, ce n’est pas sérieux. En tant que responsables, nous devons prendre toutes les dispositions pour faire les choses à temps. C’est un engagement la politique. C’est un sacerdoce. On n’y vient pas pour s’amuser.

Mais la CENI elle-même n’exclut pas la prorogation…

Moi je suis militant d’un parti politique. La CENI est une institution républicaine. Ce n’est pas la même chose. En tant que président du CES, je suis militant du CDP. C’est clair-là ! C’est de cela que je parle. Même en tant que président d’institution, je trouve que la démocratie se renforce quand chacun joue son rôle. Nous ne pouvons pas améliorer le processus démocratique, la vie politique et même la vie de la nation quand les gens, chacun à son poste, ne joue pas sa partition. C’est un principe. Pour que le pays avance, chacun doit jouer son rôle. Les partis politiques doivent informer, sensibiliser, former. Mais ils ont attendu que les délais soient dépassés avant de commencer à demander du temps. Je suis contre cette façon de travailler. Mais je ne décide pas pour la CENI. Elle le fera en temps opportun. Le Gouvernement décidera aussi. Mais c’est mon point de vue en tant que militant du CDP. (NDLR : Après sa rencontre avec les partis politiques le 29 août 2012, la CENI a décidé qu’il n’y’aurait pas de prorogation pour l’enrôlement)

Pendant le processus, des cas de fraudes ont été décelés. Beaucoup ont indexé votre parti le CDP…

Je n’ai pas entendu qu’on a indexé notre parti mais j’ai entendu qu’il y ‘a eu des tentatives de fraudes à Ouahigouya et à Bobo. Au moment où nous parlons (24 août 2012, NDLR), je n’ai pas d’information précise sur cette question. J’attends d’être mieux informé pour me prononcer. Si cela s’est passé, c’est dommage. Je pense que s’il y a des fraudeurs, il faut les sanctionner conformément à la loi en vigueur. Tout simplement.

De 2008 à 2011, vous avez été ambassadeur du Burkina Faso aux Etats-Unis. Quel bilan faites-vous de votre séjour au pays de l’Oncle Sam ?

Le bilan est positif. On peut constater une amélioration de la coopération à plusieurs niveaux. Tout Burkinabè qui s’intéresse à la vie de la nation observe ces derniers temps une intensification de notre coopération, un développement de secteurs de coopération qui n’existaient pas entre nos deux pays, un intérêt croissant des américains pour le Burkina mais aussi des Burkinabè pour l’Amérique. C’est un travail qui a été fait par mes prédécesseurs que je me suis attelé à améliorer. Les résultats me satisfont. La plus grande satisfaction que j’en tire c’est que les Etats-Unis deviennent de plus en plus visibles au Burkina. Le Burkina Faso de son côté devient petit à petit visible aussi aux Etats-Unis. C’est essentiel. Pour moi, la coopération entre 02 pays ne doit pas simplement se limiter aux ambassadeurs et ambassades. Elle doit être l’affaire des peuples. Si les Burkinabè commencent à s’intéresser aux Etats-Unis et les Américains au Burkina, moi je suis heureux. Nous devons travailler à continuer dans cette perspective.

Des Etats-Unis, comment avez-vous vécu la crise militaro-politique que le Burkina Faso a connue début 2011 ? Avez-vous craint pour le pays ?

Vous serez surpris. Je n’ai pas vécu les évènements seulement aux Etats-Unis. Quand les évènements ont commencé en mars 2011 si j’ai bonne mémoire, j’étais à Ouagadougou en mission officielle. Donc, j’ai vécu pratiquement les 03 premiers jours de la crise du premier semestre 2011. Au début, personne n’y comprenait rien. Je suis reparti aux Etats-Unis où j’ai vécu durement ces moments. Aussi bien moi l’ambassadeur, mes collaborateurs que la communauté burkinabè, nous avons été sonnés, abasourdis. Nous avons pris peur pour notre pays surtout que nous travaillions à vanter les mérites de notre pays, ces vertus, son avantage comparatif en termes de valeurs. Face à cette situation qui menaçait la paix et la sérénité, vous comprenez donc que nous étions malheureux à l’extérieur.

Au temps fort de la crise, une partie de l’opinion mettait en cause la longévité du président Compaoré au pouvoir. Pensez-vous que cette longévité ait été pour quelque chose dans le déclenchement de la crise ?

Je n’ai pas entendu cela de la part de Burkinabè à Washington. J’ai plutôt entendu que c’était des problèmes corporatistes dans les casernes.

Que faudrait-il faire à votre avis pour éviter pareille situation à l’avenir ?

C’est très simple. Il faut construire un pays qui marche. De quoi s’agit-il ? C’est un pays d’abord en paix. Un pays où les gens se parlent que ce soit en politique ou dans la vie de tous les jours. Troisièmement, un pays où les gens sont attachés à leur pays. Ça s’appelle tout simplement du patriotisme. Il ne faudrait pas que les gens confondent le régime politique et la patrie. Je demande aux Burkinabè d’éviter cette confusion. Il arrive des moments où la patrie doit être défendue et on doit la défendre quand on est Burkinabè. Pendant les débats politiques, chacun est libre d’avoir son opinion. Il ne faut pas faire d’amalgame. Nous avons besoin de défendre la patrie, de la protéger. Cela exige de nous des comportements citoyens et un civisme à toute épreuve. C’est très clair. Il faut développer le sens patriotique, la culture du civisme, de la citoyenneté et accepter la démocratie comme un lieu de liberté où chacun prend position, agit, selon les règles édictées, valables pour tout le monde. C’est ce que je souhaite. Il n’ ya pas d’autres solutions que de passer par ce schéma.

Les élections couplées interviennent au lendemain d’un processus de réformes politiques qui vient de connaître son aboutissement avec les récentes révisions apportées à la constitution. En deux mots, comment qualifiez-vous ces réformes ?

Il faut d’abord saluer le fait que ce forum se soit tenu (Conseil consultatif sur les réformes politiques CCRP, NDLR). Après les évènements, que nous avons connus, après les revendications de l’opposition tout azimuts, c’était une très bonne initiative de la part du Président du Faso de décider et de favoriser la création et la mise en œuvre de telles rencontres. C’était une très bonne chose. Comme je le disais, c’est dans le cadre du dialogue, qu’on trouve les solutions aux problèmes de la nation. Ce n’est pas en se tournant le dos qu’on va trouver la solution. Ça c’est le premier aspect. Le deuxième, c’est que tout le monde était là sauf ceux qui n’ont pas voulu y être. Je pense encore une fois que c’est une erreur car la politique de la chaise vide n’a aucun sens en démocratie.

Ceux qui ont boycotté estimaient que c’était un marché de dupes, le pouvoir ne tenant pas ses promesses d’après eux…

Ça n’a rien à voir. Tenir ces promesses et venir discuter pour savoir ce qui va et ce qui ne va pas au Burkina Faso, sont deux choses différentes.

Mais comment dialoguer s’il n’ya pas de confiance entre les différents protagonistes ?

Là c’est un autre aspect du problème. Quand on vient discuter, hier, c’est hier, aujourd’hui, c’est aujourd’hui. Ce n’est pas parce qu’on a discuté par le passé et que des choses ne se sont pas passées, qu’on peut arguer qu’hier on a pris des engagements qui ne sont pas respectés. Aucun régime dans ce monde-là ne tient à 100% ses engagements. Ce n’est pas possible. On ne peut pas inventer quand les moyens de mise en œuvre font défaut. Beaucoup de projets, y compris dans les pays les plus riches sont repoussés parce que la gestion d’un pays est comme la gestion d’une famille. C’est compliqué.

Ce qui est important, c’est de garder le cap de la volonté, de l’engagement. Je le répète ; Notre président et tous nos hommes politiques sont attachés à la nécessité pour nous de travailler afin de développer le Burkina. Le CCRP a fait des conclusions qui me semblent bonnes pour l’organisation et la marche du pays. Maintenant, il nous appartient de les mettre en œuvre. Je constate et je vois que le Gouvernement est à pied d’œuvre pour cela.

L’une des réformes concerne l’amnistie accordée aux Chefs d’Etat de 1960 à nos jours. Au fond, n’est-elle pas uniquement destinée au Président COMPAORE ?

Voilà. Il a été dit, les Chefs d’Etat de 1960 à nos jours. Est-ce le Président COMPAORE seul qui est concerné ? Pourquoi ? Le Président COMPAORE a-t-il été le seul Président de 1960 à nos jours ?

Avec la prescription et le fait que certains présidents ne soient plus de ce monde, d’aucuns estiment que cette loi ne vise en réalité qu’à protéger le président COMPAORE….

Je constate qu’il y a encore au moins 02 anciens présidents qui sont vivants (Saye ZERBO et Jean-Baptiste OUEDRAOGO,NDLR) plus le Président du Faso actuel, ça fait 03. La thèse d’un seul est donc déjà fausse. Deuxièmement, comme je le disais tantôt, il faut que les gens prennent les problèmes là où ils sont. Nous avons un problème pour pacifier le pays. Nous avons un problème pour ramener la confiance entre les dirigeants et les citoyens. Entre les citoyens eux-mêmes, nous avons un problème pour faire du pays un tremplin social et politique. Dans ce cas de figure, on prend toutes les solutions qui peuvent nous permettre de réaliser ces objectifs-là tout simplement ; y compris l’amnistie accordée aux Chefs d’Etat. C’est ainsi que je prends les choses.

Pensez-vous qu’il faille modifier l’article 37 pour sauter le verrou de la limitation constitutionnelle du nombre de mandats ou le garder intact ?

L’article 37 est important. On a réuni le CCRP pour se prononcer sur cet article. Vous en connaissez les conclusions. On n’a pas décidé de modifier la constitution. Le Président du Faso lui-même, M. Blaise COMPAORE a dit à la clôture qu’il s’engage avec le Gouvernement, à mettre en œuvre les conclusions du CCRP. Où est encore le problème ? où est le problème ? La question est claire et nette et la réponse aussi. Ce sont les conclusions du CCRP qui seront mises en œuvre.

A vos yeux, ces réformes constituent donc une avancée pour la démocratie burkinabè ?

Tout à fait. Il ya eu des discussions ouvertes et sincères. J’étais acteur là-bas. C’est la volonté du peuple. Tout le peuple à travers ses représentants avait été convoqué. Même ceux qui ne sont pas venus avaient des éléments d’une façon détournée dans les salles. On se connait tous. Nous sommes dans un pays de savane. Il y’a des conclusions que peut-être la majorité souhaitait qu’on n’a pas retenu. Il y’ a aussi peut être des points que l’opposition politique souhaitait mais qui n’ont également pas été retenus. C’est kif-kif. Ce qu’on retient, ce sont les conclusions consensuelles. C’est ce qui s’est passé. Je salue cette façon de travailler du peuple burkinabè, son esprit de tolérance et d’objectivité. Ces conclusions sont une bonne chose. A chaque fois qu’il y ‘aura un cadre de dialogue national, je pense que tous les acteurs doivent y participer car c’est dans la discussion que nous pourrons construire. Encore une fois, je salue l’initiative, et la tenue et les conclusions du CCRP.

A quelques mois des échéances électorales, comment se porte votre parti le CDP ? Il n’y a pas longtemps, il était question d’un front de refus CDP…

(Rires) Le parti se porte très bien. Le CDP se porte très bien. Nous avons engagé un processus de discussion dans le cadre du parti en direction des structures. La direction nationale a rencontré un certain nombre de structures. Ensuite, nous sommes actuellement engagés dans notre processus de candidats à la candidature aussi bien pour les législatives que pour les municipales. Au moment où je vous parle, tout se passe très bien.

Certains vous disaient partant pour briguer la présidence du parti aujourd’hui secrétariat exécutif national. Finalement, vous vous retrouvez conseiller politique. Que s’est-il passé ?

Je n’étais pas candidat à une candidature et je puis vous affirmer qu’il n’y’avait pas de candidat à la candidature. C’est l’opinion et la presse qui distillaient ce genre d’informations. Chez nous, depuis la création du parti en février 1996, toutes les instances du parti décident du renouvellement des structures, du renouvellement des organes dirigeants. Nous avons notre propre mécanisme intérieur. Il n’est pas question de candidature à des postes. C’est un parti qui a des origines idéologiques bien connues dans notre pays. Dans cette idéologie, c’est le centralisme démocratique. Même si nous sommes aujourd’hui un parti social démocratique, il faut savoir que nous sommes traversés dans notre formation par ce principe directeur qui est le centralisme démocratique.

Vous êtes conseiller politique du CDP au même titre que certains de vos camarades de parti. Certains au sein de votre propre parti n’hésitent pas à dire que le CDP a été happé par des militants de la 25è heure venus notamment de la FEDAP-BC. Votre opinion.

Je n’ai pas cette impression. C’est une mauvaise interprétation et une incompréhension d’abord parce qu’il y a un amalgame encore une fois. La FEDAP-BC qui est une association non politique contient des militants CDP ou des anciens militants CDP parce que c’est une association pour la paix. La deuxième chose c’est que la FEDAP-BC est une association de soutien à l’action du Président Compaoré. De trois, la FEDAP-BC n’est pas un parti politique. Comme dirait l’autre, elle ne boxe donc pas dans la même catégorie que les partis politiques. En tant qu’organisation de masse, les militants du CDP, de l’ADF-RDA… peuvent militer à la FEDAP-BC.

Voilà comment les choses se passent. Il faut bien comprendre les choses. J’entends beaucoup de gens qui parlent comme cela. C’est ça la FEDAP-BC. Quand c’est comme cela, ça veut dire que vous avez des militants CDP qui sont à la FEDAP-BC ou des militants FEDAP-BC qui peuvent un jour décider de faire exclusivement de l’action politique et de quitter la FEDAP-BC. Où est le problème ? Maintenant, pour ce qui est des militants de la 25è heure, il y’en a toujours dans tous les partis parce qu’il y a ceux qui s’estiment être membres fondateurs, ceux qui estiment être plus allés au charbon dans l’histoire du parti et ceux dont on estime qu’ils sont arrivés quand le parti était bien. C’est ceux-là qu’on appelle militants de la 25è heure. C’est un langage que je n’utilise pas parce qu’un parti qui est né et qui existe pour la conquête du pouvoir d’Etat doit perpétuellement élargir sa base et même modifier et adapter sa ligne politique. C’est ça la dynamique des partis, c’est celle-là que je défends et c’est ce que nous faisons au CDP. Il n’y a pas de militant de la 25è heure. Une fois que vous êtes au CDP, vous êtes militant CDP tout court. C’est tout.

Serez-vous candidat pour aux prochaines élections ?

Bien sûr. Je suis prêt. Moi je suis un militant discipliné. J’appliquerai à la lettre les directives de mon parti.

Le moment n’est-il tout de même pas venu pour vous de passer la main ?

Renouveler ne veut pas dire changer. Le renouvellement est un processus. On l’a commencé déjà. Au niveau de la direction nationale, il y a plus de jeunes et plus de femmes. Mais nous avons quand même des anciens qui sont toujours là. C’est essentiel. Si vous renouvelez à 100% vous perdez la route alors qu’une route de parti est dynamique. Elle s’adapte au temps mais elle ne se renie jamais. Il doit avoir des gardiens du temple. Nous nous renouvelons intelligemment avec le même engagement.

Ministre, Premier Ministre, Ambassadeur du Burkina Faso à Washington, aujourd’hui Président du CES, on a envie de dire qu’il ne manque plus que le poste de Président du Faso à votre CV. Y songez-vous ?

(Rires) Pour le moment, je n’y songe pas.

Même pas une fois en vous rasant le matin ?

Non… pas comme Sarkozy en se rasant. Pour le moment, je n’y pense pas. Pas pour le moment.

Le système est-il si verrouillé au point que vous n’y songez même pas ?

Non. De quel verrouillage de système parlez-vous ? Nous sommes en démocratie. Il n’y a rien de verrouillé. Je viens de démontrer que nous travaillons à améliorer notre démocratie pour qu’elle ne soit pas une démocratie au rabais. Comment pouvez-vous verrouiller un système si vous voulez une transparence électorale. ? C’est tout à fait contradictoire. C’est un exemple concret du fait que le régime du président COMPAORE ne souhaite pas verrouiller notre démocratie ; bien au contraire !

Pensez-vous que l’alternance soit vraiment possible en 2015 comme le pensent certains de l’opposition ?

Pourquoi 2015 ? L’alternance est inscrite dans la constitution. Le code électoral, la constitution, décrivent bien les conditions de renouvellement du mandat du président, du député, du conseiller… Pour tout élu, il y a un délai constitutionnel pour le renouvellement des mandats ; c’est ça l’alternance. Il faut que les gens l’acceptent.

Interview réalisée par Grégoire B. BAZIE et Flavien BATIONO

LIENS PROMOTIONNELS


 Commentaires




Autres articles