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Lettre ouverte à Blaise Compaoré : « Notre démocratie dérive vers l’Etat tradi-patrimonial moaaga »
Publié le mercredi 6 aout 2014  |  Le Quotidien
Burkina
© aOuaga.com par A.O
Burkina - Côte d`Ivoire : 28 accords de coopération signés
Jeudi 31 juillet 2014. Ouagadougou. Présidence du Faso. Les chefs d`Etat burkinabè, Blaise Compaoré, et ivoirien, Alassane Ouattara, ont tenu la 4e conférence au sommet pour la mise en oeuvre du Traité d`amitié et de coopération (TAC) Burkina - Côte d`Ivoire qui a été marquée par la signature de 28 accords et protocoles d`accords




Dans cette lettre au président Blaise Compaoré, Kouka Denis Ouédraogo, ingénieur météo à la retraite, fait des observations sur les préoccupations soulevées par celui-ci dans l’interview qu’il a accordée récemment à Jeune Afrique. Il invite notamment le chef de l’Etat à ne pas faire comme Mobutu qui avait déclaré :« J’ai pris le Congo dans le sang, je le laisserai dans le sang ».


« Monsieur le Président,

1. Selon les chercheurs de l’Institut national des sciences sociales, l’Etat traditionnel moaaga est une œuvre architecturale achevée, extrêmement hiérarchisée, agencée et dosée avec un pouvoir central et le roi comme chef suprême mais patrimonial.

2. Monsieur Le Président, dans l’Etat tradi-patrimonial moaaga, le roi toujours issu des familles royales, règne à vie, mais c’est la coutume qui gouverne à travers ceux sans ambitions ou coutumièrement interdits de règne (ces gens sont issus notamment des familles ministérielles héritières de la plèbe ou d’origine captive affranchie et redevables au roi) qui sont chargés de surveiller sa stricte, pleine et entière application.

3. Monsieur le Président, dans une démocratie telle celle des Etats-Unis, la vie politique est animée et fait intervenir d’autres organisations que l’Etat :

a. les groupes de pressions officiels composés des lobbys (des grandes entreprises, des mouvements écologistes, des puissances étrangères), les syndicats qui tente d’orienter la politique de l’Etat en leur faveur ;

b. la presse qui joue un rôle très important d’information, de formation et de contrôle par l’investigation et la dénonciation : on cite en exemple le Watergate en 1974

c. des partis politiques pour la conquête du pouvoir d’état principalement a partir de la prise en compte des aspirations des groupes de pressions.

Ceci renforce encore la démocratie car le pouvoir n’est pas détenu par un seul groupe de personnes et parce que les moyens de pressions sont variés et qui ont limité

le pouvoir dans l’espace d’abord puis dans le temps avec le 22e amendement de la constitution plaçant ainsi l’Amérique au premier rang des puissances démocratiques.

Comme on le voit, aux Etats-Unis, les amendements de la constitution ne visent que l’approfondissement de la démocratie.

4. Monsieur le Président, ici au Burkina, on est dans une démocratie aux belles parures mais factice. En effet tous les droits y sont formellement reconnus mais l’exclusion et les transgressions sont réelles dans leur mise en œuvre. Pire, notre démocratie, au lieu de courir vers le « meilleur » comme la démocratie des USA, semble se tourner vers l’Etat tradi- patrimonial moaaga. En tout cas, c’est l’impression que nous donne votre ministre de la Communication porte-parole du gouvernement dans ses observations relatives au message de l’ambassadeur des Etats-Unis contre la révision de l’article 37 de notre constitution. Ainsi pourrait s’expliquer votre système ou la « compaorose » par parallélisme au « sankarisme ».

a. Si on se réfère au savoir des spécialistes des sciences humaines et sociales burkinabè, la « compaorose semble s’inspirer de l’unité politique rituelle chez les Mossé et la « blaisomanie » qui est l’ensemble cultuel pour sa survie est assurée par le chef de terre auto proclamé ;

b. le « chef de terre de la blaisomanie » a un devoir de réussite pour se racheter de son diagnostic ayant abouti à l’agonie de la morale sous la « compaorose »; mais en l’absence d’arguments pour le soutien d’institutions(Sénat) ou activités (référendum) impopulaires et budgétivores à cette fin, il excelle d’opportunisme dans le constitutionalisme formel qui est le nouveau syndrome de la « compaorose » ;

c. dans ses manœuvres, le chef de terre s’est rendu imputable et serait coupable des impacts négatifs qui découleraient de la guerre entre l’esprit (la volonté populaire) et la lettre (la mauvaise expression de cette volonté) actuellement en cours.

5. Monsieur le Président, l’Etat tradi- patrimonial moaaga est un des patrimoines dans ce Faso qui compte plus de soixante nationalités aux modes de gouvernance politique très contrastés auxquels se sont agrégées les nouvelles identités issues des UFR universitaires, des luttes de libération des peuples opprimés, des apports des médias, de l’évolution sociale et culturelle, de la répartition du travail et des compétences, de l’éveil de la conscience du peuple par l’animation politique conformément à l’article 13 de notre constitution, etc.

6. Monsieur le Président, à écouter vos déclarations qui traitent les travailleurs d’agents à votre solde que vous payez et des gens de votre sillage immédiat, les membres du gouvernement sont considérés comme des affranchis comme ceux dans cet Etat tradi-patrimonial moaaga, ils ont eu la chance d’être élus dans ce pays pauvre très endetté (PPTE) pour échapper à la misère noire qui frappe plus de 40% des populations burkinabè. Pour ce sillage donc, tous ceux ayant participé à la gestion des affaires publiques à un moment donné par convergence de point de vue sur certains aspects ou d’alliance (de civils et militaires patriotes, démocrates, révolutionnaires, sociaux démocrates ou communistes, nationalistes, technocrates, etc.) où chacun avait un rôle à jouer selon son curricula, occupation professionnelle conformément aux
missions pour l’atteinte des résultats convenus n’ont aucune considération. Pour ce sillage ces gens-là ne sont que des buveurs de lait et sont donc des redevables. C’est un tel discours d’un des anciens premiers ministres du Faso qui a fait vider le stade du 4-Août lors du meeting CDP. En effet, nombreux parmi lesquels se trouvaient certains du premier cercle de votre entourage à certains stades de votre ascension politique se sont convaincus que vos conseillers n’incarnent d’autre valeur que la « ventrologie ». Aussi ont-ils été les premiers à faire le mouvement de sortie du stade en signe de protestation du discours d’un des anciens premiers ministres. La suite leur a donné raison et fait preuve que le peuple tient toujours à son intégrité et le Faso reste ce pays des hommes intègres.

7. Monsieur le Président, le pouvoir patrimonial est conservateur et contraire à la ligne de la social-démocratie proclamée par le CDP, le principal parti de votre soutien. Or l’Etat tradi- patrimonial moaaga qui inspire actuellement vos conseillers n’est autre qu’un égocentrisme-impérialiste sinon un chauvinisme qui ne dit pas son nom. Mais là où il y a impérialisme, il y a anti-impérialisme, et qui dit anti-impérialisme dit luttes. C’est ainsi qu’il faut comprendre le grand mouvement de vos camarades progressistes pour ne pas ramer à contre-courant de l’histoire.

8. Monsieur le Président, de ce qui précède, le pouvoir patrimonial que l’on veut imposer au peuple par l’usage anachronique ou opportuniste des normes démocratiques mais condamné par les institutions sous -régionales est une poudrière et le référendum un détonateur.

9. Monsieur le Président, si vraiment votre préoccupation est et nous vous citons « Si je réfléchis à ce que je ferai après 2015...ce qui me préoccupe, c’est ce que deviendra le Burkina, trouver la bonne formule, garantir la stabilité, ne pas voir détruit tout ce qui a été mis en place. Je n’ai pas envie d’assister à l’effondrement de mon pays pendant que je me repose ou parcours le monde», vous ne devez pas être vous-même l’artificier ; ne soyez pas comme Mobutu qui avait déclaré « j’ai pris le Congo dans le sang, je le laisserai dans le sang» et ainsi le Congo devenu RDC est dans la tourmente.

10. Monsieur le Président, la doctrine sociale des religions monothéistes qui regroupent plus de 99% des Burkinabè nous enseigne que l’homme se perpétue des valeurs suivantes : ses enfants biologiques ( par héritage) ou spirituels ( par le mérite et l’engagement) tels que contraints par l’article 508 de notre code des personnes et de la famille et obligeant le dialogue pour le gagnant- gagnant, ses bienfaits et toute œuvre utile qu’il laisse à la société , en plus notre jurisprudence garantit une place d’honneur aux anciens Présidents morts ou vivants dans le protocole d’Etat. Monsieur Le Président, de ces valeurs, laquelle vous manque pour provoquer en vous une inquiétude ? Dans l’affirmative à qui la faute ?

11. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.»


Ouaga, le 4 août 2014

Kouka Denis Ouédraogo

Ingénieur météo en retraite

Email : kdeniso@yahoo.com

Tel : 76 69 53 75
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