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Lutte contre la mal gouvernance au Burkina : C’est la volonté politique qui manque le plus !
Publié le vendredi 31 aout 2012   |  Le Reporter


Blaise
© Getty Images par DR
Blaise Compaoré le Président du Burkina Faso


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Le pays va mal, très mal. Le dernier rapport de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) n’a fait que confirmer tout le mal dont bien des Burkinabè pensent de la gestion de leur pays. Encore un haut dignitaire de la république et d’autres protégés du système ont été épinglés. En effet, parmi les mis en cause figure l’ex-ministre des Enseignements secondaire et supérieur et actuel ambassadeur en France, Joseph Paré, soupçonné d’avoir détourné environ 260 millions FCFA. Ce nouveau rapport de l’ASCE intervient après ceux des parlementaires. Il finit de convaincre même les plus « bouchés » que le Burkina a terriblement mal à sa gouvernance. Il faut, enfin, un sursaut d’orgueil au plus haut niveau de l’Etat. Ça ne doit plus continuer ainsi.

Le constat est de plus en plus établi que l’engagement des autorités burkinabè, régulièrement clamé dans les discours et autres professions de foi, n’est pas suivi par un équivalent d’actions concrètes, notamment de sanctions exemplaires. Bien au contraire, l’on semble se complaire à livrer, de temps en temps, quelques barons de la république à l’humiliation dans les rapports des institutions de contrôle comme l’ASCE et la Cour des comptes qui font un travail remarquable de dénonciation des pratiques délictuelles de certains gestionnaires des affaires publiques. Ces rapports confirment les révélations de la presse nationale qui ne cesse d’épingler régulièrement des fautes graves de gestion. Malheureusement, l’impunité de ces manquements à l’éthique du bien public persiste dangereusement.

Ainsi, sans suites judiciaires, les personnalités incriminées deviennent, de fait, pour l’opinion nationale, des délinquants protégés par le système au pouvoir. Du reste, depuis de longues années déjà, la presse d’investigation n’a eu de cesse d’interpeller les gouvernants sur l’ancrage progressif de la mal gouvernance au Burkina Faso. Comme nous l’avions écrit dès la toute première édition du journal Le Reporter en juillet 2007, « la société burkinabè est divisée entre, d’une part, une minorité de privilégiés à qui la république a tout donné (le pouvoir et la richesse), et d’autre part, une majorité silencieuse que cette même république a condamnée à la misère économique et sociale ». Pire, lorsque les seconds commettent des peccadilles, la Justice leur tombe dessus, dans toute sa rigueur. Pendant ce temps, les privilégiés s’autorisent toutes les libertés avec le bien public et jouissent d’une révoltante bienveillance».

Les rapports de la Cour des comptes, puis de l’ASCE se sont succédé avec leurs lots de dénonciations de cas de pratiques corruptives, de détournements de deniers publics mettant en cause de gros bonnets ou leurs protégés. Le 30 juillet dernier, un nouveau rapport de l’ASCE est remis au président du Faso. Que va-t-il en faire ? Faut-il attendre, pour une fois, une réponse appropriée ?

Jusque-là, les initiatives gouvernementales ressemblent plus à du saupoudrage pour donner l’impression d’agir, tout en cultivant l’impunité et l’émergence d’une classe d’intouchables qui, sûrs des bonnes protections politiques ou mafieuses, trempent leurs babines dans la soupe interdite des détournements de deniers. Le gouvernement se complait à annoncer chaque fois des engagements à mettre en œuvre les recommandations des structures de contrôle mais rien de concret ne suit. Quand il se décide à réagir, c’est pour punir de petits agents publics indélicats, auteurs de peccadilles pour arrondir leurs fins du mois (infirmiers et instituteurs dealers de médicaments ou de livres, agents de la solde, etc.) Les gourous et les protégés de la république ne sont nullement inquiétés.

Impunité, banalisation de la corruption

A la faveur de la commémoration du cinquantenaire de l’indépendance en 2010, les évêques du Burkina Faso avaient publié une longue déclaration pour donner leur lecture de la situation sociopolitique et économique du pays. Les prélats y ont martelé ceci : « notre pays est confronté à de nombreux défis dont les plus importants à nos yeux sont : la perte des valeurs, les injustices, les inégalités sociales, la corruption, les détournements et l’impunité. (…) Aussi bien dans les familles, à l’école, au travail, que dans l’économie et dans la sphère politique, etc. la réussite est jugée incompatible avec les valeurs morales, éthiques, laïques ou religieuses, qu’on a tendance à relativiser, quand elles ne sont pas tout simplement niées. On assiste ainsi à un délitement de la solidarité et du sens du bien commun au profit d’un individualisme prédateur ». Et d’ajouter : « s’agissant de la corruption, une des menaces pour notre nation, malgré les efforts qui sont faits ces dernières années par l’adoption de mesures réglementaires et institutionnelles, du chemin reste à parcourir. Des études entreprises par l’Etat lui-même et certaines organisations de la société civile ont mis à jour l’ampleur et la gravité du phénomène dans tous les secteurs de la vie. Et le plus inquiétant est la tendance à sa banalisation et le manque de sanctions exemplaires. »

L’église catholique apportait ainsi une caution morale à l’engagement de tous les acteurs de la lutte contre la corruption. Mieux, elle dénonce la banalisation du phénomène de la corruption traduite par une impunité systématique des faits et pratiques dénoncés tant par les structures de l’Etat comme la Cour des comptes et l’ASCE que par les medias et la société civile.

La Cour des comptes, interpellée de toutes parts, y compris par les partenaires techniques et financiers, a annoncé en février 2010, des engagements fermes pour que les premiers jugements des fautes de gestion voient le jour en juillet de la même année. Son premier président d’alors, Boureima Pierre Nébié, avait pourtant été on ne peut plus clair : « Nous avons fait un calendrier pour ce qui est du jugement des fautes de gestion. Ce calendrier nous permet de dire qu’au plus tard en fin juillet, nous aurons les premiers arrêts qui vont sanctionner les gestionnaires qui ont commis des fautes de gestion. La Cour des comptes ne prononce pas des peines de prison mais seulement des amendes. Après tout, s’il y a lieu d’aller au pénal, la Cour transmet le dossier au parquet qui peut ouvrir des poursuites judiciaires qui aboutiront à un procès. ». Deux ans après, la Cour des comptes n’a ni jugé aucun dossier, ni saisi le parquet (sauf méprise de notre part) pour un quelconque dossier. A force de ne pas juger ces fautes de gestion, la Cour des comptes s’est pratiquement discréditée. Le changement de président ne semble pas non plus insuffler une nouvelle dynamique à l’institution. Jusque-là, tous les manquements révélés dans les rapports de la Cour des comptes bénéficient de l’impunité totale.

De son côté, l’ASCE court également le risque de discrédit si ses saisines de la Justice font l’objet d’interminables instructions au niveau de la Justice, donnant ainsi l’impression que les faits dénoncés manquent de consistance et nécessitent de longues et sérieuses investigations de la part des juges. En effet, créée pour combler les insuffisances des contrôles sans suites judiciaires, l’ASCE a été investie de pouvoir de saisine de la Justice. L’on était en droit d’attendre des suites à ses rapports. Plus de quatre ans après, l’attente est toujours vaine. En effet, sur 14 dossiers transmis en Justice depuis 2008, aucun n’a connu un dénouement judiciaire. Dans le dernier rapport, c’est avec amertume que l’on constate qu’au 31 décembre 2011, 9 des 14 dossiers sont encore au niveau des cabinets des juges d’instruction. Un autre est en instruction à la Cour de cassation et 4 autres sont transmis soit au Procureur du Faso, soit au Procureur général. Pour faire court et précis, tous les 14 dossiers sont encore en instance. Bien sûr, comme dirait l’autre, la justice suit son cours. A la décharge de l’ASCE, l’on peut dire que ses saisines n’échappent pas à la curieuse et inquiétante lenteur de la Justice burkinabè dans le traitement des crimes économiques et de sang dont les protagonistes présumés appartiennent aux cercles du pouvoir.

Pourtant, ces deux institutions publiques avaient réussi, par la qualité de leurs rapports, à se positionner comme des instruments imparables de lutte contre la corruption. Tout porte à croire que le pouvoir éprouve de sérieuses difficultés à les imposer comme tel. La corruption semble avoir poussé ses racines dans les profondeurs de ses entrailles.

Le cirque a assez duré

En dehors des autorités, tous les acteurs sont unanimes sur l’ancrage de la corruption au Burkina Faso. Celle-ci est devenue l’une des sources de la rupture de confiance entre gouvernants et gouvernés. Elle consacre le fossé grandissant entre les privilégiés et les exclus de la société et provoque des iniquités dans l’accès aux services sociaux de base. Désormais, peu de Burkinabè croient en la volonté, pour ne pas dire que la majorité des Burkinabè doutent de la capacité du pouvoir en place à lutter contre la corruption. Comme l’a relevé le Journal du Jeudi (JJ), « à force de tourner autour du pot, sans chasser la moindre mouche, {le pouvoir} a fini par dévoiler son jeu, celui de tourner en rond au point de donner l’impression de tourner l’opinion publique en bourrique (…) Maintenant que tout le monde sait ce qui advient des dossiers envoyés dans les tiroirs de la Justice, on se demande ce que le Blaiso national (Ndlr, Blaise Compaoré) va pouvoir encore sortir de son chapeau. Le cirque n’a que trop duré. Ce disque-là est rayé. Pour la crédibilité de sa Justice, et donc de sa démocratie, le Burkina a besoin d’autre chose que ça. »

La publication des rapports de l’ASCE et de la Cour des comptes ne suffira plus. Pas plus que les flatteries des structures et institutions internationales qui se satisfont de facilités permettant à des multinationales de piller les richesses nationales sous le fallacieux prétexte de l’amélioration du climat des affaires. Les Burkinabè attendent mieux que les promesses de lendemains enchanteurs sans fondement objectif. L’on avait espéré que la crise sociopolitique de 2011 allait créer le déclic. Des gestes et des actes porteurs d’espoirs ont bien été posés par le gouvernement de Luc Adolphe Tiao. Toutefois, malgré les bonnes intentions du PM, il manque cruellement de moyens d’action. Il butte et buttera aux bonnes vieilles méthodes du système de coterie qui a fait tenir le pouvoir depuis un quart de siècle. Il ne faut donc pas espérer de changements profonds tant que ce pouvoir-là est toujours en place. Le minimum raisonnable serait donc de lui demander de créer les conditions d’une transition politique vers le renouvellement de l’élite dirigeante en 2015. Même là, les espoirs sont minces, tant les pratiques délictuelles se poursuivent allègrement. Mais attention ! Les mêmes causes qui ont conduit à la crise sociopolitique de 2011 sont toujours là, lourdes de menaces d’implosion. Ceux qui croient que la crise est derrière eux se trompent. Le temps est venu d’agir. Les délinquants à col blanc, quels que soient leurs rangs ou leur appartenance politique, doivent répondre de leurs actes. L’ère des intouchables est à jamais révolue. C’est seulement à ce prix que l’on peut créer les conditions d’une confiance minimale entre gouvernants et gouvernés, seul gage d’une stabilité politique et institutionnelle durable.

Par Boureima OUEDRAOGO

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