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Aujourd`hui au Faso N° 92 du 4/7/2014

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Ouattara Djafarma Héma dit Djaffar, chef spirituel musulman : «Blaise doit savoir lire les signes des temps»
Publié le samedi 5 juillet 2014   |  Aujourd`hui au Faso


Ouattara
© Aujourd`hui au Faso par DR
Ouattara Djafarma Héma dit Djaffar, chef spirituel musulman


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On l’aime ou on ne l’aime pas, mais son point de vue singulier est toujours attendu sur les sujets brûlants de l’heure. De sa résidence, juchée sur la colline du secteur n°22, Ouattara Djafarma Héma dit Djaffar, nous a entretenu sur le mois de Ramadan, le débat sur l’article 37 de la constitution. Prédicateur iconoclaste et fondateur du Comité culturel de la génération des trois testaments (CCGT), les prises de position de « Djaffar » lui ont souvent valu l’exil et la prison. Lisez plutôt.


Quelles est l’importance de ce mois de Ramadan pour les musulmans ?

C’est le mois le plus riche pour les musulmans. Ce n’est pas un mois comme les autres. Il y a une grande différence avec les autres. Le carême se pratiquait, avant même l’arrivée du prophète de l’islam. Après, c’est devenu une obligation pour tous les musulmans qui se donnent à Dieu, de jeûner. Ce n’est pas par calendrier qu’il faut le faire, c’est lorsqu’on voit la lune

Qu’est-ce qui est recommandé aux fidèles, en ce mois de Ramadan ?

Lorsqu’on voit la lune et qu’on va jeûner le lendemain, on donne la zakat fitr, avant de rentrer dans le mois. Mais, vous remarquerez que chez beaucoup de musulmans, c’est à la fin du mois de Ramadan qu’ils offrent la zakat fitr. Ce qui n’est pas vrai. A qui la donnez-vous ? La zakat fitr est destinée aux pauvres qui n’ont pas de quoi jeûner ; c’est pour cela qu’il faut l’offrir au premier jour de Ramadan. C’est pour cela que les imams, à qui on remet l’aumône, alors que le Coran ne le dit nulle part, prennent ces vivres pour aller vendre. Ce n’est pas normal. Aucun imam n’est pauvre, ici au Burkina. On connaît les pauvres.

Comment la solidarité doit-elle s’exprimer envers les indigents ?

La solidarité, ce n’est pas entre un riche et un autre comme on le voit souvent. Il faut un pauvre. Ce sont eux qu’il faut aider. Sinon, ils ne vont jamais bénir le pays, puisqu’ils n’ont rien à manger.

Ramadan, c’est aussi quelques fois des problèmes pour certains qui doivent courir pour chercher de quoi rompre le carême. Quelle est la finalité ?

Même la simple proclamation : «je ne suis plus en carême» suffit à rompre le jeûne. On n’a pas besoin de manger des dattes. D’ailleurs, au cours du mois de Ramadan, ceux qui ont régulièrement à manger devraient faire l’effort de ne pas beaucoup manger, pour donner beaucoup aux pauvres. Si dans ce mois, on doit encore sortir l’argent pour aligner la salade, les pommes de terre, le poisson, le lait, c’est du faux. On mange ce qu’on a et le soir, on peut boire l’eau.

A quelles conditions le musulman peut-il suspendre ou arrêter son jeune ?

C’est dans les cas de la maladie, de la femme indisposée, qui peut rattraper après, de même que celui qui voyage. Mais quelqu’un qui voyage confortablement, dans une voiture ou dans l’avion, est moins concerné que celui qui voyage à pied ou qui va jouer au ballon, par exemple.

Cette année, les musulmans abordent le mois quelque peu partagés sur des questions politiques. Quels repères le fidèle doit avoir en vue ?

Il y a du tout dans la communauté musulmane. Sinon que la question du sénat concerne le peuple qui peut dire «oui» ou «non». De mon point de vue, le Sénat ne sert à rien. Djaffar dit «non» au Sénat. Laissez les gens tranquilles ! Il faut leur donner à manger, les soigner. Il y a d’autres problèmes dans les hôpitaux dans lesquels il est difficile de se faire soigner. Il y a des écoles où les enfants ont besoin de tables-bancs pour mieux s’asseoir. Mais, je vois que le gouvernement demande la limitation des naissances et se promène encore pour les vacciner. C’est une idée du Blanc. Sinon, la Chine est là, ils sont plus riches que beaucoup de pays occidentaux, alors qu’ils sont nombreux.

Le musulman doit-il rester en dehors du débat actuel sur la modification ou non de l’article 37, ou a-t-il son mot à dire ?

Pourquoi enlever cet article 37. Si vous vous querellez avec quelqu’un et qu’on vous demande de déposer le bâton que vous tenez, c’est pour vous écrasez. Modifier l’article 37, c’est pour pouvoir écraser les Burkinabè. S’il gêne quelqu’un, c’est qu’il a quelque chose qui n’est pas clair. L’enlever, c’est être pour le pouvoir à vie. Celui qui est au pouvoir peut tout faire. Mais, les Burkinabè sont nombreux, il faut enseigner aux autres frères et passer son tour pour qu’eux aussi, viennent mettre en pratique leurs idées. C’est cela qui fait avancer un pays, un peuple. Si une seule personne est dans une danse et que son pied se casse, la danse est terminée. Un professeur qui aime ses élèves les enseigne bien, pour qu’ils prennent la relève, un jour.

Certains fidèles veulent qu’on laisse la politique aux hommes politiques ?

Si un fidèle dit cela, il parle de la politique présentée souvent comme un lieu de mensonges. Un frère est venu me dire que des gens ont trahi le président, pour aller créer leur parti, en me demandant si on peut suivre un traître. Je lui ai dit que la trahison n’a pas commencé par là. Je lui ai aussi demandé lequel du traître qui te trahit et te tue et celui qui te trahit politiquement, intellectuellement, en te laissant en vie, est mieux ? Il était là à me regarder. S’il ne fallait pas suivre des traitres, il fallait commencer depuis… Tout est faux en politique, mais il y a le mauvais et le pire.

Dernièrement, une médiation conduite par l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo n’a pas abouti. N’est-ce pas là une chance que les politiques ont ratée ?

Les médiateurs sont partis pour leurs propres intérêts. Personne n’avait demandé à ces médiateurs d’aller là-bas.

C’est comme si Djaffar décidait de s’impliquer dans une situation de crise pour trouver une solution.

Est-ce que c’est une crise ? C’est la politique. Des gens ont créé un parti. Avant eux, il a eu d’autres partis, il n’y avait pas de crise, en ce moment. Ceux qui se sont engagés dans la médiation ont pensé qu’il s’agissait d’une crise. C’était une mauvaise pensée. Je vous raconte l’anecdote du fou qui partait à la pêche avec d’autres personnes qui murmuraient entre eux, disant que s’ils partent laisser le fou, il mettra le feu à toutes les maisons. Le fou se retourne alors et se rappelle que son travail, c’est de faire du mal, de brûler les maisons. Qui a créé la crise, en ce moment. Il ne fallait pas dire cela.

On voit aujourd’hui, que des chefs traditionnels, des religieux sont affichés politiquement. Qui pourra demain être assez neutre pour être écouté, en cas de problèmes ?

Djaffar n’a pas pris parti. Moi, je suis un vrai opposant à tout le monde. Il y a aussi d’autres personnes qui n’ont pas encore sorti leur tête. Ils sont là. Un chef coutumier ne prend jamais parti, un chef religieux ne prend jamais parti. Combien de personnes par exemple, viennent prier derrière un chef religieux ? S’il a un parti pris, il ne sera pas écouté par une partie de ses fidèles. C’est la même chose pour un chef coutumier. Il est là pour tout le monde. Je dis que les chefs coutumiers doivent rester tranquilles et si les politiques amènent des choses qui ne sont pas bonnes pour le pays, qu’ils aillent le leur dire. On vient de nous dire par exemple, qu’il y aura des droits pour les homosexuels au Burkina. Qu’est-ce que les naaba peuvent dire maintenant. Ils sont dans la politique et la politique veut accorder des droits aux homosexuels, qu’est-ce que les naaba et les musulmans vont dire ? C’est condamné dans le Coran et la Bible, pourtant. C’est contre-nature.

Est-ce que Boko Haram qui tue au Nord du Nigéria, au nom de la religion, ne contribue pas à ternir l’image de l’islam ?

Ils disent qu’ils font du mal, au nom de l’islam, ils n’ont pas dit que cela existe dans le Coran. Chacun de nous peut prendre un nom pour dire qu’il est musulman, mais ils ne peuvent pas gâter le nom de l’islam, parce que ce qu’ils prêchent pas les livres saints. Ils agissent par leur propre pouvoir, leur propre amour. Ce n’est pas Dieu qui a dit cela. J’ai vu quelqu’un qui a commencé à prier les mains croisées sur la poitrine, son frère cadet lui, décide de le faire, en croisant les mains sur le ventre. Le fils du frère aîné les a observés et décide à son tour, de croiser les bras derrière le dos. L’enfant vient de créer sa propre prière inédite et ses deux parents ont été obligés d’interrompre leur prière pour ramener l’enfant à la raison. Ici au Burkina, il a manqué de peu pour que le pays soit pourri, à ce point-là, mais Dieu ne laissera jamais le Burkina arriver là. Il va nous sauver.

Le pouvoir est pour un référendum, l’opposition a engagé une campagne contre cela. Que voyez-vous à la fin ?

Un référendum, pour faire quoi ? Chacun d’entre nous a un surnom qu’il n’entend jamais. Lorsque tu arrives de loin, on dit discrètement, qu’un tel arrive. Mais le jour, on te dira cela en face, ça veut dire qu’il faut partir…Lorsque le monde commence à favoriser vos vœux, c’est en ce moment qu’il s’apprête à vous quitter, c’est une évidence.


Interview réalisée par Karim TAGNAN

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