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Le Pays N° 5639 du 3/7/2014

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Mise en place des secteurs structures des services publics : va-t-on vers la mort de l’administration générale ?
Publié le jeudi 3 juillet 2014   |  Le Pays


Le
© Présidence par DR
Le président du Faso, Blaise Compaoré, a rencontré les forces burkinabè de l’ECOMIB (Mission de la CEDEAO en Guinée Bissau), le lundi 23 juin 2014 à Bissau en Guinée Bissau


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Le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), parti au pouvoir, envisage de faire participer les secteurs structurés à « la défense de la démocratie et des valeurs de la république ». Dans cette perspective, il a entrepris de mettre en place et d’installer officiellement la quasi-totalité des comités sectoriels des ministères et institutions. Ils auront entre autres tâches : de « soutenir fermement le président Blaise Compaoré et le parti », de faire de l’agitation politique en faveur du « Oui au référendum, à la modification de l’article 37 et à la mise en place du Sénat ».

La politisation de l’administration n’a rien à voir avec l’intérêt général

La stratégie du parti au pouvoir serait-elle une réponse à l’opposition qui, récemment, a décidé de mettre en place des comités anti-référendum dans les secteurs, et jusque dans les villages ? Si la réponse est positive, il y a lieu de craindre que notre administration publique ne devienne dans les jours à venir, un lieu de confrontation politique et idéologique, où encore une fois, le perdant sera le citoyen électeur, et en fin de compte, le pays tout entier ! A-t-on vraiment besoin, après tant d’années d’exercice du pouvoir, de chercher à neutraliser l’opposition en s’attaquant aux fondements même de notre administration générale ?
C’est à croire que de la Haute Volta au Burkina Faso, du parti unique aux régimes d’exception qui se sont succédé dans ce pays, les nombreuses années d’expérience n’ont servi à rien. Pas plus que ces désastres enregistrés dans divers pays, suite à l’extrême politisation de l’administration. Le problème est moins le souci d’élever le niveau de conscience et de connaissance du citoyen lambda, que l’utilisation que l’on cherche à faire de ce dernier. Cette politisation n’a généralement rien à voir avec l’intérêt général. Le plus souvent, des groupuscules et des clans mafieux se créent, qui perpétuent la médiocrité, détournent ou abîment le patrimoine national, instaurent le favoritisme, et multiplient les règlements de compte. Cela, tout en s’octroyant des privilèges qui échappent à la vigilance même de ceux qui, au départ, nourrissaient des ambitions considérées comme saines.
Au Burkina Faso, les divergences nées de la question sur le référendum ont atteint un tel degré de pourrissement qu’il importe qu’intervienne le holà des personnes de bonne volonté, mais aussi de grande crédibilité. D’autant qu’une politisation de l’administration et des institutions publiques correspond à un véritable recul. Elle se situe en tout cas à l’opposé des recommandations du Comité national d’éthique, et plus loin des recommandations du Collège de Sages. Cette dernière institution, faut-il le rappeler, aura permis de sauver le Burkina pour un temps, suite à l’odieux assassinat de notre confrère Norbert Zongo.
On savait notre administration corrompue et politisée ; mais, pas au point de voir certains gouvernants se lancer à visage découvert dans des entreprises de démolition du patrimoine national. Si les porteurs de projets aussi malsains parviennent vraiment à leurs fins, il faudra craindre que la médiocrité et les injustices sociales ne prennent encore de l’ampleur.

On semble donner carte blanche à des gens pour détruire le patrimoine commun

A coup sûr, nos services publics seront davantage pris en étau ! A ce propos, force est de reconnaître que les dirigeants du CDP ont vraiment été mal inspirés. On amorce une phase susceptible de nous conduire vers le chaos. Surtout si avec la mise en place desdits secteurs structurés, les principaux responsables d’un service ne sont pas membres du parti au pouvoir. Où ira donc ce pays si l’opposition elle aussi décide d’agir dans le même sens en montant à l’assaut de l’administration publique ? Jusqu’où iront donc les dirigeants de la quatrième République dans leur détermination à conserver le pouvoir ?
Des efforts réels ont été faits au fil des ans pour moderniser notre administration. Comment peut-on à ce point ramer à contre-courant de l’histoire ? Au mépris des efforts mis à construire notre administration publique, on semble donner carte blanche à des gens pour détruire le patrimoine commun. Les risques d’une désintégration de cette administration, autant que d’une dégradation du tissu social sont bien réels. Bientôt en effet, les Burkinabè pourraient s’enliser dans la délation et les calomnies. Certains s’emploieraient à peaufiner subtilement toutes ces petites méchancetés dont seule une minorité a le secret. Il faudra s’attendre à des purges, en cas de non- engagement aux côtés du parti au pouvoir. Ou qui sait, au rejet de dossiers de candidature (recrutement, bourses, stages, études, projets soumis à financement, etc.) si les postulants ne disposent pas de la « bonne carte » ! Les syndicats avaient donc raison, qui se sont toujours opposés à certaines façons de faire, notamment en rejetant le projet d’évaluation des agents de l’Etat. Dans une administration aux ordres, comment ne pas craindre d’être victime de délations et des officines secrètes du pouvoir dans les services ? Quid de l’allocation et de la gestion des ressources publiques ?
En tout cas, la mise en place des secteurs structurés du CDP mettra inévitablement en péril notre administration. A la lenteur bureaucratique, viendra en effet s’ajouter la politisation à outrance de l’administration. Si par extraordinaire on parvient à imposer la « bonne carte » à tous, notre Fonction publique, notre Justice, nos écoles et nos diplômes perdront beaucoup de leur crédibilité auprès de tiers. A coup sûr, l’Etat burkinabè en payera le prix fort !

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