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Sidwaya N° 7695 du 27/6/2014

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Financement du secteur informel et de l’entrepreneuriat féminin : confusions et spéculations autour de «l’argent du président»
Publié le vendredi 27 juin 2014   |  Sidwaya




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Dans le cadre des mesures sociales visant l’amélioration des conditions de vie des populations, le gouvernement burkinabè a créé deux guichets spéciaux de financement. L'un pour l’appui aux activités du secteur informel, l’autre, pour l’entrepreneuriat féminin. L’initiative a connu un engouement, dû d’une part, au besoin réel de financement des populations-cibles et d’autre part, à une relative méconnaissance des conditions d’éligibilité à ces fonds. A cela, s’ajoutent les spéculations qui ne favorisent pas une bonne gestion des opérations de souscription. Constat et témoignages...

Des femmes dans l’enceinte et à l’extérieur de la cour de la Maison de la femme à Ouagadougou ; devant le bâtiment principal de la structure, un homme assis devant une table rédige des demandes. Plus loin dans l’arrière-cour, on observe 3 rangs de femmes, enveloppes format A4 en main, attendant derrière des fenêtres. Quelques unes d’entre elles, assises sur une rampe d’accès au bâtiment et sur des escaliers, vérifient des documents, écrivent sur d’autres ou discutent, en attendant leur tour pour intégrer la file d’attente. Tel est le spectacle qui a été donné à voir, ce jour 16 juin 2014, à la maison dédiée aux femmes du Kadiogo.
Une ambiance qui contraste d’avec le calme habituel des lieux. A la question de savoir la raison de ce grand regroupement de femmes, Bibata Ouédraogo, elle aussi, en attente, répond : « On nous a dit que les femmes peuvent bénéficier de financements du Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES), ici. Je suis venue déposer mon dossier». Comme elle, de nombreuses femmes viennent chaque jour, soumettre un dossier composé, selon les types de financement, d’une demande manuscrite adressée au directeur du fonds, d’un relevé d’identité bancaire, d’un formulaire à remplir, d’une photo d’identité, de la photocopie légalisée de la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) ou du passeport, celle du registre du commerce et d’un plan d’affaires. A cela, s’ajoutent la photocopie légalisée du récépissé d’association ou de l’agrément de la structure, celle de la CNIB de la responsable, ainsi que sa photo d’identité et la carte d’adhésion à une association pour les crédits de groupe. Les différentes pièces sont mises dans une enveloppe et déposées auprès d’agents chargés de la réception, à la Maison de la femme, au siège du FBDES ou dans les Directions régionales du Ministère en charge de la promotion de la femme.


Des confusions


«L’engouement est réel. Nous recevions plus de 1000 personnes par jour, au début de l’opération, le 19 mai 2014. Mais, nous avons pu contenir les débordements, grâce à une bonne organisation», confie le directeur du FBDES, Blaise Parfait Kemdé. Selon ses informations, 17 mille formulaires ont été distribués au compte du secteur informel contre 36 mille pour l’entrepreneuriat féminin. 7 mille 854 projets individuels venant de 137 associations du secteur informel, ont été réceptionnés, 5 mille 267 de l’entrepreneuriat féminin. Des chiffres qui n’incluent pas les données de la Maison de la femme de Ouagadougou et des 12 régions du pays.

Pour la Directrice générale de la promotion de l’entreprenariat féminin (DGPEF), Justine Kyélem, cet engouement témoigne de la confiance placée en la politique de la promotion de la femme et du genre. Elle fait un bref rappel de l’avènement de ces fonds. «C’est au 4e Forum des femmes du Burkina Faso, tenu à Banfora, le 6 mars 2013, que le président du Faso, Blaise Compaoré, s’est engagé à lever les obstacles qui empêchent les femmes d’exceller dans les activités économiques», se souvient Mme Kyélem. Un engagement qui s’est matérialisé par le Conseil des ministres du 24 mars dernier dans le cadre de la consolidation des mesures sociales de septembre 2013 avec la création de deux guichets spéciaux de financement, consacrés l’un au «Financement de l’entrepreneuriat féminin» et l’autre, à l’appui aux activités du secteur informel, doté chacun de 5 milliards de F CFA et logé au niveau du FBDES.
Mais dans l’opérationnalisation, que de difficultés, de suspicions, de confusions et de spéculations autour des deux fonds ! Beaucoup de personnes ignorent les conditions réelles d’accès. Aussi, selon M. Kemdé, au niveau des guichets du secteur informel, tous les types d’association (associations de développement de quartiers, de villages, etc.) se sont présentés. Il affirme que des associations ont même été créées pour la circonstance. Alors que seules les associations professionnelles organisées du secteur informel, fonctionnant depuis un certain nombre d’années, sont concernées, explique-t-il. «Le but recherché, c’est d’amener les acteurs du secteur informel à intégrer le système formel», précise M. Kemdé. Et c’est dans le même esprit que le Fonds pour l’entreprenariat féminin a été créé. A entendre les deux responsables du FBDES et de la DGPEF, les Activités génératrices de revenus (AGR) sont donc exclues. «C’est la croissance économique qui est recherchée, la création de richesses, de valeur ajoutée, à travers des entreprises reconnues de l’Etat, payant leurs impôts, employant un certain nombre de personnels…», insistent- ils. Pourtant, du bilan de la FBDES, il ressort que 80% des dossiers reçus sont des AGR.


«Il n’y a pas d’argent gratuit…»


Par ailleurs, les garanties liées aux prêts ne sont pas mieux appréhendées. Salimata Zongo a demandé entre 4 et 5 millions de F CFA pour développer son commerce d’articles pour femmes. Mais elle ignore tout des garanties requises à cet effet. Idem pour la veuve Zénabou Nikièma, qui sollicite 3 millions pour agrandir son atelier de couture. «Nous menons des activités sociales (soutien aux mariages, décès, etc.). Mais, si nous obtenons une enveloppe de 5 millions ou plus, nous allons nous lancer dans la production du beurre de karité, de la pâte d’arachide, du soumbala, etc. ».Tel est ainsi décliné le projet d’entreprise de l’association «Soutoon nooma». Les interviewées savent toutes qu’elles ont affaire à des prêts et se disent disposées à les rembourser, intégralement. Contrairement aux autres, Fadi Gadiaga, 23 ans, est convaincue que des garanties existent, même si au dépôt, rien ne lui a été demandé. «Il n’y a pas d’argent gratuit, même si l’on dit que c’est l’argent de Blaise Compaoré, sinon les gens allaient en ramasser», soutient-elle.
Qu’en est-il des conditions d’éligibilité et du prêt ? « C’est comme de la loterie, chacun vient tenter sa chance, si tu gagnes, c’est la volonté de Dieu », déclare Ousmane Compaoré, de l’Association pour la promotion des acteurs du secteur informel (APASI). «J’ai appris que je ne peux avoir plus de 4 millions de FCFA. J’espère avoir juste un peu d’argent », espère la patronne d’un salon de coiffure, Safiatou Ouédraogo. Dans son cas pourtant, en crédit individuel, on peut avoir des besoins de financement entre 2 et 10 millions, en crédit d’investissement entre 5 et 50 millions. Les membres de l’APASI, pour la plupart des vendeurs de portables ambulants, non plus, ne sont pas mieux renseignés. «Nous savons seulement qu’il y a entre 1 à 5 millions à gagner et que ce sont 100 personnes qui seront retenues», se contente de dire Ousmane Compaoré. Alors que pour le secteur informel, le crédit d’exploitation est compris entre 1 et 10 millions, celui d’investissement va de 5 à 40 millions. Pour M. Compaoré, les difficultés et confusions sont liées essentiellement à l’analphabétisme des associés. Au sein de la Structure des petits commerçants de Ouagadougou, 75 personnes sur la centaine de membres ont été autorisées à déposer leurs dossiers «Certaines personnes nous ont approchés pour avoir nos cartes, en vue de souscrire au fonds, mais nous avons catégoriquement, refusé, car nous ne sommes pas prêts à assumer les responsabilités de personnes dont nous ne connaissons pas les intentions réelles. Nous ne délivrons nos cartes qu’après une adhésion d’au moins un an et une participation effective à nos activités. Même les membres qui sont arrivés en 2014, n’ont pas pu déposer leurs dossiers en notre nom », fait savoir le président, Modeste Compaoré.


Des spéculations autour des fonds


L’APASI, moins rigoureuse, a autorisé les adhérents de 2014 à souscrire au fonds, mais reste vigilante : «Nous ne prenons que des dossiers de personnes bien connues et sérieuses», précise son président.
A la question de savoir s’il est possible d’acheter des cartes de membres d’association uniquement pour souscrire au fonds, la réponse des deux dirigeants est sans équivoque. Chacun avance avoir appris la vente de cartes au prix de 25 et 50 mille FCFA mais se refuse à citer des noms et surtout se défend de s’adonner à cette pratique. Des échos de spéculation retentissent aussi du côté du FBDES où les informations font état de la vente illicite à 5 mille FCFA, de formulaires scannés de souscription, alors qu’ils sont distribués gratuitement et que leur délivrance est arrêtée depuis le 30 mai pour l’entrepreneuriat féminin et le 7 juin, pour le secteur informel. «Nous ne retiendrons aucun dossier comportant un formulaire scanné », prévient le directeur Kemdé. Il ajoute qu’une femme se proposant d’aider des demandeurs à obtenir les financements contre une commission de 1 à 2% a été interpellée. Les spéculations sont aussi d’ordre politique. A écouter Mme Kyélem, "Certains partis politiques et personnes s’adonnent à la désinformation, en disant que les fonds ne sont pas remboursables". Elle restitue les faits: «Les femmes ont demandé le fonds entrepreneuriat en 2010, 2011, 2012. Elles sont venues avec des éléments plus convaincants en 2013. Séance tenante, le Président du Faso a dit de mettre en place quelque chose pour les aider». Aux potentiels bénéficiaires la DGPEF lance : «que celles qui pensent qu’elles vont prendre l’argent pour s’amuser en soumettant des projets farfelus se trompent.» Le directeur du FBDES s’inscrit dans la même logique, en soutenant que tout sera mis en œuvre pour garantir les remboursements. Il cite entre autres, les nantissements, les gages ou hypothèques des investissements financés, les signatures de billet à ordre pour échéances de crédits, les assurances risque, la perte d’exploitation et vie, les cautionnements, le suivi des entreprises. Les taux d’intérêt sont compris entre 3 et 5 % l’an, selon le type de crédit (besoin de fonds de roulement, investissements) et les fonds seront décaissés par tranche, en tenant compte de l’exécution des projets. En outre, une vérification va se faire sur l’exactitude des déclarations des candidats. Aussi, les gestionnaires des fonds font savoir que toutes les personnes qui ont bâti leur dossier sur du faux seront démasquées et déclassées. «Si quelqu’un ne rembourse pas ses dettes, le FBDES pourrait l’ester en justice.», dit Blaise Parfait Kemdé, pour qui les résultats des dépouillements devraient être disponibles à la fin du mois de juillet. Déjà, 837 dossiers ont été examinés pour des financements se chiffrant à plus de 3 milliards de FCFA pour les associations du secteur informel. Au niveau du guichet des femmes, pour 157 dossiers, plus de 800 millions de F CFA sont demandés. Au regard de l’insuffisance des fonds pour satisfaire tous les demandeurs, les arbitrages tenant compte de la pertinence des projets, de leur valeur sociale (création d’emplois, infrastructures sociales, etc.) et économique (création de richesses) ainsi que du poids économique des différentes régions vont départager les candidats.
Qu’en sera-t-il des nombreux dossiers d’AGR ? Sur la question, les responsables du FBDES et de la DGPEF qui assimilent l’élection aux fonds à une compétition à l’issue de laquelle les meilleurs projets seront retenus, n’excluent pas la possibilité d’orienter les porteurs d’AGR vers d’autres structures de financement.


Séraphine SOME/
MILLOGO
serasome@yahoo.fr

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