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Le Pays N° 5185 du 30/8/2012

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Aboubacar Chiquette Diallo, président des "verts du Faso" : « L’opposition burkinabè est condamnée à s’unir, ou à disparaître »
Publié le jeudi 30 aout 2012   |  Le Pays




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Présent à Bobo pour une tournée politique, le président des Verts du Faso, Aboubakar Chiquette Diallo, a bien voulu nous accorder une interview le 24 août 2012. La vie du parti, l’actualité nationale et internationale et la gestion de l’environnement sont, entre autres, les points abordés avec le président des Verts, qui a fait une appréciation discréditée du contexte politique burkinabè, du fait de la marche de l’opposition en rang dispersé et a réclamé une clarification du débat politique.

« Le Pays » : Vous avez été porté à la tête des Verts du Faso lors d’un congrès extraordinaire, le 30 avril 2005. Aujourd’hui, est-ce que le parti a retrouvé toutes ses énergies ?

Aboubakar Chiquette Diallo : A la naissance du parti, on n’était pas assez structuré, mais maintenant, on a mis des organes en place et je pense qu’on est en train de redynamiser le parti pour aller aux élections couplées de 2012. La coordination est bien solide partout. Donc, je peux dire que le parti se porte très bien.

Justement, à propos des élections à venir, vous avez, lors de votre tournée ici même en 2011, prôné l’union des partis d’opposition. Alors aujourd’hui, qu’en est-il ?

Effectivement, il y a un an de cela qu’on prônait l’union des partis d’opposition pour aller aux élections. Si on fait le point des partis d’opposition, il n’y a que quelques bribes d’alliance pour aller aux élections. En ce qui concerne les Verts du Faso, nous avons tenté l’union avec plusieurs partis, notamment ceux d’obédience écologiste. Au-delà même de nos clivages de leadership, on devait aller aux élections en rang groupé parce qu’en étant seul, chacun fera un score étriqué. Mais on n’est pas arrivé à une alliance véritable et c’est pourquoi notre bureau politique a décidé qu’on aille aux élections seul. Néanmoins, certains partis ont essayé de se regrouper et cela est très bien. Comme cela n’a pas été le cas chez nous, chacun va aller aux élections tout seul et tenter sa chance et on verra les résultats au soir du 2 décembre. J’avoue que les résultats seront toujours les mêmes parce que notre opposition n’a pas tiré l’expérience du Sénégal. Là-bas, toutes les sensibilités politiques dans leur diversité étaient unies derrière Macky Sall pour vaincre Abdoulaye Wade. Cette année, on a changé le système en disant que c’est le parti gagnant aux élections à venir qui va choisir le Premier ministre. Mais quel est ce parti d’opposition qui va gagner autant de députés ? Seule l’union pouvait permettre cela. Dans notre parti, nous sommes des acteurs de développement au-delà même de la politique et au regard du travail que notre coordination est en train de faire à Bobo comme à Ouaga. En sillonnant les bureaux de vote à Bobo, je me suis rendu compte que le taux d’inscription est très élevé que par le passé. Nous avons pu faire participer nos militants à l’enrôlement, ce qui nous rassure qu’on peut aller à ces élections avec conviction.

A propos de l’enrôlement, des partis d’opposition sont montés au créneau pour dénoncer des irrégularités constatées dans les différents bureaux de vote. Confirmez-vous ou infirmez-vous cet état de fait ?

Effectivement, on a constaté des irrégularités. Il y a des lieux comme Tanghin à Ouagadougou, où des gens passaient de concession en concession pour récupérer les cartes d’électeurs et relevaient les numéros ; d’autres allaient même les photocopier. Pour quel but ? Je ne sais pas. Voilà pourquoi je dis qu’il n’y a pas de système parfait pour éviter les fraudes. Notre erreur au niveau de l’opposition politique, c’est d’avoir accepter l’enrôlement biométrique avec l’extrait d’acte de naissance. Seuls la pièce d’identité et le passeport devaient servir à l’enrôlement. C’est tard ! Avec ce taux de participation très élevé cette année, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a des hommes capables d’endiguer la fraude ; mais ça ne sera pas tout de même parfait. Je n’accuse personne, mais on parle tellement de fraudes qu’on est convaincu qu’il y a des partis qui se sont inscrits dans la fraude. Si vous êtes majoritaire, il n’y a rien à craindre. Je ne dis pas que cette pratique vient d’un tel parti, mais en bonne démocratie, on doit laisser le jeu libre. On tente de frauder à l’enrôlement, ce qui veut dire que le pire vient au jour du scrutin.

Quelle est la stratégie des Verts du Faso pour aborder ces élections avec sérénité ?

Nous partons discrètement à ces élections. Nous avons des fiefs dans les Hauts-Bassins, et la coordination est en train de faire un travail très formidable. Partout où je passe, j’ai les échos du parti. On a même cherché à voir nos logos pour se situer et je leur ai donné des explications descriptives de notre logo. A cela s’ajoute le porte-à-porte que la coordination fait. Je ne dis pas qu’on va tout avoir dans les Hauts-Bassins mais au moins quelques conseillers et un ou deux députés. Je conduis la liste des Verts du Faso aux législatives de 2012 à Bobo. Avec ces résultats, en tant que parti d’opposition, on peut espérer.

A vous entendre, cette union tant recherchée pour fédérer les énergies des partis d’opposition semble vouer à l’échec. Etes-vous sceptique quant à une éventuelle action d’opposition pour contrebalancer le parti majoritaire ?

Je ne suis pas sceptique en ce qui concerne mon parti. J’ai dit que la configuration risque de ne pas changer tant qu’on n’a pas une union de tous les partis d’opposition. Au moins, qu’on laisse tomber les parieurs de leadership. La région des Hauts-Bassins est par nature une région d’opposition en général depuis la nuit des temps. Mais pourquoi elle vote aujourd’hui pour le parti majoritaire ? Cela signifie que l’opposition ne fait pas son travail. Certains parleront d’un manque de moyens. Mais non ! C’est un problème de stratégie d’abord. Je suis un natif de Bobo ; et dans cette ville, ce sont les relations interhumaines, la famille d’abord... Maintenant, les autres partis qui viennent d’ailleurs et qui ne connaissent pas le terrain politique, auraient pu s’associer à nous pour porter la voix de l’opposition. Nous pourrions nous-mêmes disparaître au profit de ces opposants. En tout cas, nous irons aux élections et une chose est sûre : c’est que nous avons une grande audience à Bobo.

Ce qui signifie que vous tenez vraiment à l’union comme alternative pour équilibrer le jeu politique ?

En politique, on ne baisse pas les bras. Si on veut avoir quelque chose, on est obligé de s’unir. Dans le cas contraire où l’on n’obtient rien, on est obligé de s’unir ou de disparaître. Dans cette même dynamique, j’ai proposé et je proposerai plus tard ceci : que la nouvelle équipe qui va s’installer à l’Assemblée, à partir des élections couplées de cette année, soit composée des 5 partis dans l’ordre d’arrivée. Et vous allez voir que l’union va se faire automatiquement ou bien vous disparaissez. Là, certains seront obligés de laisser la politique, même si c’est un problème de leadership. Parce qu’il y a une pléthore de partis qui ne servent à rien. De toute façon, nous sommes prêts à disparaître au profit d’un grand parti. Avec environ 15 millions d’habitants, on est à plus de 100 partis ! Il y a quelque chose qui ne va pas. Quand vous prenez ces 97 partis existants au Burkina, vous verrez que les Verts sont séparés, les libéraux séparés, les sankaristes autant. Où allons-nous ?

A votre avis, qu’est-ce qui empêche les écologistes de s’unir ?

Chez nous les écologistes, on a un programme de développement. Ce qui est dommage, on était 4 ou 5 partis écologistes. "Les Verts du Burkina" ont disparu. Bref, il y a eu un temps où nous avons voulu tisser l’alliance. On a envoyé notre secrétaire général pour travailler sur le projet. Mais il n’a jamais obtenu de rendez-vous. Ce qui veut dire que les gens ne veulent pas aller à l’union. Moi, je suis prêt à abandonner mon poste de président au profit de l’union pour aller à ces élections ; même mon poste en tête de liste dans les Hauts-Bassins.

Le Burkina est confronté aujourd’hui à l’incivisme érigé en mode de vie, matérialisé par de nombreuses violences multiformes. En tant qu’écologiste, quelle peut être selon vous l’origine de ces agissements ?

Il n’y a plus d’autorité de l’Etat. Après la crise de 2011, il y a des problèmes qui ont été posés et n’ont jamais été résolus. Quand il y a la violence, on envoie un cordon de ministres demander pardon en donnant de l’argent. Mais le fond du problème, c’est que les citoyens ont envie d’alternance. Ce sont les mêmes hommes qui nous dirigent pendant des années et c’est pourquoi les gens ont envie de changer. Et c’est ce refus de changement qui entraîne la violence. Premièrement, l’incivisme est le baromètre de la déliquescence de l’Etat. Deuxième point, les crises qui sévissent dans les régions comme Gaoua et ailleurs, sont créées par la politique. Chacun veut rester au pouvoir autant qu’on veut, ce qui fait que les populations sont divisées. Lorsqu’un chef de village a un parti pris, il ne peut qu’y avoir de la violence. Il y a aussi le problème du règlement foncier : les plus forts oppriment les plus petits, et ces derniers n’ont plus confiance en la Justice, et recourent à la violence comme moyen d’expression. La loi relative au foncier est faite pour protéger les plus riches. Regardez, par exemple, l’ex-DG des Douanes (ndlr : Ousmane Guiro) : on dit qu’il est malade et qu’il est en liberté provisoire. On sait ce que c’est que la liberté provisoire au Burkina. Cela cause vraiment de la frustration et il faut changer les choses. Il y a beaucoup de rancœurs que les populations expriment d’une manière ou d’une autre.

Le Burkina est-il donc condamné à vivre ces malaises ou existe-t-il encore des voies et moyens de sortie ?

Il y a beaucoup de solutions. D’abord, que le président (Blaise Compaoré) accepte de dire ouvertement qu’il ne se présentera pas en 2015. Qu’il accepte réellement le jeu politique. Quand on est un grand comme lui, après 25 ans au pouvoir, il faut partir en laissant un pays dans la paix, en organisant des élections transparentes, en clarifiant le débat politique et en demandant pardon aux populations pour tous les manquements durant son règne. C’est en ce moment même que l’amnistie a un sens. A 3 ans de la fin de son mandat, personne ne sait ce qui se passera, et les gens sont dans la suspicion. Je ne dis pas qu’il n’a pas travaillé, mais dans ce flou, tout est permis.

Parlant justement de la grandeur du président, son action, notamment les médiations qu’il a menées dans la sous-région, rassure-t-elle du succès de celle entamée au Mali ?

Le Burkina s’est investi dans les médiations. Celles-ci ont réussi dans les pays où il y avait des problèmes entre la majorité et l’opposition surtout en matière électorale (Togo, Guinée et Côte d’Ivoire). Mais après les élections, c’est le feu. Regardez partout ! C’est pourquoi je dis que notre diplomatie est bonne, mais a des limites objectives. Maintenant, le cas malien est plus complexe : un pays divisé avec des islamistes terroristes ; certains posent des revendications identitaires et d’autres des problèmes de Charia. Je pense que la médiation au Mali est une médiation de trop. On ne peut pas négocier avec des gens qui tuent impunément. Apparemment, on constate que le Burkina protège le MNLA (ndlr : Mouvement national de libération de l’Azawad). Alors que le MNLA, le MUJAO et Ansar Dine, c’est pareil ! Que ce soit avec le président Amadou Toumani Touré ou Alpha Omar Konaré, le Mali a investi 800 milliards de francs CFA au Nord, en commençant par le grand pont réalisé pour aller à Kidal. Vous comprenez que les Touaregs sont des gens qu’on ne peut pas satisfaire.

Seulement, des gens trouvent leur compte dans ce désert-là. Le Burkina se positionne aujourd’hui comme libérateur d’otages. Mais à qui cela profite ? Au Burkina ? Ça brûle dans notre propre pays (Guenon, Gaoua, etc.). Pourquoi laisser ce qui nous concerne pour aller se mêler des histoires d’otages d’ailleurs ?

Avec le nouveau gouvernement, n’est-ce pas un début d’application de la feuille de route assortie de la médiation ?

Le nouveau gouvernement ne résout pas le problème malien. Les Maliens n’ont qu’à s’entendre seulement. Dans ce brouhaha de crise, certains trouvent leur compte. Le pouvoir malien veut une chose et son contraire. La junte tant décriée a la réalité du pouvoir aujourd’hui. Celle-ci refuse que la CEDEAO sécurise les institutions du pays. Mais si vous refusez que la CEDEAO intervienne, pourquoi vouloir qu’elle vous donne les armes pour aller vous battre ? Il appartient donc à la CEDEAO de prendre ses 3 000 hommes pour sécuriser les frontières.

En Côte d’Ivoire, après la chute de Laurent Gbagbo, le pays reste toujours confronté à des violences sporadiques à répétition. Est-ce une insuffisance d’autorité du régime en place ?

Cela est normal à la sortie d’une crise ! Prenons le Nigéria après la guerre de Biafra : le pays a mis 10 ans pour sortir de la violence. Alassane Ouattara, en un an, a fait beaucoup en sécurisant beaucoup d’endroits. Tout ne peut pas être parfait, il y a forcément des groupes qui ne sont pas satisfaits à l’intérieur du camp Gbagbo. Et ils veulent faire comprendre aux bailleurs de fonds que le régime n’est pas stable. C’est vrai, il y a eu l’attaque du camp d’Akouedo ; les gens procèdent par guérillas, mais on va les avoir même si ce n’est pas dans l’immédiat. Je vous donne encore 8 mois et vous verrez comment la Côte d’Ivoire va se sécuriser. Je précise que nous avons tous intérêt à ce que la Côte d’Ivoire soit sécurisée parce que c’est le poumon de l’économie ouest-africaine.

En plus de la Côte d’Ivoire et du Mali, presque toute la sous-région est touchée par la violence, au regard des images qui nous parviennent des quatre coins du monde. Quel commentaire faites-vous de cette situation ?

Si la bonne gouvernance est la vraie démocratie qui puisse régler les problèmes de tous les conflits à l’intérieur, s’il y a la transparence dans les élections, dans la gouvernance économique et politique, les problèmes s’estomperont seuls. Les jeunes auront des emplois, et chacun se sentira en sécurité. Prenons le cas de nos élections couplées ; si on arrivait à supprimer les gadgets publicitaires comme les tee-shirts, les pagnes, etc., nous aurons tous les mêmes chances de convaincre l’électorat par nos programmes et nos idées. Cela serait un pas de géant pour notre processus démocratique parce que personne ne peut avoir les moyens que le parti au pouvoir a. Si le CDP se croit fort, il doit accepter la suppression de ces gadgets. Pourquoi utiliser forcément les gadgets ? Il doit avoir une autre stratégie. Qu’il aille à armes égales avec l’opposition qu’il croit faible. D’autre part, nous constatons une nouvelle donne dans le débat politique. Le mouvement, associatif qui fait de la politique.

Normalement, les associations sont apolitiques. Ça ne va pas ! C’est pourquoi je dis qu’il faut qu’on clarifie le débat politique d’abord, et cela permettra d’éviter les crises sociales. La Côte d’Ivoire est arrivée à le faire ; par contre au Togo, ça ne va pas. Le président Faure Gnassingbé applique les mêmes choses que son père, en passant son temps à mater l’opposition qui le critique. Le Niger a réussi sa démocratie ; il a organisé des élections transparentes. Le Ghana est un exemple de démocratie. D’autre part, il faut aussi que la Justice soit équitable pour tout le monde. Tant que le Burkina n’arrivera pas à ce stade, nous ne serons pas épargnés des violences qui nous entourent. Parce qu’ici, l’opposant est considéré comme un ennemi. L’opposition, à part ses critiques, qu’est-ce qu’elle a ? Mais on cherche à l’abattre, on l’humilie… ; les minorités ne sont pas considérées ici au Burkina.

En tant qu’écologiste, quelle analyse faites-vous de la politique de sauvegarde de notre environnement ?

Nous avons été les précurseurs de la lutte contre les sachets plastiques depuis les élections de 2006. Je suis content aujourd’hui que tout le ministère de l’Environnement prenne ce volet comme programme de combat. Mais ce n’est pas suffisant. Il y a un autre problème qui est en train d’arriver, différent des sachets plastiques : les mines ! Elles engendrent des frustrations des fonciers. Prenons le Sud-Ouest, il y avait de l’or depuis l’époque coloniale mais qu’on ne touchait pas à cause des valeurs culturelles. Cela évitait les conflits internes.

Mais voilà, ce qui vient de se passer là-bas est lié indirectement à l’or. Les traditions sont bafouées. Et je vous assure que 10 ans après, ce sont des grandes excavations qu’on va laisser au Burkina avec du cyanure, des nappes phréatiques détruites, la flore détruite ; bref, on aura un désastre écologique. Ma seconde remarque est que l’Ouest est délaissé. Tout le pays travaille pour Ouaga. Il faut que le pouvoir public fasse un effort pour goudronner ne serait-ce que le centre-ville. Et aussi promouvoir une réelle décentralisation car, même pour obtenir un petit papier hygiénique dans les administrations, il faut remonter à Ouaga. Regardez la RTB/Ouest qui manque d’un groupe électrogène pour fonctionner en cas de délestage. Ce sont des choses qu’il faut revoir.

Propos recueillis par Josias Zounzaola DABIRE

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