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Sidwaya N° 7672 du 26/5/2014

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Lomé-Ouagadougou: Parcours du combattant d’un véhicule d’occasion
Publié le mardi 27 mai 2014   |  Sidwaya




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Quoique combattues par les textes de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA), les tracasseries routières ont toujours pignon sur rue sur les corridors des pays-membres de l’Union. Le tronçon Lomé-Ouagadougou en est un exemple où des conducteurs de véhicules d’occasion achetés à Lomé et en transit, doivent payer des frais à certains postes de contrôle sans justificatifs.

Situé à la périphérie Nord de la ville de Lomé au quartier Zongo du Togo, le terminal du Sahel est le lieu où se font les dernières formalités de transit après l’achat d’une voiture d’occasion. C’est à ce niveau également que les services de douane prennent le soin de vérifier si les documents de la voiture sont en règle avant de quitter le territoire togolais. Outre les frais complémentaires de transit que le propriétaire de l’automobile doit débourser au terminal du Sahel, d’autres frais, plus ou moins importants, sont supportés par ce dernier. « Il faut faire une révision et renouveler certaines pièces de la voiture s’il y a lieu parce qu’elle est restée stationnée au parc pendant des mois », explique Harouna Traoré, un chauffeur. Celui-ci a dû dépenser près de 200 000 F CFA pour changer les jantes de la voiture, l’achat de l’huile du moteur et du frein et la prestation du mécanicien. Pour combler ces imprévus, les chauffeurs n’hésitent pas à embarquer deux ou trois passagers qui veulent se rendre dans une ville du Togo (Kara, Dapaong, Cinkansé) soit au Burkina Faso, moyennant la somme de 7 000 ou 10 000 F CFA. « Nous n’avons pas le choix parce que les frais de route que le patron nous donne n’excèdent pas 50 000 F CFA dans lesquels nous devons nous nourrir et nous loger », précise Ismaël Kaboré, employé dans une société d’importation de véhicules d’occasion. Il nous informe qu’en cas d’accident, l’assurance qui a une validité de dix jours ne prend en charge que la voiture et le chauffeur et non le passager. « Et tu auras les mille problèmes avec les autorités togolaises », poursuit-il. C’est à l’issue de tous ces détails que nous avons embarqué dans la Mercedes C220 de couleur blanche de Joh (il préfère qu’on l’appelle ainsi), le vendredi 9 mai 2014, à destination de Ouagadougou. Agé de 34 ans et de taille moyenne, le physique de Joh lui donnerait un âge compris entre 40 et 50 ans, à vue d’œil. Depuis six ans, il est au service de trois entreprises d’importation de véhicules basées à Ouagadougou et sa tâche se résume à acheminer ces automobiles de Lomé au « pays des Hommes intègres ». « Je fais ce trajet trois ou quatre fois par mois. C’est un métier difficile mais ce qui nous réconforte un peu, c’est que l’on a la possibilité de transporter des marchandises pour les revendre à Ouagadougou », révèle-t-il.
Avant de quitter le terminal du Sahel, Joh s’assure qu’il dispose des billets de 1 000 F CFA. Dans la liasse d’argent qu’il a fait sortir de sa poche, seulement trois billets de 1 000 F CFA y sont intercalés. « Ça ne suffit pas pour payer aux différents postes de douane, de police et de gendarmerie au cours du trajet », dit-il. Rapidement, il sort de la voiture, va monnayer un billet de 10 000 F CFA et revient. « Quand je dis au patron que le phénomène des tracasseries routières existe toujours, il ne veut pas me croire », se plaint-il.

21 heures 37 minutes. C’est l’heure du départ. La circulation est clairsemée à cet endroit.

Notre véhicule s’ébranle sur un large bitume qui mène à la sortie de la ville puis s’arrête quelques kilomètres à une station pour prendre du carburant. Le chauffeur débourse 33 000 F CFA pour le plein du réservoir. Très bavard, Joh engage une conversation sur fond de musique que distille la radio. Il raconte que voyager à pareil moment comporte des avantages. « Il y a moins d’accidents et moins de tracasseries routières », indique-t-il, même s’il reconnaît au passage que les postes de contrôle routier ont considérablement diminué. A l’en croire, la réduction du nombre des postes est le fruit de nombreuses protestations à l’endroit des autorités togolaises. Pour lui, cette situation a produit un effet contraire en ce sens que certains usagers n’entretiennent plus leurs véhicules. « On rencontre souvent des camions qui roulent souvent avec un seul phare. Alors que la réfection du tronçon nous oblige à emprunter des déviations dangereuses », relate-t-il.

Le premier poste de contrôle après 600 km

Après le poste de péage à la sortie de la capitale, les arrêts de notre véhicule au cours du trajet dans les villes d’Atakpamé, de Sokodé, de Kara et de Mango sont pour marquer une pause. Des villes fantômes à notre passage, le poids de la nuit pesant sur les populations tombées dans les bras de Morphée.

A l’entrée de Dapaong à l’aube du samedi 10 mai, aux environs de 6 heures, le compteur de la voiture marque 622 kilomètres parcourus au moment où pointe le premier policier. Planté au bord du bitume, le sifflet à la bouche, le bras droit levé, et nous intime l’ordre de marquer un arrêt. Mais contre toute attente, le chauffeur n’obtempère pas. Pire, il appuie davantage sur l’accélérateur. « C’est un poste improvisé. Ce policier ne devrait pas être en ces lieux. Non seulement il est seul, mais aussi il ne semble posséder aucun document pour l’enregistrement de notre véhicule qui est présentement en transit », se justifie-t-il. A Cinkansé, ville frontalière au territoire burkinabè, après le poste de péage, la Mercedes blanche s’arrête entre deux kiosques construits en tôles, l’un occupé par deux douaniers et l’autre par deux policiers. Joh va à la rencontre de ces agents. Il sort deux billets de 1 000 F CFA qu’il avait pris le soin de ranger dans la poche de sa chemise. Avant de se présenter aux premiers, il pose un billet de 1 000 F CFA sur les documents (la carte grise, l’assurance, la fiche de transit et le permis de conduire) et les remet pour l’enregistrement. Il réitère le même scénario chez les policiers puis nous rejoint. Ont-ils délivré un reçu ?

Demandons-nous au chauffeur. « Si tu ne veux pas d’ennuis, vaut mieux ne pas en demander parce qu’il leur suffit de trouver quelque chose de neuf dans le coffre de la voiture pour te taxer sévèrement ou t’obliger à rester toute la journée », rétorque-t-il. Nous atteignons le poste frontalier à 6 heures 24 minutes où sont stationnées une trentaine de voitures attendant l’autorisation des forces de l’ordre togolaises pour la traversée de la frontière.

A 7 heures, la barrière est levée. Comme une course de rallye, les voitures se devancent dans un nuage de poussière pour rejoindre le Poste de contrôle juxtaposé (PCJ) de Cinkansé, situé en territoire burkinabè, à environ 200 mètres de la barrière. Selon les textes de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’une des missions de ce poste est de réduire, entre autres, le nombre de contrôles sur le réseau routier communautaire en général et sur les axes routiers inter-Etats. Le service en ce lieu est assuré conjointement par les agents des douanes togolaise et burkinabè. « Nous effectuons simplement l’enregistrement manuel des véhicules d’occasion, tout comme d’autres véhicules de transport de marchandises pour les acheminer au bureau de Bittou, afin que les formalités puissent être accomplies à destination de Ouagadougou ou des bureaux frontaliers, pour les sorties sur d’autres pays limitrophes. Pour les véhicules d’occasion, nous enregistrons par jour en moyenne, 100 véhicules pour toutes destinations confondues et il n’y a aucun frais d’enregistrement au niveau de notre office », indique Hilaire Ki, chef du bureau des douanes de Cinkansé au PCJ. Et pourtant, Joh doit mettre la main à la poche pour honorer certaines formalités qu’il trouve illégales. En effet, une fois à l’intérieur du PCJ, d’abord, il va faire enregistrer les documents d’assurance de la voiture au bureau de police au prix de 1000 F CFA sans reçu. « Tu ne peux pas ne pas payer parce que tout le monde paie », se résigne-t-il. Ensuite, les services des douanes togolaise et burkinabè en font de même pour les autres documents.

Travail extra-légal

Mais chez les seconds cités, Joh doit payer pour l’enregistrement. « Ces frais sont régis par des textes règlementaires. Lorsque vous souhaitez une opération en dehors des heures légales, les jours fériés et de fête, c’est vous qui formulez une demande à l’adresse du chef de bureau qui peut accorder ou refuser la demande. Lorsqu’il accorde, votre opération peut s’effectuer et vous payer les frais liés au travail extra-légal qui est exécuté par les agents en dehors des heures de service. Pendant les jours ouvrables, vous payez 2 970 FCFA ; les jours fériés et les weekends, vous payez 3 473 F CFA », explique le chef du bureau des douanes, Hilaire Ki. A en croire le chauffeur Inoussa Gouem, tout serait mis en œuvre pour que l’usager paie les frais de travail extra-légal communément appelé dans leur jargon « TS ». Il dit ne pas comprendre que pour un enregistrement de documents, il faut mettre autant d’heures. « Lorsque les documents sont au niveau des bureaux du Togo et que le traitement (Ndlr : enregistrement et constatation physique du véhicule) finit à 12 heures 30 minutes, et le chauffeur se présente à partir de 13 heures à nos bureaux, nous avons déjà fermé.

Quand on lui demande de payer les frais du travail extra-légal, il dit qu’il était là depuis le matin alors qu’il est venu à la douane du Burkina à 13 heures. Chaque service est autonome », relativise Hilaire Ki. Il saisit l’occasion pour évoquer le comportement de quelques chauffeurs indélicats. « Très souvent, nos agents sont confrontés à l’incompréhension ou au refus de certains propriétaires de véhicules de se voir décharger des marchandises afin qu’un contrôle soit effectué. La douane se doit de vérifier ce que vous transportez afin de faire un listing de vos marchandises pour permettre au bureau de douane de Bittou de gérer les formalités de transit », fait-il remarquer.

Mais Joh n’est pas au bout de ses peines car, à peine sorti du PCJ, qu’il doit marquer un arrêt au poste de gendarmerie de Cinkansé, situé à 500 mètres. Il présente les documents du véhicule pour l’enregistrement accompagné d’un billet de 1 000 F CFA. A Bittou que nous atteignons après un parcours d’environ 30 kilomètres, avant le poste de douane, Joh gare de nouveau devant le poste de gendarmerie à 14 heures 23 minutes. Il nous remet les documents avec un billet de 1 000 F CFA, puis nous propose de faire enregistrer les papiers. Nous nous présentons devant l’agent. Celui-ci récupère les pièces. D’abord, il prend l’argent et le met dans un tiroir à sa droite. Ensuite, il vérifie le carnet d’assurance, la carte grise du véhicule et le permis de conduire du chauffeur et l’assurance avant de procéder à l’enregistrement dans son registre.

A la douane de Bittou, les formalités de transit sont effectuées par des déclarants en douane. Mais le syndrome du « TS » refait surface de plus belle. Joh doit remettre la main à la poche. « Par exemple, aujourd’hui, c’est samedi, tous ceux qui veulent déposer des déclarations doivent au préalable déposer un TS dont le montant s’élève à 11 652 F CFA », justifie Dominique Dadjouari, chef de bureau de poste de Bittou. De l’avis de Ismaël Kaboré, c’est après l’étape de Bittou que le chauffeur peut se dire libéré des tracasseries routières, en attendant le dédouanement de la voiture à Ouagadougou. « Alors qu’à partir de l’enregistrement au PCJ, on peut transférer les données aux autres postes pour nous éviter de payer encore à ces postes. C’est ce qui fait que le prix des voitures d’occasion à Ouagadougou est souvent élevé », nous fait-il savoir. Pour ce qui concerne sa Mercedes qu’il dit avoir acquis à 1 100 000 F CFA à Lomé, hors mis les frais de transit, de réparation et autres « faux frais », il dit que la voiture ne peut être revendue en dessous de
3 000 000 de F CFA.


Paténéma Oumar
OUEDRAOGO
De retour de Lomé

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