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Le Pays N° 5241 du 20/11/2012

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Jacob Wendpayanda Pasgo , Consul général du Burkina près le Gabon : « On ne peut pas gouverner un Etat démocratique et s’attendre à une unanimité »
Publié le mardi 20 novembre 2012   |  Le Pays




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L’homme est très connu du public. Il s’appelle Jacob Wendpayanda Pasgo. Diplomate de carrière, il est, depuis bientôt plus de deux ans, le consul général du Burkina Faso près le Gabon. De passage au pays pour ses congés annuels, nous avons saisi l’occasion pour lui tendre notre micro. Sans langue de bois ni circonvolution diplomatique, il a accepté de se prononcer sur bien des sujets, notamment la situation de nos compatriotes au pays des Bongo, la mésintelligence qui a prévalu au sein de la communauté burkinabè au Gabon en août dernier à propos de l’élection des délégués. Et, actualité nationale oblige, la question des élections couplées dont la campagne s’est ouverte officiellement le 17 novembre a été abordée. C’était le 16 novembre dernier à l’Institut national des hautes études internationales (INHEI).

« Le Pays » : Vous êtes consul général du Burkina près le Gabon, dites-nous succinctement ce qu’est le rôle d’un consul.

Jacob Pasgo : Le consul est, dans la représentation diplomatique, celui qui s’occupe de plus près de la défense des intérêts des ressortissants de son pays. Et à ce titre, il assure l’encadrement administratif. Il délivre une panoplie des titres et de documents utiles pour les Burkinabè surtout quand ils sont à l’étranger. Au premier chef, il s’agit pour lui de les recenser, de les immatriculer et naturellement de les assister quand ils sont dans le besoin.

Lorsqu’ils sont en indélicatesse avec les autorités de force telles que la police et la gendarmerie, le consul a le devoir d’intervenir. Il va jusqu’à assister parfois ses protégés dans le prétoire pour s’assurer que le procès qui leur est fait est équitable.

Quelle nuance y a-t-il entre un consul général et un consul honoraire ?

Le consul général est un fonctionnaire de l’Etat, un diplomate de carrière. Et à ce titre, il couvre tous les actes consulaires, à l’opposé du consul honoraire qui consacre une partie de son temps à la défense des intérêts des Burkinabè et une partie de son patrimoine à cette défense. C’est ce qui fait de lui un philanthrope ou un dilettante. Il fonctionne de façon générale par ses propres deniers. Il est vrai qu’il rend compte, mais il est moins comptable que le consul général qui peut recevoir des injonctions et des inspections du ministère des Affaires étrangères et parfois du ministère des Finances.

Depuis quand êtes-vous à ce poste ?

J’ai été nommé en avril 2010, en tant que premier consul général du Burkina près le Gabon. Avant moi, il y avait un consul honoraire. C’est donc moi qui ai ouvert effectivement le premier consulat, le 12 février 2011. Nous avons pu boucler une tournée de prise de contact avec la diaspora au Gabon qui réside dans toutes les neuf provinces du pays. Ce que nous avons retenu à l’issue de cette prise de contact, c’est la difficulté de vivre sereinement lorsqu’on n’a pas de titre de séjour et la difficulté de se déplacer d’un bout à l’autre du pays pour avoir des prestations. Le consul général est un officier d’Etat civil.

Quels sont, selon vous, les rapports entre le Burkina et le Gabon ?

Les relations entre le Burkina et le Gabon sont anciennes, puisqu’elles ont commencé très tôt après les indépendances et les chefs d’Etat successifs ont entretenu toujours des relations amicales. A l’occasion de la première commission mixte entre le Gabon et le Burkina Faso qui s’est tenue à Ouagadougou du 5 au 7 novembre 2012, les ministres gabonais et burkinabè chargés des Affaires étrangères ont exprimé leur volonté de renforcer les relations et de parcourir le chemin du renouveau entre les deux pays. D’ailleurs, un accord cadre de coopération a été signé à l’occasion. Des pistes de coopération renforcée ont été multipliées dans la direction des échanges des produits de l’agriculture et de la pêche. Tout cela va dans le sens du renforcement de la coopération. Le Burkina et le Gabon, au premier rang desquels pays il faut voir le président Blaise Compaoré et son homologue Ali Bongo Ondimba, sont engagés résolument dans un renouveau diplomatique. Vous savez, l’axe Sud-Sud peut parfois produire un bel exemple de coopération.

A combien sont estimés les ressortissants Burkinabè au Gabon ?

Le recensement que nous avons pu faire et en nous appuyant sur les statistiques existantes dont nous avons hérité nous permettent d’affirmer que la communauté burkinabè du Gabon s’estime à 26 000 personnes environ.

Pourquoi ne pas donc ériger le consulat en ambassade ?

Je crois que les plus hautes autorités sont en train de voir dans quelle mesure procéder à une mutation de la représentation. Laissons- leur le temps de regarder et de décider. Il est vrai que la communauté est importante, mais il est aussi intéressant de relever qu’il y a un fort potentiel de coopération. Comme il y a d’excellentes relations entre les deux chefs d’Etat et que les deux ministres des Affaires étrangères des deux pays s’apprécient mutuellement, tout cela peut militer en faveur de cette mutation.

Dans quels secteurs d’activités s’investissent les Burkinabè du Gabon ?

Les Burkinabè du Gabon sont essentiellement dans la production agricole et maraîchère. Mais il y a aussi une élite civile burkinabè qui s’investit dans l’informatique. Il y a des directeurs de société dans les technologies de l’information, des gérants de société, mais il y en a qui sont dans le bâtiment et les travaux publics. Nous avons de grands entrepreneurs burkinabè qui ont réussi au Gabon. Nous avons des gens comme les Yaméogo Adama, Barro Mamadou, etc. Nous avons également des commerçants, des épiciers, des cuisiniers, des chauffeurs, des domestiques, des gardiens.

Est-ce que tout ce beau monde s’en sort ? Quitter son pays pour être domestique à l’étranger, ce n’est pas évident !

Vous savez qu’il est difficile de dire à quelqu’un de revenir au pays à partir du moment où vous-mêmes y êtes ; c’est vrai que c’est à des titres différents. Moi j’y suis pour faire de la représentation et de ce fait, encadrer la communauté burkinabè qui, parfois, a des problèmes d’organisation liés à des divergences de vues entre les membres de la communauté. Mais nous essayons de les organiser. Donc, leur demander de repartir serait très difficile. Seulement, ce que je leur conseillerai, c’est de s’investir à améliorer leurs conditions de séjour en vivant en conformité avec les lois du pays, et à travailler honnêtement à gagner leur vie. C’est vrai que la propriété terrienne est très encadrée au Gabon, si fait qu’il est difficile d’être propriétaire terrien, mais je me dis qu’on peut toujours s’arranger pour avoir un lopin pour produire bien sans en être le propriétaire.

En août dernier, a eu lieu l’élection des délégués des Burkinabè au Gabon, qui avait fait des gorges chaudes. D’aucuns vous ont reproché d’avoir un parti pris. Qu’en est-il exactement ?

Merci de me donner l’occasion de montrer que cette élection était d’abord une première au Gabon. Premier consul général, premier délégué, le plus souvent, c’est difficile. J’ai hésité puisque j’ai reçu des recommandations soutenues qui me suggéraient de procéder à une désignation. Les enjeux paraissaient tellement grands et la rivalité tenace que j’ai fini par procéder à une élection. Et tout le monde se félicite aujourd’hui des résultats auxquels nous sommes parvenus. Mais pour tout dire, cela n’a pas été facile puisque certains ont cru bon de mettre sur le compte de la partialité du consul leur incapacité à se faire élire délégués.

Les jeux étaient ouverts. On a eu tout le temps nécessaire. On a demandé un report que l’administration centrale nous a accordé afin d’assurer la plus large diffusion possible sur les opérations de vote. On a informé et sensibilisé sur les conditions d’éligibilité pour que tous ceux qui veulent être candidats se prononcent. Les particularités que j’ai cru nécessaires d’introduire concernent le mode du scrutin. J’ai opté pour un scrutin de listes parce que cela nous permettait d’avoir des délégués eux-mêmes soudés. S’ils s’entendent pour composer leur liste, peu importe leur origine ethnique, il ne se poserait pas de problème dans la mesure où ce sont eux-mêmes qui se sont mis en tandem. Mais en même temps, nous avions exclu que les colistiers soient issus d’un même patelin, de la même région, de la même province, tout cela pour permettre une large participation pour qu’aucun segment de la communauté burkinabè du Gabon ne se sente exclu, ou dominé par d’autres segments de la société. Ainsi, nous sommes parvenus à une élection disputée gagnée par une liste.

Les vainqueurs sont Abdou Bara du Centre-Est et Clément Somé qui vient du Ioba. Puisque je ne connaissais ni Abdou Bara ni Clément Somé, on ne peut pas dire que je fais preuve de partialité. La réalité c’est que les gens n’ont pas eu le courage d’aller jusqu’au bout et de se confronter sur le terrain, et ont décidé de retirer leurs candidatures. Et pour justifier ce retrait, ils ont voulu mettre cela sur le compte de la partialité du consul général. Je n’étais ni électeur ni candidat et je n’avais pas de candidat.

Autant dire que toute cette mésintelligence est partie de clivages ethno-régionalistes ?

Peut-être pas de clivages ethniques, mais des différences instrumentalisées. Je veux dire qu’il y a des gens qui utilisent des considérations ethniques pour accroître leur influence. La conscience de soi opposée à d’autres groupes ethniques me paraît mineure. Mais il est vrai que certains veulent jouer sur ces éléments-là. Pour eux, si on est plus nombreux, on doit tout prendre. Mais avec beaucoup de patience, les choses commencent à rentrer dans l’ordre. Tous ceux qui s’opposaient à cette élection sont revenus à la raison et travaillent de manière fraternelle avec les délégués élus.

Oui, mais puisqu’on dit que vous avez délibérément refusé d’ouvrir un bureau de vote à Oyem où résiderait une forte communauté burkinabè. Vous en avez ouvert seulement à Libreville. Pourquoi ?

Je ne suis pas le seul à le faire. Vous savez que le siège d’un consulat ou d’une ambassade se trouve toujours dans la capitale. Et Oyem n’est pas la capitale du Gabon ; c’est Libreville.

Mais le mouvement des populations ne se fait pas suivant cette logique. Il peut y avoir une forte communauté dans une région qui n’est pas la capitale. Et dans ces conditions, pourquoi ne pas ouvrir un bureau de vote là-bas ?

N’oubliez pas qu’on est à l’étranger et qu’il est relativement plus difficile d’organiser des élections. Le consulat siège à Libreville, et avec la logistique dont nous disposons, nous n’avions que la possibilité d’organiser des élections à Libreville. A Oyem, on aurait pu ouvrir un bureau de vote, mais pourquoi ne pas en faire autant à Franceville, à Lambaréné, etc. Des Burkinabè , on en rencontre partout au Gabon. Et ouvrir un bureau de vote à Oyem, ce serait un manque d’équité. Ce que nous avons trouvé comme parade, et cela en faisant violence sur nous-mêmes, c’est que les gens de Oyem trouvent à mi-chemin une zone qui pourrait rallier les gens de Ndjolé, de Lambaréné, de Tchibanga, etc. Là, on aurait pu justifier qu’on a voulu favoriser une large participation de tous les Burkinabè du Gabon d’où qu’ils soient. Et en ouvrant un bureau de vote dans ces conditions-là, on aurait accru la charge budgétaire de cette élection qui, du reste, n’avait pas de financement. En dehors de cela, il fallait aussi assurer la sécurité du vote. Il aurait fallu des ressources humaines avisées pour administrer tous ces bureaux de vote. C’est une opération qui aurait été alourdie sans que cela ne soit nécessaire. Nous nous devons d’être patients et considérer que c’est la première vraie élection disputée des délégués du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger. En tout cas, le processus électoral a été transparent et sincère jusqu’à la fin.

Comment en tant que consul vous entendez colmater les brèches pour qu’il n’y ait pas une fracture sociale au sein de la communauté ?

Les brèches sont déjà colmatées. Depuis le mois de septembre 2011, il y a une union des Burkinabè du Gabon, qui fonctionne à fédérer tous les groupes et associations créés sur la base de l’appartenance professionnelle, de l’âge, de la région, etc. Le processus est en marche et le bureau fonctionne très bien. En tout cas, il faut reconnaître que l’union des Burkinabè du Gabon est l’union la plus fédérale et la plus inclusive. C’est le premier pas de la réconciliation entre les Burkinabè eux-mêmes, quelle que soit leur origine.

Le régime du président Ali Bongo fait face à une fronde socio-politique depuis un certain moment, je dirai même qu’il est aux abois. En diplomate et fin observateur de la scène politique gabonaise, qu’avez-vous à dire ?

Je ne dirai pas comme vous que le pouvoir est aux abois. Je dirai tout simplement que c’est la démocratie à l’œuvre. Il y a un pouvoir élu qui a l’effectivité du pouvoir et l’opposition qui est dans son rôle de s’opposer. Donc, nous sommes en plein dans une démocratie. La lecture que je fais de la situation politique au Gabon est un peu plus mitigée. Je ne crois pas qu’il y a péril en la demeure. Il y a des réformes entreprises qui sont en cours et qui doivent être parachevées. Vous savez que la démocratie et l’Etat de droit requièrent beaucoup de sacrifices. On ne peut pas gouverner un Etat démocratique et s’attendre à une unanimité du corps politique et social. Les intérêts peuvent être parfois divergents et il faut les arbitrer. Ce qu’il faut retenir est qu’on ne construit pas un pays en cassant. On ne construit pas un pays en s’attaquant aux signes et symboles de l’Etat, le patrimoine public de l’Etat est le patrimoine de toute la nation. La revendication actuelle de l’opposition est une conférence nationale qui, le plus souvent, ne se tient que lorsque les institutions ne fonctionnent pas. Moi qui observe la scène politique au Gabon, je n’ai pas l’impression que les institutions ne fonctionnent pas.

Les élections couplées, c’est pour bientôt au Burkina. Une première du genre. Un mot là-dessus ?

Vous savez, la démocratie burkinabè montre des signes de vitalité. Pour moi, lorsque tout est plat ou calme, je me méfie. Mais là, nous avons une opposition qui se bat, même si elle est divisée. Tous les citoyens ont vocation à participer à la vie publique. Que tous les candidats aillent en campagne, qu’ils battent campagne, mais qu’ils ne se battent pas comme l’a dit le Premier ministre, et que le meilleur gagne !

Vous êtes candidat ?

(Rires)… Je ne suis pas candidat. Vous savez que lorsqu’on n’est pas à l’intérieur du pays, il est difficile d’être soi-même acteur politique. Je n’ai pas de candidat, et je ne suis pas candidat. Ma fonction m’impose avant tout, une obligation de réserve et de discrétion. Mais je fonctionnerai comme un citoyen normal comme le président normal de François Hollande. (Rires). En tout cas, pour conclure mon propos, je demande aux Burkinabè du Gabon de s’unir davantage, de relayer leurs différences et de contribuer à l’édification de l’économie burkinabè. C’est pour cela que nous tenons à ce qu’ils soient mieux organisés. Le consulat général du Burkina Faso à Libreville, s’attèle à l’occasion de l’an 2, à refonder des relations d’amitié et de coopération en intéressant les deux pays à des échanges économiques et culturels pour faire de Libreville-Ouagadougou un axe majeur de la coopération Sud-Sud.

Entretien réalisé par Boundi OUOBA

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