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Le Pays N° 5600 du 8/5/2014

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Destruction de parcelles dans le bas-fond aménagé de Siniena : quand l’exécution d’une décision de Justice révolte un village
Publié le jeudi 8 mai 2014   |  Le Pays


Destruction
© Autre presse par DR
Destruction de parcelles dans le bas-fond aménagé de Siniena


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Plusieurs producteurs établis dans le bas-fond aménagé de Siniéna, situé à 15 kilomètres de Banfora, ont assisté, impuissants, à la destruction de leurs parcelles de potagers le 2 mai 2014. Cette action musclée, aux yeux des exploitants, n’est rien d’autre que l’exécution d’une décision de Justice dans le cadre du conflit foncier qui oppose le propriétaire terrien de Siniéna à celui de Niankar. Pour rappel, la Justice a tranché en faveur du second du nom de Djosso. Remontée contre cette destruction des potagers, la population de Siniéna a failli incendier le domicile de celui à qui la Justice a donné raison

En arrivant à Siniéna le 2 mai 2014 dans l’après-midi, c’est un village en ébullition que nous avons trouvé. Des groupuscules s’étaient formés le long de la RN7 qui traverse le village et le sujet qui était sur toutes les lèvres était la destruction musclée des potagers dans le bas-fond aménagé du village sous la surveillance d’éléments des forces de sécurité. Le vieux Bassihié Soma que nous avons trouvé sur place nous a été présenté comme celui qui a sauvé la concession du vieux Djosso d’un incendie. « Je me suis presque mis à genoux pour supplier les jeunes de mon village. Ils m’ont écouté et je pense qu’ils ont été sages. Rien ne sert de se rendre justice soi-même », a-t-il dit avant de se proposer de nous accompagner dans le bas-fond situé à cheval entre les deux villages protagonistes. Sur les lieux, nous avons rencontré la mère d’un des exploitants venue constater les dégâts sur la parcelle de son enfant. Assise sous un manguier, le menton entre les mains, elle n’avait que ses yeux pour pleurer. Plus loin, Kalifa Soma, son frère cadet Baïkaba Soma et leurs épouses évaluaient les dégâts. Après avoir répondu à quelques unes de nos questions, Kalifa tombe en sanglot. « Cela fait dix mois que je m’occupe de ces planches de piments et de choux. Un rendez-vous est même déjà fixé avec mon client pour les récoltes. Voilà qu’en quelques minutes, j’ai tout perdu », s’est-il exprimé en larmes. Il est difficilement consolé par notre compagnon, le vieux Bassihié. C’est finalement son petit frère, Baïkaba Soma, qui relate la scène. « C’est en fin de matinée qu’un monsieur (le huissier sans doute) est arrivé avec 5 éléments des forces de l’ordre et le neveu de Djosso. Derrière eux se trouvaient une trentaine de jeunes de Niankar. Ceux-ci nous ont fait savoir que leur vieux Djosso est désormais le propriétaire des lieux et que, comme cela nous avait été dit, ils sont là pour nous déguerpir. Malgré nos supplications de nous laisser le temps de récolter, ils se sont mis à arracher les pieds de choux et de piment. Le spectacle, quoi qu’on dise, était désolant. Plusieurs hectares de spécialités diverses ont été saccagés. Des pieds de maïs et de bananes se comptaient parmi les plantes terrassées par la trentaine de jeunes ». C’est suite à cela, reprend notre compagnon le vieux Bassihié, que les jeunes de notre village (Siniéna), alertés par ceux qui ont assisté à la destruction, se sont rassemblés et se sont déportés dans le village de Niankar où ils voulaient en découdre avec le vieux Djosso.
Un autre vieux, du nom de Badaye Soulama, qui nous a rejoint dans le bas-fond aménagé, raconte que le conflit foncier oppose les deux villages depuis bientôt six ans. « Dans cette affaire, un des nôtres se trouve d’ailleurs à la Maison d’arrêt et de correction de Banfora depuis trois mois sans même avoir été jugé », fait-il savoir. A l’entendre, depuis leur enfance, ce sont leurs parents qui attribuaient les parcelles dans le bas-fond qui fait l’objet du conflit. « Même le père de Djosso est venu demander la terre à notre père », précise-t-il. « A présent qu’ils ont tous disparu, Djosso, qui est à Niankar, veut tout accaparer. Et il profite de l’arrestation de notre doyen Lanfigui Soma pour laisser entendre à tous les irrigateurs que c’est lui désormais le propriétaire des lieux. Et que toute personne désireuse d’exploiter une parcelle doit passer par lui. Une chose est sûre, poursuit Badaye Soulama, c’est que nous, habitants de Siniéna, sommes les propriétaires desdites terres. De ce fait, nous ne pouvons pas et nous n’allons jamais aller demander nos terres à quelqu’un d’autre. Autrement, que les autorités nous autorisent à faire appel à la tradition et la vérité jaillira », a-t-il poursuivi.
De retour à Siniéna, la population, composée en majorité de jeunes et de femmes, était toujours rassemblée au bord de la RN7. Les membres du Conseil villageois de développement (CVD), quant à eux, étaient déjà à Banfora pour porter plainte. Quant à ceux qu’ils ont laissés au village, ils tenaient toujours à marcher sur Niankar pour en découdre avec ce village, particulièrement avec celui qui veut leur arracher leurs terres. Parmi eux, Sakalmata Héma, un autre vieux, dit avoir envoyé des jeunes plaider auprès du huissier pour que le déguerpissement soit différé. « Mais puisqu’ils ont été insensibles à nos supplications, nous demandons aux autorités de nous permettre de faire appel à la tradition pour clarifier cette situation », a-t-il dit à son tour.
Le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Banfora que nous avons rencontré à propos de la question explique que le vieux Lanfigui n’est pas détenu sans jugement comme l’affirment les habitants de Siniéna. Selon lui, il a refusé de répondre à une convocation de la Justice alors qu’il avait une condamnation avec sursis de 24 mois. C’est ce qui lui vaut la détention à la Maison d’arrêt et de correction de Banfora. Mais pour ce qui est de la destruction des potagers, il a reçu les exploitants à qui il a demandé de formuler une plainte que le tribunal examinera. En attendant, les habitants de Siniéna, puisqu’ils sont les plus nombreux à exploiter le bas-fond, ont décidé de se faire entendre. Le 5 mai 2014, ils ont pris d’assaut la préfecture de Banfora où ils ont traduit leur mécontentement au préfet. Ils ont également signifié au premier responsable du département qu’ils exigent la libération de leur doyen le vieux Lanfigui Soma sans délai.

Mamoudou TRAORE

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