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Le Quotidien N° 1053 du 3/5/2014

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Expertise de la tombe de Thomas Sankara : une patate chaude pour les juges!
Publié le samedi 3 mai 2014   |  Le Quotidien


La
© Autre presse par DR
La tombe de Thomas Sankara


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A Dagnoen, la tombe de Thomas Sankara gardera encore longtemps son secret. La justice burkinabè ne semble pas prête à accéder à la requête de sa famille, celle de savoir s’il s’agit bel et bien du corps de l’illustre disparu qui s’y trouve. Une démarche apparemment simple et normale, mais qui, au regard des atermoiements de la justice, est en réalité une montagne infranchissable. Voilà trois ans que dure la procédure. Trois ans à tourner en rond. Et ce n’est pas fini. La réaction du public présent à l’audience de jeudi dernier est donc à la hauteur de l’indignation que l’on ne peut manquer de ressentir face à cette justice incapable de dire si oui ou non une dépouille peut être expertisée. Mais il n’y a rien de surprenant en cette indécision de la justice. Thomas Sankara n’est pas n’importe qui. Il a été assassiné lors du coup d’Etat qui a porté le président actuel au pouvoir. Il reste exceptionnellement populaire auprès de la jeunesse burkinabè africaine. Bref, c’est un héros pour beaucoup de monde. L’acte d’exhumation est donc hautement politique car il peut entrainer d’autres effets que le pouvoir redoute. Après avoir usé de diverses méthodes pour étouffer le dossier, on voit mal le régime de la 4e République prendre un tel risque. Les pauvres juges burkinabè ne peuvent donc qu’obéir aux injonctions qui leur sont faites. Il faut éviter de leur jeter forcément l’anathème. Car ce sont des êtres humains, dont la carrière dépend du bon vouloir de l’autorité. Professionnellement, ils sont donc dépendants du pouvoir exécutif. Comment voulez-vous que dans ce cas, ils outrepassent les instructions venues du haut lieu ? Sauf à vouloir jouer les héros solitaires, les juges continueront à manier ce dossier explosif avec précaution. Il en de même de toutes les autres affaires de crime de sang. Mais visiblement, la justice burkinabè n’est pas près de sécréter un Epiphane Zoro Bi Ballo, du nom de ce juge ivoirien qui, en 1999, en pleine paranoïa sur l’ivoirité, a osé confirmer la nationalité ivoirienne d’Alassane Ouattara. Mais après sa décision, il lui a fallu choisir entre l’exil et le cercueil. Ce courage, peu de juges africains l’ont. Au Bénin, récemment, le juge d’instruction Angelo Houssou a dû fuir aux Etats-Unis, après avoir ordonné un «non-lieu général » des personnes inculpées dans une présumée tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat.
Ainsi va la justice dans bien des pays africains : soit c’est un héros solitaire qui casse la baraque sans pouvoir toutefois changer le système, soit c’est un pouvoir réellement démocratique qui est élu et met de l’ordre dans la maision. Sinon, en général, la justice fait profil bas. Le juge qui ose prendre une décision allant contre les intérêts du pouvoir est considéré comme suicidaire. On vit donc dans un monde à l’envers, où les juges se cherchent, quand il s’agit de questions sensibles. Tant qu’il s’agit de casser du journaliste, de l’activiste ou de l’opposant gênants, ils se montrent très zélés. La justice est donc à l’image des Etats : si le système est démocratique, elle sera de facto indépendante. Encore que même dans les démocraties avancées, les affaires de crime mettent du temps à être élucidées. Mais le dossier Thomas Sankara n’a rien de mystérieux. La famille cherche juste à vérifier qui gît réellement dans sa prétendue tombe. Il faut dire qu’en soulevant ce problème, les défenseurs de la cause sankariste ont réussi un véritable coup de maître. Alors que l’affaire s’enlisait et que les commémorations du 15 octobre devenaient monotones, ils ont réussi à donner un regain de publicité au dossier, tout en acculant le pouvoir à la défensive. En refusant d’autoriser l’expertise de la tombe, la justice burkinabè jette un doute sur son indépendance. Personne ne croira qu’elle n’est pas aux ordres. En même temps qu’elle se discrédite, elle met le pouvoir dans une situation difficile : il est d’office suspecté d’avoir des choses à cacher .

La Rédaction

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