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Alternance au Burkina : "Ceux qui pensent que Blaise Compaoré a peur ne le connaissent pas" (Alain Yoda, président du groupe parlementaire CDP)
Publié le jeudi 24 avril 2014   |  L’Observateur


Députés
© aOuaga.com par Séni Dabo
Députés CDP : rideaux sur les journées parlementaires
Mardi 4 mars 2014. Ouagadougou. Palais de la culture Jean-Pierre Guingané. Les députés du groupe parlementaire Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ont clos leurs premières journées parlementaires de l`année 2014 ouvertes la veille sur le thème "Démocratie, dialogue politique et paix sociale". Photo : Alain Bédouma Yoda, président du groupe parlementaire CDP


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Partira, partira pas? A l’heure actuelle, nul ne sait si le chef de l’Etat, Blaise Compaoré, va faire modifier l’article 37 de la Constitution pour solliciter un nouveau bail présidentiel en 2015, que ses partisans appellent de tous leurs vœux. Dans cet entretien, le président du groupe parlementaire CDP, Alain Yoda, qui n’est vraiment plus à présenter, estime que seul le peuple souverain peut décider de qui doit le gouverner. De ceux qui pensent que c’est la peur de l’après-Kosyam qui bloque le président du Faso l’ex-ministre des Affaires étrangères dit : "Ils ne le connaissent pas bien".

Vous avez été dans une autre vie l’un des grands pourfendeurs du régime ; vous voilà depuis plus de 15 ans l’un de ses principaux barons. A votre avis les tares que vous critiquiez à l’époque ont-elles disparu ?

• Je voudrais commencer par vous dire que je n’ai jamais été un pourfendeur, comme vous prétendez, du régime. J’ai toujours respecté les institutions et ceux qui les animaient. Je n’avais pas pour habitude d’attaquer les dirigeants ou les personnalités aux motifs qu’elles n’étaient pas de ma formation politique d’alors.
Cependant, je reconnais que je posais des questions que beaucoup d’observateurs trouvaient pertinentes, et les journalistes aimaient bien m’interviewer. Je reconnais également que les ministres qui connaissaient mal leurs dossiers n’étaient pas très à l’aise sur certaines de mes interpellations. Comme je n’étais d’aucun groupe parlementaire, j’étais absolument libre de mes propos. Vous vous souvenez sans doute que pendant les deux premières années de la 1re législature de l’Assemblée des députés du peuple, j’étais député (RSI, Ndlr) non inscrit. C’est après que j’étais député apparenté au groupe parlementaire CNPP/PSD.
En 1992, on venait de connaître les toutes premières consultations législatives, et les stigmates des États d’exception étaient toujours vivaces. Cela signifie qu’en comparaison de cette époque, beaucoup d’améliorations ont eu lieu, même si notre processus démocratique doit continuer de s’approfondir.

Aujourd’hui, c’est certains de vos camarades qui prennent le chemin inverse. Pourquoi ça ne pose pas problème quand on entre mais plutôt quand on sort?

• Personne n’a jamais dit à personne de ne pas sortir. C’est lorsque les raisons de la sortie sont bancales que les critiques sont naturelles et font peut-être mal.
Quand vous parlez d’entrée, vous voulez sans doute faire allusion à la création du CDP?
Alors, laissez-moi vous dire que cela s’est réalisé après d’âpres négociations : si vous regardez le logo du CDP, vous remarquerez que la houe et le cercle auréolé sont tirés du logo de l’ODP/MT, les épis viennent de celui de la CNPP, le plan d’eau a été pris dans le logo du RSI... Tous les treize partis et formations politiques qui ont fusionné pour créer le CDP ont réuni leurs instances habilitées avant l’opération. Il n’y a pas eu d’entrée: il y a eu fusion pour créer une nouvelle formation politique avec une nouvelle idéologie politique qui se trouve être celle de mon ancien parti

Au vu de la déferlante populaire qui accueille le MPP depuis sa création, considérez-vous toujours que c’est un non-événement ?

• Je ne sais pas combien de fois on devrait vous répéter que le terme "non-événement", qui semble avoir fait mouche dans vos rédactions, signifie pour nous "événement sans surprise", car les intéressés croyaient nous surprendre alors que nous, nous savions pertinemment que ces départs étaient calés depuis la fin du Ve Congrès ordinaire, même si l’opération était en gestation depuis des années.
Quant à ce que vous considérez comme "déferlante populaire", attendez de voir comment cela va se manifester dans les urnes. En ce qui nous concerne, nous continuons notre chemin, et eux le leur. Le peuple saura reconnaître les siens le moment venu.

En tout cas, vous organisez la riposte, et dans ce cadre le Front républicain s’est formé autour du CDP. Vous qui avez connu cette période, ça ne vous rappelle pas les guerres de tranchées CFD/ARDC au début des années 90 ?

• Là encore, je suis désolé de vous rappeler que nous n’organisons aucune riposte. L’idée du Front républicain date de 2011/2012. Des négociations ont été entreprises avec des partis et formations politiques en vue de créer un cadre de concertation de partis de la Majorité et de l’Opposition (comme le souhaitait d’ailleurs le CCRP) en vue d’un dialogue politique fécond sur des sujets d’importance nationale. En rappel, ce Front républicain, qui n’est pas un parti politique, a pris corps avant la naissance du parti de nos démissionnaires.
Quant à ce que vous appelez "guerre de tranchées ARDC/CFD" (Alliance pour le respect et la Défense de la Constitution/Coordination des forces Démocratiques, Ndlr) je ne vois pas le rapport. C’est vrai qu’à l’époque, comme ma formation politique n’était ni de l’ARDC ni de la CFD, mais prônait plutôt ce que JJ appelait la 3e voie, je peux ne pas saisir le fond de votre question. Je répète tout simplement que le Front républicain est un cadre de concertation de partis politiques qui croient aux valeurs et aux institutions de la République et qui veulent travailler à approfondir notre jeune processus démocratique par le dialogue comme cela est de coutume dans toute démocratie civilisée. Il déroule son programme d’activités annuel sans se soucier de qui fait quoi avant, pendant ou après ses activités à lui qui sont, je le répète, programmées sur l’année.

Le F.R. a tenu le 12 avril 2014 à Bobo un grand rassemblement ; quelles grandes leçons en tirez-vous?

• C’était effectivement un grand rassemblement dans lequel jeunes, moins jeunes et femmes des 37 partis que comptait alors le Front républicain (aujourd’hui nous en sommes à 49) se côtoyaient gaiement et fraternellement.
Mais nul ne doutait un seul instant que le stade Wobi refuserait du monde quand on sait que toutes les mairies de notre capitale économique sont contrôlées par les partis membres du Front républicain, d’une part, et, en raison de la mutualisation de nos capacités d’organisation, d’autre part. Ceux qui pensaient le contraire sont des myopes politiques, et nous nous en réjouissons, car cela nous rend la tâche plus aisée.
Si des leçons sont à tirer, je me garderais bien de les étaler ici, car nous sommes prudents, modestes et humbles. Nous réservons les leçons tirées de cette première manifestation de notre Front aux partis adhérents et je vous demande pardon de ne pouvoir les étaler ici.

En tout cas, il y avait du monde. Etait-ce la foule ou le peuple?

• Nul ne peut contester que le peuple de Sya tel que sorti en grand nombre a constitué la foule du stade Wobi pour le meeting du Front républicain le 12 avril 2014.

Le nœud de la crise, c’est la volonté de tripatouillage de l’article 37. En votre âme et conscience, est-ce bien raisonnable, surtout au vu de l’évolution actuelle de l’Afrique et du monde, de vouloir jouer les prolongations après près de 30 ans de règne?

• Il est vrai qu’il y a actuellement dans notre pays des débats passionnés sur un certain nombre de sujets dont l’importance n’échappe à personne. Cela dénote évidemment du dynamisme de notre démocratie.
Vous me permettrez, néanmoins, de récuser énergiquement votre terme de "tripatouillage" de même que votre expression de "règne" et je m’explique.
D’abord, l’article 37 n’est pas verrouillé, contrairement à ceux qui traitent du multipartisme, de la forme républicaine de l’Etat et de l’intégrité du territoire, donc, il peut être modifié : c’est la position de mon parti et de tous ses militants y compris ceux qui sont aujourd’hui démissionnaires et qui en avaient conçu le principe, l’avaient fait adopter par notre IVe Congrès par une résolution et s’en étaient fait les défenseurs zélés pendant qu’ils contrôlaient le CDP avant de retourner leur veste aujourd’hui sans débats internes. Le principe de cette modification, dont la procédure est codifiée, ne constitue donc en rien un "tripatouillage".
Mais je constate que les acteurs politiques et la société civile politisée n’arrivent pas à réaliser un consensus sur le sujet. C’est pourquoi il faut se tourner vers le souverain suprême qu’est le peuple pour mettre tout le monde d’accord. Quelle que soit la décision du souverain, tout le monde doit s’y conformer pour donner tout son sens à la démocratie et à la République. S’opposer au recours au souverain de qui nous tenons nos mandats est non seulement antirépublicain mais également antidémocratique. Ensuite, le mot "règne" n’a rien à voir dans nos débats. Blaise Compaoré n’est pas Président du Faso par le sang: il a été élu par le peuple burkinabé, et il exerce son mandat dans les délais et la forme prescrits par notre Loi fondamentale. Ce sont de tels termes qui sont de nature à dévoyer la fonction présidentielle et à faire asseoir la fausse idée de monarque dans une république. Est-ce à dessein ? Je n’ose y croire.
Enfin, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, nos États sont encore très fragiles, et les événements de 2011 dans notre pays nous le confirment sans parler des graves menaces qui pèsent sur notre sous-région. L’alternance au pouvoir dans une république démocratique est, de toute évidence, une affaire qui ne se décrète pas. Elle est réalisée par le souverain qu’est le peuple à travers des consultations électorales périodiques.

Pourquoi veut-on faire croire que Blaise Compaoré est irremplaçable et indispensable?

• Personne ne veut faire croire que le Président Compaoré est indispensable et irremplaçable. En tout cas pas au CDP. Ce dont il s’agit, c’est de laisser le peuple décider de qui doit le gouverner.

Dans ce qui reste du CDP et même parmi les 16 millions de nos compatriotes, personne n’est capable de poursuivre le travail abattu par Blaise?

• Qui vous tiendrait une pareille sottise? Par contre, pouvez- vous me dire de quel droit une catégorie de personnes non majoritaires dans le pays peut décider que Blaise Compaoré doit partir ? Si malgré tout, cette catégorie croit qu’elle est majoritaire, eh bien qu’elle fasse campagne pour faire échec au référendum, et la démocratie burkinabé en sortira grandie !

Des personnalités comme vous, Kadré, Djibril Bassolé, Hermann Yaméogo, Roch, Zéphirin, Gilbert et bien d’autres, qui ont exercé différentes responsabilités, ne sont-elles pas aujourd’hui mieux préparés à assumer la charge suprême que Blaise Compaoré ne l’était en 1987?

• Tous ceux que vous avez cités, et vous en oubliez certainement, sont probablement capables de tenter d’exercer la fonction. Pour ce faire, ils doivent être élus par le peuple souverain.

Vous avez été président du Comité national d’Organisation de la Journée nationale du Pardon (JNP) organisée après le drame de Sapouy et le Collège de sages. Pourquoi faut-il aujourd’hui revenir sur le compromis historique sur l’Article 37 qui avait permis de résorber la crise?

• Un compromis, quel qu’il soit, n’est pas au-dessus de dispositions constitutionnelles qui, seules, fondent la république.
Par ailleurs, je ne puis confirmer que la révision de l’article 37 a été la seule chose qui a permis de résorber la crise à laquelle vous faites référence.

Les adeptes du tripatouillage, qui savaient pourtant pertinemment dès le départ qu’il n’y aurait pas de consensus sur l’article 37, prennent aujourd’hui prétexte de ce manque de consensus pour appeler au référendum. En son temps, avez-vous eu besoin du peuple pour accepter la limitation des mandats?

• Je répète qu’il ne s’agit pas de tripatouillage concernant l’article 37, qui n’est pas une disposition verrouillée que l’on chercherait à déverrouiller. Ensuite, aucune disposition constitutionnelle non verrouillée ne peut être modifiée sans l’intervention du peuple soit directement, soit indirectement à travers ses représentants.
Le recours au référendum par le président du Faso est autorisé par notre Loi Fondamentale.

Pour certains, c’est la peur du lendemain qui bloque Blaise. Si on suit cette logique, il ne quittera donc jamais le palais de Kosyam ?

• Je ne pense pas que le Président Compaoré soit un peureux. Ceux qui pensent ainsi ne le connaissent vraisemblablement pas.

Dans L’Observateur Paalga du jeudi 10 avril, un de nos lecteurs a fait un article imaginaire sur la passation de service en décembre 2015 entre Blaise Compaoré et son successeur élu. Cela n’est pas plus glorifiant que la course vers l’inconnu?

• Je salue l’exercice de votre lecteur. Cela se réalisera certainement un jour.

L’ambassadeur des Etats-Unis a rencontré les responsables du CDP. De quoi avez-vous parlé?

• Nous remercions encore une fois SEM l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique pour sa visite. Vous aurez constaté que nous n’avons fait aucun tapage médiatique autour de cette rencontre, qui était une courtoisie diplomatique ayant permis de s’informer mutuellement d’un certain nombre de sujets. N’étant pas de ceux-là qui font feu de tout bois, je m’excuse de ne pouvoir vous en dire davantage.

Entretien réalisé par
Adama Ouédraogo Damiss

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