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Sidwaya N° 7240 du 27/8/2012

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Absétou Lamizana/sanfo, coordonnatrice nationale Fawe/Burkina : « L’adoption et l’application de mesures spécifiques de protection des filles domestiques est une nécessité »
Publié le lundi 27 aout 2012   |  Sidwaya




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Au Burkina Faso comme dans de nombreux pays africains, les pires formes de travail des enfants est un fait préoccupant. Des actions multiformes sont engagées pour promouvoir et protéger les droits des enfants en vue de leur garantir un avenir meilleur. C’est dans ce sens que le Forum des éducatrices africaines (FAWE), un projet de « Plaidoyer, mobilisation sociale et éducation contre les pires formes de travail des enfants et particulièrement des filles dans la province du Kadiogo ». Mme Absétou Lamizana/Sanfo, coordonnatrice nationale de FAWE-Burkina en donne les grandes lignes dans cette interview.

Sidwaya (S) : Comment se présente la situation des filles travailleuses domestiques dans la province du Kadiogo ?

Absétou Lamizana (A.L.) : Le plus souvent déscolarisées ou non scolarisées, sans qualification, âgées en moyenne de 12 à 16 ans, ces filles sont en majorité migrantes, donc vulnérables et évoluent dans des espaces privés hors des regards du public et en l’absence de protection juridique suffisante. Leurs conditions varient d’un employeur à un autre. Mais d’une façon générale, ces filles sont exposées à toutes sortes d’abus et de maltraitances.
Les causes d’une telle situation sont essentiellement liées à la pauvreté des parents, à la sous- scolarisation des filles, au désœuvrement, à la pression sociale exercée par les pairs, à l’envie de découvrir à la ville, à la recherche du mieux-être matériel.
Le combat de FAWE porte évidemment sur la protection des droits des enfants en général, mais surtout sur le droit à l’éducation, particulièrement pour la fille, car l’éducation constitue pour nous la porte d’entrée de tous les autres droits. C’est dire que les filles travailleuses domestiques devraient pouvoir bénéficier d’opportunités pour accéder à une éducation de base minimum et à la formation professionnelle.

S. : Quelles actions votre structure a pu mener jusque-là pour le bien-être de ces filles ?

A. L. : Créée en 1992, FAWE a pour mission essentielle de promouvoir l’équité et l’égalité de genre dans l’éducation par l’adoption de politiques, pratiques et attitudes favorables à l’éducation des filles. Ainsi, en tant que filles en situation difficile, les travailleuses domestiques ont toujours fait partie des cibles privilégiées de FAWE Burkina. Depuis 1994, en collaboration avec les ministères en charge de l’Education et de l’Action sociale, et l’appui de partenaires comme l’UNICEF, Solidar suisse (ex OSEO) et Diakonia, nous travaillons à la prévention du phénomène à travers des activités d’éducation non formelle (cours du soir et alphabétisation à Ouaga et Tougan) et de formation professionnelle (Centres de ressources et de formation à Ouaga, Bobo et Tougan).

Aujourd’hui, plus de 2 980 adolescentes déscolarisées et non scolarisées ont été encadrées au niveau des cours du soir avec un taux moyen de réussite au Certificat d’études primaires (CEP) de 65%. 619 filles ont reçu des formations dont 211 exercent des métiers en couture, mécanique, électronique, plomberie…. 480 filles et mères de la province du Sourou ont bénéficié de subventions pour permettre leur autonomisation. Toutes ces actions visent à réduire la migration de ces filles vers les centres urbains.

S. : Existe-t-il des textes spécifiques aux droits des filles domestiques ?

A. L. : Au Burkina Faso, un cadre juridique en faveur des enfants travailleurs existe mais pas en ce qui concerne spécifiquement le travail domestique. Notre Constitution par exemple, en son article 2, interdit les pratiques esclavagistes, les traitements inhumains et cruels, les sévices et les mauvais traitements infligés aux enfants. Il y a également des textes tels que le Code du travail au Burkina Faso qui fixe l’âge minimum d’admission au travail à 16 ans et ce en conformité avec la loi d’Orientation de l’éducation qui prescrit l’obligation scolaire à 16 ans ; la loi 029-2008/AN portant « lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées » qui protègent les enfants et sanctionne les contrevenants,etc. Nous pouvons aussi citer certaines Conventions que le pays a ratifiées. Il s’agit de la Convention relative aux Droits de l’Enfant, la Convention 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) portant « Interdiction des pires formes du travail des enfants et de la traite ». Cependant, aucun de ces instruments ne régit spécifiquement la profession des enfants travailleurs domestiques.

S. : Face à cette situation que vous déplorez, que comptez-vous faire ?

A. L. : Face à la persistance du phénomène de l’exploitation du travail des enfants particulièrement des filles, FAWE, avec l’appui de Diakonia, a initié le projet de Plaidoyer mobilisation sociale dans le but de renforcer ses interventions en matière de promotion et de protection des droits des filles travailleuses-domestiques. Le but visé est d’améliorer les conditions de travail et le respect des droits de ces filles.
C’est dans ce sens qu’une étude a été menée pour mieux connaître les conditions de vie et de travail de ces filles au niveau de la province du Kadiogo, l’une des principales provinces de destination des filles migrantes. A la suite de cette étude et des recommandations qui ont été faites, il est apparu nécessaire d’organiser un atelier de plaidoyer qui a abouti à la mise en place d’un groupe de plaidoyer et à l’élaboration d’un plan d’action en vue d’apporter des solutions aux problèmes identifiés. Faire prendre des mesures spécifiques pour la protection de ces filles travailleuses-domestiques, renforcer les actions d’information et de sensibilisation des communautés à la base aux droits des enfants en général et ceux des filles travailleuses- domestiques en particulier, créer une synergie entre les intervenants du domaine, tels sont, entre autres, des actions qui ont été envisagées.

S. : A qui s’adresse ce plaidoyer ?

A. L. : Celui-ci s’adresse en premier lieu aux acteurs étatiques en charge des questions de droits, de justice, de sécurité sociale, du travail, des lois sociales et de l’éducation. Il s’adresse également aux élus ainsi qu’aux demandeurs/employeurs.
Les cibles secondaires dans le cadre de ce plaidoyer sont les partenaires techniques et financiers, les pourvoyeurs/tuteurs.
Et comme alliés, le groupe compte sur les médias ainsi que les autres structures intervenant dans le domaine.

S. : Que répondez-vous à ceux qui pensent que celles qui, officiellement luttent pour le respect des droits des filles travailleuses- domestiques, sont les premières à les fouler du pied ?

A. L. : Des cas ont certainement dû être constatés et cela est malheureux. Ce d’autant plus qu’il faut admettre que de nos jours, la quasi-totalité des ménages, particulièrement au niveau des centres urbains, a recours aux services de ces filles dont l’apport reste appréciable tant au plan social, qu’économique. Mais est-ce que cet apport devrait se faire au détriment du respect de la dignité et des droits fondamentaux de ces dernières ? Assurément non.

S. : Quelles sont les chances réelles pour que votre combat aboutisse ?

A. L. : Le combat n’est certainement pas gagné d’avance. Comme vous le savez, le changement de mentalité est un travail de longue haleine. En outre, les causes du phénomène sont aussi multiples que complexes. Toutefois, nous pensons que le contexte actuel est très favorable. En effet, il existe depuis juin 2011, un instrument international concernant le travail décent des travailleurs et travailleuses domestiques, la convention 189 de l’OIT. Celle-ci n’a pas encore été ratifiée par le Burkina, mais nous pensons qu’elle est un complément aux normes déjà existantes. Sa ratification permettra de faire un grand pas dans la réglementation du secteur. Au compte des mesures spécifiques pour la protection des filles travailleuses-domestiques à prendre, on peut parler du processus d’élaboration de la loi sur les violences faites aux femmes et aux filles en cours au niveau de l’Assemblée nationale. Nous restons optimistes, quant aux résultats de notre plaidoyer.

S. : Quelles sont les actions immédiates que FAWE entend mener dans le cadre du plaidoyer ?

A. L. : Ce plaidoyer se réalise à travers un projet qui est en cours depuis 2011 et un certain nombre d’activités ont déjà été réalisées. C’est par exemple la campagne d’information sensibilisation qui a ciblé les ménages, les pourvoyeurs, les filles travailleuses- domestiques et les populations des arrondissements de Bogodogo, Baskuy, Signonghin, Boulmouigou et Nongr-Massom. Celle–ci s’est réalisée à travers des causeries-débats, du porte-à-porte et l’organisation de théâtre-forum. Il y a également eu l’enregistrement et la diffusion d’émission radio en français, jula et mooré au niveau de la Radio nationale et de quelques radios de proximité de la ville. De même un spot sur les conditions des filles travailleuses-domestiques a été produit et diffusé à la radio et la Télévision nationale, etc.

S. : Avez-vous des messages à adresser ou des appels à lancer ?

A. L. : Notre appel se fera en direction de l’Etat pour une interdiction formelle du travail de la petite fille. Il est important que des mesures soient prises pour l’application effective des normes établies en termes d’âge minimum d’admission à l’emploi, de sorte que des filles d’âge scolaire ne se retrouvent plus en marge du système scolaire. De même, certains aspects du travail des filles travailleuses domestiques tels que le nombre d’heures de travail, le temps accordé aux loisirs et à l’éducation, la nature et le montant de la rémunération, les sanctions et autres formes de traitements avilissants requièrent qu’un minimum de mesures soit établies. En somme, le secteur a besoin d’être réglementé.

Interview réalisée
par Habibata WARA

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