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Le Quotidien N° 1035 du 10/4/2014

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Détention de 3 fidèles à la maison d’arrêt et de correction de Leo : Une mosquée au coeur des tensions
Publié le jeudi 10 avril 2014   |  Le Quotidien




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Le lundi 7 avril 2014, la gendarmerie de Léo a été assiégée par une partie de la population de Kayéro qui exige la libération sans condition de Abdoul Rachid Diasso, Salia Diasso et Hamidou Diasso, détenus à la Maison d’arrêt et de correction. Pour cette partie de la population, composée essentiellement de femmes, l’interpellation n’est pas fondée. Elle fait suite à la plainte du conseiller municipal du village, Zacharia Diasso, pour atteinte à l’intégrité physique et coups et blessures. Pour les manifestants, le fond du problème est une mosquée qui est venue diviser le village en deux camps : celui de l’ancienne mosquée et celui de la nouvelle. A Kayéro où nous nous sommes rendus le 7 et 8 avril 2014, les deux camps étaient sur le qui-vive.
Kayéro est une petite bourgade la province de la Sissili. Situé à 15 km de Léo, il ne compte guère plus de 500 habitants. Divisé en 4 quartiers, il compte autant de mosquées que de quartiers. C’est dire que la religion musulmane a bon nombre d’adeptes pour un village qui, selon les indiscrétions, était jadis le terrain de la religion traditionnelle. Derrière cette apparente ferveur de la foi islamique, les populations sont divisées en deux camps, l’un de l’ancienne mosquée et l’autre de la nouvelle mosquée. De nos jours, la tension est visible et selon les témoignages recueillis sur place, les deux camps se regardent en chien de faïence. Le pire a été évité le 20 février 2014 où lors d’un « doua » , les deux camps se sont livrés à un affrontement faisant plusieurs blessés dont le conseiller municipal du village, Zacharia Diasso. Après l’interpellation de 9 personnes, dont 5 du camp de l’ancienne mosquée et 4 de l’autre, par la gendarmerie de Léo, les choses semblaient entrer dans l’ordre, a laissé entendre Arouna Diasso du camp de l’ancienne mosquée. « Après l’affrontement, les gendarmes nous ont conseillé de régler la crise de façon concertée et en famille car, il s’agit d’une affaire religieuse. Néanmoins, chacun a dû payer 24 000 F CFA comme amende. » Zacharia Diasso, blessé lors de l’affrontement du 20 février 2014, n’entendait pas les conseils de cette oreille. Rencontré le 7 avril 2014, il a laissé entendre qu’il a frôlé la mort et que dans ces conditions, il ne pouvait que se référer aux services compétents de l’Etat pour régler ce genre de situation. « Pendant 14 jours, je ne pouvais pas parler. Pendant 12 jours, je me suis contenté d’eau et de jus comme alimentation. J’ai dépensé beaucoup d’argent pour me soigner. C’est pourquoi, dès que j’ai recouvré la santé, j’ai saisi la justice », a-t-il confié. Suite justement à la saisine de la justice, Abdoul Rachid Diasso, marié et père de 3 enfants, Salia Diasso, marié à 3 femmes et père de 14 enfants, et Hamidou Diasso, marié à 2 femmes et père de 6 enfants, tous du camp de l’ancienne mosquée, ont été transférés à la Maison d’arrêt et de correction de Léo. « La gendarmerie a convoqué, le 4 avril 2014, 6 personnes. Quand elles sont allées, 3 ont été retenues. Le lendemain, nous sommes allés pour leur rendre visite. C’est alors que les gendarmes ont dit qu’elles ont été transférées à la prison civile », a dit Mama Diasso, une résidente du village de Kayéro. Il n’en fallait pas plus pour irriter le camp de l’ancienne mosquée qui est sortie pour manifester sa colère à la gendarmerie de Léo. Le 7 avril 2014, au domicile des personnes interpellées, nous avons trouvé des femmes et des enfants apeurés qui n’avaient que leurs yeux pour pleurer. Et Arouna Diasso de confier que lors de l’audience que la population a eue avec le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Léo, la solution réside dans le retrait pur et simple de sa plainte par le conseiller municipal. Pour le moment, celui-ci n’est pas prêt à tendre une telle main généreuse. Peut-être bien que la médiation entreprise par les chefs coutumiers de Léo et de Sanga résoudra le problème. Comme il a été dit plus haut, c’est la construction d’une mosquée qui est à l’origine de la crise.

Une mosquée, la pomme de discorde

Si pour le conseiller municipal Zacharia Diasso, l’évocation de la mosquée dans la crise actuelle n’est pas fondée, elle y a pourtant joué un rôle primordial. Et c’est Mama Diasso qui nous a fait l’historique de la mosquée, au nom du camp de l’ancienne mosquée. « Nous avions notre patriarche, Ali Diasso, mort à l’âge de 102 ans, qui après ses études du coran au Ghana est revenu implanter la religion islamique dans le village de Kayéro. Lors d’une grande prière qu’il a organisée et qui avait pour thème, « L’apprentissage du saint coran par les femmes », il a demandé au Cheick Mahmoudou Bandé, venu le soutenir, une mosquée pour le village, car celle qui existait commençait être petite par rapport à l’engouement. Le Cheick a voulu agréer la demande de notre patriarche par l’intermédiaire d’un certain Anas Zoromé. Ce dernier, au lieu de porter l’information directement à l’iman, a vu le conseiller du village, Zacharia Diasso, qui s’est accaparé du projet de construction de la mosquée à des visées politiques. Selon le conseiller municipal, c’est le député-maire de la localité, Mahama Yacouba Diakité, qui était le donateur de la mosquée. C’est cette information qu’il est allé porter à l’attention du chef du village, aujourd’hui décédé. Le conseiller municipal a décidé que la mosquée sera construite sur la voie principale du village, alors que l’ancienne était située à l’intérieur du village à côté de la concession du patriarche. Informé, celui-ci a dit que l’on ne démolit pas une mosquée pour en construire une autre. Il a préconisé, à la lumière de ses connaissances islamiques, que la mosquée soit construite à côté du site de la première. En effet, son frère qui était décédé avait laissé sa concession vide. Le patriarche proposait de démolir la maison située au bord la grande voie pour y dégager suffisamment d’espace pour la construction de la mosquée. Cette proposition n’a pas été acceptée par le conseiller municipal qui a dit que la mosquée n’était pas celle promise par le Cheick Mahmoudou Bandé, mais du maire de Léo. Nous avons dit que si la mosquée était construite sur la grande voie, nous n’allons pas y prier car, la majorité de la population n’était pas d’accord. Malgré les divergences de points de vue, le conseiller et le maire de Léo se sont campés sur leur position. Ce sont les politiciens qui ont décidé à la place des religieux. Malheureusement, lors du pèlerinage à la Mecque en 2012, notre patriarche y est décédé. Après la mort du vieux, ses enfants ont choisi de suivre sa décision, c’est-à-dire ne pas aller prier dans la nouvelle mosquée. C’est ce que nous faisons simplement. Mais à plusieurs reprises, nous avons été l’objet de provocations de la part du conseiller municipal. Aussi, le village s’est divisé en deux camps, celui de l’ancienne mosquée et celui de la nouvelle. »
Pour le conseiller du village, Zacharia Diasso, le patriarche tenait coûte que coûte à voir la mosquée située à côté de chez lui. Aussi, la nouvelle mosquée ne serait pas un don du Cheick Mahmoudou Bandé, comme le faisait croire le patriarche. Voici son témoignage : « J’ai été un acteur clé dans la construction de la mosquée dans mon village. C’est moi qui ai eu l’idée car pour moi, en tant que conseiller municipal, il fallait la construire pour contribuer au développement du village. Pour cela, j’ai pris attache avec Anas Zoromé, qui travaille avec des Arabes. Par son intermédiaire, deux villages, Météo et Pengdwendé, ont bénéficié de mosquées. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il y avait le financement d’une mosquée, mais qu’il comptait l’offrir au maire de Léo d’alors, Yacouba Diakité, pour consolider ses relations avec lui. Aussi, j’ai tout de suite saisi le maire pour qu’il ne cède pas la mosquée à un autre village. Pour postuler à l’obtention de la mosquée, il fallait adresser une demande, avec la somme de 500 000 F CFA. J’ai expliqué les conditions à la communauté musulmane et il a été convenu que les familles cotisent. Quand l’iman (le patriarche) a eu l’information, il ne l’a pas accueillie avec enthousiasme. Ce jour-là, il a dit que les arabes n’étaient pas aussi croyants que nous le croyions. Depuis ce jour, nous avons compris que l’iman n’était pas favorable à l’érection de la mosquée. Devant la difficulté d’avoir les 500 000 F CFA, nous avons puisé sur un fonds destiné à la construction d’une retenue d’eau. Et ce sont 250 000 F CFA que nous avons versés dans un premier temps. Deux mois après, Anas Zoromé m’a appelé pour me dire de trouver un lieu pour la construction de la mosquée. Il a aussi demandé que l’on ramasse du sable et du gravillon. C’est à partir de ce moment que le problème s’est posé. Lors d’une rencontre avec le chef du village, le conseiller villageois de développement et les responsables des familles, il a été décidé que la mosquée sera construite sur la voie principale parce que c’est un espace grand et visible par tous, surtout par les passants. L’iman n’a pas accepté ce lieu. Il a par contre proposé une concession qu’il fallait au préalable démolir. Après cette rencontre, le point a été fait au maire qui a dépêché deux de ses conseillers municipaux pour trancher le problème. Ceux-ci ont dit qu’il appartenait à la population de choisir le meilleur site. Tout le monde a convenu que le meilleur lieu était celui qui était sur la voie principale. Après cet épisode, nous avons commencé à ramasser le sable. Un soir, un des fils de l’iman est venu dire qu’il réclamait la cotisation de sa famille qui s’élevait à 47 000 F CFA. Ce qui a été fait. L’iman est allé par la suite voir le maire de Léo à qui il a fait plusieurs remontrances. Il est allé aussi voir le Cheick Mahmoudou Bandé qui lui a dit qu’il n’était pas au courant de la construction de la mosquée. Plusieurs médiations ont été menées en vain. Le problème est resté jusqu’à ce que nous commencions la construction de la mosquée. L’iman et ses enfants n’ont jamais apporté le moindre soutien. La date du 3 mai 2013 a été celle de l’ouverture de la mosquée. »
Anas Zoromé de l’Agence des musulmans d’Afrique que nous avons rencontré dans la matinée du mardi 8 avril 2014, à Léo, a livré un discours qui corrobore celui du conseiller municipal. Selon lui, le patriarche s’est acharné à faire échouer le projet de construction de la mosquée. « Mahmoudou Bandé n’est ni de près, ni de loin, mêlé à la construction de la mosquée. C’est l’ONG Qatar Charity qui a construit la mosquée. L’ancien iman, Ali Diasso, a travaillé à ce que le projet ne voit pas jour. Il est venu me voir personnellement pour cela. Chose que j’ai refusée », a-t-il dit avant d’ajouter qu’il a à son actif la construction de plus de 10 mosquées depuis qu’il est à Léo (Ndlr : une dizaine d’années).
Après donc la construction de la nouvelle mosquée, le village s’est divisé en deux camps. C’est finalement le feuilleton du 20 février 2014 qui est venu remettre sur le carreau les clivages.
Nous n’avons pas pu rencontrer l’ancien maire de la commune de Léo, Yacouba Diakité, absent du pays. Pour l’iman de l’ancienne mosquée, Alassane Diasso, il est impératif que les deux camps fument le calumet de la paix. « C’est le message que mon maître m’a transmis avant son voyage à la Mecque », a-t-il dit .

Par Raogo Hermann OUEDRAOGO

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