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Sidwaya N° 7639 du 7/4/2014

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Alphonse Ouédraogo, Directeur Général de l’autorité de mise en valeur de la Vallée du Sourou : « Le Sourou possède le potentiel nécessaire pour devenir un pôle de croissance »
Publié le mardi 8 avril 2014   |  Sidwaya


Alphonse
© Autre presse par DR
Alphonse Ouédraogo, Directeur Général de l’autorité de mise en valeur de la Vallée du Sourou


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Promotion des pôles agricoles, investissements dans la vallée du Sourou, projet blé, le directeur général de l’Autorité de mise en valeur de la vallée du Sourou (AMVS), Alphonse Ouédraogo, rencontré le 6 mars 2014 à Ouagadougou, donne des éclairages sur ces questions et explique l’apport des aménagements hydroagricoles dans l’économie burkinabè.

Sidwaya (S.) : D’aucuns estiment que la vallée du Sourou a un potentiel tel qu’elle pourrait être transformée en pôle de croissance, à l’image de Bagré. En quoi cela peut-il se justifier ?

Alphonse Ouédraogo (A.O.) : La vallée du Sourou comme Bagrépôle a un grand potentiel hydroagricole. Les aménagements y ont été créés pratiquement dans la même période. Dans les années 70, le pays a connu des cycles de grandes sécheresses. Le gouvernement a compris qu’il fallait développer la maîtrise de l’eau pour sécuriser la production. On a identifié ces zones comme étant comme des zones potentielles où on pourrait développer la production irriguée à grande échelle, sans que les aléas climatiques ne viennent hypothéquer cette production. Bagré a une capacité d’un milliard 700 millions de m3 d’eau. Le Sourou n’a pas la même échelle mais nous pensons qu’on peut transformer cette vallée en pôle de croissance. C’est-à-dire un domaine qui peut être véritablement promu et qui est susceptible de créer du développement et tirer les autres secteurs du développement. La porte d’entrée agropôle c’est l’aménagement hydroagricole. Si le potentiel qui existent au Sourou est judicieusement exploité, il peut créer du développement tout autour et partant, favoriser le développement d’autres secteurs comme les transports, le commerce, l’éducation, l’emploi, etc. L’Etat sera là pour animer la dynamique de partenariat public-privé qui doit être portée par le secteur privé. Le Sourou dispose aujourd’hui de tout le potentiel nécessaire pour être transformé en pôle de croissance. Il y a une base déjà prête à cet effet, notamment 3800 hectares sur les anciens périmètres et 2240 hectares en réalisation grâce au Millennium challenge corporation (MCA). Par ailleurs, 1000 hectares seront aménagés par la Banque islamique de développement et 500 par la Coopération japonaise (JICA). Aussi, d’ici à 2015- 2016, on aura entre 6000 et 7500 hectares aménagés dans la vallée sur un potentiel estimé à 30 mille.

S. : Quel rôle joue l’Autorité de mise en valeur de la vallée du Sourou (AMVS) dans l’exploitation et le développement de la vallée ?

A.O. : L’AMVS est un Etablissement public de l’Etat (EPE) à caractère administratif. Nous pensons aujourd’hui, qu’il faut lui donner une autre vocation car elle ne peut pas gérer juste l’administration. Il faut y adjoindre une mission d’intérêt économique. C’est dans ce sens que depuis 5 ans, nous avons engagé une réforme pour transformer l’AMVS en société d’économie mixte, à l’image de Bagré, capable d’impulser le développement en créant un pôle de croissance. En tant que société d’aménagement, la première chose que nous faisons, c’est valoriser, exploiter, aménager le potentiel hydroagricole de la vallée du Sourou. Cela nécessite beaucoup de ressources. Les coûts d’aménagement sont tellement importants que si vous n’avez pas suffisamment de ressources, vous ne pouvez pas aménager. Le projet d’aménagement de Dî a coûté 35 milliards au minimum. L’hectare est estimé à 12, 13 millions. L’AMVS doit rechercher les ressources, faire des études, réaliser les aménagements dans les règles de l’art et mobiliser les acteurs autour de la mise en valeur des aménagements. Celles-ci terminées, on procède à l’attribution des terres, l’organisation des producteurs en coopérative que nous appuyons pour qu’elles puissent bien fonctionner. La production est libre, mais il faut orienter cette production parce que l’aptitude des périmètres est différente. L’Autorité participe au débat au plan national pour organiser la commercialisation. Il faut aider les producteurs à avoir une valeur ajoutée sur leurs spéculations. Parce que la production irriguée exige beaucoup d’investissements, en retour, le rendement doit être conséquent. Cependant, nous n’avons pas encore atteint l’efficience maximum des productions irriguées parce que nous avons encore des marges à rechercher sur les rendements de certains producteurs. Notre vision, c’est d’amener l’Etat à octroyer l’accompagnement au développement : télécommunications, transports, transformation, électrification, routes, etc.

S. : Quels sont les défis que l’AMVS doit relever pour aller au-delà de ses acquis et réaliser efficacement ses missions ?

A.O. : Nous avons amorcé un processus de restructuration de l’AMVS dans l’optique de créer une société pour piloter la dynamique de développement socioéconomique axée sur l’exploitation des périmètres irrigués. C’est un gros défi. Le 2e grand défi consiste à développer le potentiel aménagé. Notre vision est d’aménager 12 mille nouveaux hectares à l’horizon 2025, à raison de 4 mille hectares tous les 5 ans. Pour le premier plan d’action, le défi est relevé parce qu’en 2010 - 2015, le MCA a réalisé 2 mille 244 hectares, 500 hectares sont prévues avec la JICA, mille hectares avec la BID et mille 200 hectares sont en étude avec la Banque mondiale. L’autre grand défi, c’est le désenclavement de la zone. Mais le gouvernement a pris des engagements. Les 5 années à venir vont coïncider avec la mise en œuvre de notre 2e plan d’action. On devrait pouvoir avoir une zone où le transport et le déplacement des biens et des personnes est fluidifié. Le troisième grand défi, c’est de créer les unités de valorisation de la production agricole pour donner une valeur ajoutée certaine aux produits. L’essentiel, c’est de développer le partenariat public-privé et d’inciter le privé à venir prendre part à cette aventure. Il faut créer le pôle de croissance, le porter et atteindre les résultats majeurs que le gouvernement et les populations attendent de l’exploitation de ce potentiel hydroagricole.

S. : De quels moyens disposez-vous pour réaliser votre vision ?

A.O. : C’est une question de volonté du gouvernement. Si aujourd’hui les pôles de croissance sont une option de développement qu’il a trouvée pour ne plus saupoudrer les investissements mais les concentrer dans des zones précises et créer un peu plus d’impacts, je pense qu’il devrait être le premier à s’investir financièrement. Ensuite, nous devons compter aussi sur les partenaires. A ce propos, il faut saluer le gouvernement américain qui a réalisé ce gros investissement à travers le MCC. C’est un bond en avant qui a été réalisé. Au-delà de la beauté des infrastructures, c’est l’utilité et l’utilisation que l’on va en faire qui vont donner des résultats certains. En plus des périmètres aménagés, le MCC s’est engagé à construire 5 marchés modernes. Avec ses marchés, nous pensons qu’on devrait pouvoir booster ou régler la commercialisation des produits agricoles. Autre partenaire, c’est la BID. Il faut privilégier l’investissement privé. L’Etat peut créer les conditions mais il faut véritablement inciter le privé à venir prendre part. Et si la chose marche, ce sera grâce au privé qui aura compris ce qu’il peut gagner à travers une telle aventure.

S. : L’état défectueux des routes préoccupe la quasi-totalité des intervenants sur les sites de production. La charrue a-t-elle été mise avant les bœufs ?

A.O. : Je pense que oui ! Il manque un peu de vision prospective. On ne peut pas réaliser ces gros investissements sans penser à leur acheminement dans d’autres zones. On aurait dû développer les transports, désenclaver et construire des unités de transformation ou inciter le privé à le faire. Ce sont les conditions sine qua non pour régler la question de la commercialisation et donner de la valeur ajoutée aux productions. On n’est pas encore sorti de l’auberge si aucune bonne route ne peut conduire à Dî. Mais je pense que les gens ont compris. Ces derniers temps, nous avons reçu la visite de nombreuses personnalités qui sont venues apprécier les investissements et qui réalisent que c’est un investissement qu’on ne peut pas valoriser tant qu’on n’a pas créé les mesures d’accompagnement nécessaires.

S. : Quelles sont les dispositions qui sont prises pour la préservation de l’environnement ?

A.O. : Nous avons des inquiétudes quant à la pérennité de la ressource en eau, de nos ouvrages naturels ou artificiels de stockage de l’eau au regard de certaines pratiques. L’agriculture irriguée peut créer des impacts négatifs sur la ressource en eau. Il faut prendre en compte également la question de la pollution des terres, de l’eau, des déboisements. La plupart des projets d’aménagement hydroagricole sont accompagnés de mesures d’atténuation des impacts négatifs sur l’environnement. Dans le nôtre, nous avons créé un axe transversal de la gestion environnementale. Aussi allons-nous imaginer des protocoles d’accord avec les services dudit ministère pour gérer de façon efficace les questions environnementales.

S. : Qu’est devenu le projet « production du blé dans le Sourou » ?

A.O. : La relance de la filière blé était certainement une bonne idée, une volonté du gouvernement de régler le problème de disponibilité de la matière première blé pour la production de pain et des sous-produits du blé. La problématique était posée. A l’époque, on avait estimé à 40 milliards l’importation du blé et des sous-produits du blé, la farine en l’occurrence. Il y avait déjà une expérience avérée pour cette production dans la vallée du Sourou. Le colon s’y est essayé et y a laissé des résultats formidables. A l’époque, on avait 7 tonnes à l’hectare. La Société des fibres et textiles (SOFITEX) a repris cette expérience, mais s’est désengagée parce qu’on était arrivé à la conclusion que les résultats économiques n’étaient pas aussi satisfaisants que ça. Le prix du blé ne permettait pas de valoriser au mieux les investissements réalisés. Ce n’est pas une question technique mais purement de rentabilité. En 2005-2006, le gouvernement a entrepris de relancer la filière avec dans un premier temps un projet de production de blé sur 2 mille hectares. Pour des raisons de maîtrise technique, de défaut d’infrastructures, la production avait chuté. De 4, 5 tonnes à l’hectare, elle est descendue à 1 tonne à l’hectare. On nous a demandé d’en tirer toutes les leçons et de proposer autre chose. On a mis en veilleuse cette production de blé pour s’orienter vers la production de semences. Mais étant donné que les infrastructures existent, on peut impliquer le privé qui viendra piloter conséquemment cette production et tirer le meilleur avantage possible.

S. : De plus en plus, l’agrobusiness occupe une place importante dans les périmètres aménagés. Est-ce la solution à l’insécurité alimentaire ?

A.O. : Il faut voir la sécurité alimentaire à plusieurs niveaux. La sécurité alimentaire, ce n’est pas forcément produire des céréales pour remplir des greniers. C’est aussi rechercher la qualité dans la nutrition de la population, rendre accessible la production à toutes les zones du pays. La sécurité alimentaire, c’est aussi créer des revenus, des emplois, etc. Sur les périmètres irrigués, il faut conjuguer sécurité et souveraineté alimentaire, c’est-à-dire, travailler à produire de l’aliment en quantité suffisante et alimenter des stocks de sécurité pour se mettre à l’abri d’éventuelles pénuries. Sur les périmètres irrigués, il faut avoir une autre vision que la sécurité alimentaire stricte. Il y a suffisamment de projets dans le pays pour développer sur les hautes terres en cultures d’hivernage, la production de céréales, de tubercules, etc. Sur les périmètres irrigués, il faut amener les gens à se faire de l’argent parce qu’on a réalisé de gros investissements, et il faut valoriser ces investissements. Ce sont des espaces qui permettent d’avoir de meilleurs rendements, de diversifier la production. Les gens ont des obligations sur les périmètres notamment le respect des cahiers des charges, le paiement des redevances. Ces obligations imposent un niveau de production en-dessous duquel il est difficile de supporter les charges. Il faut donc développer l’investissement privé sur les périmètres irrigués, soutenir l’agriculture familiale sur les espaces de production sur les hautes terres en y mettant tous les moyens d’accompagnement nécessaires.

S. : Les producteurs se plaignent d’une attaque sur l’oignon qui aurait entamé les rendements pour cette spéculation ? Comment le problème a-t-il été géré ?

A.O. : Nous avons la chance d’avoir dans cette zone un centre de recherche spécialisé en culture irriguée. La recherche est un auxiliaire important pour régler un certain nombre de questions : productivité, techniques et technologies innovantes et performantes de production, recherche et application de mesures sur la protection des cultures, organisations paysanne, etc. Généralement, quand des problèmes se présentent, nous contactons la recherche qui vient faire son diagnostic et qui propose des solutions. Une fois le problème diagnostiqué, ce n’est pas à l’AMVS de faire les traitements, le problème est soumis à chacun. Mais l’Etat peut, au cas par cas, intervenir quand la situation est d’une grande ampleur et on l’a déjà fait. Mais une des solutions, c’est de travailler à faire la rotation culturale sur les espaces pour éviter que certains maux ne s’installent et ne créent un potentiel d’attaques importantes. Cela peut permettre de rompre le cycle de développement des maux et aller vers des potentiels de nuisibilité réduite. Mais ailleurs, ce sont les investisseurs privés qui financent la recherche afin qu’elle trouve des solutions à leurs problèmes.

Propos recueillis par
Séraphine SOME
serasome@yahoo.fr

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