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L`Observateur Paalga N° 8591 du 1/4/2014

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Transition constitutionnelle : Réalité politico-juridique ou auberge espagnole ?
Publié le mardi 1 avril 2014   |  L`Observateur Paalga




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Le Burkina Faso est l’un des pays africains où le thème de transition semble le plus en vogue. Il y en a gens pour la clouer au pilori comme pour la hisser sur le pavois. Comment à défaut d’en faire leur bonheur les Burkinabè pourraient-ils au moins s’en prévaloir pour émerger de la crise, sauvegarder la paix sociale voulue par tous, poursuivre le progrès économique national salué par les institutions internationales.

1) La transition une auberge espagnole et même une histoire de fous



Pas toujours aisé de s’y retrouver tellement la passion semble avoir embué toute possibilité d’appréciation objective du sujet. Pour les uns en effet, la transition n’est qu’un mot soutenu pour traduire le «lenga», le «rabiot », autrement dit le supplément de temps (en l’espèce 2 ans) qu’aurait demandé Blaise COMPAORE via la défunte médiation du Président Jean Baptiste OUEDRAOGO pour renoncer aux joies et délices du pouvoir dans les conditions les moins traumatisantes pour lui. Comment peut-on comme ça, par consensus, marcher sur la constitution et prolonger en lieu et place du peuple souverain un mandat présidentiel ? Comme si la violation consensuelle de la Constitution avait valeur de norme supra-constitutionnelle. Non et non, scandent les pourfendeurs de la transition apaisée. La seule transition (de surcroît constitutionnelle) qui vaille est celle qui ne participe pas de ce pataquès ; c’est celle prévue dans la Constitution notamment aux articles «37, 38, 39, 43, et autres y relatifs. La transition, pour eux, a d’ailleurs déjà commencé et doit prendre fin dans 21 mois. C’est le temps en décompte sonné qui reste à Blaise COMPAORE pour faire ses malles, point barre! Pas de transition qui dépasse 2015. Si après ce terme, le renouvellement de l’organe exécutif suprême n’intervient pas, c’est le vide juridique, l’absence de base légale du pouvoir et bonjour la chienlit. Dans la presse, les articles et commentaires illustratifs de cette vision des choses ne se comptent plus. Les Burkinabè, prompts à s’enrôler avec ferveur dans des querelles dont ils ne maîtrisent pas toujours les bases et chausses trappes, s’engouffrent sans réserve ni suspicion dans le contentieux de la transition, et vogue la galère.

Mais il n’existe pas que cette seule façon de voir les choses, de comprendre la transition. Loin de là. La transition a d’autres acceptions.



2) La transition constitutionnelle, voie normale et usitée de mutation constitutionnelle.



Pour d’autres effectivement, la transition, qui vient du latin transitio et qui veut dire d’abord «passage», traduit des préoccupations moins cabalistiques. Pour ces derniers, la transition constitutionnelle se présente comme le passage d’un texte constitutionnel à un autre. (Elle concerne alors très exactement le moment qui va du choix de modifier ou de changer la loi fondamentale à la promulgation de la nouvelle loi). Là, nous abordons la question sous l’angle politico-technico-juridique. Prélot, Pfersmann sont des concepteurs et doctrinaires émérites de ce Droit constitutionnel transitoire.

Pour Christophe CHABROT (Maître de conférences de Droit public, Université de Lyon 2, Faculté des sciences juridiques), par exemple, la transition constitutionnelle est comme un droit en mouvement. Elle tire sa source de faits, de crises sociales et politiques, de régimes constitutionnels qui (ne prévoyant pas par nature leur faillibilité) doivent face à des crises, à des ruptures de consensus institutionnel, accepter des compromis entre «le temps» et «la constitution» : «La transition produite par les faits amène néanmoins le Droit». Il est essentiel de s’approprier cette vérité pour comprendre que la transition peut être décrochée du temps constitutionnel. Elle peut dépasser les 21 mois qui nous séparent de l’élection présidentielle de 2015. La situation politique, sociale et économique du moment peut créer des distorsions (non anticipées) entre la réalité et la Constitution. Le déclenchement de la transition constitutionnelle, mettant fin à une situation antérieure, va créer de nouvelles institutions, voire même un nouveau texte fondateur : ça peut durer 6 mois, 1 an ou 2 ans comme en Tunisie.

On voit ici que la transition, ce n’est ni du trompe-couillons ni une banale réalité ensachée dans le seul moment constitutionnel : c’est un phénomène politique, technique et juridique qui a marqué et marque encore la vie des Etats. Le néo -constitutionnalisme en marche depuis les années 1990 atteste, avec notamment les conférences nationales, de la contribution remarquable de l’Afrique à l’élaboration de nouveaux cadres de rédaction des constitutions.



3) La transition, option de sortie de crise au Burkina Faso ?



Avant que le Président Jean Baptiste OUEDRAOGO ne s’en fasse le défenseur, cette façon d’appréhender la transition a été très tôt défendue par l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD). Au cours d’une conférence de presse, l’UNDD a déclaré souhaiter une transition apaisée (Afriquinfos 28/07/2011). Pendant les tournées d’explications du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP), le parti n ‘a cessé de parler de transition apaisée pour souhaiter éventuellement un gel ou un dépassement du temps constitutionnel afin de créer un nouvel ordre juridique qui permette à Blaise COMPAORE de remettre de l’ordre dans les institutions et la Gouvernance (locale et nationale) avant de passer le témoin.

Une telle anticipation institutionnelle ayant au surplus le souci de ménager des conditions sécurisées non humiliantes de départ au Chef de l’Etat et à son Administration achèvera d’en assurer le caractère apaisé, maîtrisé.

La crise que nous vivons traduit une fêlure grave dans notre édifice institutionnel. Une perte de confiance, de soumission à notre contrat social. Des Burkinabè en nombre appréciable ne veulent pas (contrairement à d’autres tout aussi importants) que certaines dispositions de la Constitution soient appliquées. (Sénat, révision de l’Article 37, recours au référendum). Par l’ampleur de l’expression du refus, par la durée et l’extension spatiale de la contestation, il y a manifestement crise institutionnelle grave. Il y a, au sens de l’Article 59, en raison d’un faisceau de risques (terrorisme, paralysie de l’Etat, chute de la croissance économique, etc), somme toute des menaces graves sur les institutions, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire, l’exécution des engagements de l’Etat, etc. L’échec de la médiation du Président Jean Baptiste OUEDRAOGO engage d’autant plus le pouvoir à sortir de l’engrenage que les moyens politiques, techniques et juridiques ne manquent pas à cet effet. La transition constitutionnelle, qui repose sur l’affirmation de la supériorité du peuple en démocratie, sera l’expression d’un sursaut républicain et patriotique. Car pour reprendre l’Ecclésiaste (3.1-15), il est un temps pour tout : un temps pour palabrer et un temps pour décider.



4) Modus operandi de la transition constitutionnelle



Une fois encore, il n’est donc pas juste de pasticher la transition constitutionnelle ou d’en véhiculer une image réductrice en la cantonnant au seul mécanisme de transfert du pouvoir prévu par la Constitution.

La transition constitutionnelle, une fois de plus, est justement la manifestation d’une césure entre deux ordres juridiques (celui du consensus sur la constitution, et celui de la perte de confiance en cette constitution). La transition constitutionnelle, l’histoire en porte témoignage, a fait ses preuves dans nombre de pays : France, Japon, Espagne, Portugal, Grèce, Afghanistan, Irak, Afrique du Sud, etc. Elle peut intervenir violemment (en France en 1793, 1848, en Centrafrique en mars 2013), mais elle peut aussi être portée par une évolution interne (en France en 1799,1802).

Blaise COMPAORE devrait situer ses interventions à venir dans ce dernier cadre pacifique et en conséquence:

- convaincre que sa volonté n’est pas de se statufier au pouvoir par des artifices, mais de léguer à la postérité un contrat social réformé ou réécrit qui tienne compte de certaines évolutions sociétales et de l’émergence dans la vie des Etats démocratiques de nouveaux droits;

- demander au peuple par voie référendaire une transition constitutionnelle plutôt qu’un questionnement abrupte sur le oui ou non à la révision de l’Article. 37;

- donner un contenu à la transition, qui devrait viser des aménagements ou même une réécriture de la Constitution ;

- travailler dans le sens d’un renforcement du régime parlementaire ;

- proposer une petite Constitution fixant les modalités de production de la Constitution (révisée ou réécrite) et contenant les limites à apporter à la période transitoire. Celle-ci serait adoptée à l’occasion d’un référendum à double questionnement.

Sur la transition constitutionnelle, sur la gestion de ladite période, la France nous en a donné un exemple en 1946 : par ordonnance le gouvernement avait organisé un référendum sur la base d’une double question.



1) Voulez-vous que l’Assemblée nationale, élue ce jour, soit constituante ?



2) Si le corps électoral a répondu oui à la première question, approuvez-vous que les pouvoirs publics soient, jusqu’à la mise en vigueur de la nouvelle constitution, organisés conformément au projet ci-contre ?

Ce projet était en fait une petite constitution intérimaire pour la gestion de la période transitoire. Il a permis à la France de passer de la 3e à la 4e République. Pour mémoire, depuis la chute de Bozizé en RCA, une petite constitution a été adoptée pour canaliser la Transition constitutionnelle dans ce pays.



5- Ultimes recommandations



La phase de réaménagement ou de réécriture de la constitution chez nous doit assurer un travail dans la sérénité, la confidentialité sous le contrôle du Gouvernement, demandeur et exécuteur de la transition. Un petit comité de rédaction pourrait se charger de la confection du texte constitutionnel (la France a plusieurs fois procédé de la sorte en 1799, 1958 et à 24 reprises, notamment de 1960 à 2008 pour saVe République. Au Burkina Faso ce fut le cas avec la plupart des constitutions).

En l’absence de l’effectivité de la seconde chambre, la transition constitutionnelle doit être légitimée soit par l’Assemblée Nationale, soit par le Peuple.

Pour mener à bien tout le travail législatif exigé par la circonstance, il pourrait être nécessaire, préalablement au travail constitutionnel à proprement parler, d’en préparer le terrain en recourant à l’Article 59 de notre loi fondamentale. (Les pleins pouvoirs seraient donnés au Président du Faso pour prendre les mesures d’urgence commandées par la crise). A défaut de la classique habilitation parlementaire (hors situation exceptionnelle), pour agir par ordonnances, cette procédure (instituant une dictature temporaire) pourrait, en effet, faire l’affaire. Dans la foulée, le chef de l’Etat gagnerait à s’engager solennellement à la mise en œuvre de trois plans d’accompagnement :

Le premier, relatif à la modernisation de l’armée ;

le second, axé sur le renforcement de la Gouvernance judiciaire ;

le troisième, centré sur la réduction de la pauvreté par un programme d’investissement orienté sur les régions avec pour objectif la création d’emplois au profit des femmes et des jeunes. Ce sera l’occasion de matérialiser des engagements sur la généralisation des plates-formes multifonctionnelles, de promouvoir la création d’une banque des femmes et d’une banque des jeunes et de se pencher (même à titre expérimental) sur le salaire universel, tel qu’il est pratiqué par certains Etats en pointe dans le domaine de la redistribution sociale.

Par ce canal nous cesserions d’attendre, comme Sœur Anne, cette transition apaisée qui se laisse désirée pour entrer dans la transition constitutionnelle.

Le dialogue, la négociation ne dispensent pas, au besoin de l’assumation, par l’Etat, de ses droits constitutionnels, de ses prérogatives régaliennes pour éviter l’affaissement total de ses fondements, déjà fortement ébranlés. Sinon le Président du Faso manquerait aux commandements de l’Article 36 qui l’oblige à veiller «au respect de la Constitution», qui fait de lui le «garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des accords et des traités». Voilà la ligne d’horizon au bout de laquelle nous attend la sortie de crise, la renaissance de l’espérance par la pacification nationale.

Maintenant à Blaise COMPAORE, dont nombre de milieux critiquent l’hermétisme et le flegme politique exacerbé, d’émerger de sa plongée contemplative et de monter personnellement au filet. Il démentirait non seulement les ragots qui font de lui, devant son inertie politique, le maître d’œuvre de la nouvelle opposition, mais il réarmerait moralement – et c’est le plus important – les Burkinabè ô combien nombreux qui ne sont pas prêts à succomber aux sirènes de la violence libérée, à cautionner les protestations hors-constitution qui pourraient entraîner l’apoplexie de l’appareil de l’Etat.


Ouagadougou, le 20 mars 2014

Me Hermann YAMEOGO

Président du Haut-Conseil de l’UNDD

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