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Situation politique nationale : Salif Diallo instruit le procès du régime
Publié le jeudi 27 fevrier 2014   |  Mutations


Politique
© Le Quotidien par Bénéwendé Bidima
Politique : premier face-à-face du MPP avec la presse
Mardi 28 janvier 2014. Ouagadougou. Les premiers responsables du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ont animé une conférence de presse pour présenter leur parti et se prononcer sur la situation socio-politique nationale. Photo : Salif Diallo, 1er vice-président chargé de l`orientation politique du MPP


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Le vice-président chargé de l’orientation du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) est incontestablement la vedette du moment. Très en verbe, il accroche aussi bien la foule des militants de son parti que les nombreux journalistes mobilisés pour la circonstance. Habitué des joutes oratoires, il tient son public en haleine en distillant au passage des « vérités crues » dont certains n’oseraient pas chuchoter. Illustration en a été faite lors du premier point de presse de leur nouveau parti le 28 janvier dernier à Ouidi, à leur siège. Il s’est livré à un véritable procès du régime Compaoré qu’il connait comme du bout de ses ongles.

Qui plus que Salif Diallo connait mieux le régime de Blaise Compaoré au Burkina Faso ? Si ce n’est le président Compaoré lui-même, il est difficile d’en trouver. Même pas François Compaoré, le frère cadet par qui la discorde s’est installée entre eux. Quand un tel homme se met à faire le diagnostic du pouvoir en place, ses propos ne peuvent manquer d’intérêt. Sur plusieurs points de la gouvernance du régime, Salif Diallo est implacable. D’abord, il confirme ce que plusieurs analystes politiques appellent « le fond criminel » du régime. « Si demain, on tue Salif Diallo, il y aura d’autres jeunes qui vont continuer la lutte. Les éliminations physiques de Salif, de Simon ou de Roch ne règleront pas les problèmes… Si on nous bute, d’autres Burkinabè continueront la lutte jusqu’à la victoire finale. », clame le vice-président du MPP. Si cette question de la sécurité des démissionnaires du CDP s’invite dans le débat, c’est que le régime en place a très rarement résolu ses contradictions politiques majeures avec ses adversaires par le dialogue sanctionné par un accord politique ou une entente tacite des acteurs. L’histoire politique récente du pays nous en donne des exemples. On se rappelle que dans une situation politique presque similaire en 1991, des dissidents du régime ont connu le martyr. Le Professeur Oumarou Clément Ouédraogo du Parti des travailleurs du Burkina (PTB, parti constitué essentiellement des ex-cadres de l’ODP/MT, le parti présidentiel) n’a pas eu la chance du Professeur Tall Moctar, sortis vivant de la « nuit des longs couteaux » où on a fait parler la poudre, disons des grenades. Le premier responsable du PTB a succombé à ses blessures sur le lieu de l’attentat. Deux ans auparavant, ce sont deux chefs historiques de la révolution (le capitaine Zongo et le commandant Lingani) qui étaient arrêtés, jugés, condamnés et exécutés en 24h, officiellement pour « complot contre la sûreté de l’Etat », mais plus exactement parce qu’ils n’étaient plus en odeur de sainteté avec le régime. Certains disent même qu’en vérité, ils n’ont jamais cautionné le coup d’Etat qui a porté Blaise Compaoré au pouvoir. Ils n’ont simplement pas eu la lucidité de s’écarter à temps. Le régime est donc un habitué des règlements expéditifs des différends politiques. Lui-même est né de cette tare parce qu’en octobre 1987, ses concepteurs ont délaissé la force des arguments pour l’argument de la force pour s’imposer dans les contradictions qui les opposaient à leurs camarades au sein du Conseil national de la révolution (CNR). La préférence pour des solutions de force daterait même d’avant la proclamation de la révolution. Dans son témoignage lors du colloque sur les « Cents ans d’histoire du Burkina Faso » organisé par l’université de Ouagadougou en 1995, l’ancien chef de l’Etat, Jean-Baptiste Ouédraogo, « le médiateur auto saisi » de la pseudo crise nationale, soutient que dans la soirée du 4 août 1983, vers 19h, il avait trouvé un accord politique avec son ex-Premier ministre Thomas Sankara, pour résoudre la crise qui opposait les deux fractions en lutte dans le Conseil du Salut du Peuple (CSP). Mais moins de deux heures après, les troupes de Pô commandées par le capitaine Blaise Compaoré ont investi Ouagadougou, rendant caduc l’accord. Sauf ce dernier événement, Salif Diallo a été pour les autres, soit acteur soit témoin. Il connait donc les mœurs du régime. Qu’il soit dans le contexte de l’Etat dit d’exception ou dans le cadre de l’Etat de droit, la conception du pouvoir n’a pas véritablement changé chez ses principaux « garants ». C’est une question de force, maquillé dans le langage en « rapport de force ». Depuis 2008, année des émeutes de la vie chère, le rapport de force n’est cependant plus en faveur du régime. C’est ce qui fait aujourd’hui la chance des responsables du MPP. Sinon ils n’auraient jamais osé franchir le pas malgré les fortes divergences qui les opposaient à Blaise Compaoré et ses inconditionnels supporters.
L’article 37, le fond de divergence

« La Constitution d’un pays n’est pas uniquement une question majoritaire… La Constitution, on l’appelle Loi fondamentale parce qu’elle est bâtie sur un consensus minimal. Même le fait minoritaire participe à la Constitution. On ne peut pas changer une Constitution au gré de ses humeurs. On ne modifie pas les Constitutions quand on veut, même quand on est majoritaire… Une Constitution n’est pas comme une loi organique qu’on peut changer au gré des rapports de force. La Constitution est le consensus de tout un peuple qui bâtit son avenir. On ne peut pas se permettre de mettre dans la Constitution, parce qu’on est majoritaire, que le soleil se lève à l’Ouest alors que tout le monde voit que le soleil se lève à l’Est. », assène l’ex-ministre d’Etat de Blaise Compaoré. C’est un véritable cours de science politique qu’il donne à ses ex-camarades du CDP et autres membres du Front républicain. La question qu’on peut se poser, c’est de savoir si Salif Diallo lui-même a toujours défendu ou non cette position sur le caractère « très sérieux » de la Constitution. A la première modification de l’article 37 en 1997, on ne l’a pas entendu ni en 2000 quand la clause limitative a été rétablie. On sait qu’en 2005, c’est Salif Diallo qui a dirigé la campagne présidentielle de Blaise Compaoré alors que sa candidature était contestée par ses opposants et des constitutionnalistes burkinabè. Pensait-il ce qu’il avance aujourd’hui ou bien c’est une évolution positive du personnage ? Lui seul peut répondre, mais il semble sincère quand il affirme que ses camarades et lui se sont battus longtemps à l’interne pour convaincre le président de renoncer à l’idée de présidence-à-vie. C’est ce qui permet à Assimi Kouanda, le secrétaire exécutif national du CDP, de soutenir que ses ex-camarades du parti manifestaient des « ambitions personnelles mal dissimulées » à partir de 2004, l’année d’avant la présidentielle de 2005 où la candidature de Blaise Compaoré était décriée. On sait aujourd’hui que ce qui les oppose fondamentalement à Blaise Compaoré, c’est son obstination à manipuler la constitution pour se maintenir au pouvoir. Cette conception monarchique du pouvoir qui le pousse chaque fois à ruser pour gagner du temps. Dans le contexte de super domination du parti majoritaire, la manipulation des règles constitutionnelles visait plus à contrecarrer les ambitions des rivaux au sein du pouvoir comme Salif Diallo et Roch Marc Christian Kaboré. Ce jeu de dupes ne pouvait durer indéfiniment.
La dénonciation de la duplicité du régime

Autre pique de Salif Diallo contre son ancien système, c’est sur la politique économique caractérisée par une double façade. Il pratique une politique néo-libérale alors que le parti majoritaire proclame son appartenance à la « social-démocratie ». Pour Salif Diallo, ce paradoxe est inacceptable : « Nous avions, toujours à l’interne du CDP quand nous y étions, fait observer beaucoup d’aspects négatifs contraires à la social-démocratie. On ne peut pas se proclamer social-démocrate et pratiquer une politique néo-libérale. Et cela se constate tous les jours dans moult domaines. Et nous avons, par plusieurs fois, à l’interne du CDP, attiré l’attention sur ces pratiques. Nous estimons que, quand on se proclame social-démocrate, on ne peut pas être parfait, mais il faut tendre vers la mise en œuvre de ses convictions… » Pour lui, ce hiatus a fortement contribué « à aggraver la fracture sociale entre le peuple et une minorité qui est aux affaires à la tête du pays ». Salif Diallo est convaincu que les tenants du pouvoir actuel se sont trompés de domaine : « La politique ne se ramène pas à une proclamation de foi ; il faut des actes qui corroborent ces convictions auprès des populations ». Ce qui, à ses yeux, n’est pas le cas aujourd’hui et c’est sur ce différend que lui et ses camarades comptent inscrire leurs divergences avec leur ancien parti.

En prenant une telle position par l’entremise de Salif Diallo, le MPP ramène le débat suscité en juillet dernier par Tollé Sagnon sur les questions idéologiques ou l’alternative à proposer contre l’équipe actuelle au pouvoir. C’est un énorme risque que ce parti prend, car comme ses responsables ne cessent de le clamer depuis leur démission, ils sont tous comptables de la gestion du pouvoir ces vingt-cinq dernières années. Toute critique portée contre la gouvernance actuelle devient une autocritique. Même s’ils n’étaient pas d’accord avec tout ce qui se menait, ils sont co-responsables pour n’avoir pas eu le « courage » de dénoncer publiquement certaines dérives, à défaut de prendre purement et simplement leurs distances. C’est ce qui explique que seul Salif Diallo donne l’impression d’être à l’aise dans cet exercice car, il y a près de cinq ans qu’il s’est mis (ou contraint, c’est selon) à l’écart du système, depuis sa fameuse interview-rupture de juillet 2009 où il dénonçait la « patrimonialisation du pouvoir ». Son procès du régime a donc commencé à cette date et l’épisode actuel n’est qu’une suite. Le reste du feuilleton est encore long.

Abdoulaye Ly

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