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L`Observateur Paalga N° 8555 du 10/2/2014

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«Quand le Médiateur Compaoré commandite à son profit une double médiation nationale et internationale !»
Publié le lundi 10 fevrier 2014   |  L`Observateur Paalga


Le
© Présidence par DR
Le président du Faso, Blaise Compaoré, répondant aux voeux de nouvel an du corps diplomatique le 7 janvier 2014 à Ouagadougou


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Les réactions sur l’actualité politique au Pays des hommes intègres continuent, et bien malin qui pourra prévoir leur fin. En tout cas, depuis la démission du Congrès pour la Démocratie et le Progrès de Roch Marc Christian Kaboré et Cie et la médiation interne initiée par l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo, notre Rédaction n’a cessé de recevoir des écrits qui contribuent à alimenter le débat. Le dernier en date, que nous publions dans la présente édition, émane d’Etienne Traoré, président du parti Faso Metba, qui participe au débat sur la médiation en sa qualité d’universitaire.

Toutes nos informations sont concordantes : c'est bien le Président Blaise Compaoré qui a sollicité, à son profit, une double médiation : l'une nationale dirigée par le médecin militaire Jean Baptiste Ouédraogo (JBO, ancien chef d'Etat ici); l'autre à l'extérieur, dirigée par Monsieur Alassane Dramane Ouattara (ADO, chef d'Etat de la Côte d'Ivoire). C'est son droit incontestablement de recourir à la médiation. Dans les deux cas, un seul objectif à atteindre : négocier par-delà les dispositions constitutionnelles une rallonge présidentielle à Blaise Compaoré après 2015, le temps qu'il lui faut pour quitter le pouvoir "sans précipitation et dans la paix".

A l'international, ADO doit convaincre des chefs d'Etat de la sous-région, aussi et surtout de la France, d'accepter une prolongation de mandat à Blaise pour mieux stabiliser la sous-région au double plan politique et sécuritaire. ADO devrait brandir, à cet effet, le spectre d'un vide dangereux que laisserait Blaise s'il quittait le pouvoir en 2015. Il doit aussi convaincre les fondateurs du MPP (Parti des dissidents du CDP et présidé par Roch Kaboré) d'accepter une porte de "sortie honorable" pour Blaise au terme d'une transition d'au moins deux ans après 2015.

Au plan national, pour le couple de médiateurs conduit par JBO, la rallonge s'appelle "transition" pour donner le temps au Président de quitter "dans la paix et la concorde nationales." Là également, il faut annoncer une peur similaire : le départ de Blaise en 2015 contre son gré est synonyme de violents troubles attentatoires à la paix et à la stabilité politique. Il faut alors adapter la Constitution au temps du Président Compaoré !!! Que peut-on en dire ?

La colère de Blaise est silencieuse et sa revanche redoutable

Je pense que plus que lors des crises précédentes, le président Compaoré se sent sérieusement affaibli et menacé dans son fauteuil par ses opposants politiques et civils qui lui contestent sa volonté de réviser en sa faveur l'article 37 de la Constitution. La présente crise est mortelle pour son régime. Le présent rapport de force lui est défavorable et c'est le fruit des luttes multiformes du peuple : déclarations, conférences, marches, meetings, interpellations diverses, etc. Et aussi échecs aux marches et meetings du CDP et de la FEDAP-BC.

Alors, plus qu'à son habitude, il veut reculer, et plus qu'à son habitude, c'est pour mieux sauter : il fait ainsi une concession pour respecter l’article 37 en l'état actuel, mais c'est pour, en échange, bénéficier d'une rallonge de pouvoir afin de définir lui-même les conditions de son départ définitif du pouvoir. Aujourd'hui, au regard de l'immense impopularité de son frère cadet François Compaoré, il est prêt à faire appel à un "technocrate venant de l'extérieur qui ne soit pas mouillé ou pas trop mouillé dans les débats politiques internes". Ce quasi-clone aura de Blaise pour missions de gérer l'impunité et la sécurité pour lui, sa famille et leurs proches. En d'autres termes, il fera du «Blaisisme» sans Blaise lui-même !

Sur cette même rallonge, Blaise travaillera à affaiblir, voire anéantir, l’opposition actuelle (toutes tendances confondues), en commençant par celle qu'il traite, à tort et avec ingratitude, de "traîtresse". En fait, ce sont ceux-là mêmes qui l'ont hissé au pouvoir, fortifié son régime, mais qui ont eu le malheur de croire en sa parole donnée qui était de limiter son propre mandat présidentiel pour leur permettre à eux aussi, plus jeunes, d'exercer le pouvoir d'Etat ensuite.

Hélas, Blaise Compaoré n'a pas respecté cette parole donnée en préférant une autosuccession dévoilée le 12/12/13 à Dori. Désormais pour lui, le pouvoir devrait rester dans la famille Compaoré qui n'a pourtant rien fait de significatif pour l'accession de Blaise au pouvoir ni pour son renforcement ! Pour l'autre partie de cette opposition, cette rallonge pourrait être l'occasion, dans un premier temps et dans certaines de ses fractions, d'être utilisée par Blaise contre le MPP qui constitue aujourd'hui pour lui la première bête noire à abattre et qui est désormais l’objet d’une haine mortelle. D'autres opposants pourraient être attirés par des postes ministériels ou administratifs...

Dès lors, l'opposition aura d'énormes défis à relever : fidélité aux objectifs de la lutte commune avec la Société civile, cohésion et unité de lutte, rejet de toute compromission. De façon générale, Blaise Compaoré, en cas de "lenga" (ajout en mooré) à son mandat, en bon stratège pour garder le pouvoir, ne s'attaquera pas à tous ses opposants à la fois mais tentera, plus que jamais, d'utiliser les partis de l'opposition les uns contre les autres pour les discréditer et les affaiblir durablement, surtout que je sais que c'est un homme fier et blessé, ayant une colère silencieuse et la revanche redoutable !!!

On ne peut trouver une solution juste à un problème mal posé

Je pense ensuite que le problème est ici et là mal posé : la crise n'est pas née d'une haine particulière de l'opposition politique et civile contre le président Compaoré, mais du refus du Président de respecter notre Constitution de 1991 dont l'article 37, limitatif du nombre de mandats présidentiels à deux, avait été adopté par consensus, ce qui est supérieur à une majorité que pourrait nous sortir une majorité référendaire. La contradiction à résoudre est donc moins celle qui naturellement oppose en démocratie Blaise à ses opposants que celle qui oppose Blaise à la Constitution !!!

A cause de sa triple peur (pour lui-même, sa famille et leurs proches), Blaise ne veut pas quitter le pouvoir en dépit d'une loi d'amnistie dont il bénéficie. Dès lors, il nous faut honnêtement recadrer les choses : c'est le refus d'appliquer l'esprit et la lettre de l'article 37 qui est la principale cause d'éventuels troubles violents à la paix civile. C'est la résistance obstinée à l'alternance qui est la principale cause de l'instabilité politique. Si le Président Compaoré renonçait maintenant et solennellement à réviser l'article 37 et à se représenter en 2015, tout le monde verrait aussitôt la température politique et sociale baisser jusqu'à la normale. On ne peut jamais trouver une solution juste à un problème mal posé comme dans le cas présent.

Je pense aussi que ces médiations sont vouées à l'échec, car mal préparées et ne remplissant pas trois conditions minimales idoines : la confiance minimale indispensable devant exister entre partenaires en médiation n'existe pratiquement pas, vu qu’on entend notamment l'opposition dire que Blaise a l'habitude de ne point respecter ses engagements ; les deux médiateurs, amis du Président Compaoré, n'ont été choisis que par lui et s'imposent donc à l'autre partie, ce qui ne se fait jamais dans une médiation vraie et crédible ; les deux médiateurs ne peuvent donner aucune garantie quant au respect d'éventuelles clauses de commun accord.

Ajoutons à tout cela, chez nous, un climat général de méfiance ou d’hostilité et où des voix s'élèvent déjà pour prévenir tout "deal entre politiciens sur le dos du peuple", politiciens du sein desquels malheureusement sont souvent sortis des traîtres. Et puis on peut légitimement se demander pourquoi communiquer avec la seule classe politique sur une crise qui la dépasse largement et intéresse tout aussi bien la société civile.

Enfin, à mon humble avis, il faut respecter les dispositions constitutionnelles en matière d'alternance pour ne pas créer de précédent et renforcer ainsi la confiance en nos propres institutions. Les peurs d'un seul homme, soit-il président, ne peuvent ni ne doivent prendre en otage la bonne marche de notre vie politique et sociale, comme c'est le cas aujourd'hui ! Il faut donc arrêter de nous faire ce chantage : si nous ne laissons pas Blaise quitter le pouvoir aux conditions voulues par lui (et non selon la Constitution), il va mettre le feu au pays pour y rester.

Alors, si nous voulons la paix, laissons-le là où il est. Je sais qu'il y a suffisamment de compatriotes raisonnables et sages pour ne pas suivre Blaise Compaoré dans cet éventuel et pessimiste scénario catastrophe et même l'en empêcher. J'en suis sûr. Absolument sûr.

Etienne Traoré

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