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L’Observateur Paalga N° 8553 du 6/2/2014

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Editorial

Médiation interne : Il est encore temps, Monsieur le Président !
Publié le jeudi 6 fevrier 2014   |  L’Observateur Paalga


Le
© Présidence par DR
Le président du Faso, Blaise Compaoré, répondant aux voeux de nouvel an du corps diplomatique le 7 janvier 2014 à Ouagadougou


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Trêve de conjectures, nous sommes maintenant (presque) fixés. Quand le jeudi 30 janvier 2014 il officialisait son offre de médiation interne, on se demandait bien quel lapin le président Jean-Baptiste Ouédraogo pourrait sortir de son chapeau pour concilier des positions aussi tranchées que celles qui divisent depuis longtemps la classe politique et la société burkinabè.

Qui pis est avec la démission des néo-repentis du Congrès pour la démocratie et le progrès, partis grossir les rangs de ceux qui s’opposent à toute velléité d’un nouveau tripatouillage de l’article 37 de notre Constitution sur la limitation des mandats présidentiels. Mardi dernier, les messieurs bons offices ont levé un coin du voile sur leurs propositions pour une transition apaisée à l’horizon 2015 (Cf. L’Obs. paalga d’hier).

Les propositions de la médiation, soit dit en passant passablement plombée par le départ du pasteur Samuel Yaméogo, s’articulent rappelons-le, autour des sept points suivants :

- Pas de révision de l’article 37 ;

- Inscrire l’article 37 au nombre des articles non révisables ;

- Pas de référendum sur l’article 37 ;

- Mise en place d’un Sénat «aménagé» ;

- Ouverture d’une transition démocratique apaisée après l’échéance du mandat constitutionnel du président ;

- Formule de la transition à négocier entre les parties ;

- Organe de suivi/évaluation.

A l’évidence, JBO doit avoir eu des promesses de la part du président Blaise Compaoré avant d’entreprendre ces pourparlers, et le deal serait celui-là : l’hôte de Kosyam qui renâcle à déménager consent à ne pas toucher à l’article querellé, à condition qu’on lui donne un lenga pour terminer ses chantiers et faire ses valises.

De cette façon, celui qui avait dit à Abidjan, sûr de son fait, que nulle part la rue n’avait fait changer une loi pourrait reculer sans en donner l’air et l’honneur serait sauf. Question d’orgueil et d’amour-propre. Il est vrai qu’à pousser un chef dans ses derniers retranchements (quand bien même il l’aurait cherché), il devient fou ou il se fait bête. Dans l’un comme dans l’autre cas, le résultat est le même : catastrophique. D’où l’idée (Point 5) d’«ouverture d’une transition démocratique apaisée après l’échéance du mandat constitutionnel du président» qui permettrait au premier magistrat burkinabè d’avaler la pilule sans risquer l’indigestion.

Certes, il ne s’agit pour le moment que d’une base de travail pour rapprocher les différents points de vue, mais si cette hypothèse devait être confirmée, se poserait alors la question suivante : puisque sans le dézinguage du verrou limitatif du nombre de mandats présidentiels Blaise Compaoré ne sera pas candidat en 2015, la transition suggérée se fera-t-elle sans lui ou va-t-on trouver encore des artifices juridiques pour lui faire jouer les prolongations et pour combien de temps ?

Se disant, on pense notamment à l’article 172 de la loi fondamentale qui dispose que «jusqu’à la mise en place des institutions, le chef de l’Etat et le gouvernement continuent d’agir et prennent les mesures nécessaires au fonctionnement des pouvoirs publics, à la vie de la nation, à la protection des citoyens et à la sauvegarde des libertés».

Pas sûr que cela suffise pour contourner l’obstacle juridique mais laissons ce débat aux juristes. En tout état de cause, quel que soit le tour de passe-passe qui sera utilisé, pour parler de façon trivial, «tout ça c’est longueur». Si, comme ils l’affirment, l’une des finalités des pourparlers est de trouver une porte de sortie honorable à l’enfant terrible de Ziniaré, les négociateurs gagneraient à le convaincre qu’il est encore temps de sortir par la grande porte, en renonçant tout simplement au désir d’éternité qui le tenaille tant.

Si pour cela, en plus de l’amnistie votée par l’Assemblée nationale en sa faveur, il a besoin d’un surcroît de garanties matérielles et sécuritaires pour lui et les siens avant de s’en aller cultiver son propre jardin, on peut les lui donner maintenant, en formant par exemple un Gouvernement d’union nationale de transition (GUNT) sans exclusive pour l’accompagner.

C’est donc pour les deux ans qui restent que la transition devrait s’exercer et on a encore tout le temps de régler les détails de son départ sans que survienne l’apocalypse tant redouté par certains qui semblent en réalité jouer à se faire peur. C’est quand même pas compliqué. Après presque trente ans de règne, il faut encore qu’on en soit à caresser notre adorable président dans le sens du poil pour qu’il consente à faire valoir ses droits à la retraite ?

C’est tout de même curieux qu’un locataire, qui connaissait pourtant depuis belle lurette le terme légal de son contrat, en soit après 28 ans de bail, à ergoter sur une rallonge juste le temps de faire son baluchon, comme s’il avait été surpris par le temps.

Qu’il ait des qualités exceptionnelles, on peut en convenir ; qu’il fasse preuve d’un «leadership éclairé», pourquoi pas ? Mais aussi talentueux soit-il, pas plus qu’un autre Burkinabè, IL N’EST PAS INDISPENSABLE. Lui aussi a appris le métier à l’épreuve du terrain et on ne va pas nous faire oublier le Blaise peu rassuré de 1987 quand ses propres camarades n’étaient même pas sûrs qu’il tiendrait trois mois.

Malgré le printemps arabe, malgré le coup de semonce du premier semestre 2011, il n’a pas compris, le pauvre, que les temps ont changé et que l’ère des grands timoniers est irrémédiablement révolue. Si on pousse loin l’analyse, c’est même quelque part un aveu d’échec si, en trois décennies, il n’a pas pu générer en son sein des personnalités susceptibles de poursuivre son œuvre.

Puisque le dialogue direct entre les différents protagonistes a été suspendu hier dès son entame pour reprendre la semaine prochaine, le temps pour la majorité présidentielle de se concerter, on espère que les facilitateurs mettront à profit cet intermède pour se donner le courage d’éviter les mesurettes.

Il ne le sait que trop, l’ancien chef de l’Etat joue sa crédibilité dans cette affaire, surtout que, une fois de plus, se pose la question de confiance. Car si une dizaine d’années après, on en est encore à discutailler de problèmes qui avaient été réglés pour sortir de la crise consécutive à l’assassinat de Norbert Zongo, c’est parce que l’orage passé, ceux qui rasaient les murs ont recommencé à rouler des mécaniques et à détricoter méthodiquement ce qui avait été minutieusement tissé par le collège de sages.

Qui nous dit donc, qu’une fois de plus, que quand il aura obtenu son rab de naam, Blaise ne va pas reprendre la main et renoncer à des engagements auxquels il aurait librement souscrit, en semant au passage la zizanie dans une opposition où les éléments les plus vulnérables sont souvent prêts à toutes les compromissions. Le chef de file de l’opposition gagnerait de ce fait à ne pas faire des concessions qui pourraient le bouffer demain, cela, d’autant que sa base pourrait se sentir trahie alors que la manifestation monstre du samedi 18 janvier 2014 a regonflé à bloc beaucoup de gens pour qui la peur a enfin changé de camp.

Ajoutons à cela le fait que sur le plan économique, une transition peut s’avérer désastreuse, car elle peut accélérer l’accumulation dans la galaxie présidentielle avec des fuites massives de capitaux, puisque certaines étoiles n’auront plus d’autre programme que de se mettre à l’abri financièrement. Et que dire des investisseurs qu’un tel climat pourrait dissuader ?

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, il est encore temps d’entrer dans l’histoire en devenant en 2015, le premier président de la Haute-Volta au Burkina Faso à avoir passé pacifiquement la main à son successeur dans le cadre d’une dévolution démocratique du pouvoir. Jusque-là en effet, on n’a assisté qu’à un soulèvement populaire et à des coups d’Etat à répétition, et il est quand même temps que tout cela prenne fin. Il suffit de dire : « Chers compatriotes, je vous ai compris… »


Ousséni Ilboudo

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