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L’Observateur Paalga N° 8541 du 21/1/2014

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Simon au marché de Gounghin : le "bibèega" sur ses terres
Publié le mardi 21 janvier 2014   |  L’Observateur Paalga


Simon
© Autre presse par DR
Simon Compaoré, ex-maire de Ouagadougou,


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Vendredi 17 janvier 2014, veille de la marche historique de l’opposition contre la révision de l’article 37 et la mise en place du Sénat, l’ex-maire de Ouagadougou Simon Compaoré, ci-devant conseiller politique du CDP, a rencontré les jeunes de son quartier, Gounghin. Il est revenu longuement, avec force détails sur leur départ du parti, lui, Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et leurs fidèles, et sur les humiliations, calomnies, les outrages, l’ostracisation dont ils ont été victimes. Il est aussi revenu sur leurs rapports pour le moins exécrables avec la FEDAP/ BC et ses premiers responsables qui, pour lui, ont lancé une OPA sur le parti qu'eux ont construit et biberonné, et sur leur nouveau parti, qui verra le jour, sauf tremblement de terre, le 25 janvier prochain. Simon a fait publiquement son mea culpa et clairement affiché son hostilité à la révision de l’article 37 et à la mise en place du Sénat, et à ce qu’il a appelé velléités de dévolution monarchique du pouvoir. En clair, Simon a déballé, cette nuit-là au marché des fruits, sa valise. Lisez plutôt.

20 h 30 au marché des fruits de Gounghin : les jeunes et les femmes mobilisés attendent toujours l’arrivée de l’ancien maire de la capitale. Le DJ joue de la musique, certains préparent du thé pour tuer le temps. Connaissant la ponctualité légendaire de l’homme, certains étaient convaincus que Simon ne viendrait plus. D’autres, plus optimistes, croyaient toujours qu’il ne leur ferait pas faux bond. La mobilisation faiblit un tout petit peu, le DJ fait monter encore les décibels pour galvaniser la foule.

21h 10, sans escorte, sans trompettes ni fanfares, le maire arrive discrètement du côté opposé de sa maison à bord d’un véhicule de type 4x4. Tout de suite le lieu de la rencontre est bondé de monde, les badauds s’arrêtent et certains désertent les gargotes et buvettes environnantes pour venir l’écouter.

«Chers amis, chers frères et sœurs, excusez-moi pour le retard accusé. Ce retard était vraiment indépendant de ma volonté, car nous sillonnons depuis ce matin plusieurs quartiers de la ville pour expliquer notre départ du CDP et ce que nous envisageons comme perspectives. Nous étions à Nôsê au stade municipal, au secteur 15 et à Kossodo. Après ici j’irai à Simanbili pour le même exercice. A Kossodo, ce fut un grand meeting, et le Larlé Naba était le maître de céans. Comprenez donc que c’est une course contre la montre pour moi et je demande votre indulgence. Je ne peux pas faire tout ce tour et oublier mon quartier. C’est impossible, c’est inadmissible et c’est pourquoi j’ai tenu coûte que coûte à venir vous rencontrer. Si j’ai été maire de Ouagadougou pendant 18 ans, ce n’est pas parce que je suis fort ou surdoué. C’est parce que vous m’avez fait confiance en me votant chaque fois et en me soutenant durant tout ce temps.

C’est une obligation pour moi de venir vous exposer la situation. Parce que ceux qui n’arrivent jamais au puits pour puiser l’eau ont pris aussi leur bâton de pèlerin. Je suis de ceux qui pensent que rien ne sert de courir, il faut juste partir à point. C’est la raison pour laquelle nous avons entrepris ce périple.

Il vous souviendra qu’après mon départ, certains ont pris le relais et ont reçu des fessées dans leur propre quartier. Ils étaient même obligés d’acheter des conseillers d’autres partis afin de ravir la mairie. Enfin… je ne voudrais pas tout déballer ici, je préfère m’arrêter là. Et puis vous n’avez pas besoin de dessin pour comprendre. Vous avez certainement entendu que des gens et pas des moindres ont quitté, il y a déjà quelques semaines, le navire battant pavillon CDP : il s’agit de Roch Marc Christian Kaboré, de Salif Diallo. Inutile de vous dire qu’ils ont été de très proches collaborateurs du président du Faso et ont occupé de hautes fonctions dans ce pays, et de celui-là qu’on appelle Simon Compaoré».

Simon se lance dans un mémoire en défense avec toute la verve et la combativité qu’on lui connaît. En caricaturant et en dépeignant la situation.

«Mais pourquoi ont-ils quitté le navire après avoir coupé, scié et raboté le bois qui a servi à la construction du bateau ? Pourquoi ont-ils construit les murs de la maison jusqu’à la pente et parachevé les travaux de finition tels que le crépissage et la toiture et installé même des lits afin que tous s’installent ?

Nous avons quitté la maison parce qu'au CDP, qui est le parti au pouvoir et celui du président, on a changé la direction et les orientations du parti lors du congrès de mars 2012. D’ailleurs, c’est de retour de ce fameux congrès que j’ai été victime d’un grave accident de la circulation, j’ai eu une triple fracture.

C’est lors de ce congrès que nous avons été évincés sous le prétexte que nous sommes désormais des anciens. Nous sommes devenus à l’occasion des conseillers politiques. Mais nous avons accepté la situation. Roch a remis les clés de la maison à Assimi Koanda et a dit à l’époque : «Si vous avez besoin de moi, je suis à votre disposition, n’hésitez pas à m’appeler, je suis à la maison». Chemin faisant, le sang neuf qu’ils ont prétendu injecter au parti, nous qui connaissons très bien le parti et ses animateurs, nous en étions quelque fois à poser la question «mais lui là c’est qui même, il vient d’où ?» Des gens qui n’ont jamais été connus comme de fervents militants et qui n’ont à aucun moment de l’histoire de la vie du parti fait leurs preuves par leur travail à la base. C’est vous dire que c’étaient de parfaits anonymes qui ont été bombardés ou parachutés à la direction du parti.

Naïfs, nous ne doutions pas que c’est une association dénommée FEDAP/BC qui était en train de lancer une véritable OPA sur le parti. C’est ainsi que ces OVNI qui ne connaissent rien de la création de ce parti nous commandent et nous donnent aujourd’hui des instructions. Nous pensions que l’objectif de la nouvelle direction était de continuer le travail que nous avions abattu et de rectifier le tir au besoin. Mais nous nous étions une fois de plus gourés parce que la première entreprise du nouveau bureau fut la dissolution des bureaux des deux grandes villes que sont Ouagadougou et Bobo. La manœuvre, en fait, avait pour but de virer ceux en qui ils ne faisaient plus confiance pour placer des gens qui leur sont complètement acquis. En tenant des discours fondés sur la suspicion, la calomnie et la délation. Des discours du genre, "tel membre du bureau est très proche de Salif, tel autre a partie liée avec Roch ou Simon, il était même chez lui tel jour à telle heure".

A partir de ce moment, nous avons compris qu’il ne pouvait plus y avoir de cohésion ni de respect dans le parti. Et tenez-vous bien, lors des dernières législatives, en tant que conseillers politiques, nous avons découvert les candidats du CDP dans la province du Kadiogo dans la presse. Alors que Roch était encore président de l’Assemblée nationale et moi maire de Ouagadougou. Dès lors, nous avons su que nous ne comptions plus.

Selon vous, est-ce que cette situation est acceptable ?

Je dois vous confesser aussi, qu’au temps fort des protestations contre la mise en place du Sénat, nous avons demandé une audience avec le président du Faso. J’étais avec Roch et Salif et le président nous a effectivement reçus. A cette occasion nous lui avons dit de surseoir à ce projet, vu le tollé suscité, la tension qui prévalait et les risques de confrontation entre militants de l’opposition et ceux du CDP. Mais aussi entre les différentes communautés religieuses. Ce qui fait le charme du Burkina, c’est la coexistence pacifique entre les différentes communautés. Effectivement le Président a compris notre position et le souci de l’apaisement du climat social qui nous animait. Et le lendemain à travers un communiqué, il a annoncé la suspension de la mise en œuvre du Sénat et le mercure social est aussi vite retombé. Pour nous répondre, la direction du parti a entamé des concertations avec d’autres partis pour conclure une alliance dénommée "front républicain" afin de mettre en place le Sénat et de réviser l’article 37. Cette information également, c’est par le biais de la presse que nous l’avons apprise. Fallait-il plus pour que nous nous rendions compte qu'en tant que conseillers politiques du parti, nous n'étions, en fait, même pas conseillers d'un poulet (rires) ?

Lorsque vous construisez petit à petit une maison et qu'au fil du temps vous devenez des étrangers dans cette maison, c’est mieux de prendre votre baluchon et de vous en aller. Même si c'est pour aller dormir en location.

Depuis l’avènement de la nouvelle direction et de ses jeunes, il n’y a plus de respect dans le parti pour nous autres. Les jeunes nous rebattaient souvent les oreilles avec des sentences du genre : «Ils ne sont pas d’accord… S'ils ne veulent pas, ils n’ont qu’à circuler là, ils n’ont qu’à partir». Une maison que vous vous êtes retroussé les manches pour bâtir et des gens viennent vous lancer comme ça à la figure : «Si ne tu veux pas faut partir …han».

En matière de manque de respect, la dernière fois que la direction du parti a convoqué les députés et les maires pour réaffirmer leur appartenance au parti et leur soutien au président Blaise Compaoré, un éminent membre de la direction a ouvertement et publiquement insulté le Larlé Naba en disant que sur les 70 députés du parti, lui seul n’a pas signé. (NDLR : nous tairons la grossièreté pour le respect de nos lecteurs). Pour l’ex-maire, cette insanité est d’autant plus outrageante, inacceptable que son auteur (dont il tait le nom) est un du terroir et connaît par conséquent les us, coutumes et valeurs qui y prévalent. Insulter un ministre du Moogho Naba relève du sacrilège.

«Même en désaccord avec le chef de l’Etat, jamais vous ne m’entendrez moi, Simon, lui manquer de respect encore moins proférer des injures à son encontre»

(Quelque temps après, des rumeurs de plus en persistantes font état de la présence du président de la FEDAP/BC).

Simon continue : "Si je ne dis pas la vérité, qu’il vienne prendre le micro et me démente. Laissez-moi vous dire que nous étions hier (NDLR : on était le vendredi 17) à Tanghin-Dassouri, la commune dont le président de la FEDAP/BC est maire. Dans l’ombre, des gens sont allés distribuer des billets de banque pour que les jeunes ne nous rencontrent pas. Ils ont tiré à terre, puisque nous avons franchement été surpris de l’accueil qui nous a été réservé et de la sympathie dont ils ont fait montre à notre endroit. C’est vous dire que ce n’est pas dans mon quartier qu’ils peuvent m’intimider. Quand la nuque est bien gardée, la bouche parle comme elle veut.

Le CDP n’est plus le même parti que nous avons créé en février 1996. Nous, nous connaissons la honte, c’est pourquoi nous quittons la maison. Mais je dois vous rappeler que nous ne sommes pas partis de notre gré, nous avons été poussés vers la sortie.

La seconde raison de notre départ est en rapport avec l’obstination à réviser l’article 37 et à mettre en place le Sénat. Sur la Haute Chambre, j’avais donné plus haut notre position. Quant au déverrouillage de l’article 37, nous estimons qu’il n’est pas opportun. Même si nous avions soutenu le contraire en 2009, nous battons notre coulpe. Nous nous sommes trompés. L’erreur est humaine, mais persister dans l’erreur est diabolique. Franchement le président du Faso a beaucoup fait pour ce pays, il a travaillé, il a construit et il faut reconnaître que sur ce plan, il n’a plus rien à prouver après 27 ans à la tête de l’Etat. Mais reconnaissons aussi qu’une seule personne ne peut construire indéfiniment un pays. J’ai été maire pendant 18 ans ; je suis venu trouver des chantiers; j’ai fait ce que j’ai pu pour faire avancer la ville ; je suis parti et quelqu’un d’autre continue le travail. En plus, nous sommes à court d’arguments face aux jeunes qui n’aspirent qu’au changement. Et nous devons écouter et prendre au sérieux leurs préoccupations et aspirations. Il y va de la stabilité de notre pays. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons œuvrer à préserver la paix dans notre pays en faisant l’économie de tout ce qui peut remettre en cause cette paix sociale. Ce qui s’est produit au Mali et au Niger, si on n’y prend garde, peut arriver au Burkina.

Je suis mieux placé que quiconque pour connaître l’importance et la valeur de la paix et de la stabilité. Lors des mutineries, beaucoup d’entre eux ont échappé à la furie des militaires. Mais moi, non. J’ai été passé à tabac, battu comme un animal. J’ai vu la mort de très près et je rends grâce encore à Dieu de m’avoir laissé la vie sauve. Alors, après cette douloureuse expérience, pensez-vous que je puisse souhaiter l’instabilité et le chaos à mon pays ? Malheureusement, c’est aussi le moment que la FEDAP/ BC a choisi pour aller demander le déverrouillage de l’article 37 à Bobo. Il faut que ses responsables sachent que le Burkina Faso n’est pas une monarchie. Et que leur responsabilité peut être engagée si le pays implose. Pourtant c’est le comportement des uns et des autres qui fera que la paix sociale soit préservée. En tout cas, pour ma part, le meilleur des doua, c’est la paix. Je réponds promptement amen lorsque quelqu’un me la souhaite. Je sais de quoi je parle.

Il y a un grand orage qui s’annonce à l’horizon et si nous n'y prenons garde, ses conséquences seront plus désastreuses que celles que nous avons connues le 1er septembre 2009. Nous n’avons rien contre le président Blaise Compaoré, nous voulons seulement préserver la première richesse du pays que sont la stabilité et la paix sociale.

C’est pour toutes ces raisons que je vous invite à participer à la marche-meeting de demain pour manifester votre opposition à la mise en place du Sénat et à la révision de l’article 37. Mais manifestez pacifiquement votre désapprobation. C'est-à-dire sans casser les feux rouges, sans vandaliser les édifices publics et sans piller les étales. Parce que quand j’étais maire, je combattais énergiquement cela. Nous ne sommes pas encore affiliés au CFOP, mais nous partageons le même objectif, celui de préserver la paix sociale. Et vous savez aussi que trop de viande ne gâte pas la sauce Mieux vaut prévenir que guérir maintenant que c’est clair que seuls la révision de l’article 37 et le Sénat peuvent mettre le feu aux poudres. S’il plaît à Dieu, le samedi 25 janvier nous allons nous réunir au Palais de la culture et de la jeunesse et certainement à la fin des travaux, notre bébé verra le jour.

Avant qu'il prenne congé des jeunes, les organisateurs ont remis une somme de dix mille FCFA au maire afin qu’il puisse se rafraîchir après une journée aussi chargée.

Jean Stéphane Ouédraogo

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