Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article



 Titrologie



FasoZine N° 48 du

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Politique

Crise au CDP et présidentielle 2015 : «On pourrait assister à un scénario comme au Sénégal»
Publié le mercredi 8 janvier 2014   |  FasoZine


Le
© Autre presse par DR
Le Pr Abdoulaye Soma, enseignant-chercheur à l’Université Ouaga2 et Président de la Société burkinabè de droit constitutionnel.


 Vos outils




Agrégé des facultés de droit, le Pr Abdoulaye Soma, est enseignant-chercheur à l’Université Ouaga2 et Président de la Société burkinabè de droit constitutionnel. Dans cette interview accordée à Fasozine, il livre son analyse de la démission en cascade de certains bonzes du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, parti au pouvoir). Selon le Pr Soma, si ces dissidents lancent leur parti, on assistera alors à un scénario comme au Sénégal. Dans ce cas de figure, pensent le constitutionnaliste, l’attention ne doit plus être portée sur l’élection présidentielle de 2015, mais plutôt sur la révision de la constitution car si la constitution a pu être révisée et que Blaise Compaoré est candidat en 2015, il passera. Lisez-plutôt…

Fasozine: Salif Diallo, Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et bien d’autres caciques du pouvoir ont rendu leur démission du Congrès pour la démocratie et le progrès. C’est un fait assez inédit…
Pr Abdoulaye Soma: J’ai aussi pris note de cette démission. Il faut préciser qu’au-delà de ceux qui sont cités, quand on regarde la liste annexée à la lettre de démission, on se rend compte qu’il y a des députés, des poids lourds, qui sont engagés dans cette démission.

Certains voient en cela une manœuvre de Blaise Compaoré pour saper le travail de l’opposition. Partagez-vous cette façon de voir les choses?
Je ne vais pas dire qu’elle est fausse, mais je partagerai difficilement cette analyse. Si on regarde bien les choses, on voit que c’est depuis 2009 que les difficultés ont commencé à se faire sentir dans l’administration du Congrès pour la démocratie et le progrès en tant que formation politique. On a senti ces difficultés avec les sorties médiatiques de certains caciques tels que Salif Diallo ou encore les refondateurs qui ont critiqué la gestion du parti en 2009-2010. En ce moment-là, le problème de la volonté de Blaise Compaoré de poursuivre après 2015 ne se posait pas avec autant d’acuité. J’admettrai difficilement que c’est depuis 2009, avant même l’entame du mandat de 2010, qu’il a commencé à battre les cartes pour 2015. Eu égard à la profondeur du processus de scission, qui a débuté en 2009, une année de concentration d’évènements de dissidence par rapport au management politique du CDP- je pense que c’est le mûrissement et l’aboutissement du processus de désaccord, de contestation qui abouti à la démission collective de ces caciques du CDP.

Dans leur lettre cependant, les démissionnaires ont plutôt remis en cause la gestion du parti par le secrétariat exécutif actuel et affirment qu’il y a des velléités de modification de l’article 37 de la Constitution…
Oui c’est exact. Mais ils ont aussi dit qu’il n’y a pas de démocratie à l’intérieur du parti. Cette critique se retrouve en substance dans la déclaration des refondateurs et dans la sortie médiatique de Salif Diallo il y a quelques années. C’est donc une critique qui a été faite depuis longtemps et qui ne s’est pas estompée au fil du renouvellement des différentes instances dirigeantes du CDP. Il me semble que le grief matriciel des démissionnaires est ce manque de démocratie à l’intérieur de leur parti politique, qui verrouille la circulation interne des élites et qui grippe le débat interne. Cette critique mère ne date donc pas d’aujourd’hui. Le mouvement a donc pris ses racines depuis longtemps. Ce n’est pas par manque de solutions à la situation actuelle que des personnes auraient été positionnées pour fractionner l’opposition où divertir le peuple. Je ne crois pas vraiment à ce scénario.

Mais n’est-ce pas surprenant d’entendre l’ancien président d’un parti dire qu’il n’y pas de démocratie dans son parti?
Effectivement, sous le mandat de Roch Marc Christian Kaboré, certains avaient critiqué le manque de démocratie au sein du CDP. Cela veut dire que quand lui-même a dû quitter la présidence du parti, il s’est rendu compte de la pertinence de cette critique. Il y a donc une constance dans cette critique. En plus, il y a une conclusion que les démissionnaires ont tirée: celle consistant à dire que, comme il n’y a pas de démocratie au CDP alors que c’est le CDP qui est au pouvoir, cela signifie qu’il n’y a pas de démocratie dans la façon de gérer le pouvoir politique de façon générale.

Si ces dissidents du CDP créent leur parti politique, à quoi peut-on s’attendre? A quoi pourrait ressembler le nouveau visage du landerneau politique burkinabè?
Je pense qu’à l’heure où nous parlons, les statuts de ce nouveau parti sont probablement prêts. Depuis qu’il y a eu renouvellement des instances politiques du CDP, on a entendu parler de l’éventualité d’une scission. On sait que la démission n’a pas été subite. Tout se passe comme si c’est un parti politique qui, dans l’obscurité, a préparé la démission. On aura donc certainement dans les prochains jours le lancement d’un nouveau parti politique. Qu’est ce qui changera ? Cette nouvelle donne ouvre des perspectives intéressantes à l’analyse. Ce qu’il faut noter, c’est qu’avant 2012, il y’avait une absence significative d’opposition sérieuse. Donc, avec la création de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré, il y a eu une opposition qui s’affirme. Ce parti a eu à lui tout seul, 19 députés pour sa première participation électorale.

Si ceux qui viennent de quitter l’opposition créent leur formation politique et se mettent dans l’opposition, on aura au moins deux formations politiques de calibre assez important dans l’opposition. Là, il se prépare un scénario comme au Sénégal. Même s’ils ne s’entendaient pas forcement, ces leaders au Sénégal ont pu faire un front républicain pour obtenir un résultat déterminant à un certain moment: le changement.

C’est donc un scénario auquel on peut aboutir au Burkina Faso, si les démissionnaires créent effectivement leur parti. Et si ce parti est créé, on risque d’aboutir à un ballotage aux élections présidentielles de 2015, parce qu’aucun candidat ne sera en mesure de l’emporter au premier tour sans fraude. Il y aura donc second tour, avec ce que cela suppose comme alliances, le front républicain dont je parlais plus haut qui se formeront dans ce type de situation.

A présent, que va faire le président Blaise Compaoré, d’après vous?
Je ne suis pas un charlatan politique. Je ne peux donc pas prédire ce que feront les différents acteurs politiques dans l’avenir. Mais les choses sont telles que si les caciques du pouvoir qui ont démissionné rejoignent l’opposition, tout en s’opposant clairement à la modification de l’article 37 et à l’opérationnalisation du Sénat, la situation peut se décanter avant 2015. Pour arriver en 2015, il faut que l’article 37 de la constitution soit modifié, alors que la modification risque de cristalliser l’affrontement politique des différentes forces en présence.

Ainsi, l’opposition électorale attendue en 2015 va se déporter sur une opposition révisionniste. Il n’y aura pas une opposition électorale en tant que telle en 2015. C’est avant 2015, au moment de la révision, qu’il y aura l’affrontement. S’il se révèle des forces capables de s’opposer à Blaise Compaoré pour le mettre en ballotage en 2015, c’est que ces mêmes forces sont capables de l’arrêter à l’heure de la révision de l’article 37 de la constitution. Donc, l’attention ne doit plus être portée sur l’élection présidentielle de 2015, mais plutôt sur la révision de la constitution. Si la constitution a pu être révisée et que Blaise Compaoré est candidat en 2015, il passera. Il n’y a pas de doute. Celui qui gagne la lutte de la révision gagne la lutte des présidentielles. Puisqu’il y aura globalement une différence de six mois à peu près, entre un éventuel referendum et l’élection présidentielle. Et la configuration des forces ne risque pas de changer dans ce laps de temps. Si Blaise a une puissance politique qui lui permet de passer le cap de la révision, la même situation va prévaloir lors des élections. Mais si sa puissance politique ne lui permet pas de modifier la constitution, c’est qu’il ne sera même pas candidat en 2015.

Pour moi donc, la bataille politique la plus déterminante est moins l’élection présidentielle de 2015 que le cap de la révision constitutionnelle qui doit se faire en 2014. Il y aura donc deux camps: le premier camp est composé de la majorité, c’est-à-dire CDP, Fedap/BC et autres pour la modification de l’article 37, pour l’opérationnalisation du Sénat, pour la continuation avec Blaise Compaoré. Dans l’autre camp, on aura les dissidents du CDP, les autres membres de l’opposition, et éventuellement des membres de la société civile qui seront contre la modification de l’article 37, contre le Sénat et contre la continuation de Blaise Compaoré. Ces deux blocs vont s’affronter jusqu’à mi-2014. Puis, les choses décisives devraient se faire. La décision de modifier devra trouver une concrétisation. L’opposition à la modification devra trouver une concrétisation. En ce moment, en fin 2014, on devra aboutir à un résultat qui préfigure le déroulement de l’élection présidentielle de 2015.

Vous êtes donc de ceux qui disent que 2014 est l’année de tous les dangers au Burkina Faso…
Oui. Je le pense parce que toute la bataille se passera en 2014. En 2015 il n y aura plus rien. L’élection présidentielle de 2015 sera tranquille, c’est-à-dire sans risque conflictogène majeur. Comme je l’ai signalé, si Blaise Compaoré est candidat en 2015, c’est qu’il aura réussi à réviser la constitution en ayant réuni des forces conséquentes autour de lui. Si c’est le cas, il remportera les élections présidentielles de 2015. Si Blaise Compaoré n’arrive pas à capitaliser des forces politiques suffisantes lui permettant de réviser la constitution, il ne sera même pas candidat en 2015. Dès lors, les élections présidentielles de 2015, seront les plus ouvertes et les plus indéterminées de notre histoire politique.

Parmi les démissionnaires du CDP, on annonce des députés. Si leur nombre est élevé, peut-on assister à la dissolution de l’Assemblée nationale, vu que ces derniers seront en ce moment obligés de démissionner de l’hémicycle?
La dissolution de l’Assemblée nationale est un pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat, en vertu de l’article 50 de la Constitution. Je pense que s’il est calculateur, s’il a une intelligence politique, c’est une décision qu’il devra éviter. A supposer qu’un nombre important de députés quittent le CDP pour rejoindre les dissidents actuels et que, par énervement, Blaise Compaoré dissout l’Assemblée, cela implique une réorganisation des élections législatives. Ceux qui ont fait scission iront battre campagne pour le nouveau parti. Le peuple risque de lui envoyer des députés défavorables. A partir de là, il ne pourra plus gouverner.

Puisqu’on gouverne par les lois et les lois sont votées à l’Assemblée nationales. Dans notre système politique, si le parti présidentiel n’a pas la majorité à l’Assemblée, le risque de coup d’Etat devient très élevé. Soit c’est le président lui-même qui fait un coup d’Etat ou c’est le parti majoritaire à l’Assemblée qui fait le coup d’Etat. Donc la décision la plus catastrophique serait d’envisager la dissolution de l’Assemblée parce que des députés auraient fait dissidence. Si Blaise Compaoré a de la stratégie, de la finesse, de l’intelligence politique, il n’acceptera jamais de dissoudre l’Assemblée nationale.

 Commentaires