Décidément, ce Rajoelina-là n’est pas homme à perdre. A l’image de son meilleur ennemi, Marc Ravolomanana, qui avait été également recalé à la présidentielle, l’ancien DJ avait fini par faire contre mauvaise fortune bon cœur, remettant son flambeau à Hery Rajaonarimammpiana tout en criant «gare!». Si jamais son challenger perdait, il promettait en effet de se faire entendre,précisément de faire annuler les résultats du scrutin. Ses menaces ont dû payer, même si la commission électorale estime avoir travaillé en toute transparence : le protégé du désormais ancien président de transition a remporté le second tour de la présidentielle à 53%.
Va donc porter les plus hautes charges de le la Grande Ile celui qui, du temps où il fut ministre des Finances de son pays, est arrivé à contenir l’inflation, à résoudre de nombreuses crises sociales, notamment au sein des universités ainsi que des hôpitaux et à payer en temps et en heure les fonctionnaires. L’exploit était d’autant plus remarquable que tous les bailleurs de fonds s’étaient retirés des projets en cours.
Seulement, le hic est qu’il se trouve que son mentor n’a pas totalement abandonné, ayant promis qu’en cas de victoire de son candidat, il serait son Premier ministre. Ancien DJ de son état, son retour au micro, ce sera pour une autre fois. Il a pris goût à la chose politique et ne veut pas en faire le deuil, tenant du même coup à rééditer le triste exploit d’un Vladimir Poutine, qui, ne pouvant plus se présenter à une élection russe, a soutenu son poulain Medvedev. Cette affaire des bords de la Volga était si rocambolesque qu’elle mérite d’être détaillée : en 2008, la Constitution interdisant au président Poutine de concourir pour un troisième mandat consécutif, il soutient la candidature de Dmitri Medvedev à la présidence. Une fois élu, celui-ci le nomme chef du gouvernement. Poutine se porte ensuite candidat à l'élection présidentielle de 2012, bénéficiant à cette occasion du soutien du président sortant, Dmitri Medvedev. Le 7 mai 2012, Vladimir Poutine retrouve la fonction de président de la Fédération de Russie après sa victoire au premier tour de scrutin. Peut-être que Rajoelina veut dupliquer cet exercice et le tropicaliser à souhait. Le grand risque étant que, pour le pays-continent qu’est Madagascar, son premier responsable ne devienne une marionnette, un pantin que l’ancien président manipulera à souhait.
«Enfin ! Deux longs mois après le premier tour de l’élection présidentielle du 25 octobre 2013, le bout du tunnel. Enfin ! Quatre ans et demi après le coup d’Etat de mars 2009 qui a conduit Andry Rajoelina, alors maire de la capitale, Antananarivo, au pouvoir, une lueur d’espoir. Enfin, après une si longue crise politique, des signes d’un retour à l’ordre constitutionnel», écrivons-nous dans notre édition du vendredi 20 au dimanche 22 décembre 2013 à l’annonce du second tour de la présidentielle. Ce sont les mêmes souhaits qui nous animent à l’annonce des résultats finaux, devant les difficultés de cette île qui se noyait dans une crise sans fin. Qu’elle retrouve la paix au plus tôt et que l’on s'y mette au plus vite au travail. Le moins que l’on puisse dire est que Madagascar dispose de nombreux atouts pour se développer. Malheureusement, la politique politicienne est passée par là. Espérons que le nouveau président, expert-comptable de son état et dont les compétences lui ont permis d’être hissé au rang de président de l’Ordre des experts-comptables, pourra appliquer les bons théorèmes afin de rendre la courbe du développement résolument ascendante.
