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Sidwaya N° 2712 du 27/12/2013

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Culte des masques de Gossina: Promotion d’un rituel identitaire
Publié le vendredi 27 decembre 2013   |  Sidwaya




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« Sou » ou culte des masques de Gossina, village situé à 35 km de Toma dans la province du Nayala, est un rituel qui a lieu tous les trois ans. Cette année, la sortie des masques a eu lieu du 6 au 8 décembre 2013. Il existe trois lignages détenteurs de masques à Gossina. Les masques sont au début et à la fin de toute organisation sociale du village san de Gossina. Au-delà des volets festif et spectaculaire, cet évènement présente des aspects rituels, sacrés, socioculturels, etc. A la découverte d’une société dans laquelle les masques jouent un rôle déterminant.

Il est minuit passée d’une dizaine de minutes à Gossina, village situé à une trentaine de kilomètres (km) de Toma, dans la partie Sud de la province du Nayala, la nuit du 6 au 7 décembre 2013. Un tambour retentit dans le village. Aussitôt, un hurlement d’un masque se fait entendre. C’est le début des festivités du culte des masques, appelé « Sou ». En effet, le culte des masques de Gossina s’étend principalement sur deux semaines. Mais la fête proprement dite se déroule en deux jours : le départ des masques à l’autel de « Sou » et la danse des masques à la place publique du marché. Selon l’initié au culte des masques du lignage des Dié du quartier Guila, Diyè Dié, à la veille de la fête, les masques-mères des différents lignages détenteurs de masques sortent pour hurler la nuit. Le masque-mère hurle, de son avis, au son du tambour de son unique griot et personne ne peut s’approcher d’eux ni les croiser, il risque d’être abattu par cette créature sacrée. « Les cris des masques suivent une certaine hiérarchie, c’est-à-dire que le masque-mère de Guila se fait entendre premièrement, ensuite, celui du lignage des Karambiri du quartier Sonkima, enfin, celui du lignage des Paré de Bèrèkima, qui parcourt le village en passant par le quartier Massala pour se rendre à Sonkima avec de la flamme sur la tête comme l’exige la tradition. Les personnes âgées peuvent voir ce masque sacré en déplacement. Après les différents hurlements des masques-mères, tous les masques se retrouvent dans leur forêt », relate Diyè Dié. Dès 7 heures, l’on assiste à la sortie des masques des différents lignages. La sortie des masques des Dié de Guila est la plus spectaculaire. Le village est alerté par le retentissement des tambours à proximité de la forêt dénommée « Wonkodan », de laquelle les masques sortent. Cette sortie des masques suit un ordre hiérarchique. Le tambour-mère appelle d’abord les masques non sacrés, avant d’arriver aux masques les plus sacrés, les plus craints.

Le masque-mère appelé « nakrô-magnè » sort, en dernière position. Chaque masque, après avoir été maintes fois invoqué, sort dans ses plus belles tenues, esquisse des pas de danse, fait des va-et-vient. Une cérémonie pleine de joie à faire éclater le public. Les masques de Gossina ont une tête en bois sculpté et des vêtements en fibres. Les masques zoomorphes sont les plus dominants. Ils représentent surtout les animaux sauvages. Une autre tendance, moins manifestée, consiste à faire des modèles anthropomorphes. Frédéric Lawagoulé Ko, un jeune forgeron et sculpteur de têtes de masques reconnaît avoir hérité de son père. « Depuis près de trois mois, j’ai m’attelle à tailler particulièrement les têtes de masques, à cause de la fête de ‘’Sou’’ », note-t-il. Tous les trois lignages détenteurs de masques à Gossina affirment sans exception, que le masque provient de la brousse. Ils seraient, de leur avis, le don des génies, une créature sacrée.

Le sacrifice du poulet blanc exigé

Après la sortie des masques de la forêt, ils font un défilé jusqu’à leur lieu de culte où les premiers responsables des masques effectuent des sacrifices, afin d’obtenir des bénédictions des ancêtres pour le bon déroulement de la fête. Là, le maître-sacrificateur, Koni Dié , à cause de son âge avancé, ordonne au jeune initié, Rémi Dié, de sacrifier le poulet blanc à l’autel des masques. Après avoir prononcé des formules invocatoires, il égorge le poulet. Le masque-mère est adossé au fétiche, jusqu’à ce que les vœux soient exaucés par la mort du poulet, le dos contre terre. Après quoi, l’on verse de la bière de mil communément appelée dolo sur l’autel, qui est également une offrande rituelle ultime que les Samo peuvent offrir à une divinité, en reconnaissance d’un bienfait.

« Nous faisons ce sacrifice pour la bonne pluviométrie et la paix dans le village. Le maître-sacrificateur doit être "pur" et juste, sinon le sacrifice ne réussit pas. Il est de même s’il y a une mésentente entre les responsables de masques. Et tous les cas, l’échec des sacrifices est un mauvais signe », explique l’initié au culte des masques, Diyè Dié.

A partir de 11 heures, les populations commencent à boire du dolo en honneur de « Sou ». En effet, les membres de chaque lignage se rassemblent autour des pots de dolo, préparés exclusivement à cet effet pour boire à volonté. Pendant ce temps, les porte-parole de « Sou » qui sont en quelque sorte les initiés au culte parcourent le village pour assurer la sécurité. Aux environs de 15 heures, les masques sont rassemblés au quartier Bôléa, chez le premier responsable du « Sou », Diyiri Yé, où ils effectuent d’abord les premiers sacrifices dans la grande maison du culte. Selon Diyiri Yé « Sou », signifie en san « ce qui est doux ou bon ». Il déclare avoir hérité de cette coutume de leurs ancêtres. « D’après des paroles que nos devanciers nous ont laissées, dans le temps il y avait la querelle, la mésentente dans le village. Pour cela, notre ancêtre a pris l’initiative d’aller à la recherche d’une solution pour la paix dans le village. C’est ainsi qu’il alla emprunter, en compagnie du responsable des masques de Guila, ce fétiche à Biésou, un village gourounssi », raconte-t-il.

« Sou » pour la paix et la cohésion sociales

Durant la période de « Sou », signale M. Yé, toute dispute est punie à Gossina et dans ses villages alliés et aucune femme ne doit quitter son mari, quel que soit le motif pendant la période des « Sou ». Tout vol est aussi proscrit, à l’en croire. « Le septième jour de la fête est sanctionné par une tournée des initiés au ‘’Sou’’ appelés ‘’sounè’’ dans tous les villages rattachés à Gossina, à travers le rituel pour attraper des chèvres afin de les sacrifier. Nous faisons ce rituel pour l’abondance de la pluie et la paix sociale dans le village », soutient-il. Pour le chef de terre de Gossina, Barthélemy Ki, les propriétaires du village et les responsables du culte des masques réunissent leur force pour la paix et la cohésion du village et l’abondance de la pluie. À l’origine, mentionne-t-il, « Sou » semble avoir été associé à la chefferie de terre pour la paix et la prospérité du village. C’est pourquoi, à son avis, pendant cette période, tout différend manifesté est vu comme une offense au « Sou » à punir. De chez le premier responsable du culte, les masques se rendent au grand fétiche du « Sou », implanté entre des arbres épineux, communément appelés balanitès. Ce lieu est appelé « soudi » (fétiche de « Sou »). La cérémonie de « soudi » est la plus importante dans la célébration cultuelle de « Sou ». Arrivée au « soudi », les masques dansent d’abord autour du fétiche, le temps de permettre aux anciens de s’installer et préparer les sacrifices. Les masques, les jeunes et les femmes démontrent les pas de danse de force et de technique. Ensuite, le retentissement du tam-tam du griot principal de « Sou », Grégoire Ki, annonce le début du sacrifice. Après les paroles sacrées du premier responsable du culte, l’on procède au sacrifice d’un poulet blanc. Un silence de mort s’installe. Tout le monde attend impatiemment la réussite de ce sacrifice car l’échec de celui-ci annonce un malheur qui s’abattra sur le village (comme la sécheresse). Seul le masque-mère de Guila est habilité à se coucher sur le fétiche auprès des anciens, pour que l’offrande réussisse. L’acceptation du sacrifice par les ancêtres et les dieux du village s’est manifesté par la mort du poulet blanc, le dos contre terre. Ceci est acclamé par les cris des femmes et les tam-tams recommencent à résonner plus fort. Tous les masques se relèvent et dansent jusqu’à la tombée de la nuit. Après quoi, les gens regagnent leur domicile. Les membres des différents lignages retournent à leur dolo pour boire jusqu’au petit matin.

Le spectacle de la danse des masques

Le deuxième jour coïncide toujours avec un jour de marché. En effet, le dimanche 08 décembre, jour du marché, dès le matin, les gens se rencontrent sur leur fétiche de « Sou » pour faire les sacrifices rituels et boire le dolo de la veille. Les commerçants commencent à s’installer dans le marché pour mener leurs activités lucratives. Pendant ce temps, les différents quartiers détenteurs de masques recrutent les talentueux jeunes pour la danse de la soirée, car les masques doivent séduire le public par leur danse de force et d’acrobatie.

Vers 14 heures, les premiers tambours commencent à résonner à travers le village, annonçant le départ des masques au marché pour la danse. Les uns s’affairent à se rendre au marché, les autres passent toujours leur temps autour du dolo. Le marché commence à se segmenter pour s’installer sur le lieu de la danse, en attendant l’arrivée des masques. En file indienne, dans leurs belles tenues, accompagnés de griots et d’une foule innombrable, arrivent les premiers masques, ceux de Guila. Débarquent ensuite, ceux de Sonkima et de Bèrèkima avec le même style que les précédents. Les masques, après avoir fait le tour de la scène, s’installent, en attendant l’arrivée du chef de « Sou » pour ouvrir la danse. Le masque-mère de Sonkima, le « gouo-bagnè » arrive comme chaque édition, en dernière position, accompagnée de femmes, de son unique griot et de son seul flûtiste. Il fait le tour avec ses pas de danse traditionnelle, différents de ceux des autres masques, avant de s’installer. Arrivent enfin, les responsables du culte et le griot principal de « Sou », accompagnés chaque année d’un masque de Guila, après avoir passé par le « soudi ».

Très vite, la scène est complètement constituée. Le griot du chef du culte tape son tam-tam pour que le calme revienne et permettre au chef du culte d’adresser à la foule ses sincères doléances, afin que la fête puisse se passer dans la paix, la tolérance et la joie. Il met en garde toute personne susceptible de perturber la fête par ses caprices ou sa magie, avant de commencer la cérémonie rituelle. C’est l’ouverture de la danse. Les masques sortent sur la scène par quartier, à tour de rôle. Chaque masque a sa catégorie de danse. Les masques doivent, non seulement impressionner le public par leur danse, mais aussi, imiter les animaux qu’ils représentent. La foule s’émerveille, applaudit les danseurs. L’appréciation de chaque masque se mesure à la hauteur des applaudissements. C’est donc une danse traditionnelle compétitive. Les masques dansent, s’épuisent, se renouvellent jusqu’à la nuit tombante. Le « gouo-bagnè » de Sonkima est le premier à quitter la scène. A l’approche de la fin de la danse, ce masque se retire aussitôt et est raccompagné du même cortège jusqu’à la maison. A la tombée de la nuit, le griot de Sou annonce la fin de la danse. Les masques épuisés regagnent leurs quartiers respectifs, toujours en dansant, accompagnés de leur population. La grande foule, toute joyeuse, se disperse dans tous les quatre coins du village et la fête se poursuit autour des canaris de bière de mil. Le maire de la commune de Gossina, Jean-Marie Thony, s’est dit émerveillé par les prestations des différents masques. « Les responsables du culte des masques souhaitent mon accompagnement pour avoir des partenariats afin d’initier pourquoi pas un festival des masques à Gossina comme à Dédougou ou Poni. Nos masques sont beaucoup appréciés. Ils sont même allés deux fois en France pour des prestations. Nous tenons à promouvoir davantage ce pan de la culture san de Gossina », souligne-t-il. Il nourrit l’espoir que ces masques puissent contribuer énormément au développement socioéconomique de Gossina.

Kowoma Marc DOH
dohmarc26@yahoo.fr

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