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Les PME africaines accablées d’impôts
Publié le vendredi 20 decembre 2013   |  Jeune Afrique


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Les PME africaines accablées d`impôts


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Quelle est la région du monde où les PME paient le plus de taxes ? Réponse : l'Afrique. Multinationales, acteurs informels et particuliers, eux, contribuent très peu à l'effort collectif. Le système fiscal est à revoir de fond en comble. Le rapport est édifiant. Il s'intitule "Paying Taxes 2014", a été publié fin novembre par PwC (ex-PricewaterhouseCoopers) et porte sur les impôts payés par les petites et moyennes entreprises (PME) dans 189 pays. Le cabinet international de conseil et d'audit, en partenariat avec la Banque mondiale, a passé au crible le taux global d'imposition auquel sont soumises ces sociétés, le nombre d'heures qu'elles consacrent à l'acquittement de ces taxes, mais aussi le nombre de paiements qu'elles réalisent au cours d'une année. Les conclusions de cette étude interpellent : avec un taux global de 52,9 %, les PME africaines sont les plus imposées de la planète - la moyenne mondiale étant de 43,1 %. Bien que ce chiffre ait significativement reculé au cours des cinq dernières années (il était de 70 % au début des années 2000), il reste environ deux fois plus élevé qu'au Moyen-Orient, où les entreprises bénéficient du taux le plus bas au monde (23,7 %). D'après les analystes de PwC, cette surtaxation s'explique avant tout par la multitude de prélèvements qui vient s'ajouter aux impôts sur les bénéfices et sur le travail.

Plus précisément, il s'agit des taxes sur les ventes. "Elles étaient encore appliquées aux Comores et en Gambie en 2012. Si ces deux pays avaient été exclus de la moyenne régionale, cette dernière aurait été réduite à 46,1 %, indique PwC. Le Burundi, Djibouti, le Mozambique, la Sierra Leone, le Swaziland et plus récemment la RD Congo ont aboli ces systèmes fiscaux en cascade et adopté un système de TVA [taxe sur la valeur ajoutée] conduisant à la réduction significative du taux d'imposition total." Sur l'ensemble du continent, le taux moyen de ces "autres taxes" (selon la terminologie utilisée par PwC) est de 20,1 %, contre 8,4 % en Asie-Pacifique et... 0,4 % au Moyen-Orient.

La clé sous la porte

Là où le bât blesse, c'est qu'en Afrique cette charge fiscale repose essentiellement sur les mêmes contributeurs : les PME. Or ces entreprises ont beaucoup de mal à accéder aux financements nécessaires à leur développement et, faute d'infrastructures adéquates (énergie, transports, etc.), sont confrontées à des coûts de production exorbitants. "La plupart des économies africaines ne sont pas très structurées, et la grande majorité des acteurs relève du secteur informel, difficile à taxer", explique Dominique Taty, associé chez PwC et responsable du conseil fiscal pour l'Afrique francophone. Un économiste d'une institution internationale complète : "Si ce sont toujours les mêmes qui paient, c'est aussi parce que les États africains vont au plus facile. On taxe beaucoup plus dans les grandes agglomérations que dans les petites villes. On ponctionne au maximum ceux qui n'ont d'autre choix que de payer, sans aller chercher de nouveaux contributeurs. Des entreprises sont trop souvent victimes de redressements abusifs." Résultat : quand elles ne se réfugient pas dans l'informel pour échapper à ces taxes, nombre de ces sociétés mettent simplement la clé sous la porte.

Au Sénégal, 376 PME ont fermé au cours de la seule année 2012, d'après le Conseil national du patronat. Parmi les principales raisons invoquées : les contraintes fiscales. Pourtant, "le seul moyen de passer d'une croissance stimulée par les ressources naturelles à une croissance plus saine, durable et créatrice d'emplois, c'est de favoriser le développement de ces entreprises", signale Henri-Bernard Solignac Lecomte, directeur du département Europe, Moyen-Orient et Afrique au centre de développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques.

Élargir l'assiette

En fait, les États africains font face à une équation difficile à résoudre. D'une part, ils doivent mobiliser le plus de ressources intérieures possible pour financer les services publics (santé, éducation, etc.). D'autre part, ils doivent faire en sorte que le niveau des impôts ne décourage pas les investissements. La solution, simple en apparence, consiste à "élargir l'assiette fiscale, c'est-à-dire à cibler un plus grand nombre d'entreprises pour pouvoir taxer moins lourdement", résume Dominique Taty, de PwC. D'après un avocat d'affaires, il existe un gisement considérable d'acteurs imposables chez les particuliers : "En dehors des fonctionnaires, qui sont ponctionnés à la source, la grande majorité des salariés ne paie pas ses impôts. Parfois, même au plus haut niveau de l'État, les dirigeants ne s'acquittent pas de leur devoir fiscal", regrette-t-il, insistant sur la nécessité de développer la culture de l'impôt.

Par ailleurs, une simplification des procédures de paiement inciterait un plus grand nombre de contribuables à participer à l'effort collectif. L'étude de PwC montre qu'en Afrique les entreprises consacrent 320 heures par an au paiement des impôts (contre 268 heures pour la moyenne mondiale). "C'est du temps perdu pour les affaires et cela peut être dissuasif", fait remarquer un chef d'entreprise malien. D'après le cabinet de conseil, seuls trois pays du continent ont mis en place des systèmes de paiement par internet qui représentent un gain de temps significatif. Parmi eux, le Maroc, dont les entreprises consacrent en moyenne 232 heures par an au paiement de leurs impôts.

Tours de passe-passe

Mais à court terme, la piste généralement avancée pour augmenter les recettes des États réside dans la taxation des compagnies internationales. De fait, dans de nombreux pays - notamment miniers -, ces dernières bénéficient actuellement d'importantes exonérations fiscales. Un rapport récent d'ActionAid a ainsi fait beaucoup de bruit en Zambie. Les enquêteurs de cette ONG ont montré que la plus grande société sucrière du pays, Zambia Sugar, filiale locale de British Sugar, a vu son taux d'imposition passer de 15 % à 10 % de ses bénéfices... tandis que la plupart des entreprises zambiennes sont prélevées à 35 % ! Par ailleurs, cette entreprise bénéficie d'un abattement fiscal de 6,5 millions de dollars (environ 4,8 millions d'euros) dans le cadre d'un accord portant sur la construction d'une usine dans le pays. En réalité, ce ne sont pas tant les avantages accordés à ces multinationales qui dérangent ; ce sont surtout les pratiques dites d'optimisation fiscale, qui leur permettent de payer le moins d'impôts possible. "Par des tours de passe-passe et des montages financiers complexes, ces firmes font disparaître des bénéfices réalisés dans les pays africains pour les faire apparaître dans d'autres où les impôts sont très bas", affirme Marcel Malengo, avocat d'affaires et président de la commission juridique de la Fédération des entreprises du Congo (FEC, à Kinshasa).

En RD Congo, justement, nombreux sont les contrats signés avec des groupes miniers qui ont fait l'objet de polémiques. À tel point qu'en 2012 le Fonds monétaire international (FMI) a dû rappeler l'État à l'ordre en lui demandant de mieux mobiliser ses impôts miniers. Encore faudrait-il que l'administration fiscale congolaise - comme celle de la plupart des pays africains - ait les moyens humains et techniques d'y parvenir. "En termes d'impôt sur les bénéfices, un paiement record d'environ 56 millions de dollars a été effectué par la Comisa [Compagnie minière de Sakania] en 2010, poursuit Marcel Malengo. Depuis, aucune entreprise n'a atteint ce niveau."

Et l'avocat congolais de rappeler que ces pratiques (légales mais non éthiques) des multinationales ne concernent pas seulement les mines : d'autres secteurs, comme les télécoms, connaissent les mêmes dérives. D'après le dernier rapport "Africa Progress", publié par un panel de haut niveau et présidé par Kofi Annan, l'ancien secrétaire général des Nations unies, "l'Afrique perd environ 38 milliards de dollars de recettes fiscales par an à cause des entreprises qui déforment leurs bénéfices afin de réduire leur fardeau fiscal". Un montant trois fois plus élevé que l'aide au développement dont bénéficie chaque année le continent.

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