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Sidwaya N° 7555 du 3/12/2013

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Tribune : les rapports entre les médias et les forces de défense et de sécurité
Publié le mardi 3 decembre 2013   |  Sidwaya


FILEP
© aOuaga.com par Séni Dabo
FILEP : le panafricanisme au menu de la 5e édition
Jeudi 28 novembre 2013. Ouagadougou. La 5e édition du Festival international de la liberté d`expression et de la presse (FILEP) se tient jusqu`au 30 novembre sous le thème "Médias et panafricanisme : 50 ans après". Photo : Mme Béatrice Damiba, présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC)


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Le Conseil supérieur de la communication (CSC), les forces de l’ordre, de défense et de sécurité et les médias sont trois composantes qui ont leur partition à jouer au sein de l’Etat, mais leurs relations ne sont pas toujours faciles... tantôt positivement complices, tantôt antinomiques dans leurs interactions. Mon propos s’articule sous deux aspects : I. Deux corps de métier complémentaires, aux logiques professionnelles différentes (1 et 2) et II. Les conditions d’une collaboration dynamique et d’une compréhension mutuelle.

I. Forces de l’ordre, de défense et de sécurité et médias, deux corps aux logiques professionnelles différentes

I.1 De leur complicité active

Les médias dans un pays comme le Burkina Faso sont non seulement des canaux d’information et de sensibilisation pour le développement mais aussi des instruments d’éducation citoyenne pour la paix et la cohésion sociale. A ce titre ils concourent aussi au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à leur retour lorsqu’ éclatent troubles et conflits. L’armée, la gendarmerie, la douane, la police nationale et les polices municipales sont un facteur de sécurité interne et de stabilité politique et sociale. Sans sécurité et stabilité politique, il n’y a pas de démocratie et encore moins de développement. Les forces de l’ordre, de défense et de sécurité veillent, au péril de leur vie, à la quiétude de la cité, à l’intégrité territoriale, au respect des institutions et à la protection des personnes et des biens.
En effet, dans notre contexte national, face au grand banditisme, les forces de défense et de sécurité savent de mieux en mieux apporter des réponses appropriées. L’actualité regorge d’illustrations où leur action a été décisive.
Les médias quant à eux accompagnent ces opérations à travers la sensibilisation des populations aux bons réflexes pouvant aider les forces de sécurité dans l’accomplissement de leurs missions. Ils assurent par ailleurs les couvertures médiatiques de ces opérations à succès, des mises hors d’état de nuire de réseaux de délinquants, de secours, de sauvetages et autres commémorations. De même, les points de presse permettent d’informer le public, de le prendre à témoin ou de le prémunir d’actes susceptibles de le nuire. Ainsi en a-t-il été le cas cette semaine à Ouahigouya suite à l’arrestation d’un voleur et du coup de filet sur ses receleurs. Comme on le voit, l’armée, les sapeurs-pompiers, la police et la douane donnent de la matière à la presse et constituent de ce fait une mine à exploiter, mais à exploiter avec discernement. En retour, grâce aux médias ces corps sont rendus plus visibles et mieux connus. Avec leurs missions et objectifs convergents et complémentaires, les parties doivent savoir jouer d’une complicité (notamment échanges d’informations) dans l’intérêt de l’Etat et de la population.

I.2 De leur dualisme

La recherche effrénée de l’information sinon du scoop, fait naitre de fâcheuses contrariétés lorsque certaines indiscrétions, intrusions, fausses informations et autres rumeurs sont rapportées sans vérification, ou lorsque d’imprudents appels ou encouragements à la violence viennent mettre l’huile sur le feu. Faut-il rappeler le rôle joué par les armées dans la vie politique africaine depuis les indépendances ? Vis-à-vis de la presse, l’armée est apparue généralement, lorsqu’elle prend les rênes du pouvoir, comme liberticide. D’où la délicatesse de ses relations avec les médias, qui, eux, sont un pur produit de la démocratie et du culte de la liberté. Est-ce en raison de cette pesanteur historique qu’en dépit du contexte démocratique, ces composantes de la vie nationale continuent de nourrir entre elles des soupçons d’hostilité et des préjugés de toutes sortes ?
La faillite des systèmes politiques a en effet imposé le recours à l’armée, « un corps social plus organisé et plus discipliné ». Et dans bien des cas, elle a réussi à stabiliser le climat sociopolitique et la gestion des Etats qui venaient d’accéder à la souveraineté internationale. Avec le retour à la démocratie, l’armée est retournée à son statut de « grande muette », tout en continuant d’inspirer crainte ou peur. De manière globale, il y a une forme d’allergie dont les forces de l’ordre, de défense et de sécurité n’appréhendent pas toujours les motivations, qui s’illustre par des dérapages dont leurs éléments sont victimes dans le traitement de l’information au quotidien. Il y a comme un dualisme originel ou congénital dans l’approche que ces différentes entités ont de la société et de leurs missions. Les formes d’intervention sinon les modes opératoires sont différents. L’armée et les forces de l’ordre et de sécurité incarnent les valeurs fondées sur la discipline et le secret. A l’opposé, la liberté représente le crédo, le mode dominant de pensée et même d’organisation des médias. Les seules limites à la liberté de la presse étant celles qu’induit le respect de la vérité des faits, de l’ordre public et de la vie privée.
Le journaliste gère l’information en fonction de sa conscience et de ses choix politiques, idéologiques et surtout de son degré d’adhésion à l’éthique et à la déontologie.
Dès lors, on peut comprendre que, dans un contexte où la plupart des journalistes (notamment ceux des médias privés) n’ont pas reçu une formation adéquate, il survienne épisodiquement des dérapages dans le traitement de l’information. La méfiance entre les forces de l’ordre, de défense et de sécurité et les médias est donc réelle. Les hommes de tenue comprennent difficilement la disparité du jugement, plus sévère, qui leur est fait dans l’opinion par rapport aux civils lorsqu’ils sont pris dans une même inconduite. Ils ne comprennent pas cette propension des médias à les critiquer.
Les dérapages de la presse ne sont pas spécifiques aux médias burkinabè ni contre les seules hommes et femmes de tenue. Il vous souviendra que l’ex-Premier ministre français Pierre Bérégovoy, la princesse Diana, le président américain Richard Nixon, le président Bill Clinton dans sa vie privée, Dominique Strauss Kan ont été, à des degrés divers, des victimes de la presse. C’est justement une mission fondamentale du CSC de protéger toutes les composantes de la vie sociale contre les dérives médiatiques. Pour autant la publication d’images de présumés coupables est une faute du point de vue de la régulation de la communication (droit à l’image) et du point de vue de la procédure judiciaire (présomption d’innocence).
Il apparaît au total que la dimension négative des relations entre les médias et les forces de l’ordre, de défense et de sécurité procède d’une divergence dans l’approche de leurs missions respectives : les hommes de tenue sont soumis au secret et à l’obligation de réserve. Les médias ont précisément en abjection le secret et la réserve. Les révélations et déballages par médias interposés de Julian Aussange, fondateur de wikiLeaks et d’Edward Snowden, ex agent de l’Agence nationale de la sécurité américaine en disent long.

II. Les conditions d’une collaboration dynamique et d’une compréhension mutuelle entre forces de l’ordre, de défense et de sécurité et médias

Chantées et portées en héros aujourd’hui par tous les médias, vouées aux gémonies demain par ces mêmes médias, nos forces de défense et de sécurité, de leur côté, tantôt courent derrière ces mêmes médias et tantot les répriment ! Il y a au fond un déficit de communication entre ces deux composantes de la vie nationale. Malgré de gros progrès dans la communication, il y a encore des efforts à faire par les corps habillés en vue d’instaurer des rapports plus confiants avec les médias. Les hommes et femmes de médias doivent également se décoloniser des préjugés traditionnels sur ces forces de l’ordre, de défense et de sécurité.
Que retenir en définitive de cette ébauche de notre problématique du jour ? Les forces de l’ordre, de défense et de sécurité sont le reflet de la société globale. Autant il peut y avoir de mauvais journalistes, autant il peut y avoir de mauvais éléments au sein des agents de sécurité et de défense, autant il y a des citoyens peu recommandables. Quant au Conseil supérieur de la communication, autorité indépendante de veille sur les médias, chargé à la fois de protéger le journaliste dans l’exercice de son métier et de le rappeler à l’ordre lorsqu’il déraille, chargé aussi de protéger les droits du citoyen contre les errements de la presse, il a déploré cette année l’arrestation d’un journaliste de la télévision BF1, la convocation du président de l’Association des journalistes du Burkina et des incursions des forces de sécurité ou de défense dans les locaux des radios Pulsar et Horizon FM. Tous ces actes qui se sont soldés par des excuses parce c’étaient des erreurs, contribuent néanmoins à ternir l’image du Burkina Faso en matière de liberté de la presse.
Ce n’est évidemment pas une raison pour que des medias prennent systématiquement le parti des manifestants contre les gendarmes ou les policiers quand bien même ceux-ci ne faisaient que leur travail. On me taxera d’équilibrisme comme lors de la descente policière à la radio Pulsar mais dans ce « je t’aime moi non plus » entre médias et corps habillés, le CSC est pris en sandwich et tente toujours d’analyser de façon équilibrée. En tous les cas, tout en se félicitant d’une certaine communication sur nos missions communes de veille, le CSC souhaiterait être davantage impliqué dans les actions en direction des médias.
En conclusion, les forces de l’ordre, de défense et de sécurité, les médias et le CSC œuvrent tous pour le renforcement de la démocratie, l’élargissement des espaces de liberté et la paix sociale. En outre, si le secret est d’or chez les forces de l’ordre, de défense et de sécurité, et si le journaliste doit aller le traquer, il doit toujours avoir à l’esprit , qu’ investi d’une grande responsabilité sociale, il devra le traiter en tenant toujours compte de l’intérêt général. Au demeurant, la connaissance et la compréhension mutuelles me paraissent être les meilleures conditions pour éviter le dialogue de sourds entre forces de l’ordre, de défense et de sécurité et médias mais plutôt favoriser une complémentarité dans l’exercice des missions réciproques.

Mme Béatrice DAMIBA
Présidente du Conseil supérieur
de la communication (CSC)

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