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Chef de file de l’opposition : lettre ouverte des travailleurs au premier responsable
Publié le mercredi 23 octobre 2013   |  Autre presse


Conférence
© aOuaga.com par A.O
Conférence de presse du chef de file de l`opposition
Jeudi 25 juillet 2013. Ouagadougou. Le chef de file de l`opposition politique a animé une conférence de presse sur la marche-meeting du 28 juillet contre la mise en place du Sénat. Photo : Zéphirin Diabré, chef de file de l`opposition politique


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Les travailleurs de l’institution Chef de file de l’opposition politique (CFOP) ont le blues. La preuve est cette lettre ouverte comportant en objet "Nos inquiétudes persistantes" qu’ils adressent au premier responsable qui, à leurs yeux, s’est inscrit dans une logique de remise en cause de leurs acquis à travers des licenciements et la révision des contrats de travail.



Monsieur le Chef de file de l’Opposition,

Le 18 septembre 2013, nous vous adressions une lettre jusque-là restée interne. Mais il convient aujourd’hui de rappeler son contenu au regard des deux sorties médiatiques successives et surprenantes du Directeur de cabinet, Monsieur François Tambi Kaboré, dont vous êtes au courant. En rappel, voici ce que nous vous écrivions :
« Tout d’abord, nous adressons notre respect à vous-même, à votre prédécesseur, à tous ceux qui se sont battus depuis les années 2000 et antérieurement pour l’adoption d’un statut de l’opposition au Burkina Faso, aux responsables des partis de l’opposition, à leurs militants, sympathisants et à tous les Burkinabè qui luttent à différents échelons parce qu’ayant davantage pris conscience de leurs devoirs mais aussi de leurs droits.
Si nous avons jugé utile de vous écrire, c’est simplement parce que nous estimons qu’au regard de l’évolution de la situation actuelle, la question de la préservation de nos emplois doit être prise très au sérieux et non banalisée au risque de vous enfoncer dans l’erreur.
Nous nous interrogeons aussi sur la nature du climat qui s’instaure de plus en plus dans notre service et qui pourrait ralentir voire anéantir la dynamique de nos acquis communs dont nous avons été les artisans de la première heure.
Notre souhait est que cette démarche aide le premier responsable de l’institution que vous êtes, à prendre la juste mesure de la réalité et d’y remédier le plus urgemment possible.
Ces préalables étant dits, il nous paraît important de rappeler les faits suivants :
- Dès la première réunion de cabinet, les travailleurs que nous sommes ont été rassurés par le tout nouveau Chef de file de l’opposition que vous étiez concernant l’esprit de continuité par lequel vous entendiez consolider cette institution. C’était en présence de notre ancien Directeur de cabinet Meng-Néré Fidèle Kientega et de l’actuel Directeur François Tambi Kaboré, alors présenté comme Conseiller politique ;
- Parmi les cinq (5) chantiers que vous avez annoncés en présence des responsables des partis de l’opposition et des Hommes de médias, figure en première position « l’ancrage institutionnel » du CFOP-BF.
Mais quelques mois seulement après, il est à noter que :
- l’agent de liaison Idrissa Tamboura a été remercié et remplacé ;
- le chauffeur Tasséré Congo a été licencié et remplacé ;
- une lettre a été envoyée à l’Inspection du Travail demandant les voies et moyens pour transformer les Contrats à durée indéterminée (CDI) en Contrats à durée déterminée (CDD);
- Paradoxalement, vous jugez utile de signer des CDI avec les nouvelles personnes recrutées ;
- Etc.

Fort de tout cela et vu l’accélération avec laquelle les actes autour des contrats de travail étaient posés et en l’absence d’échange préalable avec le personnel, le conseiller juridique, par écrit, a suggéré au Directeur de cabinet de prendre langue avec vous pour examiner sérieusement la situation. Il avait, en outre, affirmé sa disponibilité pour prendre part aux échanges (les autres employés étant en congé à l’époque). Cette proposition à ce jour demeure sans suite.

Monsieur le Chef de file de l’opposition,

Faut-il comprendre à travers ces actes une volonté de licencier progressivement les travailleurs que vous êtes arrivé trouver, avec des conséquences imprévisibles mais assurément négatives ?
Il nous convient de rappeler que nous avons dû faire face aux avertissements et autres mises en garde contre le risque de « brader » nos jeunes carrières professionnelles en nous consacrant assidument à cette institution, déclarée mort-née dès son ouverture par certains qui ne voulaient pas y fouler le pied. Nous restons conscients de notre responsabilité de contribuer à faire de cette institution celle qui servira de véritable tremplin pour une démocratie réelle dans notre pays et non un instrument banal et précaire susceptible d’être remise en cause par les premiers responsables qui l’animent.
Par ailleurs, nous observons avec vous qu’aucune institution de la république (Présidence du Faso, Assemblée nationale, ministères, mairies, etc.), fut-elle politique avec ses particularités, en dehors des postes politiques accessibles par suite de nomination ou d’élection, ne procède à des licenciements du personnel existant en vue de leur remplacement du fait de l’arrivée de nouveaux responsables malgré le droit qu’ils ont de s’organiser.

Ainsi, nous avons trouvé cohérent le changement que vous avez déjà opéré au poste de Directeur de cabinet. Par contre, les contrats des autres travailleurs ne sauraient être rompus de la même manière car il s’agit de respecter le principe de la continuité d’une administration dont vous avez héritée.
En tout état de cause, nous souhaitons que cette lettre soit une alerte digne de ce nom et non pas une source de tension inutile voire nuisible à notre institution commune.
Dans cette perspective et en présumant de votre bonne foi, nous vous demandons, en votre qualité de premier responsable de l’institution et dans les meilleurs délais:

- De procéder au dédommagement conséquent de Tasséré Congo, à défaut de sa réintégration, dans la mesure où les droits légaux payés par vos soins se trouvent être dérisoires dans le cas d’espèces (contexte de vie chère, difficile de trouver un emploi, etc.) Cela évitera un procès dont l’issue, quelle qu’elle soit, ternira l’image de l’institution ;
- De renoncer au processus de modification des contrats que vous avez initié en sollicitant le concours de l’inspection du travail. Autrement, nous nous demandons si l’on n’aboutira pas au licenciement de tout le personnel que vous avez hérité quand on sait que c’est la même inspection de travail qui, en 2010 et 2011, a visé nos contrats et dont copies ont été transmises au Président de l’Assemblée nationale ;
- D’élaborer et adopter un statut clair pour tous les travailleurs afin de consolider et sécuriser les emplois déjà existants;
- D’instaurer un cadre de concertation avec tous les travailleurs sans exclusion en vue d’assurer la saine continuité de l’institution dans un climat où le droit d’exercer librement une profession est possible comme cela se fait dans les autres institutions afin d’atteindre ses objectifs républicains et démocratiques. Un tel cadre nous permettra de lever nos inquiétudes et d’aborder sereinement toute autre question non évoquée ici dans l’intérêt de la structure.
Vous en souhaitant bonne réception, veuillez agréer Monsieur le Chef de File de l’Opposition, l’expression de notre entière disponibilité. »
Telle était notre première lettre.
Nous ajoutons que la secrétaire standardiste, Madame Rachel Ouédraogo née Lompo, qui avait signé cette lettre avec nous, a fini par rendre sa démission. Elle a préféré s’en aller pour trouver mieux ailleurs.

En réponse à notre lettre, vous avez bien voulu nous recevoir le lundi 23 septembre 2013. Au cours de cette rencontre, vous avez déploré le fait que nous ayions choisi de vous écrire au lieu de demander à échanger de vive voix avec vous. Votre souci était que la lettre ne soit publiée dans la presse. Nous nous sommes expliqués en son temps et jusqu’au moment où nous vous adressons la présente lettre ouverte, aucun d’entre nous ne l’a rendue publique. Quelques jours après, vous avez jugé utile, comme promis au cours de la rencontre, de nous adresser une correspondance en guise de réponse écrite pour vous conformer à un certain parallélisme des formes. Là encore, aucun d’entre nous n’a exposé votre réponse à la presse.
Malheureusement et contre toute attente, la quasi-totalité des termes de votre correspondance que vous nous avez adressée et défendant votre démarche a été largement expliquée à deux reprises dans la presse par le Directeur de cabinet. Des aspects de la rencontre interne du 23 septembre 2013 ont même été exposés. Nous en voulons pour preuve l’article paru sous le titre « Chef de file de l’opposition politique : ces licenciements à problème » dans le journal « Le Reporter » n° 127 du 1er au 14 octobre 2013 où il apparait clairement que le Directeur a reçu un journaliste pour lui expliquer les choses.
Non satisfait du compte rendu que le journaliste a fait sur l’affaire, il est revenu à la charge à travers une correspondance qu’il a lui-même signée et fait publier dans Le Reporter n°128 du 15 au 31 octobre 2013.

Monsieur le Chef de file de l’Opposition,

Comme vous le constatez, nous avons tenu à remplir notre devoir de réserve et de loyauté. Cependant, vos sorties médiatiques sur la question à travers les écrits du Directeur de Cabinet constituent un manque d’égard à l’esprit de réserve auquel il fallait s’en tenir.
C’est pourquoi, nous ne pouvions plus nous taire et nous résigner face à une situation devenue publique et prise en charge par une certaine opinion qui demande à comprendre ce qui se passe réellement. Donner notre version des faits à l’opinion publique s’impose à nous aujourd’hui.
Pour en venir à nos inquiétudes persistantes, nous souhaitons faire quelques observations étant entendu que vous maintenez la logique de remise en cause de nos contrats de travail.
En effet, pour soutenir votre démarche, vous évoquez entre autres :

- l’absence d’une administration du Chef de file de l’opposition ;
- l’absence d’un budget pour le Chef de file de l’opposition mais une dotation qui n’est ni sûre, ni prévisible ;
- la volonté de ne pas lier les mains de votre successeur ;
- le fait que vous n’avez pas encore signé de contrats avec nous ;
- l’adaptation de la qualité et du nombre du personnel aux objectifs ;
- la rupture de nos contrats par votre prédécesseur en décembre 2012;
- le paiement de nos salaires de janvier, février et mars par souci humanitaire ;
- le manque de confiance pour justifier le licenciement du chauffeur.

Monsieur le Chef de file de l’Opposition,

Nous sommes au regret de constater que vous persistez dans le mauvais sens. Vous vous focalisez sur les textes régissant le CFOP pour défendre vos positions en minimisant d’autres textes de lois d’importance capitale comme le Code du travail au Burkina Faso.
Faisant l’économie de la polémique autour de l’existence ou non d’une administration du CFOP-BF, il est clairement indiqué à l’article 2 du Code du travail en vigueur, qu’« est considéré comme travailleur, toute personne qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle moyennant rémunération sous la direction et l’autorité d’une autre personne physique ou morale, publique ou privée, appelée employeur... ».
En conséquence, votre argument de l’absence d’une administration n’a aucune incidence sur nos rapports contractuels.

Concernant l’absence de budget

Vous dites que le Chef de file de l’opposition reçoit une dotation dont il est le seul maître de l’affectation et de l’utilisation. Cette dotation qui n’est pas un budget, dites-vous, « peut varier à la hausse comme à la baisse. » Soit ! Mais, vous semblez ignorer qu’aucune structure privée ou publique, personne physique ou morale, ne peut s’assurer qu’elle aura toujours des ressources constantes ou croissantes. Et pour l’instant, nous constatons avec vous que la « dotation » du CFOP est régulière et croissante même si une relecture du statut de l’opposition est en cours. Par conséquent, le processus de modifier des CDI en CDD n’est-t-il pas vraiment une façon indirecte de poursuivre les licenciements?
Si vous estimez que nous avons une mauvaise compréhension des raisons pour lesquelles vous voulez procédez à ces modifications, comment expliquez-vous le fait que vous signez des Contrats à durée indéterminée (CDI) avec ceux que vous venez de recruter et ce malgré le fait que vous dites ne pas vouloir « lier les mains de votre successeur » ?
Nous estimons que le processus de modification de nos contrats de travail en Contrats à durée déterminée (CDD) est une discrimination pure et simple proscrite par l’article 4 du Code du travail. Cette discrimination, nous la trouvons inacceptable et injustifiée. Pour autant, nous ne souhaitons pas non plus que par pure stratégie de défense devant l’opinion publique et au regard de la loi, les nouveaux contrats qui sont des CDI soient modifiés en CDD car les intéressés (les nouveaux employés) sont désormais des travailleurs au même titre que nous.

Le fait de dire que vous n’avez pas encore signé de contrats avec nous

Vous dites n’avoir « pas encore signé de contrats » avec nous alors même que nous travaillons ensemble depuis votre prise de fonction le 17 avril 2013. Selon vous, votre prédécesseur a mis fin à nos contrats.
Cela vous fait dire que vous avez payé nos « salaires de janvier, février et mars 2013 par souci humanitaire » car vous ne sauriez être comptable des faits antérieurs à votre « prise de fonction ». Nous voulons bien comprendre le sens que vous donnez à « humanitaire ». Mais pouvez-vous un seul instant pensé accéder à de nouvelles responsabilités en ignorant tout ce qui existe déjà, aussi bien en passif qu’en actif ?
Ainsi, nous observons que tout le matériel (véhicule, moto, ordinateurs, chaises, tables, etc.) acquis antérieurement à votre prise de fonction que nous utilisons avec vous dans le cadre du service comme biens publics profite largement à votre mandat. Ce qui est une bonne chose à notre sens.
Aussi, de notre point de vue, le sens de l’humanitaire que vous revendiquez devrait vous guider à éviter des licenciements ou remerciements même si vous en avez le pouvoir. Ce fut pourtant le sort de nos deux collègues qui ont été mis au chômage alors qu’ils n’ont commis aucune faute. Pourtant, d’autres alternatives acceptables auraient pu être trouvées.
Nous regrettons par ailleurs votre option d’aller jusqu’au Tribunal de travail pour régler le contentieux que vous avez avec le Chauffeur suite à son licenciement.

Sur l’organisation du Cabinet

Vous évoquez aussi la loyauté, la qualité et le nombre des agents en rapport avec vos objectifs. Malheureusement, sur cette question, le Directeur de cabinet l’évoque sous forme de menaces dans la presse à en ces termes : «les autres sont toujours là. Si ceux qui sont là témoignent d’une attitude déloyale vis-à-vis du CFOP, il n’hésitera pas, il va s’en séparer.» N’est-ce pas là un indice de recherche forcée de motif de licenciement car comme dit l’adage « qui veut répudier sa femme l’accuse par avance de sorcellerie » ?
Nous sommes surpris par un tel discours teinté de « souci humanitaire » et tenons à dire que chacun de nous exerçait déjà une activité professionnelle dans d’autres structures avant d’être recruté au CFOP, qui n’existait que sur papier, dont l’ambition est de contribuer au renforcement de la démocratie.
Nous notons aussi que depuis votre prise de fonction le 17 avril 2013, vous n’avez fait mention d’aucun reproche professionnel ou moral à qui que ce soit parmi nous y compris le chauffeur récemment licencié.

Monsieur le Chef de file de l’opposition,

Nous vous invitons encore une fois à prendre la mesure de ce que le malaise persiste et prend même des proportions inquiétantes. Toutefois, nous osons croire qu’il existe encore de meilleures formules pour répondre à nos préoccupations, pourvu que la franchise et l’ouverture d’esprit avec lesquelles nous vous parlons soient prises à leur juste valeur.
Le cas échéant, nous souhaitons ne plus être l’objet de manœuvres, d’actes ou de propos malveillants qui, à terme, portent atteinte à notre dignité de travailleur. Aussi, nous choisirons toujours de dire la vérité en toute conscience devant toutes les pressions morales et psychologiques sur fond de discrimination ou de licenciement à caractère « humanitaire » dont nous ferions l’objet.

Veuillez recevoir Monsieur le Chef de file de l’Opposition, l’expression de nos salutations distinguées.

Ouagadougou, le 23 octobre 2013

Ont signé :

Bernard TAGO, Attaché juridique

Amidou KABRE, Chargé de la communication et de l’information

Siaka BARRO, Chargé du protocole


Ampliations :

- S.E.M. le Président de l’Assemblée Nationale
- Monsieur le Directeur régional du travail et de la sécurité sociale du Centre
- Tout parti politique de l’opposition
- Messieurs les Présidents des groupes parlementaires de l’opposition
- Syndicats
- Monsieur le Président du MBDHP
- Presse

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