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Le Pays N° 5178 du 21/8/2012

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Barrage de Guitti :Les riverains menacent d’arrêter les travaux
Publié le mardi 21 aout 2012   |  Le Pays




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Guitti, localité située à une dizaine de kilomètres de Séguénéga, province du Yatenga, vit actuellement dans l’expectative. La raison ? Les habitants ont été sommés de déguerpir du fait de la construction d’un barrage hydroélectrique censé approvisionner la ville de Ouahigouya en eau potable. Seulement, le gouvernement burkinabè avait promis de dédommager le plus tôt possible tous les déguerpis. Mieux, cette promesse avait été réitérée devant Tertius Zongo, alors Premier ministre, qui avait présidé en personne la cérémonie de lancement des travaux le 30 avril 2009. Plus de trois ans après, les populations sont lassées d’attendre. La plupart d’entre elles ne savent plus à quel saint se vouer et commencent à douter de la bonne foi des autorités. Ce sont des citoyens tout désemparés que nous avons rencontrés le 6 août 2012.

« Allez dire à Blaise Compaoré qu’on nous a trahis dans le cadre de la construction du barrage de notre village. Dites-lui aussi que nous avons faim et soif. Nous buvons l’eau des marigots et s’il nous arrivait de ramasser des cadavres du fait du choléra, ce serait la faute de l’Etat. Dites-lui ce que j’ai dit parce que j’en ai marre d’attendre pendant 3 ans la promesse des premiers responsables de ce pays . » Ces propos sont du sexagénaire Hamadé Guigma, habitant de Guitti, qui a dû abandonner sa concession à cause du déguerpissement. Insistant sur le bien-fondé de ses propos, l’homme a, par moment, menacé de nous traduire en justice si ses paroles n’étaient pas retranscrites fidèlement. « On nous a sommés de quitter nos champs cette année parce que nous sommes au bord du barrage. Nous avons demandé qu’on nous permette au moins de cultiver cette saison. Nous nous sommes finalement compris sur cette base. Mais, nous sommes très inquiets quant à notre avenir. Nous sommes dépossédés de nos terres cultivables et de nos domiciles alors que nous n’avons pas encore les mesures d’accompagnement. Je ne sais pas ce que l’on veut faire de nous. C’est vraiment la force qu’on veut nous faire. » Ces paroles de Mariam Guigma, daba à l’épaule, en disent long sur le mécontentement des riverains. Ils menacent d’arrêter les travaux si leur sort n’est pas examiné rapidement. Pour El hadj Boureima Ouédraogo, l’heure est grave : « Les chefs coutumiers et religieux m’ont désigné pour parler en leur nom. Ils m’ont surtout instruit de contenir la colère de la jeunesse qui veut tout de suite saccager. Je sais que si d’ici là, rien n’est fait, les jeunes vont passer à l’acte. Pour l’instant, je suis en pourparler avec eux, mais jusqu’à quand peut durer leur patience ? Je ne saurais le dire. », a-t-il confié. Yacouba Sawadogo, un des deux représentants de la jeunesse, membre du CVD de Guitti, est également inquiet : « Je crois que le gouvernement doit maintenant prendre ses responsabilités.

16 localités menacées de déguerpissement

Actuellement, au moins 16 villages sont menacés de disparition. Nous buvons de l’eau boueuse et si par malheur, il devait avoir le choléra cette année au Burkina, je suis sûr que les premiers cadavres viendraient d’ici. La plupart des concessions qui n’ont pas encore déguerpi sont inondées. Les nouveaux sites d’installation font l’objet de bagarres entre autochtones et allogènes. Nous sommes décidés à ne pas nous laissés emporter par les eaux. Nous attendons la prompte réaction de l’Etat, sinon, nous serons obligés d’arrêter les travaux. » Moumouni Savadogo est un membre du CVD de Goubré. Ce dernier est plus fâché que ses prédécesseurs : « Vous voyez, ici, nous avons fait des manguiers notre richesse. Beaucoup d’entre nous vivent des mangues et des goyaves. Nos manguiers et nos goyaviers ont été abattus alors que nous n’avons pas encore été dédommagés. Je crois que c’est une fuite en avant de la part de nos autorités », a-t-il martelé. Ils étaient nombreux dans la zone à tirer à boulets rouges sur l’Etat et surtout sur l’Agence d’exécution des travaux eau et équipement rural (AGETEER). Selon eux, cette agence n’a pas tenu ses promesses de dédommager les populations riveraines du barrage. Pour matérialiser leur mécontentement, les populations ont, le 26 mai 2012, tenu une rencontre autour de la question. Présidée par les notables coutumiers des 16 villages concernés par le déguerpissement, cette rencontre avait permis de lancer un ultimatum à l’Etat. Ce jour-là, les participants avaient estimé que si à la fin du mois de juin, leurs préoccupations n’étaient pas prises en compte, ils allaient protester vigoureusement. Au regard de la montée de la tension, le gouverneur de la région du Nord, Boukari Khalil Bara, avait dépêché l’ex-haut-commissaire du Yatenga, Justin Somé aujourd’hui Secrétaire général (SG) de la région, pour aller calmer les esprits.

Le gouvernement pointé du doigt

Sur place, l’autorité provinciale avait usé de diplomatie pour venir à bout de la colère des frondeurs. Quelques irréductibles avaient même, à l’occasion, tenté de défier le représentant du gouverneur sous prétexte que les autorités ne jouaient pas franc jeu. L’AGETEER en a eu aussi pour son compte. Mais, pour le maire de la commune de Séguénéga, Mamadou Beloum, l’AGETEER n’est qu’un service technique et donc, n’est mêlée ni de loin, ni de près à cette affaire de dédommagement. Approché, le gouverneur de la région du Nord a reconnu que le barrage de Guitti rencontre de sérieux problèmes. Sans rentrer dans les détails, il nous a renvoyés chez le Directeur régional de l’agriculture et de l’hydraulique. Ce dernier a avoué ne rien connaître du dossier et nous a plutôt conseillés d’aller vers l’AGETEER. En dépit de nos nombreux appels téléphoniques à cette structure, nous n’avons pas pu avoir la réaction de ce service basé à Ouagadougou. Sur place à Guitti, les travaux se poursuivent, mais avancent à pas de caméléon. En rappel, la réalisation de ce barrage a été décidée le 3 décembre 2008 lors du Conseil des ministres. Le 30 avril 2009, le Premier ministre de l’époque, Tertius Zongo, procédait au lancement des travaux avec un délai d’exécution de 18 mois. A ce jour, 41 mois se sont écoulés et l’on parle de 30% de taux d’exécution, selon un technicien proche du dossier. Situé à 70 km de Ouahigouya, le barrage de Guitti aura une capacité de 43,7millions de m 3 d’eau. L’ouvrage devrait engloutir une somme de plus de 4 milliards de F CFA TTC. Le financement est assuré par le budget de l’Etat. L’infrastructure est censée offrir des perspectives hydro- agricoles aux populations de la région du Nord.

Hamed NABALMA

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