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[MÉMOIRE] 14 MAI 1983 À BOBO DIOULASSO : le clash qui a provoqué l’implosion du CSP

Publié le vendredi 1 mars 2024  |  libreinfo
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© aOuaga.com par Alexis Omer
La Coalition des associations et mouvements citoyens pour le suivi des politiques publiques (CSPP) a installé, le samedi 13 février 2016 à son siège de Diarradougou à Bobo-Dioulasso, à ses brigades de vigilance citoyenne
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Le compagnonnage entre l’aile droite et l’aile gauche du Conseil de Salut du Peuple (CSP) n’a duré que quelques mois. Le sommet du clivage avait eu lieu le 14 mai 1983 au meeting de Bobo-Dioulasso. Cette crise qui a occupé l’actualité nationale pendant près de deux mois va aboutir à l’avènement de la Révolution, le 4 août 1983.

Par Merneptah Noufou Zougmoré

Le 26 mars 1983, le Conseil de Salut du Peuple (CSP) avait tenu un meeting à l’actuelle Place de la Nation qui s’appelait à l’époque « Place d’arme. »

Au cours de la rencontre entre les nouvelles autorités et une frange de la population, il y a eu un incident qui a provoqué des bousculades mais qui a été très vite maîtrisé et tout était rentré dans l’ordre.

A ce rendez-vous, on avait déjà remarqué deux styles différents entre le président du CSP, Jean-Baptiste Ouédraogo et son premier ministre, Thomas Sankara.

Le premier responsable du régime qui avait renversé les colonels du 25 novembre 1980 était modéré dans le ton. Il avait en plus un accent de séminariste. Son premier ministre, Thomas Sankara s’exprimait de façon martiale avec un vocabulaire de gauche. Pour certains observateurs, cela marquait déjà une ligne de rupture entre ces deux dirigeants de la junte.

Les lignes vont se distendre au meeting de 14 mai 1983 à Bobo-Dioulasso, soit un mois après celui du 26 mars à Ouagadougou. Lors du discours du premier ministre, Thomas Sankara, il ne s’est pas encombré des propos convenus quant aux clivages qui existent au sein de l’instance dirigeante.

Il avait dans une tirade avouée: « J’ai essayé, au CSP nous avons essayé de ménager l’ennemi, de le combattre de manière détournée ; ce n’est pas possible, il faut le combattre directement : un chat est un chat ». Après son passage, pendant que le président Jean Baptiste Ouédraogo discourait, la place qui accueillait le meeting s’était vidé.

Certains avaient indiqué que c’est parce qu’on était au mois de Ramadan mais pour l’avis des gens proches du président Ouédraogo, la Ligue patriotique pour le développement (LIPAD) qui était une organisation de masse du parti Africain de l’indépendance (PAI) était à la base du sabotage du speech du président du CSP.

Domiciles encerclés et arrestations. Elle avait travaillé à la dispersion de la foule après le discours du capitaine Sankara. L’aile dite de droite du CSP se sentant visée va prendre le devant après le rendez-vous de Bobo-Dioulasso.

Le 17 mai 1983 au petit matin, le domicile de Thomas Sankara situé dans le quartier Bilbalogho dans l’ancien secteur 2 était encerclé par les chars. Non loin de sa résidence, se trouvait la villa du commandant Jean Baptiste Lingani alors secrétaire permanent du CSP. Elle était également bouclée par les militaires du groupement Blindé dirigé par le capitaine Jean Claude Kambouelé.

Chez le président Ouédraogo, les militaires avaient également pris position mais il ne sera pas inquiété. Sankara et Lingani sont arrêtés. Le premier est envoyé à Ouahigouya et le second à Dori. Dans la matinée vers 8 heures, le camp Guillaume Ouédraogo était encerclé.

Le détachement du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô qui s’occupait de la sécurité des autorités était opposé à l’arrestation de Sankara et Lingani.

Le capitaine Henri Zongo qui était à la tête de la fronde avait à ses côtés, le sous-lieutenant Gilbert Diendéré qui deviendra sous le règne du président Blaise Compaoré, général de Brigade. Ils seront rejoints par le lieutenant Boukary Kaboré qu’on va appeler sous la Révolution le Lion de Boulkiemdé.

Les 3 officiers vont tenir tête aux autres militaires jusqu’aux environs de 20 heures. Suite à une médiation, ils accepteront abandonner leurs positions. Blaise Compaoré qui était resté à Bobo-Dioulasso pour ses affaires domestiques va s’échapper à la vague d’arrestation.

Il parvient par la dextérité de son chauffeur, le sergent -chef Hamidou Maïga à regagner ses commandos à Pô. C’est ainsi qu’il organisera la résistance.

Pendant ce temps, la LIPAD, l’appendice du PAI et ce qui restait de l’Union des luttes communistes (ULC) avaient lancé leurs troupes à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso pour les manifestations de rue, le 21, 22 et 23 mai 1983. Certains militants seront tentés de s’enrôler à Pô chez Blaise Compaoré.

L’actualité va être rythmée pendant près de 2 mois par ce clivage né du malentendu entre les 2 ailes du CSP, jusqu’au triomphe de la Révolution le 4 août 1983.

Selon Edouard Ouédraogo dans son livre : Voyage de la Haute-Volta au Burkina Faso, deux chances s’étaient offertes aux révolutionnaires. La première, c’était le charisme de Thomas Sankara, l’enthousiasme messianique qu’il avait répandu dans les milieux scolaires et du lumpen-prolétariat (prolétaires, couche sociale défavorisée) des villes.

Moins que l’idéologie marxiste qui s’avançait encore masquée. C’était le personnage qui fascinait jusqu’à l’idolâtrie. La seconde chance était militaire, à savoir « l’hégire d’un certain Blaise Compaoré vers ce qui deviendra le Medine de la Révolution. »
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