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Le Pays N° 5453 du 1/10/2013

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Mutinerie à Kati : les galons du malheur
Publié le mercredi 2 octobre 2013   |  Le Pays




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Un deal à Bamako entre les présidents Dioncounda Traoré le sortant, et Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) l’entrant ? En tout cas, les troubles survenus récemment au camp militaire de Kati, laissent croire que les promotions à « la va vite », dont l’ascension du jeune capitaine Haya Sanogo au rang de général quatre étoiles, produisent des effets. Cela n’est pas de bon augure.
Le calme serait revenu dans le célèbre camp des para-commandos, situé à environ 15 km de la capitale malienne. Lundi dernier, le climat était tendu dans la ville-garnison où, de jeunes soldats avaient décidé de mener une fronde pour réclamer des galons. Tout comme leur ancien chef qui a renversé le général Amadou Toumani Touré (ATT), ces hommes du rang, réclamaient à leur tour une promotion. Après avoir agressé des proches du général Sanogo, ils menaçaient de prendre d’assaut la résidence de ce dernier. Une affaire entre militaires, auteurs et sympathisants du coup d’Etat du 22 mars 2012, que le ministère malien de la Défense, entend régler rapidement.

Les mêmes rebelles estiment qu’il est encore trop tôt pour que Bamako exerce toute sa souveraineté sur la région de Kidal

Ces troubles interviennent dans un contexte de crise entre forces rebelles et armée malienne. Outre les récents attentats des « djihadistes », on note que dimanche dernier, l’armée malienne et des combattants du MNLA se sont affrontés pendant près de 45 minutes dans le centre-ville de Kidal. Les forces internationales, qui ne sont pas intervenues lors des échanges de tirs, ont renforcé le dispositif de sécurité autour de la mairie de la ville, lieu de travail et de résidence du gouverneur de la région. Ces locaux officiels sont toujours occupés par les combattants touaregs du MNLA. Les mêmes rebelles estiment qu’il est encore trop tôt pour que Bamako exerce toute sa souveraineté sur la région de Kidal. Surtout que les négociations sont actuellement suspendues.
Le Mali est-il vraiment à l’abri d’une autre invasion « djihadiste » ? Pas si sûr ! Les derniers faits tendent à rappeler un scénario bien connu : l’armée malienne, en proie à des dissensions internes, avait fini par céder du terrain face à des envahisseurs inattendus. De son côté, la classe politique, comme tétanisée, prenait un malin plaisir à verser dans le dilatoire. Elle avait, elle aussi, fini par abdiquer face à une communauté internationale qui avait compris les exigences de l’heure. Aujourd’hui, le pays qu’on croyait se remettre sur ses pieds, montre un tout autre visage : la marmite est en pleine ébullition. A tel point que le nouveau chef de l’Etat, qui était en déplacement en France, se trouve contraint d’interrompre sa prise de contact avec le parrain français, les amis et autres Partenaires techniques et financiers (PTF), accourus au chevet du malade malien.

Le président François Hollande est toujours aussi disposé à voler au secours de ses amis maliens. Mais, il leur faudra aussi se montrer ouverts envers les hommes du désert, devenus encore plus méfiants et exigeants, depuis l’arrivée au pouvoir d’IBK. C’est que le successeur de Dioncounda Traoré, a hérité d’une situation plus que pourrie. En effet, comment gérer l’armée et ses contradictions internes ? Promu général, chargé de reformer l’armée nationale avec avantages et prérogatives, l’ex-capitaine Sanogo doit faire des jaloux dans le camp d’en face, où siègent ses adversaires, mais aussi parmi les siens. Qu’on se souvienne des tiraillements entre bérets verts et bérets rouges ! Outre des dégâts importants, des expéditions punitives sur fond de rivalités mesquines sèment en général le désarroi dans la classe politique, et au sein des populations désormais sur le qui-vive.

Mais la tension en dents de scie dans les casernes, a aussi d’autres explications. Il est en effet acquis, que les largesses dont a bénéficié le nouveau général Sanogo, font des mécontents dans la troupe. L’un de nos confrères avait été sérieusement rudoyé, pour avoir rendu publiques les critiques d’un soldat gagné par le dépit. Envoyé au front pour lutter contre les « djihadistes », il avait déploré le manque de moyens, alors que ses supérieurs se la coulaient douce. Ces injustices flagrantes inquiètent, et l’on peut se demander si par peur d’être renversé plus tard, ou empêché de gouverner, IBK n’aurait pas accepté des compromis avec l’armée ou le camp Sanogo. Lors du récent scrutin présidentiel, il était devenu manifeste que le candidat IBK bénéficiait du soutien de l’armée. Or, il disposait aussi de celui de nombreuses associations islamistes. A peine installé dans son fauteuil, aurait-il commencé à décevoir ? Ou ferait-il les frais de compromissions orchestrées durant la passation de services ?

Les derniers événements montrent que le Mali n’a pas seulement mal à sa gouvernance politique et économique. Il a surtout mal à son armée.

La situation actuelle est loin d’être réjouissante pour le nouveau pouvoir malien. Au moment où, croyant à une accalmie durable, les bailleurs de fonds se préparent à investir de nouveau au Mali, assurément cela tombe très mal. Selon toute vraisemblance, l’ex-président par intérim, Dioncounda Traoré, n’a pas bien fait de promouvoir le capitaine Sanogo. Quel marchandage a-t-il donc pu conduire les deux hommes d’Etat à prendre de telles initiatives ? Les derniers événements montrent que le Mali n’a pas seulement mal à sa gouvernance politique et économique. Il a surtout mal à son armée. Et IBK, mêlé ou pas, de près ou de loin à la promotion du capitaine-général Sanogo, paie en ce moment la première addition d’une compromission avec l’armée. Ou du moins, avec des militaires auxquels, à tort ou à raison, une partie de l’opinion attribue l’avènement d’un civil au pouvoir, soit 45 ans après l’éviction par l’armée en 1968, du père de l’indépendance du Mali, feu le président Modibo Kéita.
Si tant est qu’une collusion existe entre IBK et Sanogo, que le premier doit sa victoire à l’armée, ne lui sera-t-il pas difficile d’avoir la confiance du Nord-Mali ? Autrement dit, le retour de la tension entre forces rebelles du Nord et armée malienne, ne trouverait-il pas sa source dans cette coalition d’intérêts insolites ? Certes, le nouveau chef de l’Etat malien a beaucoup d’impératifs, entre autres, la réorganisation de l’appareil d’Etat, le redéploiement du personnel, la redynamisation des services publics, la rentrée scolaire et universitaire, la réforme de l’armée, etc. Mais, faut-il pour autant oublier que le challenger battu, Soumaïla Cissé, vient du Nord, et qu’il y aura toujours péril en la demeure, tant que les populations du Nord se sentiront délaissées ? Il faut vite réformer l’armée, et faire en sorte de ne pas démotiver les soldats. Mais, la question de l’armée ne doit pas prendre le dessus sur l’absence d’autonomie et les problèmes de développement, qui ont longtemps aidé à fragiliser le Nord. Plus que tout, le devoir patriotique doit l’emporter sur l’ego, et les ambitions égoïstes. S’il n’a eu ni le titre ni les avantages d’un ancien chef d’Etat, le général Sanogo passe sans doute pour un libérateur aux yeux de certains de ses compatriotes. Probable même, qu’il n’a rien perdu de sa superbe. Mais, les mutineries de Kati montrent jusqu’à quel point les galons acquis sont à l’origine du malheur qui frappe l’armée, et pourrait condamner le pays tout entier. La page est tournée, et le jeune officier et ses compagnons, qu’on a fait l’erreur de n’avoir pas envoyés à la retraite, gagneraient à se faire oublier. Le Mali nouveau a besoin non pas d’intrigues, de bruits de bottes, de coups de fusils et d’attentats. Il a besoin que dans la paix et la fraternité vite retrouvées, ses citoyens se consacrent aux tâches de développement, en harmonie avec les autres peuples, singulièrement les voisins.

Le Pays

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