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Déclaration de politique générale du Premier ministre : « C’est un langage de vérité qu’il faut saluer », Me Halidou Ouédraogo

Publié le lundi 21 novembre 2022  |  Sidwaya
Halidou
© Autre presse par DR
Halidou Ouédraogo, Le président de la CODEL
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A la suite de la Déclaration de politique générale du Premier ministre, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, devant la Représentation nationale, samedi 19 novembre 2022, Me Halidou Ouédraogo, Président de la Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestique des élections (CODEL), dans cette interview, revient sur quelques points du discours.

Sidwaya (S) : Quelle lecture faites-vous de l’adresse du Premier ministre face aux députés dans sa Déclaration de politique générale ?

Halidou Ouédraogo (H.O.) : Je saisis d’abord, l’occasion que vous m’offrez pour féliciter le Premier ministre pour son accession à ce poste et plein succès pour la mission qui lui a été confiée et dont il compte relever les défis. C’est une déclaration qui peint la réalité que nous vivons et qui contient les préoccupations qui sont propres aux Burkinabè d’aujourd’hui. Il a caractérisé la préoccupation principale des Burkinabè qu’est le terrorisme et ses conséquences.

Il a la volonté de s’inscrire dans la vision énoncée par le nouveau chef de l’Etat, le Président Ibrahim Traoré, au lendemain de sa prise de pouvoir, qui est de corriger les erreurs du MPSR et redresser la situation, libérer le territoire, assurer une refondation du pays et régler la question des personnes déplacées internes.

Par la suite, le Premier ministre a décrit la situation que nous vivons : la spéculation foncière, la corruption, la nature et le caractère de notre administration. Il a situé le Burkina dans son contexte africain et international. Mais, il a dit des choses sur lesquelles on peut l’interroger et s’étonner, à savoir la paresse des intellectuels burkinabè et leur incapacité à contribuer à la construction de notre pays.

Moi, je m’inscris en faux contre cela parce que le Burkina passe pour un pays remarquable par la qualité de ses travailleurs, de ses populations, partout où ils se trouvent et même au niveau des institutions internationales. On ne peut pas ignorer des personnalités comme Joseph Ki-Zerbo, Arba Diallo, Norbert Zongo et lui-même Me Kyélem de Tambèla. Donc, il faut souvent faire attention pour ne pas oublier le contexte dans lequel nous sommes.

S : Ce discours est-il différent de ceux des Premiers ministres précédents ?

H. O. : Non ! Pas tellement. Les Premiers ministres ont toujours décrit la situation du pays de la même manière. La différence, c’est que c’est un juriste qui connait le vécu quotidien des Burkinabè, qui a vécu des situations. Quotidiennement, il a été confronté aux situations objectives des Burkinabè qu’il a dépeintes : l’incivisme, la pauvreté, les conditions objectives des Burkinabè, l’environnement régional et international. Il s’est aussi référé au président Thomas Sankara qui a excellé.

S : Justement, le Premier ministre a beaucoup fait référence, dans sa déclaration, au capitaine Thomas Sankara. Qu’est-ce que cela peut représenter, selon vous ?

H. O. : A mon niveau, rappeler Thomas Sankara n’est pas condamnable. Relever les atouts de Thomas Sankara est approprié. Mais, Sankara n’a pas excellé dans tous les domaines, notamment dans le domaine des droits humains. Sa politique n’a pas réussi en partie à cause de sa non maitrise des droits humains. Donc, quand on prend le pouvoir dans ce pays, par un coup d’Etat, on ne doit pas donner des leçons absolues à notre population. Parce qu’un coup d’Etat ne résoudra pas les problèmes.

Le coup d’Etat n’est pas la solution à la résolution des problèmes matériels des populations. Je pense qu’il faut s’inscrire dans la démocratie, s’inscrire dans la situation particulière qu’on vit et aller à l’universel. Il ne faut pas refuser l’universel. De ce point de vue, je pense qu’il faut qu’il revienne au contexte que nous vivons et repartir de nos réalités telles qu’il le dit lui-même, de ce qui a été fait dans ce pays, depuis son existence. Le pays revient de loin.

Il a été partagé et reconstitué dans ses frontières actuelles. Nous avons vécu neuf coups d’Etat militaires, nous avons vécu des expériences démocratiques qu’il faut aussi relever. De 2015 à 2020, il y a eu des prémices d’une démocratie mais qui a été remise en cause par un coup d’Etat contre le régime du président Roch Marc Christian Kaboré qui n’a pas été tout à fait négatif.

S : Quel peut être l’impact de ce discours dans la conduite de la Transition ?

H. O. : Il peut avoir des impacts vu les prises de position du capitaine Ibrahim Traoré, depuis son arrivée au pouvoir, les actes qu’il a posés, ses discours, ses idées, sa prise en compte de la situation qui prévaut dans l’armée, etc. Dans sa démarche, on voit qu’il peut arriver à changer quelque chose s’il est soutenu honnêtement et entièrement.

Donc, s’il arrive à s’inscrire dans le chronogramme qui a été adopté par le pays et suivi par la CEDEAO, qui consiste à remettre le pays sur la voie de l’ordre constitutionnel, dans l’Etat de droit, cela permettra au Burkina Faso de se reconstruire et d’aller de l’avant. Tout cela parce qu’en moins de deux ans, on a connu deux coups d’Etat et ce n’est pas bon. C’est impensable. Donc, en regardant la démarche, je crois qu’il faut les soutenir. Et, le discours du Premier ministre s’inscrit dans ce sens. Personnellement, je pense qu’il peut être soutenu et avoir des résultats.

S : Selon le Premier ministre, la tenue des élections dépendra de l’évolution de la situation sécuritaire dans le pays. Quel commentaire faites-vous sur la question ?

H. O. : Ça c’est très juste. On ne peut tenir des élections dans le contexte que nous vivons. Notre pays est presque à moitié occupé. Ce n’est pas possible d’organiser des élections dans ce contexte. Nous avons aussi près de deux millions de déplacés internes et le terrorisme sévit de façon inacceptable et incroyable. Il a dit que nous devrons être des combattants de l’impossible et c’est aussi exact.

Nous devrons être ces combattants-là et rendre possibles nos objectifs. De ce point de vue, sur les élections, il a parlé d’élaboration d’une nouvelle constitution si le temps le permet. En tant que juriste, il a suivi ce qui s’est passé dans le pays et il est au courant que l’ancien président Kaboré a mis en place une commission consensuelle, représentative qui a élaboré un texte. Ce texte est sur la table du nouveau chef de l’Etat et il peut s’en inspirer.

Il faut effectivement faire en sorte que le peuple puisse se retrouver dans son vécu, dans ses projets. Si effectivement, le chef de l’Etat arrive à libérer notre pays des mains des terroristes, s’il arrive, avec le concours de son gouvernement, à ramener les personnes déplacées dans leurs terroirs, s’il arrive à résoudre la spéculation foncière, à résoudre les maux que nous vivons, on peut organiser les élections.

Les militaires eux-mêmes disent qu’ils peuvent résoudre cette question et ils doivent le faire, car c’est leur mission. Et, cette volonté est perceptible dans les dires du chef de l’Etat et son Premier ministre. Donc, on peut revenir à l’ordre constitutionnel normal, on peut se conformer aux engagements que nous avons pris vis-à-vis de la CEDEAO.

Dans deux ans, si effectivement chacun joue sa partition pour libérer le territoire, faire en sorte que les déplacés retournent dans leurs terroirs d’origine, refonder l’Etat institutionnellement, faire des reformes appropriées qui consistent à rappeler au chef de partis, à la société civile leurs missions fondamentales, on pourra travailler au retour de l’Etat de droit pour ouvrir le chemin du développement.

S : Peut-on espérer que les actions envisagées par le Premier ministre, dans son discours, permettront véritablement de venir à bout du terrorisme ?

H. O. : Pour rester fidèle à moi-même, ce qu’il a dit est louable et possible. Il faut que la population comprenne et prenne conscience qu’ensemble on peut faire beaucoup de choses. Qu’on sache aussi que nous sommes dans un régime de transition. Un régime de transition ne vient pas pour résoudre fondamentalement les questions d’un pays. Il esquisse les chemins qui peuvent être approfondis par d’autres régimes de droit établis de façon pérenne. L’incivisme peut être corrigé, la question foncière et la corruption peuvent être corrigées.

S : Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué dans sa déclaration ?

H. O. : Il a convaincu par sa simplicité et par son comportement. Il est une personnalité modeste, compétente et consciente des problèmes. Il a su trouver les mots pour convaincre l’Assemblée législative de Transition de son point de vue. C’est un langage de vérité qu’il faut saluer et encourager. Cela n’empêche pas aussi de lui dire ce que nous pensons, de ce qui peut être fait de mieux pour que nous arrivions à bon port.

Propos recueillis par Soumaïla BONKOUNGOU
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