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Art et Culture

Ardiouma Soma, honoré au Festival du cinéma de Khouribga : «Le FESPACO est le baromètre du cinéma africain »

Publié le mardi 21 juin 2022  |  Sidwaya
FESPACO
© aOuaga.com par Séni Dabo
FESPACO 2017 : le visuel dévoilé
Jeudi 27 octobre 2016. Ouagadougou. La délégation générale du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) a animé une conférence de presse au cours de laquelle elle a dévoilé le visuel (affiche) de la 25e édition prévue du 25 février au 4 mars 2017 sur le thème "Formation et métiers du cinéma et de l`audiovisuel". Photo : Ardiouma Soma, délégué général du FESPACO
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La 22e édition du Festival du cinéma de Khouribga, organisée par la fondation du Festival international du cinéma africain de Khourigba au Maroc, du 28 mai au 4 juin 2022, a rendu hommage à Ardiouma Soma, ancien délégué général du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Sidwaya a rencontré ce “patrimoine” du 7e art africain. Il se prononce, entre autres, dans cette interview, sur l’avenir du cinéma burkinabè et du FESPACO.

Sidwaya (S) : Présentez-nous brièvement le Festival international africain de Khourigba ?

Ardiouma Soma (A.S.) : Le Festival international du cinéma africain de Khourigba au Maroc a été créé en 1977 sous l’égide de ciné- clubs dirigés à l’époque par Nonli Youssef, philosophe et critique de cinéma. Paix à son âme, il nous a quittés en décembre 2020. Khourigba est cette ville du Maroc qui est la capitale mondiale du phosphate. Parce que les plus grands gisements du phosphate se trouvent dans cette zone.

Les personnes à l’origine de la création de cet événement ont bénéficié de l’accompagnement de la ville de Khourigba pour créer ce festival qui arrive à se tenir de façon régulière jusqu’à nos jours. C’est un festival qui est essentiellement centré sur les cinémas d’Afrique. La particularité à Khourigba est que les activités concernent uniquement les projections de films, les discussions autour de ces films, les débats avec les critiques, les réalisateurs, les acteurs, les comédiens.

Il y a aussi des colloques sur différentes questions relatives au développement des industries du cinéma sur le continent africain, des ateliers et des masters class. Les activités sont concentrées essentiellement sur le cinéma à la différence d’autres festivals dans le monde comme le FESPACO où on a le marché du film, des activités culturelles, des conférences de partenaires, etc.

S : Un hommage vous a été rendu lors de la 22e du festival. Qu’est ce qui a milité en votre faveur ?

A.S.: L’une des spécificités de ce festival est qu’à chaque édition, les organisateurs choisissent de rendre hommage à deux personnalités du cinéma et des cinémas d’Afrique. Et pour cette édition, ils ont choisi d’abord de rendre hommage à titre posthume au créateur du festival, feu Nonli Youssef. Ainsi, comme à l’accoutumée, ils ont choisi deux personnalités du cinéma pour leur rendre hommage.

Et, ces deux personnalités, c’est Mohamed Souabi du Maroc qui est un comédien qui a marqué et qui continue de marquer la cinématographie marocaine. Et, la deuxième, c’était ma modeste personne pour l’ensemble des services rendus à tous les cinémas d’Afrique à travers ma carrière. C’est donc un hommage rendu à un travail, à une carrière. C’est avec beaucoup d’humilité que j’ai reçu le trophée.

C’est un trophée d’honneur, un signe d’honneur fait à des personnalités qui ont marqué les industries du cinéma de ce continent. Ce n’est pas un prix accompagné d’une enveloppe financière. C’est véritablement pour rendre hommage à un travail qui a été effectué et puis encourager l’ensemble des professionnels à se donner davantage pour que demain, des industries puissent se développer dans tous les pays du continent. Donc, c’est pour montrer l’exemple et susciter des vocations, encourager ceux qui travaillent dans le domaine du cinéma.

S : Comment occupez-vous votre retraite ?

A.S. : Dans le domaine de la culture, je pense qu’il n’y a pas de retraite, particulièrement dans le cinéma. Je ne peux pas dire que je suis à la retraite pendant que mon cher ainé Gaston Kaboré est encore en train de travailler. Je ne peux pas dire que je suis à la retraite pendant que Kolo Sanou mon grand frère est aussi toujours en train de travailler.

Donc, il y a de nombreux cinéastes, professionnels du cinéma qui sont plus âgés que moi comme Baseck Ba Kodio, directeur du festival Ecran noir de Yaoundé qui continue d’organiser son festival. En tant que petit frère des aînés, je ne peux pas dire que je suis à la retraite. Je suis parti à la retraite administrative. C’est normal, j’avais un contrat avec l’Etat du Burkina qui a aussi ses lois.

Donc j’ai atteint le nombre d’âges conformément aux textes. Mais, je suis toujours actif en tant que professionnel du cinéma. Quand Sembène Ousmane tournait son dernier film Moolaadé, je crois qu’il avait déjà dépassé 80 ans. Nous suivons un peu les pas de ces aînés. Tant qu’on aura un souffle de vie, une once de santé, on sera toujours disponible pour faire avancer les choses.

En ce qui concerne mes autres occupations actuelles, je suis consultant en communication, en cinéma audiovisuel. Parce que j’ai eu la chance d’avoir des formations à la fois en communication et en cinéma. Je suis disponible partout où on m’appelle surtout pour accompagner les jeunes par rapport à différents projets et puis aussi accompagner certains festivals qui me sollicitent pour la programmation ou pour des conseils.

J’ai déjà fait des déplacements, notamment au Togo pour donner des formations à des jeunes festivals sur le management des festivals, etc. Je continue à bosser, mais à mon rythme pour apporter ma petite pierre dans la construction des cinématographies du continent africain. En culture, il n’y a pas de retraite.

S: Quelle est la facette que vous auriez bien voulu améliorer au FESPACO dans son format actuel?

A.S. : J’ai travaillé au FESPACO pendant pratiquement 32 ans et demi. Nous avons hérité du FESPACO de nos aînés. Nous avons continué d’ajouter de la terre à la terre. Et, nous avons cédé le FESPACO à nos frères qui étaient d’ailleurs déjà dans le cinéma et qui travaillaient avec nous. Je pense que c’est une continuité.

Le FESPACO a toujours été une continuité. Lorsque vous allez au FESPACO, vous allez trouver des personnes de différentes générations qui y sont et travaillent ensemble. Ce qui facilite le passage de relais pour éviter de grandes secousses. Je pense que mon frère Moussa Alex Sawadogo (actuel délégué général du FESPACO) qui a pris le relais depuis 2020 s’inscrit dans la bonne ligne de la continuité, de la préservation du FESPACO. Il a apporté aussi des innovations très intéressantes.

Je pense que c’est ce qu’il faut et ce qui fait que les changements sont nécessaires. Il est important qu’il y ait un changement pour donner un souffle nouveau. Car, les générations changent, le cinéma aussi évolue. Aujourd’hui, le FESPACO doit s’adapter au nouvel environnement de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel qui a été fortement impactée avec l’avènement du numérique.

Il y a déjà une quinzaine d’années, les différentes innovations ont été apportées au FESPACO 2021 et gagneraient à être consolidées dans cette ère du numérique. Mais en faisant en sorte que la chaine ne se brise pas, car les innovations ne viennent pas pour casser un passé. L’actuel délégué général a bien compris cela. Il s’est inscrit dans une dynamique en capitalisant les acquis. Il est sur la bonne voie s’il bénéficie de l’accompagnement de tous les acteurs.

S : Peut-on dire que le FESPACO à des lendemains meilleurs ?

A.S. : Le FESPACO est à l’image des cinématographies africaines. Il est le reflet des cinémas d’Afrique. Voyez-vous, tous les deux ans, on vient tâter le pouls des cinémas d’Afrique à Ouagadougou pour voir où nous en sommes. Le FESPACO est le baromètre du cinéma africain. A chaque édition, le FESPACO ressemble à la situation des cinémas d’Afrique au moment où, il se déroule.

Le FESPACO a un rôle important de faire le point et d’attirer l’attention des professionnels du cinéma d’Afrique. C’est cela qui motive chaque deux ans le choix des thèmes autour desquels se tiennent les différentes éditions qui invitent les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel à la réflexion. A un moment donné, au FESPACO, l’attention des uns et des autres a été attiré sur l’avènement du numérique.

Le numérique a apporté beaucoup de facilités. Nous sommes en train de mettre en place plusieurs programmes légers. C’est important parce qu’on a besoin du contenu pour alimenter des chaines de télévision, alimenter des plateformes, etc. Mais attention, qu’en est-il du rôle social des créateurs africains ?

C’est toute l’importance des thèmes des différentes éditions. Toute chose qui rappelle aux professionnels leur rôle social et aussi leur rôle par rapport à la transmission du patrimoine, la transmission des identités. Je pense que le FESPACO est dans la bonne voie. Le nouveau délégué général est venu tisser sa corde à l’ancienne corde et il est en train de poursuivre le travail.

S : Quel est l’avenir du cinéma dans une Afrique marquée par des crises sanitaire et sécuritaire ?

A.S. : Je dirais même quel est l’avenir du continent africain dans l’environnement actuel ? Le cinéaste est un créateur, un citoyen de la société. Donc, les créations de nos cinéastes sont teintées de l’environnement dans lequel ils vivent. Le cinéaste, le créateur, l’artiste, son rôle, c’est de rendre compte de sa société aujourd’hui et dans le passé et envisager l’avenir. Je n’ai pas de souci par rapport à l’avenir de l’industrie du cinéma d’Afrique.

Nous avons parcouru un chemin important depuis l’époque de Sembène Ousmane à aujourd’hui. L’objectif de départ était que les cinéastes puissent s’exprimer par rapport aux questions de la société. Le cinéma a évolué au niveau de tous les maillons du scénario, de la production, de la réalisation, de la diffusion et même du financement. Aujourd’hui avec le numérique, de nombreux jeunes s’expriment, sortent des films sans l’aide des bailleurs de fonds occidentaux et parfois même sans l’aide de leur gouvernement.

Si vous prenez le cas du Burkina Faso, plus d’une dizaine de films par an alimentent et font tourner l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel dans nos différentes salles de cinéma. C’est vrai que nous sommes nostalgiques des époques Idrissa Ouédraogo, Gaston Kaboré, Saint-Pierre Yaméogo pour nous faire monter les marches à Cannes, pour nous donner une visibilité à de grands festivals à travers le monde.

Cela va venir. C’est tout ce bouillonnement qui va permettre de créer un système avec des mécanismes pour qu’on puisse arriver à ces grands films. Le FESPACO a fait beaucoup en la matière. En 2013 à l’issue des discussions sur le rôle du public par rapport au développement de l’industrie cinématographique, les cinéastes ont rencontré le président du Faso d’alors qui a porté le message des cinéastes à l’Union africaine.

A la suite de l’appel de Ouagadougou, de nombreux mécanismes de financement ont été mis en place dans de nombreux pays, notamment au Sénégal, au Mali, en Côte d’Ivoire, etc. Quelque chose est donc en train de se faire, les lignes bougent même si ce n’est pas à un rythme souhaité. Au festival de Cannes, l’Afrique est fortement présente avec de nombreux films dans les grandes compétitions. C’est dire donc que l’Afrique est en train de se battre pour prendre sa place au sein de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel mondiale.

Interview réalisée par

Emmanuel BICABA
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